Texte intégral
LEA SALAME
Bonjour Sibeth NDIAYE.
SIBETH NDIAYE
Bonjour.
LEA SALAME
Merci d'être avec nous ce matin. 43ème jour de grève contre la réforme des retraites, les principaux ports de France sont bloqués, avec l'Opération ports morts, des écoles et des crèches sont encore fermées aujourd'hui. Que dites-vous aux grévistes qui nous écoutent ce matin ? Est-ce que vous dites, comme le Premier ministre hier, que la grève n'a que trop duré ?
SIBETH NDIAYE
Je pense que ça fait maintenant de très longues semaines que nos compatriotes, en particulier en Île-de-France, subissent les effets de cette grève. Je crois que dans le même temps, les syndicats réformistes comme le gouvernement, ont fait des pas les uns vers les autres, qu'il n'y a aujourd'hui au fond plus vraiment de raison que cette grève perdure, et évidemment, comme le Premier ministre, j'appelle à ce qu'elle puisse cesser et que nous puissions les uns et les autres retrouver une vie normale.
LEA SALAME
Les grévistes veulent continuer jusqu'au retrait du texte, vous leur dites qu'ils ne l'obtiendront pas ce retrait ?
SIBETH NDIAYE
Il n'y aura pas de retrait de ce texte, non pas parce que nous nous serions dans une position nous-mêmes jusqu'au-boutiste, mais simplement parce que si nous laissions le système tel qu'il est aujourd'hui, nous savons qu'il n'est pas pérenne, et donc c'est normal nécessaire, que nous faisions cette réforme, qui est une grande réforme de justice sociale.
LEA SALAME
Alors, vous dites "une grande réforme de justice sociale", ça c'est ce que vous affirmez depuis tous les jours quasiment, puisque vous êtes la porte-parole du gouvernement. Certes, Sibeth NDIAYE, les grévistes sont moins nombreux, mais selon un sondage Harris Interactif daté d'hier, 67 % des Français disent être inquiets de la future réforme par points, c'est-à-dire 7 Français sur 10, donc, qui ont peur d'y perdre, et ça ne fait qu'augmenter, c'est ça qui est préoccupant, ils sont plus nombreux qu'en janvier, plus nombreux qu'en décembre, et beaucoup plus nombreux qu'en septembre à ne pas faire confiance dans cette réforme à points. Pourquoi est-ce que vous n'arrivez pas à les rassurer ?
SIBETH NDIAYE
Je pense que, quand on parle de cette période de la vie qui est à la retraite, quand on quitte la vie active en quelque sorte, c'est de fait une période dans laquelle on a de l'anxiété, quand on y pense. Et aujourd'hui, force est de constater, et donc c'est aussi mon rôle à cette antenne d'essayer d'inverser la tendance, que nous n'avons pas encore su suffisamment convaincre nos compatriotes qu'il y avait beaucoup de gains à attendre en matière de justice, en matière d'équité à travers cette réforme. Il y a…
LEA SALAME
Mais c'est de pire en pire, plus vous vous exprimez à la télé, à la radio, etc., moins les Français sont convaincus.
SIBETH NDIAYE
Je constate que dans le même temps les Français restent toujours très convaincus qu'il faut supprimer les régimes spéciaux. Nous savons qu'en supprimant les régimes spéciaux, ce sont y a plusieurs milliards d'euros que nous pourrons réinjecter dans la solidarité et dans une nouvelle forme de distribution, à l'intérieur de l'ensemble de la population des retraités, et donc…
LEA SALAME
Ils ne sont que 40 dans cette étude HARRIS, ils ne sont que 44 % à vouloir la suppression des régimes spéciaux, c'est 3 points de moins qu'il y a un mois. Là aussi ça baisse.
SIBETH NDIAYE
Mais, je comprends parfaitement qu'il y ait des inquiétudes, parce que, quand on s'apprête à changer, à bouleverser de manière importante un système, oui il y a des inquiétudes. Mais quand on regarde de manière globale, et quand on n'est pas dans le feu d'un moment de mobilisation sociale, les Français considèrent globalement que c'est mieux si on a un système dans lequel tout le monde est dans la même caisse et dans lequel il n'y a pas de différence, si ce n'est des différences qui sont justifiées, soit parce que vous faites un métier qui est particulièrement difficile et pénible, et on mesure, pour tout le monde, de la même manière, la pénibilité, ou un métier qui est dangereux.
LEA SALAME
Sibeth NDIAYE, le placement préféré des Français va rapporter encore moins, le taux du Livret A va baisser de 0,75% à 0,5% en février, Bruno LE MAIRE l'a confirmé. C'est l'épargne des plus modestes que vous pénalisez-là, vous l'assumez ?
SIBETH NDIAYE
Alors, ce n'est pas tout à fait l'épargne des plus modestes le Livret A, puisque c'est plutôt le Livret populaire qui est l'épargne des plus modestes, et d'ailleurs nous avons souhaité renforcer l'accès à ce Livret populaire. Et donc, ce qu'il faut voir dans la période où on est, c'est au fond qu'est ce qui permet de faire en sorte, à la fois que les Français puissent épargner, mais que cette épargne soit aussi utile pour qu'elle puisse être investie dans des secteurs de l'économie où on a besoin en quelque sorte de boosté les choses, et donc le choix qui a été fait n'est pas un choix contre les classes populaires, bien au contraire, c'est un choix qui est fait en cohérence avec l'activité économique.
LEA SALAME
Benjamin GRIVEAUX a reconnu à ce micro lundi dernier, que les vidéos montrant un tir de LBD sur un manifestant à un mètre de distance, ou encore un policier qui fait un croche-pied à une femme, ça s'appelait des violences policières. Sibeth NDIAYE, récusez-vous toujours ce terme ?
SIBETH NDIAYE
Alors, je pense que c'est important dans un état de droit de bien comprendre les choses. Et dans un état de droit, vis-à-vis de ceux qui exercent une violence, qui est une violence légitime, il faut à la fois avoir de la confiance, de l'exigence. De la confiance, parce que dans un État de droit, ceux qui sont dépositaires d'une violence qui est légitime, qu'ils sont légitimes à exercer, ce sont les forces de l'ordre, parce que pour courir après les voleurs il faut bien qu'ils puissent disposer des moyens pour le faire. On doit aussi avoir beaucoup d'exigence à leur égard, parce que dès lors qu'une société vous confie une arme, vous devez savoir faire usage de cette arme, avec proportion, et dès lors que vous ne le faites pas avec proportion, eh bien on doit pouvoir vous punir. C'est exactement ce que pousse le gouvernement, et d'ailleurs le président de la République a demandé à ce que le ministre de l'Intérieur puisse faire des propositions pour aller plus loin en termes de déontologie.
LEA SALAME
Un tir de LBD à un mètre de distance, ça s'appelle une violence policière ou pas ?
SIBETH NDIAYE
Moi, je ne connais pas aujourd'hui les circonstances exactes dans lesquelles ces vidéos sont prises, on aura peut-être l'occasion de discuter de ce qu'est la nature de l'information…
LEA SALAME
Vous n'arrivez pas à le dire en fait.
SIBETH NDIAYE
Mais, je vous le dis, parce que moi je ne peux pas accepter, et j'ai en cela un petit désaccord, je ne peux pas accepter qu'on puisse dire qu'il il y a une violence, en quelque sorte une violence d'État, policière, qui serait organisée, et je ne crois pas qu'il y ait un policier…
LEA SALAME
Ce n'est pas ce qui est dit, c'est sur les actes.
SIBETH NDIAYE
Oui mais, au fond, de proche en proche, c'est ce qu'on finit par dire, et je ne pense pas qu'on puisse dire dans un État de droit, dans une démocratie qui est extrêmement solide, comme celle de notre pays, qu'il y a des violences policières comme s'il y avait, de manière générale de la part des forces de l'ordre, une attitude consistant à aller tabasser des manifestants systématiquement ou violenter des personnes sans raison. Quand il y a eu des fautes, elles sont systématiquement sanctionnées, et s'il y a de la part des Français une forme de défiance parce que les moyens de cette sanction, les enquêtes telles qu'elles sont menées, peuvent parfois laisser à penser que ce n'est pas fait avec un bon équilibre entre défense et entre guillemets accusation, évidemment qu'on doit faire des progrès, je le crois très profondément. Aucun crime n'est impliqué dans notre pays.
LEA SALAME
Le coup de gueule de Jean-Louis BORLOO hier au Sénat : la rénovation urbaine s'est totalement arrêtée, estime-t-il, elle n'a pas été réduite de 30%, elle n'a pas été divisée par deux, non non non, elle s'est totalement arrêtée. Jean-Louis BORLOO qui demande l'ouverture d'une enquête parlementaire. Vous lui répondez quoi ce matin ?
SIBETH NDIAYE
Alors, je suis, je l'avoue, assez étonnée des propos de Jean-Louis BORLOO, parce que moi je regarde les chiffres de l'Agence nationale de rénovation urbaine, il y a aujourd'hui 371 quartiers qui sont concernés par des projets qui vont permettre à l'ANRU d'injecter 9,5 milliards d'euros dans les années à venir. Je ne crois pas qu'on puisse dire que la rénovation urbaine se soit arrêtée. C'est sous ce gouvernement qu'on a multiplié par deux les crédits qui sont alloués à l'ANRU, qui sont passés de 5 à 10 milliards d'euros. Donc non, il n'y a pas un arrêt, on va avoir des dizaines de milliers de logements qui vont être rénovés, qui vont être construits…
LEA SALAME
Donc il dit des bêtises.
SIBETH NDIAYE
... d'équipements publics qui vont être construits. Après, que le Parlement, et c'est d'ailleurs le cas puisqu'il y a une mission d'information parlementaire, avec deux parlementaires, notamment Nadia HAI, qui va évaluer, contrôler le financement et l'utilisation des financements de l'ANRU, c'est tout à fait normal, mais je ne crois pas qu'on puisse dire, très loin de là, que l'ANRU et la rénovation urbaine ne fonctionnent pas dans notre pays.
LEA SALAME
A deux mois des municipales, l'opposition est vent debout contre la circulaire Castaner. Le ministre de l'Intérieur a changé les règles de comptage des élections municipales, c'est technique mais c'est important. Désormais, les villes de moins de 9 000 habitants ne seront pas comptabilisées dans les résultats nationaux, c'est-à-dire 96 % des communes françaises. L'opposition vous accuse de faire un tour de passe-passe pour camoufler d'éventuels mauvais résultats de la République en Marche. Gérard LARCHER, le président du Sénat, estime que cette circulaire n'est pas conforme aux valeurs démocratiques. Est-ce que vous êtes en train de faire un déni de démocratie ?
SIBETH NDIAYE
Alors, non, pas du tout. D'abord je ne suis pas tout à fait d'accord sur l'interprétation de cette circulaire. Il faut se souvenir que pendant très longtemps, les élus des petites villes, donc les villes de moins de 9 000 habitants, ont revendiqué le fait que l'attribution qui leur était faite d'une étiquette politique, et ça n'est pas une étiquette partisane, c'est pas "vous êtes PS" alors que vous n'avez rien demandé, c'est "on dit vous êtes divers droite où vous êtes divers gauche". Et ça permet, c'est une forme de gestion statistique qui permet de voir en longues traînes quelles sont les tendances politiques en France.
LEA SALAME
Ce n'est pas une manipulation, c'est ça que vous dites.
SIBETH NDIAYE
Ce n'est pas du tout une manipulation, il y a beaucoup de petits maires, pardon, de maires de petites villes en France, qui réclamaient de ne pas se voir accoler une étiquette partisane, notamment parce qu'il y a beaucoup de listes au niveau local, qui sont des listes de rassemblement où on panache des sensibilités politiques différentes, et donc il n'y a aucune manipulation, en aucune manière, sur ce sujet-là.
LEA SALAME
Deux questions pour finir, rapidement. Ségolène ROYAL, elle est u licenciée quand ? Le 24 janvier prochain, en Conseil des ministres ?
SIBETH NDIAYE
Alors, dans la situation actuelle, moi j'ai une grande déception vis-à-vis de Ségolène ROYAL, parce que c'est une femme, une grande femme d'État, c'est une femme qui a concouru à l'élection présidentielle dans notre pays, et qu'elle ignore la différence entre faire de la politique et faire de la diplomatie, qu'elle méconnaisse ce qu'est la neutralité de la Fonction publique, je crois que c'est parfaitement inacceptable. Je le regrette, même si j'ai beaucoup d'admiration pour son parcours politique.
LEA SALAME
Vous savez que Michel ROCARD, qui était à sa place, Ambassadeur des pôles, ne se gênait pas pour critiquer la politique de Nicolas SARKOZY, il avait même des mots très forts contre la politique sécuritaire de Nicolas SARKOZY à l'époque, en disant que c'était quasiment Vichy. Il n'a pas été viré.
SIBETH NDIAYE
Et moi je crois que de la même marnière, qu'en fait il faut qu'on ait dans l'État une forme de respect vis-à-vis de codes déontologiques, et donc oui, un ambassadeur au Moyen-Orient ne donne pas un avis contraire à ce qu'est la position de la France sur les conflits Moyen-orientaux.
LEA SALAME
Allez, toute dernière question en une seconde. Emmanuel MACRON a réaffirmé hier lors de ses voeux à la Presse, vouloir une forme de régulation des médias pour lutter contre les fausses informations, en défendant le nouveau code de déontologie, le nouveau Conseil de déontologie des médias. Comment vous définissez la vérité Sibeth NDIAYE ?
SIBETH NDIAYE
C'est toujours évidemment très difficile à définir, mais je crois qu'il faut regarder au fond d'où on part. De tout temps des rumeurs ont existé et de tout temps elles se sont propagées. Ce qui a beaucoup changé c'est qu'on a des réseaux sociaux, on a donc des vitesses de propagation, des capacités de manipulation de la vérité qui sont importantes. Soit on reste assis sur la commode, en regardant les choses, soit on agit, moi je préfère l'action.
LEA SALAME
Sibeth NDIAYE était notre invitée, on est très en retard. Merci, belle journée.
SIBETH NDIAYE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 janvier 2020