Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France Inter le 4 février 2020, sur le congé de deuil pour un enfant, les écoles hors contrat et l'affaire Mila.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Gabriel Attal - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Média : France Inter

Texte intégral

LEA SALAME
Bonjour à vous Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

LEA SALAME
Merci d'être avec nous ce matin. Vous êtes le benjamin du gouvernement en charge des questions de la jeunesse, Gabriel ATTAL, êtes-vous Mila ?

GABRIEL ATTAL
Moi je doute beaucoup de mouvement dans lequel on est maintenant où il faut dire « je suis untel », « je suis untel. » Ce qui est certain c'est que je trouve absolument inadmissible et insupportable les menaces dont elle fait l'objet, le harcèlement en meutes, l'appel à la mort, l'appel au viol, on doit pouvoir tout dire en France, dans le respect de la loi, sans être embêté comme ça, et c'est absolument inadmissible.

LEA SALAME
Insultée et menacée de mort pour avoir insulté l'Islam sur les réseaux sociaux, Mila, 16 ans, ne peut pas retourner dans son lycée parce que la situation ne le permet pas, affirme l'académie de Grenoble, est-ce que le ministère de l'Education va faire quelque chose pour elle ?

GABRIEL ATTAL
Oui, ce que je peux vous dire c'est qu'évidemment on est en lien étroit avec elle, avec sa famille, via nos services, pour lui trouver un nouvel établissement scolaire, c'est très compliqué parce que sa vidéo a été beaucoup relayée, que son visage est connu et qu'il faut évidemment garantir sa sécurité, évidemment dans l'établissement, mais y compris aux abords de l'établissement s'il y a connaissance de l'endroit où elle est scolarisée. Donc, c'est difficile, et je pense que…

LEA SALAME
C'est difficile parce qu'il y a plein de directeurs d'établissement qui disent « on ne veut pas qu'elle vienne chez nous, c'est trop dangereux » ?

GABRIEL ATTAL
Non, non, ce n'est pas tant ça, il faut juste être certain que sa sécurité est garantie, et donc si on veut que ça fonctionne je pense que le moins on en dit sur ce qu'on est en train de faire, le mieux c'est.

LEA SALAME
Là elle retournera quant au lycée ?

GABRIEL ATTAL
Je ne peux pas vous le dire immédiatement, on est en train de regarder ça avec elle et sa famille.

LEA SALAME
Et en attendant elle fait quoi, des cours particuliers à la maison, qu'est-ce qui se passe pour elle, vous savez ?

GABRIEL ATTAL
Je pense qu'elle suit du mieux qu'elle peut depuis chez elle, mais l'objectif c'est évidemment pas que cette situation dure très longtemps, j'ai entendu qu'elle s'était exprimée hier soir sur une télévision et qu'elle disait elle-même qu'elle avait le sentiment que sa vie était en pause et qu'elle souhaitait reprendre sa vie le plus rapidement possible, et évidemment c'est ce qu'on lui souhaite.

LEA SALAME
Ségolène ROYAL refuse, je cite, « d'ériger une adolescente qui a manqué de respect à la religion, un parangon de la liberté d'expression. »

GABRIEL ATTAL
Moi je pense que toute parole qui revient à remettre en question, remettre en doute sa responsabilité, ses paroles, alimente ce que j'ai pu lire sur les réseaux sociaux, ce que j'ai pu entendre, qui est finalement un discours qui consiste à dire « elle l'a bien cherché », et ça, je trouve ça absolument insupportable, donc je pense qu'il faut être d'une clarté absolue, et en tout cas je le suis chez vous ce matin.

LEA SALAME
Emmanuel MACRON doit annoncer dans quelques jours des mesures fortes pour lutter contre le communautarisme, les sénateurs de droit ont dégainé dès hier, ils proposent de modifier la Constitution en rajoutant à l'article 1er de la Constitution la phrase suivante : nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune. Ils veulent aussi inscrire que les partis politiques doivent respecter la laïcité pour empêcher, selon eux, tout financement de partis communautaristes. Ces idées-là vont-elles dans le bon sens ?

GABRIEL ATTAL
Moi je pense que tout ce qui permet de lutter contre ce qu'on appelle le repli communautaire, sur le fait qu'on voit aujourd'hui, dans certains quartiers, un projet politique qui vise à faire sécession avec la République, vont dans le bon sens, et qu'il faut regarder toutes les propositions d'où qu'elles viennent, puisque je pense que c'est un sujet qui peut rassembler par-delà les clivages politiques, ce qu'il faut c'est que ce soit efficace.

LEA SALAME
Donc changer la Constitution, pourquoi pas.

GABRIEL ATTAL
Ce que je dis c'est que tout doit être regardé, toutes les propositions qui viennent de responsables politiques doivent être regardées, mais il faut que ce soit efficace, il ne faut pas juste se dire qu'on se fait plaisir en changeant la Constitution, l'important c'est que sur le terrain on voit une différence et qui se passe des choses, et c'est l'objet des mesures qu'annoncera le président de la République…

LEA SALAME
C'est ce que j'allais vous dire, ce sont les écoles sous contrat qui posent problème, c'est ça que vous allez annoncer, non ?

GABRIEL ATTAL
Il y a les écoles hors contrat…

LEA SALAME
Hors contrat, pardon.

GABRIEL ATTAL
Sur lesquelles on a annoncé déjà des choses, puisqu'il y a une proposition de loi au Sénat qui a été adoptée, qui nous permet maintenant de mieux les contrôler, de mieux les fermer, quand elles vont en dehors des valeurs de la République, on en a fermé un certain nombre, peut-être qu'il faut aller plus loin, c'est ce qu'on est en train de regarder. Moi je travaille sur la question du monde associatif, de la vie associative, je suis en charge des associations au gouvernement, et ce qu'on voit c'est que, dans ces territoires, qu'on appelle maintenant les quartiers de reconquête républicaine, qu'on a identifiés, il y a des associations qui sont un rempart pour la République, qui protègent la République. J'étais à Maubeuge vendredi dernier, j'ai vu une association qui s'appelle « Mots et Merveilles », qui donne des cours de français aux mamans issues de l'immigration, qui ne parlent pas français, qui leur donne des cours de français dans l'école de la République, où sont scolarisés leurs enfants, ce qui agit aussi sur la confiance entre les familles et l'école. Il y a aussi des associations…

LEA SALAME
Donc il ne faut pas leur sucrer l'aide, c'est ça… l'aide d'Etat ?

GABRIEL ATTAL
Non seulement il ne faut pas leur sucrer l'aide, comme vous dites…

LEA SALAME
Il faut même en rajouter.

GABRIEL ATTAL
Et puis on l'a d'ailleurs renforcée, puisqu'en l'occurrence j'ai vu des associations qui avaient bénéficié de nouveaux postes adultes-relais, on a créé 1000 avec Julien DENORMANDIE cette année, mais il faut sans doute regarder des bonnes pratiques qu'on peut essayer d'essaimer sur le territoire. Et après il y a des associations aussi, qui parfois, peut-être, participent au repli communautaire, et il faut aussi avoir un regard sur celles-là, et il faut aussi prendre des mesures pour mieux contrôler, mieux sanctionner ces situations.

LEA SALAME
Quelles mesures par exemple ?

GABRIEL ATTAL
On est en train de les construire par définition, et c'est le président de la République et le gouvernement qui annonceront ces mesures, mais sur l'identification de ces associations, le signalement et les mesures qu'on peut mettre en oeuvre pour entraver ce repli, il y a sans doute des mesures à prendre.

LEA SALAME
Gabriel ATTAL, la majorité a voté contre l'allongement du congé de deuil de 5 à 12 jours pour les parents qui ont perdu un enfant, suivant ainsi la recommandation du gouvernement, avant de reconnaître une erreur collective et de rétropédaler. Je ne vais pas vous demander si vous avez commis un couac, une bourde, une erreur politique ou de l'amateurisme, je ne vais pas vous demander ça ce matin, mais je vais vous demander simplement qu'est-ce qui se passe en ce moment dans la majorité, qu'est-ce qui cloche chez vous, on voudrait juste comprendre ?

GABRIEL ATTAL
D'ailleurs, vous ne me le demandez pas, mais je le dis, c'était une erreur, et on la reconnu, en l'occurrence une proposition de loi, d'origine parlementaire, qui propose de renforcer les droits des parents qui perdent leur enfant, des mesures qui sont des progrès, qui sont adoptées, qui étaient demandées par les associations, notamment la possibilité de se donner des RTT, des jours de congés, le fait de sanctuariser le deuil…

LEA SALAME
Pourquoi vous avez voté contre ?

GABRIEL ATTAL
Et puis il y a cette mesure qui est arrivée, le passage de 5 à 12 jours, et là les parlementaires, à la demande du gouvernement, qui a donné un avis défavorable à cette mesure, il faut le dire, ont voté contre parce que le gouvernement a estimé que cette mesure n'avait pas été suffisamment travaillée, qu'il fallait que ça soit la solidarité nationale qui la finance et qu'on allait la retravailler dans la navette parlementaire. C'était une erreur, une erreur d'appréciation politique, une erreur politique.

LEA SALAME
Oui, mais moi je voudrais comprendre, au-delà de, c'est bien de reconnaître ses erreurs, mais tous les députés de la République en marche qui ont voté contre, à l'origine vous avez été élus sur une promesse, une promesse d'humanisme, une promesse de bienveillance, de progressisme, c'était ça les slogans de la campagne d'Emmanuel MACRON, elle est où l'humanité là, en votant contre cette décision pour les parents qui ont perdu un enfant, même le MEDEF vous a fait la leçon en vous disant que vous manquez de cœur, qu'est-ce qui s'est passé ?

GABRIEL ATTAL
J'entends qu'il y a eu une erreur, et qu'elle est grave, et que les Français attendent mieux, et on va faire mieux, puisque le 3 mars on va enrichir cette proposition de loi au Sénat, on ira sans doute plus loin que ce qui était prévu au départ, il y a des questions qui se posent aujourd'hui, les députés la République en marche vont nous y aider. La mesure qui était proposée elle prévoyait que ça concernait les enfants jusqu'à 18 ans, est-ce qu'on considère qu'il faut que ça aille plus loin, quand vous avez 50 ans, que vous perdez votre enfant de 25 ans, on peut considérer aussi que vous avez droit à ces droits renforcés.

LEA SALAME
Mais plus largement, est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'il y a quelque chose qui flotte ? Il y a cette proposition de loi sur le congé de deuil pour les parents, il y a eu la semaine dernière la maladresse de Nicole BELLOUBET sur la liberté d'expression et sur Mila justement, vous avez le Conseil d'Etat qui vous a sanctionné à deux reprises très sévèrement sur la circulaire Castaner et sur la réforme des retraites, hier le Figaro, Guillaume TABARD titrait « Le Bateau ivre. » Qu'est-ce qui se passe ?

GABRIEL ATTAL
Non mais… enfin, c'est des sujets qui sont assez différents quand même. Le Conseil d'Etat il est là pour conseiller le gouvernement, il fait des observations sur les textes qu'on prévoit de prendre, alors parfois ça peut être assez dur et assez cash, ça a été le cas…

LEA SALAME
Ça l'a été, sur la circulaire Castaner ça a été violent.

GABRIEL ATTAL
Je veux dire, c'est de sujets différents. La question qui est posée…

LEA SALAME
Vous reconnaissez un flottement dans la manière de gouverner, dans la gouvernance, dans ce qui se passe aujourd'hui ?

GABRIEL ATTAL
Je ne vais pas… enfin, je fais aussi attention aux petits mots, aux petites phrases, qui ensuite sont montés en épingle, etc. Vous dire que c'est une séquence idéale, la réponse est non, évidemment, je ne vais pas vous faire la langue de bois en vous disant tout va bien dans le meilleur des mondes et c'est parfait. Je pense que ce qui est important c'est de regarder l'action globale du gouvernement, est-ce qu'on considère que ça va dans le bon sens ou pas. J'écoutais vos titres en venant à 7h30, l'apprentissage qui explose, il y a quelques jours on a vu que les chiffres du chômage ont baissé de 3 points, le chômage n'a jamais été aussi bas depuis 10 ans, donc moi je considère, et c'est aussi pour ça que je me bats, que ça va dans le bon sens. Est-ce que tout se passe bien, tous les jours, et est-ce qu'il n'y a pas parfois des loupés ou des erreurs ? Eh bien évidemment non, et l'important je pense que c'est d'en tirer les enseignements et d'essayer de faire mieux, et c'est ce qu'on fait au quotidien.

LEA SALAME
Merci Gabriel ATTAL, belle journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 février 2020