Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en réponse à une question sur la situation migratoire aux frontières de l'Union européenne, au Sénat le 4 mars 2020.

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Circonstance : Questions d'actualité au Sénat

Texte intégral

Monsieur le Sénateur,


Il y a plusieurs questions sur ce sujet qui sont posées par plusieurs de vos collègues. Donc, je vous demande de bien prendre en compte les différentes réponses que je vais faire au fur et à mesure pour qu'il y ait une réponse complète.

D'abord pour vous dire, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que la crise que connaît actuellement le nord-ouest de la Syrie est dramatique. On va vers un véritable cataclysme dans le nord-ouest de la Syrie.

Cette crise a une cause qu'il faut identifier, c'est la rupture des accords de Sotchi. Ces accords prévoyaient que la zone d'Idlib - trois millions d'habitants - soit considérée comme une zone de désescalade pour que les groupes terroristes nombreux qui y sont puissent être démantelés et que la population puisse y vivre normalement, même s'il s'agit, pour une bonne partie, de réfugiés. Cet accord-là a été rompu.

Or, c'était la Turquie qui en avait la responsabilité. D'où la situation conflictuelle parce que le régime a décidé une reconquête territoriale, qui fait qu'il y a conflit armé encore en ce moment entre les forces turques présentes dans cette zone en Syrie et les forces du régime.

Cela entraîne une véritable catastrophe humanitaire dans la zone, j'aurai l'occasion d'y revenir, et cela a entraîné un comportement inacceptable de la part de la Turquie, qui, pour remédier à ce conflit-là à la fois pour des usages internes et externes, a décidé d'instrumentaliser les migrants qui se trouvaient depuis longtemps sur son propre territoire pour faire pression sur l'Union européenne. Cette attitude-là est inacceptable, cette prise d'otages, puisque que c'en est une, n'est pas acceptable et doit être combattue.

Donc, les initiatives que nous prenons, elles sont doubles : d'une part, agir auprès de la Russie pour que l'on en revienne à Sotchi, et je pense que la rencontre entre le président Erdogan et le président Poutine qui va avoir lieu permettra peut-être d'arriver à ce résultat, et d'autre part, de marquer notre totale solidarité avec la Grèce.


Monsieur le Sénateur,


Je l'ai dit déjà il y a un instant mais je vous le redis avec force, la France est totalement solidaire de la Grèce dans cette affaire. Elle est totalement solidaire de la Grèce, d'abord pour des raisons humanitaires, ensuite pour des raisons politiques parce que ce qui se passe en Grèce nous concerne tous puisque nous sommes tous au sein de l'espace Schengen.

Je voudrais d'ailleurs relever, mais vous l'avez noté, que la pression migratoire qui est aujourd'hui aux portes de l'Europe, aux portes de la Grèce, un peu de la Bulgarie, un peu de Chypre, cette pression migratoire est organisée par le régime du président Erdogan pour constituer un élément de chantage à l'égard de l'Union européenne. L'Union européenne ne cédera pas à ce chantage.

Nous avons convenu avec la Turquie un accord en mars 2016 qui garantissait des financements importants à l'égard de la Turquie, en échange d'une gestion difficile, certes, des réfugiés venus de la crise syrienne antérieure. Six milliards d'euros ont déjà été engagés, la moitié a été versée. Donc, nous attendons de la Turquie qu'elle remplisse elle-même ces engagements que nous-mêmes, nous avons respectés et que nous continuons à respecter.

Maintenant, vous aurez noté que nous avons décidé d'organiser, cet après-midi, une réunion des ministres de l'intérieur de l'Union européenne. Demain, je me rendrai à Zagreb avec mes collègues européens pour envisager ensemble comment on peut, concrètement, aider la Grèce aujourd'hui dans cette situation particulièrement difficile.

Je pense que nous aurons une unanimité, à la fois pour valoriser l'opération Frontex, pour mettre les moyens à disposition et pour aider humanitairement ce pays à faire face à cette difficulté.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mars 2020