Texte intégral
PATRICK ROGER
Bonjour Sophie CLUZEL.
SOPHIE CLUZEL
Bonjour.
PATRICK ROGER
Rentrée des handicapés dont vous avez la charge, Grenelle des violences conjugales et surtout des femmes. Avant de répondre dans le détail, est-ce que vous n'avez pas l'impression que désormais, dans notre société, il faut des réponses tout de suite, en urgence ; il y a une pression, une accélération du temps ?
SOPHIE CLUZEL
Oui, il y a une accélération, mais de toute façon, il faut travailler sur le fond, c'est bien pour ça que cette rentrée scolaire, elle a été travaillée bien en amont avec les associations, avec tous les professionnels, avec les parents. Et c'est pour ça qu'avec le ministre de l'Education nationale, nous étions encore sur le terrain hier. Et je tiens à saluer l'implication des enseignants, des professionnels, c'est vraiment ce mouvement inédit de coopération qui fait que ça avance, vous imaginez, 430.000 élèves handicapés scolarisés cette année, c'est un triplement en moins de dix ans, c'est plus 23.500 élèves à la rentrée scolaire, c'est une vraie dynamique sur l'école inclusive.
PATRICK ROGER
Alors, évidemment, les associations, et notamment certaines, comme le Citoyen Collectif, Citoyen Handicap, disent qu'il y a encore beaucoup d'enfants, plusieurs milliers, 20.000 à peu près, qui ne disposent pas d'AVS, les Assistants de Vie Scolaire. C'est vrai ou pas, qu'est-ce que vous leur répondez ?
SOPHIE CLUZEL
On n'a pas d'objectivation sur les chiffres, moi, ce dont je voudrais de parler, je voudrais surtout dire que ce mouvement, il montre plus 23.000 élèves handicapés à l'école, alors bien sûr qu'il y a des ajustements, je ne le nie pas, mais c'est normal, c'est une telle dynamique, vous imaginez, nous avons dû recruter 4.500 accompagnants de plus encore cette année, que nous avons essayé d'anticiper en termes de recrutement, mais je ne nie pas qu'il y a encore des ajustements à faire. Et ce que je dis aux familles, s'il y a encore des doutes, s'il y a encore des ajustements, la seule façon de les résoudre, c'est d'appeler la cellule départementale, localement, il y a un numéro, parce que c'est comme ça qu'on résoudra cause concrètement les problématiques encore des familles.
PATRICK ROGER
A propos de département, alors dans la Drôme, il y a une association qui retient l'attention, parce qu'elle dit toujours qu'il y a plus de 240 enfants, je crois, qui sont privés de rentrée.
SOPHIE CLUZEL
Eh bien, écoutez, merci de me permettre de préciser les choses, quand cette association a fait état de ce chiffre, j'ai demandé tout de suite aux services de l'Etat de vérifier, et c'est pour ça que je vous dis qu'elle ne correspond à rien cette liste. Je vais vous donner les chiffres très précis…
PATRICK ROGER
Mais ils n'inventent pas les choses quand même, si ?
SOPHIE CLUZEL
Je vais vous donner les chiffres très précis. Je vais vous donner les chiffres, sur ces 240 enfants, 141 ont une solution de scolarisation ou sont déjà dans un autre établissement médico-social qui n'est pas géré par cette association, 17 ne sont plus en âge scolaire, 75 sont inconnus, ils ont déménagé, et 7 sont en solution qui sont temporaires, moi, je dis aux familles : ces 7-là, eh bien, nous allons travailler pour améliorer, et j'irai dans la Drôme dans 15 jours, dans 3 semaines pour rencontrer les familles…
PATRICK ROGER
Alors, quel est le but de cette association selon vous, quoi, parce que c'est vrai qu'on entend…
SOPHIE CLUZEL
Je pense que c'est des interpellations médiatiques pour peut-être obtenir plus de moyens, mais moi, ce qui m'importe, c'est que pour moi, cette polémique, elle est close, j'ai répondu à l'association, moi, ce qui m'importe, c'est de pouvoir travailler avec les associations, régler encore les ajustements, les dysfonctionnements, parce que je ne nie pas qu'il y en a encore. Et c'est normal compte tenu de cette dynamique, imaginez-vous, cette dynamique de l'école, que l'on a mise en place, plus de 60.000 écoles 2,5 % d'élèves, donc ça veut dire qu'il y a presque un élève par classe aujourd'hui scolarisé en situation de handicap…
PATRICK ROGER
Sophie CLUZEL, c'est une parenthèse, mais est-ce que vous avez l'impression qu'il y a, dans ce domaine des handicapés, comme dans beaucoup d'autres secteurs, y compris les violences aux femmes, des associations qui font un peu leur beurre, pardon pour l'expression, sur la misère et sur le malheur des autres ?
SOPHIE CLUZEL
Non, moi, je dis qu'il y a des associations militantes, des associations de familles, et moi, je suis la ministre des Personnes handicapées, des familles, c'est ça qui m'importe, qui sont dans leur rôle d'alerte, mais moi, ce que je veux, c'est que ça soit une alerte constructive, parce qu'elles sont aussi en responsabilité, ces associations gestionnaires, on est coresponsable, et c'est bien ce que j'ai vu sur le terrain, ça marche parce que tout le monde travaille ensemble, c'est bien ça l'important. Et je voudrais dire aux familles qu'il y a des grandes avancées, plus aucun accompagnant recruté en contrat aidé, on stabilise les professionnels, on les forme. Il n'y aura plus de rupture d'accompagnement, on travaille sur une qualité de scolarisation, ça, c'est extrêmement nouveau. Donc rassurons les familles, et surtout si elles ont des inquiétudes, cellule départementale, c'est comme ça qu'on résoudra les problèmes encore d'ajustement de la rentrée…
PATRICK ROGER
Alors pourquoi certains décident de porter ou hésitent à porter plainte contre l'Etat pour carence de prise en charge, il y a par exemple l'acteur Samuel Le BIHAN, qui sera l'invité de Valérie EXPERT, je crois demain, il dit qu'il a beaucoup de difficultés, lui aussi, à scolariser sa fille qui est autiste, quoi.
SOPHIE CLUZEL
Alors Samuel Le BIHAN, je le connais bien, parce qu'on travaille ensemble, il fait de beaucoup de travail sur les associations d'autisme, Samuel Le BIHAN, il a un métier où il bouge tout le temps, donc à chaque fois, il faut réajuster, sa fille le suit dans ses déplacements, donc à chaque fois, il faut réajuster les services de l'Etat, mais ça me permet quand même de vous expliquer…
PATRICK ROGER
Ce que vous voulez dire, c'est que d'une façon générale, partout, eh bien, oui, il faut réajuster parce qu'il n'y a pas des écoles qui peuvent accueillir partout qui sont équipées déjà, si ?
SOPHIE CLUZEL
Eh bien, elles sont équipées…
PATRICK ROGER
Enfin, équipées, enfin, je veux dire avec du personnel qui peut aller sur place…
SOPHIE CLUZEL
Les besoins spécifiques des enfants sont spécifiques, donc à chaque fois, c'est un petit projet sur-mesure qu'il faut faire. Mais, je voudrais dire quand même que chaque fois qu'un parent a soin d'un accompagnement, il est obligé tous les ans d'aller à la Maison départementale des personnes handicapées pour dire : j'ai encore besoin d'un accompagnant cette année. C'est fini. Parce que ce qui m'importe, c'est de simplifier les…
PATRICK ROGER
C'est automatique alors, comment ça fonctionne ?
SOPHIE CLUZEL
Non, ça sera valable pour un cycle scolaire, c'est du gagnant-gagnant, ça permet à l'Education nationale justement de s'organiser au mieux, et surtout, ça soulage les familles administrativement, les familles vivent encore un parcours du combattant, et moi, je suis là pour leur simplifier la vie, et c'est en cours.
PATRICK ROGER
Aujourd'hui, se tient le premier Grenelle des violences conjugales mené par Marlène SCHIAPPA, qui promet des annonces fortes, les associations, là aussi, réclament beaucoup de moyens, jusqu'à un milliard, certaines, vous, vous allez y participer aussi, parce que, on en parle peu, c'est souvent tabou, mais il y a des femmes handicapées qui sont les premières victimes de ces violences conjugales ; est-ce que vous avez des chiffres précis ?
SOPHIE CLUZEL
C'est un vrai tabou dans notre société, il y a une chape de plomb, eh bien, il y a un rapport de l'ONU de 2016 qui fait état que quatre femmes en situation de handicap sur cinq – quatre sur cinq – subissent des violences, donc c'est double peine quand on est femme handicapée, femme et handicapée, c'est double peine, c'est double discrimination, donc il y a un énorme travail…
PATRICK ROGER
Violences de la part de leur compagnon ?
SOPHIE CLUZEL
De leur compagnon ou de leur cellule familiale.
PATRICK ROGER
De la cellule familiale, oui.
SOPHIE CLUZEL
Donc, il y a une double peine, donc il faut absolument qu'on porte la parole de ces femmes. Ce matin, je serai justement avec Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir. Je serai en visite dans un établissement pour travailler sur la prévention, la prévention, l'éducation à la vie sexuelle, affective, il faut qu'on lève ce tabou, il faut qu'on en parle, et il faut qu'on agisse, et donc c'est bien l'intérêt de ce Grenelle sur les femmes en situation de handicap, je serai présente et active à ce…
PATRICK ROGER
Oui, alors, vous avez donné des chiffres au niveau mondial, cette estimation, en France, on a d'autres chiffres ?
SOPHIE CLUZEL
On a très peu de chiffres, parce que, encore une fois, c'est un tabou, donc il n'y a pas de dépôt de la parole de la femme, elle n'est pas entendue et elle n'ose pas, parce que c'est double peine, son corps est parfois brisé, il n'est pas un objet de désir, il est objet parfois de manipulations, donc il faut absolument qu'on dise à ces femmes : osez parler et qu'on les accompagne. Et puis, on a aussi des femmes qui n'ont pas la parole quand il y a un trouble de la communication, quand il y a des problèmes d'autisme, quand il y a des problèmes de dysphasie, d'aphasie et qu'il n'y a pas cette parole, eh bien, c'est encore double peine.
PATRICK ROGER
Est-ce qu'il y a aussi des hommes qui sont concernés ?
SOPHIE CLUZEL
Oui, oui, oui, il y a des hommes, mais les violences sur…
PATRICK ROGER
Victimes aussi de violences, les hommes, notamment…
SOPHIE CLUZEL
Les violences sur les personnes fragilisées, c'est partout…
PATRICK ROGER
Je parle en fait des personnes fragilisées, quoi, bien sûr…
SOPHIE CLUZEL
Bien sûr, exactement, il y a de la violence partout sur les personnes fragilisées. Donc il faut qu'on soit extrêmement vigilant à pouvoir les écouter.
PATRICK ROGER
Oui, alors, on demande beaucoup de moyens, et pourtant, eh bien, il y en a certains qui disent que, finalement, il existe quand même déjà des moyens, qu'il s'agirait d'appliquer, là, je parle d'une façon générale, pour les violences faites aux femmes, que si on appliquait le dispositif qui existe, on pourrait en tout cas améliorer les choses.
SOPHIE CLUZEL
Je pense que c'est un problème de communication et d'information, le maître mot dans notre dans notre société, c'est l'information, on voit bien que les personnes, elles errent de guichet en guichet, et parfois, qu'elles ne trouvent pas la bonne information, c'est bien pour ça qu'il y a ce numéro 39 19 pour recueillir cette parole et pour pouvoir informer correctement tout le monde, y compris les femmes handicapées et les personnes handicapées sur la violence…
PATRICK ROGER
Oui, à propos de l'école alors, La Marseillaise et les drapeaux doivent rentrer dans les classes, vous, vous y êtes favorable ?
SOPHIE CLUZEL
Eh bien, de toute façon, c'est un engagement dans la loi Ecole de la confiance, c'est ce mot confiance, c'est ce mot respect, c'est ce mot de tolérance, je pense que ce sont des vecteurs justement d'appui à cette tolérance, à cette bienveillance. Et puis, si vous me permettez, je voudrais faire un appel à tous les parents qui n'ont pas d'enfant handicapé, quand vous avez un enfant handicapé dans la classe de votre enfant, n'ayez pas peur, c'est comme ça que l'on va travailler sur cette acceptation de la différence, c'est du gagnant-gagnant. Les adaptations…
PATRICK ROGER
Il y a une défiance, vous voulez dire, c'est ça, des parents…
SOPHIE CLUZEL
Mais bien sûr, bien sûr, c'est culturel…
PATRICK ROGER
Bien sûr, qui se disent : il va retarder les cours, la classe…
SOPHIE CLUZEL
Exactement. Eh bien, au contraire, il va y avoir des adaptations pédagogiques, et toute la classe va en profiter. Il va y avoir du mobilier, il va y avoir du matériel, il va y avoir des accompagnants, il va y avoir des professionnels qui seront autour de 7 enfants, et tout le monde va en profiter, c'est du gagnant-gagnant cette école inclusive. Et dernier point, je voudrais aussi parler…
PATRICK ROGER
Et les enfants, et ils doivent sensibiliser les enfants aussi dans la cour de l'école…
SOPHIE CLUZEL
Et les enfants n'ont pas de tabou envers les uns et les autres. Et donc c'est comme ça qu'on construit notre société de demain. Et ces enfants handicapés, où qu'ils soient, je suis leur ministre, je voudrais le redire, et par exemple, les enfants qui ont un polyhandicap, qui ont des besoins très complexes, qui ne sont pas à l'école, eh bien, aussi, ils ont besoin de scolarisation, aussi, ils ont besoin d'éducation, et j'irai dans un établissement polyhandicapé justement pour leur dire haut et fort que nous faisons attention à tous les enfants de la République.
PATRICK ROGER
Sophie CLUZEL, le mot de la fin avec Cécile de MENIBUS.
CECILE DE MENIBUS
Vous parliez de la sexualité, c'est un sujet assez sensible chez les handicapés, et c'est vrai que l'accès à la vie affective et sexuelle est important pour eux, est-ce que – c'est une question compliquée – mais est-ce qu'on pourra imaginer demain un nouveau métier pour aider ces hommes et ces femmes à avoir accès à la sexualité sans passer par la prostitution forcément ?
SOPHIE CLUZEL
C'est un sujet sur lequel on travaille, et je pense que ça passe d'abord par de l'éducation, nous travaillons avec les associations justement qui sont gestionnaires d'établissements médico-sociaux pour voir comment informer, pour pouvoir accompagner les désirs et les besoins des personnes, c'est un vrai sujet sur lequel il faut qu'on travaille, il n'y a pas de tabou, moi, je dis qu'il n'y a pas de tabou…
CECILE DE MENIBUS
Et ça veut dire que ça peut être un nouveau métier ?
SOPHIE CLUZEL
Ce n'est pas encore dans… je ne vais pas vous dire que c'est en en cours d'être… parce que tout le monde s'interroge sur comment le faire, comment accompagner les professionnels, mais il faut qu'on en parle, et ça permet de lever justement ces questions, mais tout passe d'abord par, là, les jeunes, comment leur apprendre à ce qu'ils ont droit, à une vie d'éducation sexuelle, une vie affective aussi, c'est très important. Donc on a des gros enjeux avec les associations de travail de coopération. Et c'est comme ça qu'on réussira ensemble.
PATRICK ROGER
Sophie CLUZEL, c'est la rentrée aussi politique, d'un mot, on annonce un prochain remaniement, vous, vous resterez à votre poste ?
SOPHIE CLUZEL
Moi, j'ai beaucoup de choses à faire encore, ça, c'est le président qui décidera, mais nous aurons la conférence…
PATRICK ROGER
Mais vous êtes disponible aussi pour un autre poste, potentiellement…
SOPHIE CLUZEL
Nous aurons bientôt la conférence nationale du handicap qui mobilise toutes les troupes et l'ensemble du gouvernement, puisque c'est le Premier ministre qui porte mon secrétariat d'Etat, je suis rattachée auprès du Premier ministre, encore beaucoup, beaucoup de choses à faire. Donc nous verrons…
PATRICK ROGER
Vous vous attendez à un remaniement bientôt, non ?
SOPHIE CLUZEL
Oh, non, je pense qu'il y aura des ajustements, le président de la République l'a dit…
PATRICK ROGER
Ministre des retraites…
SOPHIE CLUZEL
Oui, et puis, les transports aussi, puisque Elisabeth BORNE a un énorme ministère, donc voilà.
PATRICK ROGER
Merci. Sophie CLUZEL, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargée des Personnes handicapées, était l'invitée ce matin de Sud Radio.
SOPHIE CLUZEL
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2019