Interview de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, à CNews le 17 février 2020, sur les élections municipales, la réforme des retraites et la rupture conventionnelle dans la Fonction publique.

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Média : CNews

Texte intégral

GERARD LECLERC
Bonjour Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

GERARD LECLERC
Vous êtes en particulier chargé de la Fonction publique, on va en parler tout à l'heure à propos des retraites, mais d'abord Paris avec la République En Marche, donc, qui sort la carte Agnès BUZYN pour sauver la liste macronistes. Abandon de poste, disent déjà les socialistes, inexpérience d'une campagne, soulignent d'autres. C'est un choix risqué, Paris de toute façon ce n'est pas déjà perdu pour les macronistes ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est d'abord et avant tout un bon choix. A circonstances exceptionnelles, réponse exceptionnelle et candidature exceptionnelle. Agnès BUZYN est ma collègue au gouvernement, elle était ma collègue jusqu'à il y a quelques heures, nous avons fait un travail ensemble sur la Fonction publique hospitalière, sur les lois de financement de la Sécurité sociale, et c'est la démonstration qu'on peut allier la bienveillance avec la détermination, la volonté de répondre au sujet des Parisiens, aux problèmes des Parisiens. C'est une Parisienne qui s'engage pour Paris.

GERARD LECLERC
Mais elle n'a pas d'expérience d'une campagne électorale, elle n'a jamais fait de campagne électorale.

OLIVIER DUSSOPT
Oui, mais je crois qu'on est aussi dans une phase de renouvellement. C'est une femme qui a une expérience extrêmement importante dans le domaine de la santé, qui a dirigé de grandes institutions de la santé, qui est ministre de la Santé et de solidarité depuis 2 ans et demi maintenant, elle est déterminée et je peux vous assurer qu'elle veut répondre aux interrogations des Parisiens, à leurs difficultés quotidiennes, elle veut mener cette campagne. Elle a vécu toute sa vie à Paris, elle connaît cette ville comme sa poche et elle va gagner cette ville pour Paris.

GERARD LECLERC
Mais la campagne était déjà mal engagée avec Benjamin GRIVEAUX, qui était en troisième position, ce n'est pas perdu, Paris, de toute façon ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est une nouvelle page qui s'ouvre. C'est une nouvelle page qui s'ouvre, c'est une nouvelle campagne qui commence, avec la capacité de rassemblement qu'Agnès BUZYN a et dont elle va démontrer…

GERARD LECLERC
Alors, il y a, on va revenir sur le choc de la démission de Benjamin GRIVEAUX, après donc la diffusion d'images privées. On parle d'une digue qui a sauté, d'une rupture. Est-ce qu'il faut se résoudre à cela, est-ce qu'après tout maintenant la vie privée des politiques fait partie, si je puis dire, du débat politique, ou est-ce qu'un sursaut est possible et comment ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas qu'il faille s'y résoudre et je ne pense pas qu'on puisse, d'un trait, dire après cet événement, que la vie privée des hommes politiques, des responsables publics au sens large, serait par définition public et n'aurait plus rien de privé.

GERARD LECLERC
Alors, comment on fait ?

OLIVIER DUSSOPT
Je pense que si l'on accepte pour les politiques ou les responsables publics, ça veut dire qu'on accepte pour tout le monde et personne n'y a intérêt. Il faut qu'il y ait une forme de sursaut collectif. Il y a dans la vie de chaque individu, un fort intérieur, une part d'intimité, qui doit rester privée, qui doit rester préservée, dès lors évidemment que ça ne contrevient pas à la loi, dès lors qu'il n'y a pas d'entorse à la légalité. Mais ce qui est privé, reste privé, et ça doit être une constante. J'ai vu beaucoup de réactions dans la classe politique, dénonçant ces agissements et disant à Benjamin GRIVEAUX, ce que je fais aussi, à la fois des marques de sympathie, des marques de solidarité, parce que chacun peut avoir un jugement moral mais la moralité n'est pas la légalité. Et ce qu'a pu faire Benjamin, en tout cas les images qui ont été échangées, chacun peut avoir un jugement dessus, mais il n'y a rien d'illégal, il n'y a rien qui soit contrevenant, et donc il faut que collectivement nous ayons cette capacité à préserver ce qui relève du privé.

GERARD LECLERC
Alors, l'auteur de la divulgation de ces images, c'est donc un artiste activiste russe, Piotr PAVLENSKI. Selon Emmanuel MACRON, eh bien la Russie continue à déstabiliser les élections en Occident. C'est un coup de la Russie ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est une réalité générale pour ce qui concerne l'individu que vous avez cité. Il y a une enquête de justice, il a été je crois placé en garde-à-vue, il doit répondre à un certain nombre de questions, à la fois pour des faits qui ont été décrits précédemment, mais aussi pour divulgation d'images privées et l'utilisation qui en a été faite. Je ne me prononce pas à la place de la justice, ça n'est pas le rôle d'un membre du gouvernement, ça n'est pas conforme à la séparation des pouvoirs. J'espère, y compris pour que justice soit rendue, que la transparence sera faite sur les motivations et ce qui a amené cet individu à faire cela.

GERARD LECLERC
Olivier VERAN remplace Agnès BUZYN. Alors, il vient du Parti socialiste, il était très actif dans les débats parlementaires, sur des lignes souvent à gauche, il va venir un peu lester le gouvernement à gauche ?

OLIVIER DUSSOPT
Olivier VERAN est conseiller régional en Auvergne-Rhône-Alpes, on se connaît bien lui et moi depuis longtemps…

GERARD LECLERC
Oui, comme vous.

OLIVIER DUSSOPT
... comme vous le savez, comme vous l'avez rappelé. On a un parcours politique commun, mais c'est un ami avec lequel je partage beaucoup, tant sur les valeurs que sur l'attachement que nous avons à la région.

GERARD LECLERC
Mais politiquement, il est quand même, il est à gauche, non ?

OLIVIER DUSSOPT
Oui, comme moi, comme d'autres membres du gouvernement, et Olivier VERAN était jusqu'à il y a quelques heures, Rapporteur général du budget des Affaires sociales et de la Commission des affaires sociales. C'est un excellent connaisseur des domaines de la santé, des domaines des Affaires sociales, il est lui-même praticien hospitalier, neurologue, avec cette expérience de terrain qui je crois est extrêmement utile…

GERARD LECLERC
Donc c'est un bon choix.

OLIVIER DUSSOPT
Donc c'est un très bon choix.

GERARD LECLERC
Les municipales, la République En Marche a revu à la baisse ses ambitions, elle a passé beaucoup d'accords pour soutenir des listes, mais quand on regarde, il y a 150 listes à droite et seulement 60 à gauche. Est-ce que la macronie ne penche pas de plus en plus à droite ?

OLIVIER DUSSOPT
Non, je crois que la lecture mathématique que vous faites est peut-être un peu trop large. Il y a énormément de communes, de villes, dans lesquelles vous avez des maires qui rassemblent, qui ont des listes très larges de rassemblement, avec en leur sein des Marcheurs, des sympathisants de la majorité présidentielle. Ce qui compte, c'est l'action qui a été mise en place. On parlait à l'instant du ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et de la Santé. Avec le début de l'année 2020 c'est une nouvelle étape dans la mise en place du reste à charge zéro, pour les prothèses auditives, pour les prothèses dentaires, pour les lunettes. C'est aussi la troisième tranche de revalorisation de différentes allocations, comme l'allocation adulte handicapé, comme le minimum vieillesse, l'allocation de solidarité pour les personnes âgées.

GERARD LECLERC
Donc tout ça, c'est cette gauche, ce sont des…

OLIVIER DUSSOPT
Ce sont des choses qui n'ont jamais été faites jusqu'à présent, jamais été faites avec une telle ampleur, et y compris sur la question de l'hôpital en particulier. Parce que j'entends déjà celles et ceux qui vont vouloir faire le procès du bilan d'Agnès BUZYN. Agnès BUZYN est la ministre de la Santé et des Solidarités, qui a obtenu que le budget consacré à l'hôpital, augmente le plus fortement depuis 12 ans. C'est la première ministre de la Santé et de la Solidarité, des Solidarités, à avoir obtenu que ce qu'on appelle les tarifs hospitaliers, qui sont véritablement le levier multi-technique de financement de l'hôpital, soient d'abord gelés, et revus à la hausse pour les trois années qui viennent, alors qu'ils baissaient depuis 12 ans. Donc nous travaillons, nous agissons, et ce qui compte, c'est ce que nous faisons.

GERARD LECLERC
Alors, avec Jean-Yves LE DRIAN, qui est lui aussi un ancien ministre socialiste, vous voulez depuis quelque temps déjà, organiser une sorte d'aile gauche de la macronie, et en tout cas une structure d'accueil pour ceux qui viendraient de la gauche. Pour l'instant, on ne voit aucun résultat.

OLIVIER DUSSOPT
Ah, je crois que vous... vous avez mal regardé, pardonnez-moi.

GERARD LECLERC
Il n'y a pas d'organisation…

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons un texte qui a été publié à l'automne dernier avec à peu près 85 signataires. Nous avons, avec les amis qui s'en occupent, avec Jean-Yves LE DRIAN, participé à une réunion de ces signataires le 1er février dernier, c'est tout récent, pour faire en sorte que ce mouvement, qui s'appelle Territoires de progrès, se structure, après les municipales, puisque les élus locaux qui en font partie, sont engagés dans la bataille des municipales, chacun dans leur commune. Nous allons à nouveaux continuer à les réunir, à travailler. Quel est l'objectif ? L'objectif est de permettre à des hommes et des femmes de gauche, comme je le suis, comme d'autres le sont, comme Jean-Yves LE DRIAN l'est, qui n'ont pas aujourd'hui rejoint la République En Marche, qui sont proches politiquement et soutiennent l'action du président de la République, soutiennent l'action du gouvernement, de pouvoir le faire plus librement, plus facilement. Vous avez des hommes et des femmes de gauche, qui aujourd'hui considèrent que le président de la République mène une bonne politique, qui n'ont pas nécessairement envie de rejoindre un mouvement particulier, qui veulent pouvoir le soutenir avec une liberté de ton, avec une liberté d'expression, et nous leur proposons de travailler dans ce cadre.

GERARD LECLERC
Et il y en a qui vont venir, vous sentez, vous savez, vous avez des ... ?

OLIVIER DUSSOPT
Oui, nous avons, comme je le disais, déjà plus de 90 signataires. Depuis la première réunion de ce mouvement, beaucoup d'élus, beaucoup de responsables dits de la société civile, du monde intellectuel, du monde syndical, nous contactent, des gens qui aujourd'hui sont divers gauche, qui sont aujourd'hui élus socialistes, et qui nous disent "je veux sortir des postures"…

GERARD LECLERC
Et on va les voir arriver prochainement chez vous.

OLIVIER DUSSOPT
"Je veux sortir d'une opposition frontale telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui par la gauche et qui ne me correspond pas, parce que je pense que le président de la République va dans le bon sens, et je pense qu'il faut l'aider". Ils sont les bienvenus.

GERARD LECLERC
Alors, les retraites, encore une grève annoncée aujourd'hui, à première vue il n'y a pas beaucoup de perturbations, et surtout il y a le début du débat à l'Assemblée, 41 000 amendements, comment vous allez vous en sortir ? Vous n'allez jamais tenir les délais.

OLIVIER DUSSOPT
Plus que les amendements, ce sont de l'obstruction pure et simple, c'est la volonté de paralyser un débat…

GERARD LECLERC
Oui, mais le débat, justement, va être paralysé, non ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est la volonté d'une minorité de paralyser l'action de la majorité des membres de l'Assemblée nationale, qui veulent débattre du fond et non pas être dans l'obstruction. Nous continuons à avancer sur cette réforme, Richard FERRAND le président de l'Assemblée nationale, va déployer tout son talent, toutes ses compétences, pour faire avancer ce débat-là, et plus que les petites manoeuvres d'obstruction qui plaisent à certains, qui en réalité évitent à l'ensemble de la gauche de parler du fond, ça évite aux uns d'assumer d'avoir augmenté de 42 à 43 ans la durée de cotisations, et ça évite aux autres d'assumer le fait qu'ils n'ont strictement aucune idée sur la manière de préserver le système de retraite. Nous, nous avançons sur le fond, nous avons fait un point avec le Premier ministre et les partenaires sociaux, jeudi dernier, les partenaires sociaux notamment les réformistes, ont noté des avancées sur les questions de pénibilité, sur les questions d'aménagements de fin de carrières, sur les questions de transition, c'est à cela qu'aujourd'hui je suis attaché et c'est ce à quoi je travaille.

GERARD LECLERC
Alors, justement, vous venez d'en parler, les négociations continuent sur les retraites, et notamment dans la Fonction publique, ça, ça vous concerne directement. Alors, Laurent BERGER a dit qu'il y a eu des avancées sur la retraite progressive, sur la transition, mais qu'il reste encore beaucoup à faire et notamment justement sur encore cette transition et sur la pension minimum.

OLIVIER DUSSOPT
Sur le minimum contributif, et nous sommes tous convenus, lors de la réunion de jeudi, que cette discussion sur le minimum de pension, minimum contributif, devait aussi être articulée avec les questions de financement plus générales, avec les travaux de la Conférence de financement. Nous avons dit qu'il y avait encore du travail sur la question de la pénibilité, notamment parce qu'il y a un point de désaccord entre les organisations syndicales et les organisations patronales, mais nous avons avancé sur la question de la retraite progressive, nous avançons aussi sur certains aspects de la pénibilité, parce que même si à tel ou tel endroit il y a quelques freins, quelques blocages, ça n'empêche pas d'avancer. Nous avons avancé sur le mécanisme de transition. Quand on dit mécanisme de transition, c'est comment est-ce qu'on fait pour que les hommes et les femmes qui ont commencé leur carrière, dans le système actuel, et qui vont finir leur carrière dans le nouveau système, voient les droits acquis jusqu'au changement de régime, garantis. On appelle ça la clause à l'italienne, c'est une procédure technique, c'est la plus protectrice, et des salariés du secteur privé, et des agents publics, et c'est celle qui a été retenue.

GERARD LECLERC
Enfin, on termine avec l'entrée en vigueur de la rupture conventionnelle dans la Fonction publique, comme ça existe dans le privé, donc la possibilité pour les fonctionnaires de quitter la Fonction publique. Est-ce qu'on a une idée du nombre de gens que ça pourrait concerner ?

OLIVIER DUSSOPT
La rupture conventionnelle dans le public c'est un des aspects de la réforme de la Fonction publique, que j'ai portée l'été dernier et qui entre en vigueur dans l'intégralité de ses composantes.

GERARD LECLERC
C'est vrai.

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons voulu que public et privé convergent, y compris au bénéfice des agents publics. Il y aura à partir de 2021, une prime de précarité pour les contrats courts, il y a plus de protection pour les contractuels, il y a une simplification du dialogue social, et il y a la rupture conventionnelle.

GERARD LECLERC
Et ça concernerait combien de personnes, on a une idée ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça concerne tous les agents publics qui souhaitent volontairement quitter la Fonction publique…

GERARD LECLERC
Oui, mais combien pourraient-ils être, on le sait ?

OLIVIER DUSSOPT
... et à condition, je le précise, que leurs employeurs acceptent de les voir partir, comme dans le secteur privé.

GERARD LECLERC
Bien sûr. Et alors, vous avez une idée de... ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons plusieurs milliers de demandes aujourd'hui, qui sont aujourd'hui en cours d'examen, le décret est sorti, l'arrêté qui prévoit les modèles types de convention, a été publié la semaine passée. Aujourd'hui les demandes sont examinées et les employeurs publics, les chefs de service, vont accorder des ruptures conventionnelles, vont aussi en refuser, parce que cela fait partie de la règle du jeu. Je pense que nous en aurons plusieurs milliers dans les prochains mois.

GERARD LECLERC
Merci Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.

GERARD LECLERC
Bonne journée, bonne semaine.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2020