Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, à CNews le 10 mars 2020, sur la chute des places boursières et les prévisions de baisse de croissance dues à la pandémie de Covid-19 et l'organisation des élections municipales.

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Média : CNews

Texte intégral

GERARD LECLERC
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Gérard LECLERC.

GERARD LECLERC
Votre collègue Franck RIESTER, le ministre de la Culture, donc, contaminé par le coronavirus. Vous avez de ses nouvelles ? D'autres ministres pourraient être touchés ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, j'ai de ses nouvelles. Il dit qu'il a le sentiment d'avoir une grippe, un peu de mal de tête, une fièvre modérée, donc tout va bien pour lui, il est chez lui, il travaille depuis chez lui, et il nous disait qu'il avait été beaucoup au Parlement ces derniers jours, et qu'il ne nous a pas croisés, en fait, puisqu'il était retenu sur un texte.

GERARD LECLERC
Et donc, en principe, pas d'autre ministre touché ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, à ce stade, non.

GERARD LECLERC
Mais vous faites attention, vous surveillez, vous prenez votre température quand vous…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais comme tous les Français, on fait attention, on fait surtout les gestes barrière, se laver les mains toutes les heures, faire en sorte de prendre soin des plus âgés, pour que le virus ne se dissémine pas trop rapidement. C'est toute la stratégie du gouvernement, portée par Olivier VERAN.

GERARD LECLERC
Vent de panique sur les Bourses, avec des chutes de 8, 9% hier. Alors, est-ce que c'est le prélude à un krach boursier et le prélude à une récession économique ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je crois que l'on va très vite en besogne. Aujourd'hui nous avons un système financier qui est beaucoup plus solide que pendant la crise de 2008, parce que les banques sont plus solides. Le suivi des banques a été renforcé…

GERARD LECLERC
Oui mais la chute se ressent, c'est les mêmes niveaux, de 8, 9% de baisse.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Certes mais on sait que la Bourse a des réactions parfois rapides, notamment avec les robots qui passent de manière automatique les ordres d'achats et de ventes. Moi je regarde avec une certaine circonspection la situation, c'est plutôt le moment de faire des bonnes affaires en Bourse aujourd'hui, et les fondamentaux…

GERARD LECLERC
Ah, vous pensez qu'il faut acheter.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Les fondamentaux des entreprises restent solides. Je rappelle que ces trois dernières années nous avons créé 700 000 emplois, que nous avons une décroissance des pays d'Europe de l'Ouest les plus soutenus, donc on rentre dans cet épisode de coronavirus avec des fondamentaux extrêmement solides.

GERARD LECLERC
Oui, mais ça c'était avant. Maintenant c'est le coronavirus. L'Italie qui met en quarantaine toute la population, 60 millions d'habitants. Est-ce que ça peut avoir des conséquences ? Et puis est-ce que c'est quelque chose qui peut arriver demain en France ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Chaque pays organisera sa réponse au coronavirus, en fonction de son propre système de santé, et je pense que nous avons la chance en France, et on est en train de le prouver, d'avoir un système de santé très solide, qui nous permet aujourd'hui de faire face sans bloquer toute l'économie. Donc ce sera le ministère de la Santé qui nous dira quelles sont les meilleures mesures, sur la base des experts de la santé, des médecins, sur lequel nous nous appuyons. Ensuite, bien sûr que ce qui se passe en Italie a des conséquences, puisque nos économies elles sont reliées, donc nous allons suivre cela de très près, mais c'est un des sujets qui explique notre souhait d'avoir une coordination européenne, économique, pour prendre des réponses coordonnées en matière économique. Vous savez que nous avons des contacts très actifs en ce moment, et nous attendons le sommet des ministres des Finances le 16 mars, avec une certaine impatience, parce que nous pensons qu'il faut que l'Europe prenne de grandes décisions.

GERARD LECLERC
En France, Bruno LE MAIRE évoque, je le cite, un impact sévère sur la croissance. D'autres vont plus loin et disent qu'on va tout droit vers une récession et donc vers une remontée du chômage.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, là aussi, attention à ne pas être dans la prophétie auto- réalisatrice. La réalité c'est que nous rentrons dans cette crise avec 1,3% de croissance, enfin ça c'était notre prévision. Pour le moment, nous avons toujours tenu nos prévisions de croissance, et nous estimons à quelques dixièmes de PIB perdus, cette crise.

GERARD LECLERC
Pas plus ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Quelques dixièmes de PIB perdus, ce n'est pas la récession. Donc il faut être attentif. Nous avons la chance en France d'avoir un plan de relance de la demande qui est très fort, parce que quand on baisse les impôts de 5 milliards d'euros, 5 milliards d'euros, et qu'on baisse la taxe d'habitation de 3 milliards d'euros, en fait on redonne aux Français 8 milliards d'euros de possible consommation. Donc, de ce point de vue-là on a en fait un plan de relance qui est mécanique. Ensuite il va falloir accompagner les entreprises, c'est ce que nous faisons, nous avons pris des mesures très fortes…

GERARD LECLERC
Alors, vous avez pris un certain nombre de mesures, des reports d'échéances fiscales et sociales, c'est jugé utile, mais beaucoup disent : c'est encore insuffisant. Il y a des secteurs qui sont d'ores et déjà sinistrés : l'événementiel, le journalisme, les spectacles, les transports. Ecoutez, on avait tout à l'heure Alexandre WOOG, qui est directeur général d'ALLIANCE Autocars. Ecoutez-le.

ALEXANDRE WOOG, DIRECTEUR GENERAL D'ALLIANCE AUTOCARS
Je pense qu'il y a une hystérie générale autour du coronavirus. Il faut finalement que tout le monde reprenne un petit peu conscience qu'il faut continuer à vivre. Alors heureusement on a des déplacements. Je donne un exemple, les autocars, aujourd'hui on a beaucoup de monde qui ne veut plus aller en gares, qui veut plus aller en aéroports, et qui finalement se tourne vers les autocars pour pouvoir se déplacer. Donc je pense que non seulement il faut rassurer les gens, et en plus il va falloir aider financièrement énormément d'entreprises qui sont proches de la faillite.

GERARD LECLERC
Voilà, « aider financièrement des entreprises proches de la faillite », d'autres parlent de fonds d'urgence. Qu'est-ce que vous répondez ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je réponds que les mesures que nous avons prises, elles sont appropriées et nous l'avons vécu l'année dernière…

GERARD LECLERC
Mais elles sont suffisantes, vous êtes sûre ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous l'avons vécu l'année dernière avec les Gilets jaunes. Pourquoi ? Parce que quand on fait ça, c'est quasi automatique, on réinjecte immédiatement de la trésorerie dans les entreprises, et lorsqu'elles sont en situation de trésorerie tendue, on peut leur donner des dégrèvements, ce qui veut dire en fait qu'on abandonne les impôts qu'elles doivent payer. Et ça, c'est le fonds d'aide. Et l'année dernière c'est 500 millions d'euros, 500 millions d'euros de trésorerie qui avaient été réinjectés dans les entreprises, PME, TPE, et qui a permis de passer la crise des Gilets jaunes sans casse, parce qu'il n'y a pas eu d'augmentation des faillites.

GERARD LECLERC
Oui mais est-ce qu'il ne faut pas aller plus loin ? Est ce qu'il ne faut pas un plan de relance ? Le président de la Commission des Finances, Eric WOERTH, dit qu'il faut... "Il est indispensable – dit-il – d'agir très fort, très vite, tout de suite, avec un plan d'urgence".

AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, et moi j'ai lu sa déclaration, et avec une certaine, je dirais satisfaction, j'ai pu constater que tous les points qu'il indiquait avaient déjà été couverts par Bruno LE MAIRE et moi-même, puisque depuis le 21 février, nous avons pris ces mesures. Et moi j'invite toutes les entreprises, toutes les entreprises qui aujourd'hui font face à des difficultés, à appeler les URSSAF et à demander à repousser leur échéance du 15 mars, parce que ça c'est concret, ça c'est immédiat. Ce n'est pas des fonds d'indemnisation qui vont rembourser dans un an. Dans un an, les entreprises elles auront déposé le bilan. Aujourd'hui, nous avons un plan qui est massif, qui est efficace, nous sommes aux côtés des entreprises. Je vais voir tout à l'heure la filière de l'industrie agroalimentaire, je verrai l'industrie du luxe jeudi, l'industrie de l'automobile la semaine prochaine, à leur demande, et nous allons bâtir ces plans, mais le premier pas à faire c'est de rentrer en contact avec l'administration et de demander à bénéficier de ces mesures, parce que c'est ça le plan d'indemnisation.

GERARD LECLERC
Alors, vous vous occupez de la consommation, et c'est un autre sujet, les risques de pénurie, les problèmes d'approvisionnement dans les grandes surfaces, parce qu'il y a des achats de précaution, et puis aussi pour les entreprises qui importent des produits, qu'est-ce que vous…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, aujourd'hui, moi ce que j'observe c'est deux choses. Vous avez des phénomènes de gens qui profitent un petit peu de la situation. Sur ça j'appelle les consommateurs à ne pas hésiter à saisir la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, en saisissant sur "signal conso",  pour dire : le prix de tel bien primaire est complètement décalé, etc. Ça c'est le premier élément. Ou tout ce qui est fraude, parce qu'on voit fleurir ici et là des conseils, des gourous qui racontent n'importe quoi, pour se prémunir contre le coronavirus. La deuxième chose c'est le risque de rupture. Ce risque de rupture d'approvisionnement il n'existe pas. Il n'existe pas. Effectivement, il y a là aussi des prophéties auto-réalisatrices, c'est-à-dire à partir du moment où des gens vont se précipiter dans les magasins et vider le rayon papier toilette, sur 3 heures, eh bien la quatrième heure le rayon est vide. Et on le réapprovisionne, c'est ce que fait la grande distribution.

GERARD LECLERC
Donc, pas de risque de rupture nulle part.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, on en est très loin.

GERARD LECLERC
Les municipales, déjà il y a des foyers des villes et des villages, où les écoles sont fermées etc., même là il y aura les élections ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, c'est un moment important, c'est un moment de démocratie…

GERARD LECLERC
Et donc partout il y aura des scrutins.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, et encore une fois, une élection municipale ce n'est pas dangereux, c'est moins dangereux qu'aller chercher son pain…

GERARD LECLERC
On craint d'être contaminé, c'est ça le problème.

AGNES PANNIER-RUNACHER
... au coin de la rue. Il y aura des distances entre les personnes, on fera en sorte de ne pas avoir une influence trop importante, on gérera cette affluence. Il y aura des gels hydro alcooliques à l'entrée, pour se laver les mains et on désinfectera régulièrement le matériel de campagne.

GERARD LECLERC
Donc, pas de danger.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et surtout, le Premier ministre l'a indiqué, il va accélérer, faciliter les procurations pour les personnes qui seraient inquiètes, et on peut le comprendre, mais c'est très facile de donner sa procuration à un proche. Je rappelle que le coronavirus, il est bénin pour plus de 80% des gens, et lorsque vous êtes jeune et en bonne santé, ça se passe très bien.

GERARD LECLERC
Alors, les municipales, le danger est-ce que ce n'est pas pour la République En Marche, confrontée à des sortants socialistes Ou LR bien souvent qui sont en bonne position. Il y a la poussée des Verts, est-ce que ce n'est pas une déroute annoncée qui s'annonce, pour vous ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour avoir une déroute, il faut avoir des élus. La République En Marche…

GERARD LECLERC
Ah oui, mais c'est un peu facile ça, si vous n'avez aucun élu, ça sera quand même une déroute !

AGNES PANNIER-RUNACHER
La République En Marche, aujourd'hui, elle n'a aucun élu au niveau des municipales.

GERARD LECLERC
Certes, mais…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc ça ne peut être que de nouveaux élus que nous allons engranger. Et alors, c'est peut-être un peu particulier, mais c'est le fait d'un mouvement qui a 4 ans d'existence, moins de 4 ans d'existence…

GERARD LECLERC
Vous manquez quand même d'ambition, vous…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je rappelle que nous avons été créés en avril 2016…

GERARD LECLERC
Et donc, s'il n'y a pas de gain de grandes villes…

AGNES PANNIER-RUNACHER
... et on a toujours été très clairs, on a toujours été très clairs, nous ce qui nous intéressait c'est d'avoir, d'atteindre 10 000 élus municipaux. 10 000 élus municipaux, pour vous donner quand même une indication, la dernière fois LR en a eu 7 000. Donc oui, c'est très ambitieux, mais on n'est pas à la chasse à la grande finale, ce n'est pas représentatif de la France, il y a plus de 30 000 communes en France, et ce qui est intéressant c'est ce maillage territorial qui nous permettra d'avoir un relais de nos politiques.

GERARD LECLERC
Alors, vous-même vous êtes candidate à Paris, dans le XVIème arrondissement. Alors, deux choses d'une part, Agnès BUZYN fait campagne sur sécurité et propreté. Ça paraît un peu court, c'est d'ailleurs les thèmes de Rachida DATI, et puis surtout, elle a dit que pour le deuxième tour il pourrait y avoir des alliances avec les listes de Rachida DATI. Vous allez faire exploser la République En Marche.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je vous invite à aller lire le programme d'Agnès BUZYN, parce que justement elle ne fait pas campagne sur sécurité et propreté. Sécurité et propreté, c'est les basiques sur lesquels nous avons pris position, parce qu'Anne HIDALGO, sur ces basiques, a totalement failli. Nous sommes obligés d'accueillir cette frustration énorme des Parisiens. Mais nous faisons campagne sur l'environnement, nous faisons campagne, et c'est la seule à le faire, sur l'accueil des plus vulnérables, sur un système public de maintien à domicile pour les personnes âgées…

GERARD LECLERC
Et sur les alliances, parlez-moi des alliances au deuxième tour avec... par arrondissement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais je me permets d'insister sur cet élément de programme…

GERARD LECLERC
Oui oui, j'ai bien entendu. J'ai entendu votre argument.

AGNES PANNIER-RUNACHER
... parce que malheureusement c'est un peu, si vous voulez, réducteur, alors que nous avons probablement le programme qui est le seul qui est chiffré, le seul, et qui est le seul qui ait cette profondeur de vue.

GERARD LECLERC
Et les alliances au deuxième tour avec les listes de Rachida DATI ou d'autres listes de droite ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je vais vous dire, monsieur LECLERC, en réalité les électeurs qui nous soutiennent, ce n'est pas ce qui les intéresse. J'étais hier en meeting…

GERARD LECLERC
Eh bien oui, mais il se trouve que c'est ce qu'elle a dit.

AGNES PANNIER-RUNACHER
J'étais hier en meeting dans le XVème arrondissement, on a une candidate En Marche qui fait un travail exceptionnel, on avait énormément de gens réunis autour d'un programme…

GERARD LECLERC
Non mais il y aura ou non des alliances au deuxième tour avec la droite ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais, regardez le XVIème, il n'est pas question de faire alliance avec Madame DATI, ça n'a pas de sens. Donc, il ne faut pas oublier qu'on a une élection qui se fait arrondissement par arrondissement, et qui ensuite se fait au niveau du Conseil de Paris. Donc, chaque arrondissement aura sa logique propre, nous ferons peut-être des alliances autour d'un projet, mais typiquement, dans le XVIème, ça n'a pas de sens de faire alliance avec DATI.

GERARD LECLERC
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci beaucoup.

GERARD LECLERC
Bonne journée, bonne fin de semaine.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 mars 2020