Interview de Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement, à Europe 1 le 13 janvier 2020, sur le dialogue entre le gouvernement et les syndicats à propos de la réforme des retraites.

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Intervenant(s) : 
  • Sibeth Ndiaye - Secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement

Média : Europe 1

Texte intégral

MATTHIEU BELLIARD
Bonjour Sibeth NDIAYE.

SIBETH NDIAYE
Bonjour.

MATTHIEU BELLIARD
Il faut savoir terminer une grève, disait hier soir le Premier ministre, on n'en est pas loin, sauf que la semaine s'annonce particulièrement tendue, l'intersyndicale a appelé à trois nouvelles journées de mobilisation à partir de demain. Il y a le collectif Inter-Hôpitaux qui organise une conférence de presse, il y a la BANQUE DE FRANCE qui se joint au mouvement. Et puis, une nouvelle journée de manifestation donc jeudi. On n'est vraiment pas loin d'une sortie de la grève, vous croyez ?

SIBETH NDIAYE
En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'il y a un bon compromis qui a été posé sur la table par le gouvernement et les organisations syndicales réformistes, ce qui, au fond, est important à comprendre, c'est que, aujourd'hui, il y a des forces dans ce pays politiques, syndicales qui croient dans un système de retraite qui soit universel, où tous les Français cotisent à une seule et unique caisse, où on ne nie pas certaines différences qui existent, mais un système universel. Ce système universel, il doit apporter plus de justice sociale, aujourd'hui, il y a des gens qui, en France, ont des petites retraites parce qu'ils ont des carrières qui sont hachées, heurtées, on y répond. Et puis, c'est un système qui est responsable, on ne dit pas aux gens qu'on va distribuer une pluie de mesures sociales, qui sont justifiées par ailleurs, sans jamais le financer. Et là, ce sur quoi on est d'accord avec les organisations syndicales réformistes, c'est qu'il faut s'interroger sur le financement…

MATTHIEU BELLIARD
Vous le soulignez bien, organisations syndicales réformistes, parce que je voyais dans les déclarations de ce week-end, d'Yves VEYRIER, qui dit : je ne suis pas complotiste, mais il y a des moments, je pourrais presque le devenir, beaucoup de communications étaient prêtes pour saluer le compromis, en qualifiant les syndicats réformistes d'acteurs de second rôle, Yves VEYRIER, Laurent BRUN, de la CGT Cheminots, opération de promotion mutuelle entre le gouvernement et la CFDT. Vous avez choisi vos alliés alors qu'il y a quand même beaucoup de syndicats, notamment parmi ceux qui étaient en grève, qui ne saluent pas du tout le retrait provisoire de l'âge pivot.

SIBETH NDIAYE
Mais moi, je suis forcée de constater que dans ce pays, il y a quand même des organisations syndicales qui sont dans la logique du "tout ou rien", c'est ou le dialogue social et le compromis, quand on vous dit : c'est retrait sinon rien. Eh bien, en fait, il n'y a pas de compromis possible. Parce qu'entre un gouvernement qui pense qu'il y a une réforme qui est importante à mener et des syndicats qui vous disent : eh bien, en fait, nous, on ne veut pas de réforme, on veut le statu quo, et on ne veut pas bouger, en fait, le compromis, c'est d'avancer, donc, nous, on a consenti à des avancées par rapport à ce qu'était notre position initiale, ça a été le cas de ceux qui parlent avec nous, la CFDT, la CFTC et l'UNSA. Et donc c'est comme ça qu'on construit de la démocratie sociale en France, la démocratie sociale, ce n'est pas de reprendre la position de FO ou de la CGT in extenso…

MATTHIEU BELLIARD
D'accord, le compromis, la négociation, le compromis. Alors, c'est vrai que c'est assez technique, mais je pense que les Français commencent à comprendre un peu ce que c'est que l'âge pivot, il est retiré, suspendu, retiré temporairement, et il faut trouver 12 milliards d'euros, 12 milliards d'économies pour 2027 sans baisser les pensions, sans hausser le coût du travail, quels sont les leviers, c'est une mesure d'âge, on n'a pas le choix…

SIBETH NDIAYE
Alors, d'abord, je veux préciser que ce n'est pas de 12 milliards d'économies, aujourd'hui, on sait qu'en 2027, on aura un trou, un déficit de 12 milliards d'euros, donc il faut faire en sorte d'éviter cette…

MATTHIEU BELLIARD
D'équilibrer…

SIBETH NDIAYE
D'équilibrer et d'éviter cette situation-là.

MATTHIEU BELLIARD
Et pour ça, il n'y a que le levier âge ?

SIBETH NDIAYE
Non, il n'y a pas que le levier d'âge. Nous, nous avons considéré depuis le début que pour mettre le régime à l'équilibre, c'était avec une mesure d'âge, en l'occurrence la mise en place d'un âge à partir duquel il y aurait un bonus et un malus, de manière progressive, qu'on aurait les meilleurs résultats, les organisations syndicales nous ont dit : vous nous mettez une épée de Damoclès, on ne peut pas discuter dans ces conditions, on l'a entendu, on le retire, il ne s'agit pas d'une histoire de retrait provisoire…

MATTHIEU BELLIARD
Oui, mais vous le retirez en disant chiche, en disant chiche, trouvez-nous une autre mesure, la réalité, c'est que tous les acteurs vous disent qu'il n'y a que l'âge…

SIBETH NDIAYE
Mais trouvez une autre mesure, mais attendez, quand on vous dit qu'il n'y a pas de hausse du coût du travail, que nous ne souhaitons pas de hausse du coût du travail parce qu'on pense que ça grève la compétitivité des entreprises ou le pouvoir d'achat des Français, on peut réfléchir à un fléchage différent des recettes. Je m'explique, aujourd'hui, quand vous avez des cotisations sociales sur votre salaire, employeur comme employé, elles sont affectées à différentes caisses dans la protection sociale française, on peut se dire que…

MATTHIEU BELLIARD
Oui, mais elles servent…

SIBETH NDIAYE
Elles servent à quelque chose, mais à des endroits où c'est un peu plus excédentaire qu'à d'autres, et donc on peut…

MATTHIEU BELLIARD
Mais par exemple ?

SIBETH NDIAYE
Alors, ça, ce n'est pas à moi de le déterminer…

MATTHIEU BELLIARD
Non, mais parce que je ne les ai pas en tête, lesquels sont excédentaires…

SIBETH NDIAYE
Il faut voir, il faut que les organisations…

MATTHIEU BELLIARD
Vous le savez, Madame NDIAYE, non, non, sincèrement. Non, j'arrête juste un instant, je n'ai pas en tête les caisses qui sont en excédentaires, vous en avez quelques-unes.

SIBETH NDIAYE
Il faut que les organisations syndicales nous disent quels choix elles veulent faire, où est-ce qu'on réaffecte en priorité des recettes par exemple, et ça, c'est à elles…

MATTHIEU BELLIARD
Quelles caisses de la Sécu sont excédentaires…

SIBETH NDIAYE
C'est à elles de le décider. Aujourd'hui, on a un panier de recettes qu'on affecte à des dépenses, et donc, il faut savoir ensemble…

MATTHIEU BELLIARD
Pour la protection sociale. Ça, je comprends, on n'augmente pas les cotisations, on ne renchérit pas le coût du travail, mais parmi les cotisations qui existent déjà, on les flèche ailleurs…

SIBETH NDIAYE
Exactement, ça peut être une solution…

MATTHIEU BELLIARD
On les met sur les retraites alors qu'elles étaient sur…

SIBETH NDIAYE
Alors, qu'elles étaient ailleurs. Et donc, il y a une autre solution aussi…

MATTHIEU BELLIARD
Les aides au logement ?

SIBETH NDIAYE
Nous, nous souhaitions, pas forcément…

MATTHIEU BELLIARD
Sibeth NDIAYE, j'ai une oreillette, les aides au logement ?

SIBETH NDIAYE
Nous ne souhaitions pas, nous, utiliser les réserves du système, ce qu'on appelle le fameux fonds de réserve, parce que, on estime que, au fond, c'est cramer de l'argent en une seule fois, parce qu'après, les réserves, elles n'existent plus, mais nous sommes prêts à examiner la possibilité de mobiliser ponctuellement les fonds de réserve, ça a déjà été fait par le passé, notamment sous la présidence de Nicolas SARKOZY, et donc nous considérons qu'il y a aujourd'hui un chemin, une voie de passage pour trouver des alternatives à l'âge pivot de 64 ans en 2027, et nous encourageons et nous souhaitons que dans cette conférence de financement ces alternatives-là soient trouvées.

MATTHIEU BELLIARD
Il y a trois mois, il y a trois mois pour les trouver. Gérard LARCHER était l'invité était l'invité du "Grand rendez-vous" hier, sur Europe 1, il n'y a plus de réforme, il ne va rester qu'un système à points, d'un système qui ne sera même pas universel dit-il, le compromis n'est pas l'abandon, et nous ne sommes pourtant pas loin de l'abandon. Vous avez fait des concessions aux policiers, aux gendarmes, aux surveillants pénitentiaires, aux douaniers, aux routiers, la liste est assez longue, il y a eu quelques évolutions, il n'y a plus de réforme, dit Gérard LARCHER.

SIBETH NDIAYE
Alors, ça, évidemment, que l'opposition s'oppose, ce n'est pas tellement une surprise, c'est peut-être plus une surprise de la part des Républicains qui ont été de ceux qui prônent des mesures extrêmement dures que, finalement, ils n'ont jamais mises en place eux-mêmes, mais soit, aujourd'hui, nous n'avons pas réalisé des concessions par rapport à ce qui est l'objectif du système universel, le système universel, ce n'est pas un système uniforme, c'est un système qui dit : quand vous êtes un militaire, on ne va pas vous demander de participer à l'opération Barkhane à 64 ans, ce n'est pas vrai. Et donc on aménage le système pour que ça corresponde à la dangerosité de votre métier, c'est le cas des pompiers, des policiers, des surveillants pénitentiaires, c'est aussi le sujet de la pénibilité, parce que vous avez des métiers où quand vous êtes un maçon, un carreleur, ce n'est pas la même chose de faire le job à 45 ans et de le faire à 55 ou à 60 ou à 64 ans. Donc on doit réfléchir à la manière dont à la fin d'une carrière professionnelle, peut-être même au milieu d'une carrière professionnelle, on vous fait évoluer pour que vous puissiez changer de métier et continuer à travailler dans de bonnes conditions.

MATTHIEU BELLIARD
Quelles caisses de la Sécu sont excédentaires, Sibeth NDIAYE ?

SIBETH NDIAYE
Ecoutez, moi, je ne vais pas faire au micro d'Europe 1 ce matin la négociation de la conférence de financement…

MATTHIEU BELLIARD
D'accord, est-ce que vous incitez nos auditeurs à aller regarder les comptes publics et à peut-être regarder de ce côté-là ?

SIBETH NDIAYE
Moi, je pense que c'est important de mettre sur la table de manière collective là où on peut mieux affecter les recettes, c'est aux organisations syndicales et patronales, qui ont évidemment leur importance dans la négociation qui va avoir lieu, de nous dire…

MATTHIEU BELLIARD
Et qui est dans trois mois…

SIBETH NDIAYE
Et de nous faire des propositions en la matière…

MATTHIEU BELLIARD
Sibeth NDIAYE, porte-parole du gouvernement, après ce week-end où les lignes ont bougé, très clairement, on va voir ce que ça donne, on est au début de la semaine. Merci Sibeth NDIAYE d'être passée par le studio d'Europe 1 en direct ce matin.

SIBETH NDIAYE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 janvier 2020