Interview de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, à France Info le 12 février 2020, sur la tenue du 4e conseil de défense écologique, le futur Office français de la biodiversité et le dérèglement climatique.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour, Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Opération rabibochage hier soir à l'Elysée où Émmanuel MACRON recevait les parlementaires de la majorité, soyez fiers d'être des amateurs leur a dit le chef de l'État, est-ce que ça vaut aussi pour le gouvernement ?

ELISABETH BORNE
Je pense que ce que le président a voulu dire, c'est que beaucoup des députés qu'il a rencontrés hier se sont engagés pour lui, derrière lui, avaient des vies professionnelles avant et voilà je pense que ce qu'il a aussi passé comme message, c'est qu'il faut garder ce regard un peu nouveau.

MARC FAUVELLE
Amateur.

ELISABETH BORNE
Nouveau sur la politique et je pense que c'est important de ne pas retomber dans les travers de ceux qui ont fait de la politique leur métier et finalement peut-être que plus rien ne surprend.

RENAUD DELY
Qu'est-ce que ça change finalement de ne pas avoir fait de la politique son métier auparavant pour vous ?

ELISABETH BORNE
Je pense que c'est un autre regard sur la politique, c'est peut-être aussi d'accepter plus de prise de risques, de ne pas être là pour gérer sa carrière politique, mais avoir une vraie volonté de transformer le pays en profondeur et c'est ce qu'il a passé hier comme message.

RENAUD DELY
Alors précisément Elisabeth BORNE, aujourd'hui se tient, à propos de transformation du pays c'est votre expression, un nouveau conseil de défense écologique, à l'occasion de ce conseil de défense écologique vous annoncez une batterie de mesures qui concernent notamment tout particulièrement deux millions et demi à peu près d'agents publics, de fonctionnaires dans leur mode de vie, dans leur fonctionnement professionnel quotidien. Est-ce que ça veut dire que l'État aujourd'hui doit montrer l'exemple aux Français ?

ELISABETH BORNE
Ça veut dire qu'effectivement on donne la possibilité aux agents de l'État d'être vraiment des acteurs de la transition écologique. Je pense que c'est logique que l'État s'applique à lui-même la transformation écologique du pays que l'on veut mener et puis c'est donner cette opportunité, je vous dis, à nos agents de bénéficier des nouveaux modes de déplacement par exemple.

RENAUD DELY
Alors quelles mesures précisément vous leur proposez ?

ELISABETH BORNE
Par exemple, vous savez que j'ai porté une loi Mobilité qui crée un forfait mobilité durable, qui permet à votre employeur de vous donner un remboursement quand vous venez au travail en vélo ou en covoiturage, eh bien ce forfait mobilité, il sera mis en place dès juillet prochain à hauteur de 200 euros.

MARC FAUVELLE
Par an.

ELISABETH BORNE
Par an voilà. C'est un petit peu, vous savez, aujourd'hui il y avait une injustice puisque quand vous êtes dans une grande ville où il y a des transports en commun, vous avez le remboursement de votre abonnement de transports en commun, quand vous n'avez pas de transports en commun, vous êtes doublement pénalisé puisqu'en plus vous n'avez pas de remboursement. Donc là on encourage l'utilisation du vélo et du reste on va installer des garages à vélos dans nos locaux, dans les bâtiments de l'État et donc ce forfait, il vaut aussi si vous faites du covoiturage. Développer le covoiturage, c'est très important pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. On s'est donné l'objectif de tripler la part du covoiturage, ça veut dire un million de voitures en moins chaque jour.

MARC FAUVELLE
Interdiction de prendre l'avion si le trajet en train est possible en moins de quatre heures, sauf cas exceptionnel, là encore ça doit concerner tout le monde, ça doit devenir la règle désormais, mais c'est quoi un cas exceptionnel ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, vous pouvez avoir un déplacement à faire en urgence, quand il y a des enjeux de sécurité par exemple et donc, enfin dans les autres cas il faut effectivement privilégier le train.

MARC FAUVELLE
Est-ce que cette règle doit s'appliquer également aux ministres ?

ELISABETH BORNE
Mais je vous confirme, vous voyez par exemple moi je vais dans la Manche vendredi prochain en train.

MARC FAUVELLE
Quand le Premier ministre, Edouard PHILIPPE, va faire campagne par exemple au Havre, il prend le train ?

ELISABETH BORNE
Je pense qu'il prend le train régulièrement, il connaît bien cette ligne Paris-Normandie sur laquelle il est attentif à ce qu'on apporte des améliorations comme beaucoup des usagers.

MARC FAUVELLE
Émmanuel MACRON va à Chamonix aujourd'hui, il prend le train ou il prend l'avion ?

ELISABETH BORNE
Non, je pense qu'aujourd'hui vous voyez, ça va être effectivement en avion.

RENAUD DELY
Vous encouragez aussi au passage à des véhicules hybrides ou à des véhicules électriques, par exemple très concrètement le on apprend que le président, Émmanuel MACRON va bientôt se convertir à l'hybride.

ELISABETH BORNE
Il va se convertir à l'hybride effectivement y compris avec une voiture pour laquelle ce n'est pas très simple, puisque vous savez qu'il y a une voiture blindée, mais il aura effectivement une voiture hybride rechargeable.

MARC FAUVELLE
Qui sera française puisqu'on est dans le symbole ?

ELISABETH BORNE
Je ne sais pas vous dire, moi je cherche des voitures électriques neuves, je regrette qu'on ait surtout des SUV électriques.

MARC FAUVELLE
Je vous annonce que oui, c'est une voiture française, puisqu'Anne-Laure BARRAL qui nous en a parlé tout à l'heure nous a même donné la marque, on va la citer, puisque c'est une voiture Peugeot 5008, comme ça on aura vraiment cité même le modèle Renault.

RENAUD DELY
Est-ce que ça signifie que toutes les voitures ministérielles vont passer à l'électrique, à l'hybride, vous c'est le cas dans votre ministère, Elisabeth BORNE aujourd'hui ?

ELISABETH BORNE
Moi, j'ai une voiture électrique et effectivement la règle c'est que tous les ministres doivent passer à des voitures électriques ou hybrides rechargeables.

RENAUD DELY
A quelle échéance ?

ELISABETH BORNE
Au moment du renouvellement des voitures, on aura à acheter des voitures électriques ou hybrides rechargeables.

MARC FAUVELLE
Même si elles sont plus chères, tant pis si ça fait mal au budget ?

ELISABETH BORNE
Alors vous savez qu'on met des bonus pour les voitures, donc voilà ça accompagne aussi tous les Français qui veulent passer à des voitures électriques.

MARC FAUVELLE
Il n'y a plus aucun gobelet en plastique aujourd'hui dans votre ministère ?

ELISABETH BORNE
Non, ça je vous confirme qu'il n'y a plus de gobelets en plastique.

MARC FAUVELLE
Aucun, vous avez fait la chasse partout ?

ELISABETH BORNE
Absolument et c'est la règle qui va s'appliquer dans tous les services de l'État, donc de ne plus avoir aucun objet en plastique jetable.

RENAUD DELY
Alors voici la façon dont ce conseil de défense écologique et les annonces que vous commencez à détailler, eh bien comment est-ce que l'a anticipé hier le secrétaire national des Verts, Julien BAYOU, c'était en répondant à France Inter, sur l'antenne de France Inter à notre consoeur, Léa SALAME. Je vous propose de l'écouter.

LEA SALAME
Qu'il va tenir demain un quatrième conseil, il promet des mesures au quotidien, qu'en attendez-vous à part souffler ?

JULIEN BAYOU
Rien, il a facilité la chasse sur les tourterelles. Il a, comme je vous l'ai dit réduit les ambitions en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Tout ce qui est l'action concrète est renvoyée à l'issue du mandat ou après.

MARC FAUVELLE
Je précise pour ceux qui nous suivent à la radio uniquement que le long soupir n'était pas celui de Renaud DELY, mais bien celui de Julien BAYOU quand il est interrogé par Léa SALAME sur le bilan écologique d'Émmanuel MACRON. Elisabeth BORNE ?

ELISABETH BORNE
Ça peut le déranger qu'on ait un bilan écologique, moi je rappelle que Europe-Ecologie-Les-Verts, ils étaient au gouvernement au début du quinquennat précédent, est-ce qu'ils ont fermé les centrales à charbon, est-ce qu'ils ont arrêté Notre-Dame-des-Landes, est-ce qu'ils ont arrêté le projet Europa City, est-ce qu'ils ont accompagné les Français pour supprimer un million de chaudière fioul comme on est en train de le faire, est-ce qu'ils ont permis de sortir de la circulation un million de voitures polluantes ? Donc moi je n'ai pas de leçon à recevoir.

MARC FAUVELLE
Ils vous agacent en ce moment, les écologistes, dans ce discours-là ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, ce que je constate, c'est qu'en plus on a un peu de cacophonie entre eux et je pense qu'il y a qu'un seul point qui les réunit, ce n'est pas l'écologie, c'est de taper sur le gouvernement. Ce n'est pas un projet de gouvernement.

RENAUD DELY
Ce long soupir de Julien BAYOU qu'on a entendu, il signifie aussi peut-être y compris les mesures que vous venez de nous détailler au début de cet entretien, est-ce qu'il n'y a pas un côté gadget ?

ELISABETH BORNE
On présente aujourd'hui trois axes de mesures qui concernent des millions de Français. Quand on est en train de vouloir protéger les Français face aux dérèglements climatiques, ce n'est pas anecdotique. 17 millions de Français sont concernés par les inondations, sont menacés par les inondations, donc protéger des Français, je pense que ce n'est pas anecdotique. On a jusqu'à 50 000 maisons qui sont menacées par le recul du littoral, ce n'est pas anecdotique d'apporter des solutions aux élus, de décider qu'on va avoir 30% de nos territoires en aire protégée, dont 10% sous protection forte. Là aussi, je le redis, les écologistes, ils étaient au gouvernement dans le précédent quinquennat, est-ce qu'ils ont proposé ces mesures de protection fortes de notre biodiversité, c'est nous qui le faisons.

MARC FAUVELLE
On va parler de la mer de glace, si vous voulez bien, Elisabeth BORNE, dans quelques instants puisqu'Émmanuel MACRON entame aujourd'hui en Haute-Savoie un déplacement consacré justement à ces questions d'environnement et qu'il sera demain matin à cette même heure devant la mer de glace ou plutôt ce qu'il en reste en cette période de l'année.

MARC FAUVELLE
Elisabeth BORNE, nous sommes le 12 février, ça n'aura échappé à personne en plein coeur de l'hiver et les dernières images de la mer de glace au pied du Mont-Blanc montrent plutôt un champ de cailloux. Elles sont filmés en permanence par une webcam ces images, vous les avez regardées ?

ELISABETH BORNE
Je les connais ces images, je sais que le la mer de glace, vous savez, elle descend de plusieurs mètres par an, maintenant il faut descendre 500 marches pour rejoindre la mer de glace, donc ça nous montre que le dérèglement climatique c'est une des illustrations, c'est aujourd'hui. C'est donc aujourd'hui qu'il faut à la fois agir pour atténuer, limiter ce réchauffement de la planète et puis il faut aussi prendre acte de ce que nous disent les scientifiques, de ce que nous a encore dit le GIEC en septembre dernier, qu'il y a une part inéluctable finalement dans ce dérèglement climatique et ça, ça suppose qu'on protège les Français contre les conséquences du dérèglement climatique.

RENAUD DELY
Pour ce qui est du Mont-Blanc plus particulièrement, il y a un autre problème qui est celui de la surfréquentation qui alerte y compris les riverains, les gens qui habitent dans la région, est-ce qu'il faut pour sauver le Mont-Blanc, est-ce qu'il ne faut pas l'interdire tout simplement aux touristes extrêmement nombreux maintenant qui s'y précipitent ?

ELISABETH BORNE
Alors on a eu des discussions avec les élus qui souhaitent effectivement qu'on permette d'accéder au Mont-Blanc, mais qu'en même temps on protège mieux la nature autour du sommet du Mont-Blanc et c'est bien le sens des protections nouvelles qu'on va mettre en place pour réguler la fréquentation du Mont-Blanc, pour s'assurer que les gens ne viennent pas en masse sans avoir des places dans les refuges, qu'ils se retrouvent du coup à faire du camping, qu'ils viennent avec leurs animaux…

MARC FAUVELLE
Le camping, il est déjà interdit sur le Mont-Blanc, il y a une obligation de réserver dans un chalet d'altitude, aujourd'hui qu'est-ce qu'on peut faire pour lutter contre ça plus efficacement ? On ne va pas envoyer les gendarmes sur les flancs de la montagne, si ?

ELISABETH BORNE
Mais on va mieux contrôler l'accès au Mont-Blanc pour ça, ça suppose qu'on ait mis en place une protection. C'est du reste la première fois qu'on va utiliser une nouvelle protection, la protection des habitats naturels donc des espèces sauvages qui vivent sur le Mont-Blanc.

RENAUD DELY
Concrètement ça veut dire limiter le nombre de personnes qui peuvent y avoir accès.

ELISABETH BORNE
Ça veut dire limiter effectivement le flux des touristes qui vont venir sur le Mont-Blanc et s'assurer qu'ils respectent la nature, quand ils viennent sur ce sommet.

MARC FAUVELLE
On a vu ces derniers mois des choses assez étonnantes dans cette ascension du Mont Blanc, des touristes venir déposer un rameur pour faire du sport et puis ils n'ont pas pu le redescendre en bas parce que c'était trop lourd, d'autres touristes se faire déposer en avion tout près du sommet pour pouvoir se faire photographier en haut, est-ce que vous souhaitez que ces personnes soient aujourd'hui poursuivies par la justice pour ce qu'elles font et ce qu'elles laissent là-haut ?

ELISABETH BORNE
Mais je vous confirme que c'est bien ce qu'on souhaite, on veut mieux protéger la nature. On aura l'occasion vous savez demain le président de la République installera aussi le nouvel Office français de la biodiversité, c'est 1.500 agents qui seront sur le terrain pour protéger la nature en appui aussi aux polices municipales des collectivités qui souhaitent s'impliquer dans cette protection.

MARC FAUVELLE
Office français de la biodiversité dans le Canard enchaîné du jour nous apprend que 360 directeurs nationaux ont été conviés demain à Chamonix pour un séminaire de deux jours, eux aussi ils ont pris le train de toute la France ?

ELISABETH BORNE
Je pense qu'ils ont pris le train eux aussi et je pense que c'est important qu'on ait cette réunion de lancement de cette Office sur laquelle moi je compte beaucoup pour qu'on ait des agents sur le terrain, très qualifiés pour pouvoir protéger la nature, donc ça veut dire sanctionner les comportements qui ne respectent pas la nature.

RENAUD DELY
Et précisément on apprend ces jours-ci, Elisabeth BORNE, qu'une station dans les Vosges, la station de Gérardmer fait livrer, faute d'enneigement, fait livrer des centaines de mètres cubes de neige par camion. Il y a des allers-retours en camion permanents pour livrer cette neige, est-ce que ça vous semble raisonnable, est-ce que ce sont justement des comportements qu'il faut sanctionner ?

ELISABETH BORNE
Je ne sais pas s'il faut sanctionner, je pense qu'il y a une discussion à mener avec les élus pour qu'on n'essaie pas de faire comme s'il y avait pas de dérèglement climatique et qu'on puisse accompagner ces territoires dans une reconversion de leur activité touristique, évidemment ce n'est pas une bonne idée de faire livrer de la neige en camion.

RENAUD DELY
Reconversion, ça veut dire vers une forme de tourisme vert, vous dites aux Français qui sont extrêmement minoritaires, il y a très peu de Français qui vont au ski chaque année mais certains y sont en ce moment même puisque nous sommes en période de vacances scolaires, vous dites aux Français le ski c'est bientôt fini, voilà c'est bientôt fini, il faut se reconvertir, il faut changer d'activités, de loisirs ?

ELISABETH BORNE
Je pense qu'il faut tenir compte qu'il faut respecter davantage la nature. Vous savez peut-être que pendant trop longtemps, on a considéré que la nature elle faisait ce qu'on voulait, qu'on cultivait ce qu'on voulait en dépit des conditions géologiques, des conditions météorologiques, qu'on décidait de faire du ski et s'il n'y a pas de neige, on l'amène en camion, je pense que c'est aussi la philosophie des mesures très concrètes qu'on va annoncer lors du conseil de défense écologique, c'est de se dire qu'il faut non plus être contre la nature mais avec, on fait partie de la nature et il faut davantage la respecter.

MARC FAUVELLE
Sur le constat du dérèglement climatique, Elisabeth BORNE, je voudrais vous faire entendre ce que disait à votre place il y a quelques jours celui qui vous a précédé dans ce ministère, Nicolas HULOT.

NICOLAS HULOT
Tout le temps que l'on perd évidemment rend l'équation difficile, en fait on peut jouer simplement sur l'ampleur des conséquences. On peut essayer de limiter la casse, mais le coup est parti, on le voit bien d'ailleurs ce qui se passe en Amazonie, ce qui se passe en Australie et ce qui s'est passé en Sibérie, ce qui s'est passé récemment en Indonésie, on en a un peu moins parler qu'en Australie, montre malheureusement que les conséquences des changements climatiques, on doit déjà les subir.

MARC FAUVELLE
Il manque au gouvernement, Nicolas HULOT ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, Nicolas HULOT, c'est Nicolas HULOT, moi c'est Elisabeth BORNE et je peux vous assurer que je mets toute ma détermination…

MARC FAUVELLE
Vous vous sentez aussi verte que lui, aussi déterminée que lui ?

ELISABETH BORNE
Nicolas HULOT, vous savez, je pense que c'est un formidable lanceur d'alerte, il a participé à la prise de conscience comme notre jeunesse y a participé, mais aujourd'hui je pense qu'on rentre dans le dur, il faut attaquer des sujets complexes, c'est ce que j'ai fait toute ma vie professionnelle et c'est ce que je fais aujourd'hui au sein du gouvernement.

MARC FAUVELLE
On a le sentiment Elisabeth BORNE, mais peut-être qu'on se trompe que le gouvernement a beau enchaîner les mesures, vous en avez rappelé quelques-unes tout à l'heure, de la fermeture de Fessenheim au chantier de Notre-Dame-des-Landes, il n'y a pas d'effet "waouh" dans l'opinion, majoritairement les Français ne vous créditent pas de ce virage écolo.

ELISABETH BORNE
Ecoutez ce que je peux vous dire c'est qu'on mène des transformations qu'on n'a jamais menées, quand on a présenté et on a mis en consultation notre stratégie nationale bas carbone, c'est la feuille de route qui doit nous amener à la neutralité carbone, ça veut dire qu'on n'émettra pas plus de gaz à effet de serre que ce que la planète peut absorber en 2050 et ça fait on le fait.

RENAUD DELY
Dans 30 ans donc.

ELISABETH BORNE
Oui dans 30 ans.

RENAUD DELY
Ce n'est pas trop tard dans 30 ans ?

ELISABETH BORNE
Et vous savez, c'est une révolution de faire ça, ça veut dire qu'on a 30 ans pour se désintoxiquer des énergies fossiles qui sont à la base de notre mode de vie.

RENAUD DELY
Et on ne peut pas aller plus vite, Elisabeth BORNE ?

ELISABETH BORNE
Franchement c'est le cap de l'Accord de Paris et ce cap, il faut le tenir. Il faut le tenir avec, je le dis, c'est une vraie révolution plus importante que la révolution industrielle, ça appelle donc des transformations dans tous les secteurs, c'est le sens de ce que l'on porte avec Bruno LE MAIRE dans pacte productif pour réduire toutes les émissions dans le secteur industriel et moi j'ai vu les filières une par une pour savoir comment elles vont tenir leurs engagements, ça veut dire une révolution dans les mobilités, permettre à chacun de sortir de la dépendance à la voiture à énergie fossile. Ça veut dire aussi réduire la consommation de nos bâtiments et c'est l'accélération qu'on donne avec des mesures plus efficaces pour limiter les émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment. Donc c'est une feuille de route déterminée pour atteindre cette neutralité carbone et je peux vous dire qu'on n'a jamais fait des transformations comme on est en train de les mener.

RENAUD DELY
Donc les Français n'ont pas compris qu'on était face à une révolution verte quand on les interroge ?

ELISABETH BORNE
Je pense qu'il y a…

MARC FAUVELLE
Qu'est-ce qui pêche alors ?

ELISABETH BORNE
Moi je dis, enfin ces transformations elles sont à la fois immédiates et concrètes, quand on ferme les centrales à charbon, ce n'est pas simple de fermer des centrales à charbon, vous avez des salariés, vous avez des territoires.

RENAUD DELY
Centrales à charbon, c'est 2% nos émissions.

ELISABETH BORNE
Oui c'est 4 millions de voitures, vous voyez, donc si on laisse l'équivalent de 4 millions de voitures continuer à émettre des gaz à effet de serre, on n'atteindra pas…

MARC FAUVELLE
Les Français, ils ont retenu qu'on avait reculé sur l'écotaxe après les gilets jaunes, les autres mesures n'impriment pas toujours.

ELISABETH BORNE
Je pense que le président de la République va porter fortement, c'est ce qu'il l'a dit, ce qu'on fait dans ce domaine, il nous faut accélérer et c'est bien ce à quoi on est déterminé, fermer des centrales à charbon, supprimer un million de chaudières au fioul, sortir de la circulation un million de véhicules, c'est ce qui nous met sur la bonne trajectoire, de même que les trois lois qui ont été votées à la fin de l'année, la loi énergie-climat qui vise à mettre fin aux passoires thermiques d'ici 10 ans, d'ici moins de 10 ans maintenant, la loi Mobilités qui permet de sortir de la dépendance à la voiture individuelle dans tous les territoires, tous ces territoires qu'on a abandonné pendant des années, la loi anti gaspillage qui propose de sortir du tout jetable, pour passer au réparable, au réemployable, c'est une véritable révolution qu'on est en train de faire.

MARC FAUVELLE
Les leçons de l'incendie de Rouen à Lubrizol, il y a quelques mois dans un instant puisque vous avez annoncé des mesures hier pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise en France dans les années qui viennent.

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MARC FAUVELLE
Elisabeth BORNE, 5 mois après l'incendie de Lubrizol à Rouen, vous avez annoncé hier que vous souhaitiez renforcer les contrôles sur les sites risqués en France, vous avez même donné un chiffre, augmenter les contrôles de 50% dans les années qui viennent mais sans augmenter les moyens, comment on fait ?

ELISABETH BORNE
Non, je n'ai pas dit sans augmenter les moyens, j'ai dit qu'on tiendra cet objectif de 50% de contrôles de plus. Qu'en premier lieu, on va s'assurer que les agents sont dégagés de tâches administratives, qui ne sont pas ce qu'on attend prioritairement d'eux. Je pense qu'il faut qu'ils soient sur le terrain pour faire ces contrôles et on va évaluer avec les services s'il a besoin d'augmenter ou non les effectifs…

MARC FAUVELLE
Il y a 500 000 sites aujourd'hui à surveiller en France, je me trompe ?

ELISABETH BORNE
Il y a 400 000 sites qui sont effectivement simplement soumis à déclaration et donc ça doit être à peu près ce chiffre oui.

MARC FAUVELLE
Et 1 600 agents pour les contrôler, ça veut dire que chaque agent a en moyenne 300 sites à inspecter, comment est-ce que c'est possible ?

ELISABETH BORNE
Enfin vous savez…

MARC FAUVELLE
C'est juste une règle de trois.

ELISABETH BORNE
Il y a des sites de toute nature…

MARC FAUVELLE
Il y a des sites où on n'a pas besoin d'aller.

ELISABETH BORNE
Non, il y a des sites de toute nature et ce qu'on fait c'est qu'on contrôle en priorité les sites les plus dangereux comme par exemple le site qui était à Rouen, qui est un site ce qu'on appelle Seveso seuil haut et là on va renforcer les contrôles, non seulement sur ces sites mais on a bien vu à l'occasion de cet incendie que la propagation s'est faite avec les sites voisins et donc on va contrôler aussi systématiquement tous les sites qui sont autour de nos sites Seveso.

MARC FAUVELLE
A votre connaissance, le site qui se trouve juste à côté de cette usine, celui de Normandie Logistique où était entreposée sans qu'on le sache d'ailleurs très bien une partie des produits chimiques, il avait déjà été contrôlé dans son histoire ou jamais ?

ELISABETH BORNE
Ce site, je vous dis, il était soumis à déclaration et donc…

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'il avait été contrôlé ?

ELISABETH BORNE
Il n'avait pas été contrôlé, et c'est bien ce qu'on va changer désormais tous les sites autour des Seveso seront systématiquement contrôlés.

RENAUD DELY
La CNIL, Elisabeth BORNE, la Commission nationale informatique et libertés s'est inquiétée, a mis en demeure EDF et ENGIE en ce qui concerne la collecte d'informations personnelles avec les nouveaux compteurs Linky. On apprend que des informations donc liées à la consommation de ces usagers, l'heure du lever et du coucher dans ces domiciles, ces informations sont stockées, sont gardées pendant 5 ans, est-ce qu'il faut se méfier aujourd'hui des compteurs Linky, on peut refuser l'installation d'un compteur Linky sans conséquence ?

ELISABETH BORNE
Je n'ai pas de doute qu'ENEDIS va se mettre en conformité avec les demandes de la CNIL, ces compteurs ils sont très précieux s'ils apportent une aide des conseils à chaque Français, évidemment il faut que ce soit avec son accord si on stocke des données personnelles.

RENAUD DELY
Aujourd'hui il menace notre intimité.

ELISABETH BORNE
On peut le présenter comme ça.

RENAUD DELY
C'est ce que dit la CNIL.

ELISABETH BORNE
Donc du coup, je n'ai de doute et je peux vous assurer que je serai vigilante à ce qu'ENEDIS mette en conformité avec les demandes de la CNIL.

MARC FAUVELLE
Pour quelles raisons conserver ces données comme le fait aujourd'hui EDF pendant 5 ans ?

ELISABETH BORNE
Vous savez que c'est très utile de mieux comprendre quels sont vos pratiques de consommation, c'est même un des apports normalement de ces compteurs Linky, c'est d'être capable de vous dire on voit que vous surconsommez à telle heure, on pourrait vous conseiller de faire marcher votre machine à laver dans une plage…

MARC FAUVELLE
Mais pourquoi les conserver une fois par exemple qu'on a résilié son abonnement chez EDF pour passer chez un autre, puisque c'est ça qui est en jeu dans la décision de la CNIL ?

ELISABETH BORNE
Les compteurs en question, ils s'appliquent quel que soit votre fournisseur et je ne pense pas que votre mode de consommation change parce que vous avez changé de fournisseur. Je vous dis, il faut que ces compteurs soient utilisés à ce à quoi ils ont été prévus, c'est-à-dire à aider chacun d'entre nous à mieux maîtriser sa consommation d'énergie.

RENAUD DELY
On évoquait ENGIE à l'instant, la patronne d'ENGIE, Isabelle KOCHER aura été débarquée la semaine dernière de la direction d'ENGIE avec l'accord des actionnaires, enfin avec l'accord de l'État qui est le l'actionnaire principal d'ENGIE et derrière cette décision, il y a une autre qui se cacherait éventuellement, c'est ce que disait en tout cas Xavier BERTRAND, le président de la région hauts-de-France qui était notre invité ici même à votre place, il y a quelques jours.

XAVIER BERTRAND, PRESIDENT DE LA REGION HAUTS-DE-FRANCE
Elle s'oppose à tout démantèlement de cette entreprise et elle était la garante du fait qu'il n'y aurait pas de démantèlement. Je pense que son départ, l'arrière-pensée, la manipulation qu'il y a derrière tout ça, c'est qu'ENGIE soit démantelée.

RENAUD DELY
Est-ce que vous pouvez nous garantir, Elisabeth BORNE, qu'ENGIE ne sera pas démantelé ?

ELISABETH BORNE
Je peux vous garantir que moi je suis très vigilante à deux choses, à ce que ENGIE continue sur la trajectoire de transition énergétique, continue à être un des fers de lance de la transition énergétique et donc passe de l'énergie qui était le gaz à son origine à des énergies décarbonées. Et évidemment qu'on ait une bonne organisation du groupe, la plus efficace pour mener cette transition énergétique.

RENAUD DELY
Donc vous ne nous garantissez pas qu'ENGIE ne sera pas démantelée ?

ELISABETH BORNE
Je peux vous garantir ne sera pas démantelée, qu'il puisse y avoir des réorganisations parce que, ENGIE, on a connu des nombreux et qu'il puisse y avoir des réorganisations, il n'est en aucun cas question de démanteler ENGIE.

MARC FAUVELLE
En quoi un groupe serait plus efficace s'il est coupé en plusieurs morceaux ?

ELISABETH BORNE
Non, je ne suis pas en train de vous dire qu'on va couper le groupe en plusieurs morceaux…

MARC FAUVELLE
Qu'est-ce que c'est alors pardon, pour essayer de d'y voir clair, une réorganisation, quelle forme ça peut prendre ?

ELISABETH BORNE
Vous savez qu'aujourd'hui il y a des questions sur la lisibilité de l'activité d'ENGIE qui s'est positionnée beaucoup sur les services en énergie, qu'il a peut-être fait en juxtaposant des services plutôt qu'en créant un vrai service de l'efficacité énergétique, donc il y a un certain nombre de meilleures organisations qu'il faut mettre en oeuvre.

RENAUD DELY
On peut mettre la branche gazière qui pourrait être vendue ?

ELISABETH BORNE
Non mais écoutez, on peut spéculer, je vous rappelle qu'on a affaire à une entreprise cotée, donc on ne va pas faire des spéculations comme le fait Xavier BERTRAND sur l'avenir d'ENGIE. Moi, je serai très vigilante à ce qu'ENGIE continue à être un des fers de lance de la transition énergétique et évidemment à ce qu'il n'y ait pas de démantèlement d'ENGIE comme vous dites.

MARC FAUVELLE
Merci beaucoup Elisabeth BORNE, vous partez à Chamonix avec le chef de l'État cet après-midi.

ELISABETH BORNE
Je confirme.

MARC FAUVELLE
Vous serez dans le refuge avec lui la nuit prochaine à 2 000 mètres d'altitude avec les scientifiques ?

ELISABETH BORNE
Avec les scientifiques.

MARC FAUVELLE
Bonne nuit à vous, bonne journée, merci Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Merci.

RENAUD DELY
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 février 2020