Interview de Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, à LCI le 6 février 2020, sur la réforme des retraites concernant les avocats, la critique de la religion et les violences sexuelles dans le monde sportif.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELISABETH MARTICHOUX
Bonjour Nicole BELLOUBET.

NICOLE BELLOUBET
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être ce matin sur LCI. Vous avez envoyé hier soir une lettre aux représentants des avocats pour tenter de sortir du conflit qui vous oppose à la profession, vous allez nous préciser le contenu de cette lettre dans un instant, mais d'abord plus de 4 semaines de grève, des robes d'avocats qui ont été jetées notamment à vos pieds, des procès retardés par dizaines parfois des palais de justice embolisés par la grève, ils se sentent maltraités, Madame BELLOUBET, est-ce que vous les comprenez ?

NICOLE BELLOUBET
Je peux comprendre que certains cabinets d'avocats, notamment les plus fragiles économiquement aient des craintes du fait des interrogations qu'ils peuvent avoir sur l'application du système universel de retraite, je peux l'entendre et nous sommes là pour montrer que ces craintes n'ont pas lieu d'être, c'est l'objet de la lettre d'hier soir. Mais si je peux entendre cela, je voudrais dire que les difficultés qui naissent de ce mouvement et d'un certain nombre d'actions, les difficultés qui sont posées aux juridictions dans certains cas ne sont pas, sont extrêmement complexes et il y a des gestes qui ne sont pas admissibles.

ELIZABETH MARTICHOUX
Lesquels ?

NICOLE BELLOUBET
Quand il y a des blocages à répétition, des avocats qui se présentent à 15 ou 20 pour faire des plaidoiries, tout cela paralyse le fonctionnement de la justice, donc des juridictions mais aussi des citoyens, des justiciables. Donc il faut absolument que nous trouvions ensemble cette solution.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui c'est un moyen de se faire entendre parce que par ailleurs Madame BELLOUBET, ça fait des semaines que les avocats protestent, c'est seulement maintenant que vous les entendez ?

NICOLE BELLOUBET
Ah non, non ça je ne peux pas laisser dire cela. Nous avons reçu à plusieurs reprises dès le mois de septembre les représentants des avocats. Nous avons eu des discussions. Nous avons présenté les principes du système. Non, c'est très important.

ELIZABETH MARTICHOUX
On a le sentiment que les négociations avec des propositions précises commencent maintenant.

NICOLE BELLOUBET
Parc que Madame MARTCHOUX, les représentants des avocats jusqu'à présent, avaient une position principielle qui était le refus d'entrer dans le système universel des retraites.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça n'est pas une option de les laisser…

NICOLE BELLOUBET
Non ça n'est pas une option parce qu'il n'y a pas de système universel s'il y a des gens qui restent en dehors et donc comme c'est un système qui est plus juste, plus équitable, plus efficace, pour garantir les retraites dans la pérennité nous souhaitons pour eux-mêmes que les avocats l'intègrent.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui mais pour eux-mêmes, pardon la situation, ils nous l'ont beaucoup dit et c'est factuel, ils ont un régime autonome qui fonctionne parfaitement, qui ne coûte rien à la collectivité et qui au contraire profite à la collectivité, puisqu'ils reversent entre 80 et 100 millions au régime général.

NICOLE BELLOUBET
Madame MARTICHOUX, c'est vrai aujourd'hui les projections démographiques sur lesquelles nous ne sommes pas d'ailleurs toujours d'accord, il faut le reconnaître, mais enfin les projections démographiques montrent que dans le futur, il y aurait des difficultés et c'est la raison pour laquelle nous pensons que le système universel est plus pérenne dans l'assurance qu'il met en place.

ELIZABETH MARTICHOUX
Eux disent qu'ils sont autonomes jusqu'en 2070, que leur système est assuré tel quel jusqu'en 2070.

NICOLE BELLOUBET
Le comité d'orientation des retraites n'avait pas les mêmes chiffres et en tout cas nous ne pouvons pas construire ce système universel sans les avocats.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous êtes prête à lâcher du lest.

NICOLE BELLOUBET
Je ne sais pas ce que vous appelez, lâcher du lest.

ELIZABETH MARTICHOUX
Qu'est-ce que vous annoncez de nouveau ?

NICOLE BELLOUBET
Ce que nous disons aux avocats au-delà du fait que d'une manière générale il nous semble qu'ils auront des avantages dans ce système-là, ce que nous leur disons, c'est trois choses. Un : Les pensions seront plus élevées. Nous avons fait et là-dessus nous sommes d'accord sur les chiffres, nous avons fait des simulations des cas types en quelque sorte où nous voyons que les pensions sont plus élevées. Prenons un avocat qui a un revenu relativement modeste de 32.000 euros par an, nous voyons que les pensions augmenteront de 13 % par rapport à ce qui est touché actuellement. Et je pourrais décliner cela su sur plusieurs cas types. Un, les pensions augmentent. Deux : Nous avons dit, le Premier ministre leur a dit lors de la réunion qui s'est tenue mardi…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mardi soir.

NICOLE BELLOUBET
Mardi soir, je vous remercie, le Premier ministre leur a dit que la Caisse nationale des barreaux, donc leur caisse de retraite, ils la conserveraient comme interlocuteur de l'ensemble des avocats, que cette caisse continuerait à gérer leurs réserves, c'est important.

ELIZABETH MARTICHOUX
La caisse nationale des barreaux restera gestionnaire des retraites des avocats ?

NICOLE BELLOUBET
Absolument elle restera l'interlocuteur des avocats.

ELIZABETH MARTICHOUX
A l'intérieur du système universel.

NICOLE BELLOUBET
A l'intérieur du système universel, ce qui est tout à fait possible.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une forme d'autonomie ?

NICOLE BELLOUBET
C'est vraiment une délégation qui sera faite et qui leur donnera également une forme de liberté pour par exemple gérer leur réserve, pour mettre en place un système de solidarité qu'ils pourront gérer, c'est donc très important. Et le troisième point qui est le point qui fait le plus peur aux avocats et sur lequel j'entends beaucoup d'inexactitudes, c'est-à-dire sur le montant des cotisations.

ELIZABETH MARTICHOUX
Aujourd'hui 14%, demain 28%, ce n'est pas tenable de passer de 14 à 28.

NICOLE BELLOUBET
Voilà 14 à 28, ce n'est pas tenable, c'est ce qui est parfois dit, mais ce que l'on dit nous, c'est que jusqu'en 2029, évidemment tout cela résulte de calculs un peu complexes, jusqu'en 2029 il n'y aura aucune augmentation de cotisation, pourquoi ? Tout simplement parce qu'on va diminuer l'assiette de tout ce qui est cotisation hors retraite.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous voulez dire que ce sera compensé, elles augmenteront mais ce sera compensé.

NICOLE BELLOUBET
Ce sera compensé absolument, ce sera compensé et il y aura …

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais à 100 % le diable est dans les détails, vous le savez.

NICOLE BELLOUBET
Jusqu'en 2029, aucune augmentation, nous allons, le Parlement va voter, un amendement a été déposé en ce sens, justement pour qu'il y ait un abattement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui parce que ça n'était pas dans le texte initial, vous le rajoutez.

NICOLE BELLOUBET
L'amendement a été déposé et le Premier ministre leur a dit. Donc jusqu'en 2029 aucune augmentation, puis ensuite sur ce qui reste aucune augmentation autre que celle que le Conseil national des barreaux français a déjà mis en place. Et ensuite il y a un régime de transition qui doit être mis en place jusqu'en 2040, on a fait plusieurs options et nous laissons les avocats nous dire quelle est l'option qu'ils proposent pour cette fin de transition.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon une transition, on ne va pas entrer dans le détail, mais là il y aura un début d'augmentation des cotisations.

NICOLE BELLOUBET
Il y aura un début d'augmentation des cotisations.

ELIZABETH MARTICHOUX
A partir de 2029 et vous dites qu'ils peuvent lisser, venez discuter avec nous du rythme.

NICOLE BELLOUBET
Voilà on a fait plusieurs propositions avec un lissage dans le temps qui peut même aller jusqu'à 2054. Le régime normal d'augmentation, c'est 0,5% par an à partir de 2029, ça fait 15 euros par mois, ce n'est pas négligeable mais c'est ça la réalité. Et à partir de là nous disons, ça c'est le système de base, choisissez une transition plus douce, une transition autre, une transition plus solidaire si vous le souhaitez.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le Conseil national des barreaux va se réunir demain soir, on est jeudi, vendredi soir, est-ce que sur la base de vos propositions et votre porte ouverte enfin, vont-ils dire, vous estimez que la grève ne se justifie plus ?

NICOLE BELLOUBET
Je voudrais aussi dire que nous leur avons fait une autre proposition qui est de discuter en quelque sorte de l'équilibre économique de la profession puisque je sais, je me rends très souvent dans les barreaux de province, je rencontre systématiquement les bâtonniers. Et ils me disent la fragilité d'une partie de leurs confrères. On va dire, allez de 20 à 30% des avocats ont un équilibre économique fragile, donc nous avons fait des propositions soit à propos, en laissant les droits de plaidoirie, en travaillant sur d'autres dispositions techniques, je ne veux pas rentrer dans le sujet, mais nous avons fait d'autres propositions pour travailler sur cet équilibre économique et notamment pour les jeunes avocats. Ça s'ajoute aux questions de retraite stricto sensu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que c'est votre dernier mot ? Est-ce que c'est à prendre ou à laisser ?

NICOLE BELLOUBET
Non, non mais ce n'est pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Non mais le rapport de force, il est important, ils sont très en colère, ils ne veulent pas…

NICOLE BELLOUBET
Madame MARTICHOUX, il n'y a pas à prendre ou à laisser, ce qui n'est pas négociable c'est l'entrée dans le système universel, ce qui est à la main actuellement de la profession, je viens de vous le dire, c'est l'organisation de la transition entre 2029 et 2040 ou au-delà. Nous avons des options, nous leur laissons un choix, donc nous sommes dans le dialogue et c'est tout à fait normal.

ELIZABETH MARTICHOUX
Si la grève continue.

NICOLE BELLOUBET
Non je ne souhaite évidemment pas que la grève continue.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais si elle continue.

NICOLE BELLOUBET
Je respecte le droit de grève, Madame MARTICHOUX, voilà il n'y a pas de discussion là-dessus, je respecte le droit de manifester, le droit de grève, pas la paralysie des juridictions, parce que ça c'est vraiment les justiciables, c'est les Français qui eux devront en assumer les conséquences et ça c'est très difficile.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc vous condamnez par avance le fait qu'ils accentuent éventuellement leurs actions.

NICOLE BELLOUBET
Je demande aux avocats de réfléchir, de regarder l'ensemble des conditions que nous proposons pour l'entrée dans le système universel, elles me semblent leur apporter des garanties.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que c'est un système, est-ce que c'est un mouvement politisé ?

NICOLE BELLOUBET
Non mais moi, je ne veux pas rentrer dans ces considérations-là, on a …

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne faites pas de procès aux avocats.

NICOLE BELLOUBET
Si vous voulez, c'est une jolie formule.

ELIZABETH MARTICHOUX
Nicole BELLOUBET, vous avez les honneurs de Charlie Hebdo.

NICOLE BELLOUBET
J'ai vu.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est la première fois ?

NICOLE BELLOUBET
Non.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, c'est un hommage entre guillemets du magazine qui est le porte-drapeau de la liberté d'expression en France à votre phrase, je cite, insulter les gens c'est porter atteinte à la liberté de conscience. Vous aviez dit ça il y a une semaine chez nos confrères d'Europe 1, vous avez reconnu une erreur.

NICOLE BELLOUBET
Oui absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous regrettez cette phrase.

NICOLE BELLOUBET
Mais bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous la regrettez ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, oui absolument, l'expression était maladroite et elle est inexacte, donc c'est une erreur évidemment je la regrette. Je ne reviens pas sur les circonstances dans lesquelles je l'ai prononcé, ça, ça me regarde le résultat est là, des choses inexactes, des mots qui sont inexacts et donc voilà.

ELIZABETH MARTICHOUX
On va s'y arrêter quelques instants parce que c'est vrai que ce qui a beaucoup inquiété, c'est que, Nicole BELLOUBET, vous êtes juriste de formation, vous incarnez la justice parce que vous êtes Garde des Sceaux, il y a deux raisons majeures de ne pas ignorer le droit et précisément comment a-t-il été possible, se demandent beaucoup, que vous ignoriez le droit ?

NICOLE BELLOUBET
Non je n'ignore pas le droit, je n'ignore pas le droit. Je vais d'ailleurs le redire dans une seconde, ce à quoi je crois profondément, je n'ignore pas le droit, on prend trois mots, une phrase et sur cette phrase-là je commets une erreur, je le reconnais, je n'ignore pas le droit. Ce à quoi je crois profondément et je veux le redire ici, c'est trois choses. Premièrement la liberté d'expression dans une démocratie, elle est totale, je suis ancien membre du Conseil constitutionnel, on l'a écrit dans plusieurs décisions, c'est le fondement même de la démocratie. Donc on ne peut pas menacer de mort, menacer de viol ou je ne sais quoi d'autres une personne qui s'exprime librement, les choses sont claires. Deuxième élément le droit de critiquer la religion, c'est un droit qui existe au nom de cette liberté d'expression et il ne saurait être remis en cause parce que là encore on a le droit, au nom de cette liberté d'expression et d'opinion de critiquer une idée, de critiquer un concept, il n'y a aucun doute là-dessus.

ELIZABETH MARTICHOUX
Au moment où vous parliez, il ne vous a pas semblé que l'injure à l'Islam comme l'avait proféré Mila, cette injure ne vous a pas semblé un instant intolérable ?

NICOLE BELLOUBET
Je ne voulais pas parler de Mila puisque c'était une affaire en cours, je ne voulais pas parler de Mila, je parlais de manière générale, et je le redis ici, de manière générale, évidemment on ne peut pas penser une seconde que j'ai voulu rétablir un délit ou promouvoir un délit de blasphème, ce n'est pas possible, voilà donc les trois choses auxquelles je crois, parce qu'elles sont fondatrices, vraiment, le creuset de la démocratie. Alors, une autre idée, qui est aussi importante, me semble-t-il, à dire dans une démocratie, c'est que si on a le droit de critiquer les religions, il n'est pas question, vraiment ça c'est un principe cardinal, en revanche insulter une personne du fait de sa prétendue appartenance religieuse, ça c'est condamné, c'est une infraction.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est la confusion qu'on vous a prêtée, au moment où vous avez fait cette phrase, et c'est vrai qu'il y a, plus généralement…

NICOLE BELLOUBET
Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même chose.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il y a une confusion quand même, on le voit à travers certains sondages, entre…

NICOLE BELLOUBET
Non, mais il y a peut-être une confusion…

ELIZABETH MARTICHOUX
Entre ce que la laïcité autorise et ce que la loi interdit.

NICOLE BELLOUBET
Non, mais, il est très clair qu'on a le droit de critiquer une religion, une idée, un concept, on ne peut pas insulter une personne, du fait de sa supposée appartenance religieuse, c'est très différent, et c'est important parce que cela aussi c'est la démocratie. Mais ça n'a pas à voir avec l'affaire Mila, ce que je dis là c'est un principe général.

ELIZABETH MARTICHOUX
Bien sûr, mais est-ce que pour dissiper cette ambiguïté, cette confusion qui existe, est-ce qu'il ne reviendrait pas au président MACRON de réaffirmer le droit absolu de critiquer une religion ?

NICOLE BELLOUBET
Alors écoutez, le président MACRON il s'est exprimé à plusieurs reprises, dans des circonstances différentes, sur la laïcité, il a dit qu'il reprendrait la parole sur ce sujet, il le fera, c'est certain.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il serait souhaitable qu'il le fasse, compte tenu des débats dans lesquels vous avez-vous-même été…

NICOLE BELLOUBET
Il souhaite réaffirmer, là-dessus, ce qu'est notre position.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous allez recevoir Mila ?

NICOLE BELLOUBET
C'est une question que je ne me suis pas posée, mais si elle le demandait, pourquoi pas.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais vous ne souhaitez pas particulièrement la recevoir pour évoquer cette phrase…

NICOLE BELLOUBET
Attendez, je pense qu'il faut laisser Mila vivre sa vie, il faut la protéger, comme l'a dit mon collègue CASTANER, il faut la protéger, parce que, elle a 16 ans, elle doit être scolarisée, elle doit vivre une vie d'adolescente normale, il faut cesser…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est normal qu'elle ne puisse pas aller à l'école en ce moment ?

NICOLE BELLOUBET
Non ce n'est pas normal, non ce n'est pas normal, et cela ça vient de ce que je vous dis à l'instant, c'est-à-dire le fait qu'on ne laisse pas, on ne reconnaît pas la possibilité de critiquer une religion.

ELIZABETH MARTICHOUX
Hier, à votre place Damien ABAD…

NICOLE BELLOUBET
Enfin, on ne reconnaît pas, certains ne veulent pas reconnaître.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ne veulent pas reconnaître quoi ?

NICOLE BELLOUBET
La liberté de critiquer une religion.

ELIZABETH MARTICHOUX
Précisément, Damien ABAD hier, président du groupe LR à l'Assemblée, réaffirmait le droit de… enfin le fait qu'il fallait absolument protéger cette jeune fille, qu'elle avait le droit de le dire, mais, mais, disait-il, dans une démocratie, critiquer une religion de cette façon-là ne lui paraissait pas souhaitable.

NICOLE BELLOUBET
Moi je viens de vous dire, vraiment, ce à quoi je m'attache, je ne veux pas le répéter ici devant vous…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et qu'est-ce que vous pensez de sa déclaration ?

NICOLE BELLOUBET
Critique de la religion…

ELIZABETH MARTICHOUX
Qu'est-ce que vous pensez de sa déclaration ?

NICOLE BELLOUBET
Je viens de vous le dire, critique de la religion, c'est possible dans une démocratie, et en revanche, l'insulte ou la discrimination à l'égard d'une personne du fait de son appartenance religieuse, ce n'est pas possible.

ELIZABETH MARTICHOUX
Jordan BARDELLA, numéro 2 du Rassemblement national, se pose en grand défenseur de Mila, depuis une semaine, il a vivement commenté votre déclaration initiale, déclaré que, dans le fond, vous êtes des alliés objectifs des islamistes qui militez pour l'interdiction du blasphème.

NICOLE BELLOUBET
D'accord, d'accord, moi je vous ai dit, je ne souhaite en aucun cas, là aussi ce n'est pas dans notre démocratie, je ne souhaite en aucun cas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous ne voulez pas lui répondre, des alliés objectifs ?

NICOLE BELLOUBET
Je le dis, je le dis, je souhaite, en aucun cas, promouvoir le délit de blasphème, le gouvernement ne le souhaite pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alliés objectifs des islamistes, Nicole BELLOUBET, c'est ce qu'il dit.

NICOLE BELLOUBET
Ecoutez, c'est absurde, c'est absurde, voilà.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est absurde ?

NICOLE BELLOUBET
Oui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça vous choque ?

NICOLE BELLOUBET
Je dis que ce propos-là est absurde.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il ne vous choque pas ?

NICOLE BELLOUBET
Je viens de vous répondre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Nicole BELLOUBET, Didier GAILHAGUET, le président de la Fédération de patinage, a dit pour sa défense qu'aucune poursuite n'avait été lancée contre Gilles BEYER, l'entraîneur qui est mis en cause par Sarah ABITBOL, il y a quelques années, et que donc à l'époque il n'avait aucune raison de faire "le ménage" dans sa fédération, il n'y avait pas eu de plainte. On comprend mieux maintenant tous les freins, de diverses natures, qui faisaient qu'il y a quelques années, effectivement, les choses n'allaient pas jusqu'à la justice…

NICOLE BELLOUBET
Oui, dans plusieurs domaines.

ELIZABETH MARTICHOUX
Comment encourager la plainte aujourd'hui ?

NICOLE BELLOUBET
Je crois qu'aujourd'hui les gens ont compris que l'une des voies d'aboutissement de sanctions, lorsqu'il y a eu des infractions ou des crimes de cette nature, c'est d'aller en justice, je l'ai dit, on l'a dit au moment de l'affaire, des propos qui ont été tenus par Adèle HAENEL, on l'a vu également avec Madame SPRINGORA, donc il faut aller en justice, il faut porter plainte, s'il y a évidemment des raisons de le faire. Et on voit bien que, soit d'initiative, soit sur plainte, le Parquet prend les décisions qui s'imposent…

ELIZABETH MARTICHOUX
Suffisamment rapidement ?

NICOLE BELLOUBET
Le Parquet réagit, regardez sur l'affaire de Madame SPRINGORA, d'Adèle HAENEL, également récemment là avec Madame ABITBOL, donc le Parquet réagit, il le fait, je crois, dans les conditions qui sont les siennes, il faut respecter cette indépendance-là.

ELIZABETH MARTICHOUX
Autre question que pose ce scandale dans le patinage, c'est le contrôle des personnes qui travaillent auprès des enfants au moment de l'embauche, alors il y a un fichier.

NICOLE BELLOUBET
Oui, il y a un fichier qui existe depuis 2004…

ELIZABETH MARTICHOUX
Que toutes les organisations, sociétés, peuvent librement consulter ?

NICOLE BELLOUBET
Ah non !

ELIZABETH MARTICHOUX
Non. Alors, comment ça se passe ?

NICOLE BELLOUBET
C'est un fichier qui recense les condamnations des auteurs d'infractions sexuelles, donc vous comprenez bien que ce fichier ne peut pas être librement consultée, il y a tout de même des libertés à respecter sur les personnes qui sont nommément désignées. Donc, tout le monde n'a pas accès à ce fichier, en revanche, en revanche, la loi prévoit un accès à ce fichier, pour un nombre important d'administrations, d'employeurs, qui peuvent avoir directement, ou indirectement, accès à ce fichier, par exemple le maire d'une commune peut avoir accès à ce fichier pour interroger…

ELIZABETH MARTICHOUX
Les fédérations sportives, les clubs sportifs…

NICOLE BELLOUBET
Absolument…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ils y ont droit.

NICOLE BELLOUBET
Absolument. Les hôpitaux, via les ARS, peuvent également avoir accès, mais la difficulté que nous avions, et c'est la raison pour laquelle on a organisé une réunion hier soir avec Roxana MARACINEANU et Adrien TAQUET, la difficulté que nous avions c'est que les administrations, qui peuvent avoir accès à ce fichier, jusqu'à présent ne l'utilisaient pas toutes, ce droit d'accès, et donc nous incitons à utiliser évidemment le droit d'accès à ce fichier.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous faites la publicité de ce fichier, « allez-y, allez consulter », évidemment, c'est très important, on le comprend. Il y a l'embauche et puis il y a la vie, et on peut évoluer…

NICOLE BELLOUBET
Oui, absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et, effectivement, "l'honorabilité" elle peut évoluer vers le pire. Est-ce que vous prévoyez des contrôles, est-ce qu'il ne faut pas imposer des contrôles, pas permanents, mais récurrents, des encadrants de mineurs ?

NICOLE BELLOUBET
Mais, on peut avoir accès à ce fichier à différentes étapes de la carrière d'un fonctionnaire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, on peut, on peut, mais c'est à la discrétion des uns et des autres.

NICOLE BELLOUBET
Oui, mais vous voyez par exemple, le ministère de l'Education nationale, qui utilise beaucoup ce fichier, a « screané », si vous permettez cette expression, 1 million d'enseignants pour voir quels sont ceux, et donc certains entraient dans la fonction, d'autres étaient déjà en poste, et évidemment c'est une utilisation qui peut être faite à différents moment de la carrière.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous ne souhaitez pas, vous, qu'il y ait une sorte d'obligation de revoyure, de contrôle des personnes qui travaillent auprès des mineurs ?

NICOLE BELLOUBET
Madame MARTICHOUX, c'est à chaque organisme employeur de nous dire à quel moment, et quel type d'emploi, dans quel cadre précis ils veulent pouvoir utiliser ce fichier. Par exemple, Roxana MARACINEANU hier, nous disait il faut non seulement que ce soit les éducateurs sportifs professionnels, mais aussi les bénévoles, très bien, donc nous allons nous mettre en position pour faire cela. L'Education nationale nous dit ceci, les hôpitaux nous disent cela, c'est aux administrations de nous dire « voilà, nos personnels, il faut que nous puissions vérifier ce fichier à tel et tel moment et pour tel type d'emploi. »

ELIZABETH MARTICHOUX
Un dernier mot. Didier GAILHAGUET a invoqué le droit, la présomption d'innocence hier, pour dire « je n'ai aucune raison de répondre à l'injonction qui m'a été faite par la ministre de quitter mon poste, le droit est le droit », il a raison ?

NICOLE BELLOUBET
Moi je soutiens beaucoup de ma collègue MARACINEANU, je trouve qu'elle a beaucoup de courage pour révéler des pratiques qui ne sont pas acceptables, qui dépassent d'ailleurs sans doute ce que nous connaissons, je ne parle pas là seulement de la fédération de patinage, mais je pense, elle a beaucoup de courage, et donc moi je soutiens ce qu'elle fait.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et lui, il invoque le droit, la présomption d'innocence, vous comprenez en tant que ministres… ?

NICOLE BELLOUBET
Ah mais lui… si vous voulez, les choses se feront dans les règles de droit, pour autant je soutiens ce que fait Madame MARACINEANU.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, vous dites le droit oui, mais solidarité avec ma ministre…

NICOLE BELLOUBET
Totale.

ELIZABETH MARTICHOUX
Qui demande le départ de Didier GAILHAGUET, elle a maintenu.

NICOLE BELLOUBET
Solidarité totale parce qu'elle a vraiment beaucoup de courage.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'avoir été avec nous ce matin, Nicole BELLOUBET.

NICOLE BELLOUBET
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 février 2020