Texte intégral
Madame la présidente,
Chère Chiara Corazza,
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le président de la commission des affaires économiques,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Je voudrais d'abord remercier Chiara Corazza pour la qualité de son rapport. Cela a déjà été dit, c'est un formidable rapport qui ouvre des pistes importantes - j'y reviendrai - mais je ne vais pas répéter ce qu'ont dit beaucoup mieux que moi les ministres juste avant.
Je veux simplement dire à quel point ce combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le champ économique, dans le champ universitaire, est absolument vital pour notre pays et à quel point il correspond à une nécessité absolue pour la France.
D'abord, c'est un engagement du président de la République et il est toujours bon de tenir ses engagements politiques. Nous nous sommes engagés à déposer un projet de loi sur l'égalité économique entre les femmes et les hommes à la suite du G7 à Biarritz en août 2019.
Nous tenons, avec Marlène Schiappa, à ce que cet engagement soit tenu vis-à-vis de nos partenaires étrangers et vis-à-vis des Français. Plus profondément, je pense que c'est lié à notre culture française. L'égalité entre les femmes et les hommes est au coeur de notre culture nationale et il n'y a aucune raison pour que le champ économique soit exclu de cette culture nationale et pour que nous nous résignons à voir encore trop peu de femmes dans les postes de direction, trop peu de femmes dans les Comex, trop peu de femmes qui n'ont pas exactement le même niveau de salaire à compétences égales, trop de femmes qui pâtissent d'un congé maternité qui va leur faire perdre 4 ou 5 ans de promotion dans leur entreprise.
Tout cela est totalement révoltant. Et je le dis comme je le pense, je trouve cela révoltant parce que ça traduit un conservatisme qui nuit à notre société et à notre économie. Et je le dis dans cet ordre, à notre société et à notre économie.
C'est d'abord un sujet de société, c'est d'abord un sujet de culture nationale et c'est seulement après un sujet économique. Donc, croyez-moi, avec tous les ministres qui sont présents ici, en particulier avec Marlène Schiappa, nous sommes totalement déterminés à pousser cette idée de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le champ économique. Pour cela, il faut qu'il y ait une réflexion de long terme.
C'est celle qui a été menée par Chiara Corazza, c'est celle qui est menée par Frédérique Vidal et je pense qu'il est absolument essentiel de se dire que si nous voulons gagner cette bataille sur la prochaine génération, il faut aussi lutter contre les stéréotypes de genre dans les formations, dans les choix d'orientation professionnelle, parce que c'est dans 10-15 ans que nous en verrons les effets et donc c'est tout de suite qu'il faut commencer.
Si, effectivement, vous n'avez que des ingénieurs masculins qui travaillent sur les algorithmes de recherche ou sur l'intelligence artificielle, vous risquez fort d'avoir ensuite un biais de construction dans ce qui sera au coeur même de notre vie quotidienne, c'est-à-dire la digitalisation et l'intelligence artificielle. C'est donc maintenant qu'il faut livrer ce combat là et Chiara Corazza fait un certain nombre de recommandations qui me paraissent extrêmement utiles.
Frédérique Vidal l'a rappelé : nous sommes totalement déterminés à porter ce projet pour que demain il y ait tout simplement davantage de femmes ingénieures, davantage de femmes scientifiques, davantage de femmes qui travaillent sur les algorithmes de l'intelligence artificielle qui vont orienter notre vie quotidienne, pour éviter qu'il y ait des biais de représentation qui soient ancrés dans notre société.
Et puis, ensuite, il y a le court terme. Le court terme, c'est l'affaire du projet de loi dont je vous ai parlé et que nous portons avec Marlène Schiappa, sur lequel nous avons lancé une consultation et sur lequel les députés, je le sais - notamment autour de Roland Lescure, le président de la commission des affaires économiques - sont totalement mobilisés.
Je voudrais juste vous donner les chiffres de la consultation que nous avons lancée avec Marlène Schiappa sur ce sujet d'égalité économique entre les femmes et les hommes pour préparer le projet de loi.
Ce sont les chiffres les plus impressionnants d'une consultation pour une loi économique que nous ayons eus depuis des années. C'est trois fois plus de participants que toutes les autres consultations comparables sur des projets de lois économiques. Donc, je pense que ça dit très clairement l'intérêt qu'il y a de la part de la société française sur ce sujet : 80 000 participants, un demi-million de votes et 3 500 propositions déposées en quelques semaines.
Je pense qu'il faut répondre à cette attente et que cette consultation que nous avons ouverte a rencontré un immense succès. Cet immense succès montre qu'il y a un immense problème et que nos compatriotes attendent que nous réglions ce problème qui est l'égalité économique entre les femmes et les hommes dans l'économie française.
Alors, il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous travaillons. Vous les connaissez.
Il y a la question de la représentation des femmes dans les instances dirigeantes des sociétés et nous voyons que pour les conseils d'administration, la loi Copé-Zimmermann a été efficace. Je pense qu'il faut que nous trouvions une solution tout aussi efficace pour les comités exécutifs et les comités de direction. Les chiffres sont sans appel : 44% de femmes dans les conseils d'administration en France ; 17% dans les comités exécutifs et les comités de direction. Donc, nous avons engagé une discussion avec l'Afep et avec le Medef.
J'espère que nous pourrons trouver ensemble des solutions de compromis parce que c'est toujours préférable. Mais soyons clairs : pas d'excuses, pas de prétexte, pas de faux semblants. Seul le résultat compte. Chaque fois, on va m'expliquer "il n'y a pas la ressource, il n'y a pas la réserve nécessaire, il n'y a pas les ressources humaines et les profils indispensables". C'est ce que j'entends en politique depuis 15 ans.
A chaque fois, on nous dit "on mettrait bien une candidate à telle municipalité, mais il n'y a pas de femmes candidates. On voudrait bien voir des femmes candidates pour les législatives, mais il n'y en a pas". Évidemment, quand on ne va pas les chercher, quand on ne se donne pas le mal de les trouver, de les mettre en avant, on n'y arrive pas. Et la responsabilité politique, c'est justement de faire la différence en ayant des exigences en termes de résultats. Donc, je ne me satisferai pas d'une solution qui n'amènerait pas les résultats concrets avec, bien entendu, des délais qui soient raisonnables.
Je n'ai pas dit que du jour au lendemain, tout d'un coup, on va changer tous les comités exécutifs et tous les comités de direction en France.
Mais qu'on se fixe une ambition, un calendrier et des garanties de résultats, pas simplement des proclamations, puisque les proclamations, j'en ai bien peur, ne suffiront pas pour nos compatriotes.
Même chose pour l'égalité salariale : 9% d'écart salarial. Si quelqu'un peut arriver à me justifier ce chiffre-là, qu'il se présente. Mais rien ne le justifie. Donc, c'est un combat qu'il faut mener.
Même chose pour la question des congés. Il y a aujourd'hui un grand débat sur le congé paternité. Là, c'est la seule petite réserve que j'ai avec Chiara. Moi, je ne suis jamais très favorable aux obligations. Je pense que nous pouvons ouvrir des facultés supplémentaires sans que l'État rentre dans la vie privée de chacun et décide à la place de chacun de ce que doit être sa vie. Mais qu'on puisse ouvrir des facultés supplémentaires pour les pères qui voudraient garder leurs enfants et donc aider leurs femmes dans la garde des enfants. Tout cela mérite encore réflexion.
Nous ferons des propositions avec Marlène Schiappa sur ce sujet, mais vous voyez qu'il y a une attente forte de la société française et que nous sommes déterminés avec Marlène Schiappa, avec tout le Gouvernement, à y répondre de manière efficace, concrète et pragmatique.
Merci à tous.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 11 février 2020