Interview de M. Olivier Véran , ministre des solidarités et de la santé, à France Info le 29 avril 2020, sur les modalités du déconfinement à compter du 11 mai 2020, le port du masque et la réalisation de tests de dépistage au covid.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE 
Bonjour Olivier VERAN. 

OLIVIER VERAN 
Bonjour. 

MARC FAUVELLE 
Bienvenue sur France Info. Protéger, tester et isoler, c'est le plan du gouvernement pour l'après 11 mai, on va revenir avec vous sur les détails de ces mesures censées éviter une éventuelle reprise de l'épidémie, mais d'abord un point précis si vous voulez bien. Edouard PHILIPPE a annoncé hier que chaque département aurait, dès demain, une couleur en fonction de plusieurs critères, notamment le nombre de nouveaux malades qui s'y trouvent, pour permettre d'ajuster au mieux les mesures au niveau local, à quoi serviront précisément ces couleurs et combien y en aura-t-il ? 

OLIVIER VERAN 
Il y aura au moins deux couleurs, le Premier ministre a parlé des couleurs vertes et rouges, enfin peu importe les couleurs, ce qu'il faut retenir c'est que, il y a deux types de territoires en France, et d'ailleurs on le voit depuis plusieurs semaines maintenant que l'épidémie a cours. Il y a les territoires dans lesquels l'épidémie a été forte, notamment dans la région Grand-Est, et un certain nombre de départements, ou encore d'Ile-de-France, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France, où il y a eu une saturation très forte des lits de réanimation, où il y a eu un grand nombre de malades, un grand nombre de décès, un grand nombre d'EHPAD qui ont été touchés par le virus, et il y a les départements dans lesquels il y a quasiment pas eu d'épidémie, et dans lesquelles le virus n'a quasiment pas circulé et n'a pas saturé les capacités hospitalières. Nous devons tenir compte de ces paramètres, au moment de lever progressivement le confinement, pourquoi ? parce qu'il y a encore des territoires dans lesquels vous avez un nombre assez élevé de malades, et donc un risque de contamination plus important qu'ailleurs, il y a un certain nombre de territoires, souvent les mêmes d'ailleurs, mais pas toujours, où il n'y a plus, ou très peu de places dans les services de réanimation, parce que, si vous le voyez jour après jour, le nombre de malades diminue, il reste encore extrêmement élevé, supérieur aux capacités de base des services de ré. Et puis il y a un troisième paramètre, sur lequel nous travaillons énormément, qui est la capacité des territoires à s'organiser pour faire face au nombre de nouveaux malades qui apparaîtraient dans ces territoires, de manière à être capable, en capacité de tester, tracer et isoler toutes les personnes malades et tous les cas contact, et donc c'est ainsi que le Premier ministre a parlé de différenciation entre les territoires, ceux, encore une fois, dans lesquels il y a un risque plus élevé d'épidémie et dans lesquels il y a un risque plus élevé de saturation des hôpitaux, et ceux dans lesquels, eh bien jusqu'ici l'épidémie a été assez peu intense et donc qui nous permettent d'envisager une reprise, progressive toujours, mais un peu plus… 

MARC FAUVELLE 
Pardon, dans un département rouge, qu'est-ce qu'on n'aura pas le droit de faire ? 
OLIVIER VERAN 
On n'ouvrira pas très probablement les collèges la semaine du 18 mai, il y a un certain nombre de lieux extérieurs, qui auront vocation à être fermés, il y aura surtout… vous savez, le Premier ministre et le président de la République ont souhaité présenter cette feuille de route, quand même assez complète et précise, mais la mettre à la concertation des élus locaux, des préfets, des partenaires sociaux, de manière à ce que chacun puisse s'emparer de cela… 

MARC FAUVELLE 
Mais on ouvrira par exemple tout de même les écoles dans ces départements ? 

OLIVIER VERAN 
La différenciation elle sera aussi le fait de décisions locales, on l'a vu d'ailleurs pendant le confinement, avec des élus, avec des préfets, qui nous disaient, écoutez, ici, là, on sent qu'il y a une dynamique épidémique, qu'il y a l'inquiétude de la population, on voudrait pouvoir prendre des mesures différenciées, adaptées aux territoires, et donc dans ces zones de circulation virale, dans ces zones qu'on va appeler rouges, où on les appellera peut-être ailleurs autrement, on verra, dans ces zones territoriales, eh bien il y aura la possibilité d'aller fermer, si nécessaire des écoles, d'aller fermer si nécessaire un certain nombre de commerces, ou de lieux extérieurs, en fait on donne la capacité aux acteurs locaux de s'emparer de la feuille stratégique nationale que nous leur donnons, et en plus on les équipe d'indicateurs qui leur permettent de s'appuyer sur la science pour pouvoir statuer. 

RENAUD DELY 
Pour bien comprendre, Olivier VERAN, cette distinction entre ces deux couleurs, par exemple on ne pourra donc pas se déplacer d'un département vert vers un département rouge, si par exemple quelqu'un habite dans un département vert, mais travaille dans un département voisin qui est classé rouge ? 

OLIVIER VERAN 
La possibilité d'effectuer de la distance pour des raisons impérieuses, qui tiennent à des raisons familiales ou professionnels, est différente de la distance que vous serez habilité à faire pour du loisir, ou de la visite, ou un déplacement, qui elle sera limitée à 100 kilomètres, et oui, il y a une attention, mais c'est très logique, c'est très logique, il faut éviter les déplacements entre des territoires plus ou moins éloignés, mais très différents sur le plan de la circulation du virus. De la même manière, si vous habitez dans une zone de circulation active du virus, vous n'avez pas vocation à vous déplacer dans des zones dans lesquelles le virus ne circule pas, parce que par définition c'est là que vous prenez le risque de faire diffuser le virus plus largement, donc oui… 

RENAUD DELY 
Vous dites qu'il faut éviter, Olivier VERAN, vous dites il faut éviter, mais pour autant ça ne sera pas interdit, donc notamment pour raisons professionnelles, vous en appelez, là aussi, à la responsabilité individuelle ? 

OLIVIER VERAN 
Mais la responsabilité individuelle et la responsabilité collective ont été les maîtres mots de la politique du confinement dans notre pays depuis 8 semaines, la France peut s'enorgueillir d'avoir suivi le confinement avec énormément de sérieux, j'en veux pour preuve ce fameux indicateur de reproduction du virus, le fameux R0, vous savez, que les Français commencent bien à comprendre et à connaître… 

MARC FAUVELLE 
Le taux de contagion. 

OLIVIER VERAN 
Voilà, qui a été évalué à 0,5 en France, à 0,5 en France, quand chez, par exemple nos voisins Allemands, je ne compare pas pour comparer, mais pour que chacun se fasse une idée, il était descendu à 0,7, donc c'est-à-dire qu'on a été capable, par le confinement en France, de freiner la diffusion du virus plus que n'importe quel autre pays, et pourquoi, parce que le comportement des Français, sauf quelques exceptions, mais le comportement des Français a été exemplaire, et mon message c'est que le comportement des Français doit rester exemplaire d'ici au 11 mai, que le confinement n'est pas terminé, ce n'est pas parce que nous nous projetons dans l'après, qu'il faut déjà l'anticiper, parce que si les Français brisaient le confinement trop tôt, le virus, qui est encore à un niveau trop élevé dans notre pays, circulerait de façon trop importante d'ici au 11 mai, et nous ne serions peut-être pas en mesure, nous ne serions peut-être pas en mesure, au 11 mai, de lever progressivement le confinement. Donc c'est une importance majeure, et c'est vraiment le message que je souhaite véhiculer ce matin. 

MARC FAUVELLE 
On va parler d'un autre sujet très important, c'est le sujet des masques, dont le Premier ministre nous dit que tous les Français en auront à partir du 11 mai, on s'interrompt un instant, si vous voulez bien Olivier VERAN, le temps du fil info à 8h40. (…) 

MARC FAUVELLE 
Olivier VERAN, le gouvernement promet donc que tous les Français auront un masque le jour de la sortie du confinement, un rapide calcul, si vous le permettez, nous sommes 67 millions de Français, même en estimant que seulement 50 millions d'entre nous aurons besoin d'en porter, il en faudra 1, 2 ou 3 par jour, 3 par jour c'est la recommandation pour ceux qui travaillent, si je multiplie 50 millions par 2 masques par jour, il en faudrait 100 millions pour chaque jour, là où le gouvernement en annonce 20 millions par semaine. Comment est-ce qu'on règle cette équation ? 

OLIVIER VERAN 
Il y a des masques grand public, que le gouvernement met à disposition, notamment le Premier ministre a fait état de la nécessité pour la France d'équiper ses propres salariés, il y a les masques qui vont être mis à distribution par le biais des entreprises, pour protéger leurs salariés, il y a les masques qui vont être mis à distribution par les collectivités territoriales, l'Etat a beaucoup accompagné, notamment les régions, pour qu'elles puissent acquérir des masques, en grand nombre, ne serait-ce que pour la question des transports, des transports collectifs, des transports en commun, il y aura des masques qui seront fournis également dans les écoles, les filières de production textile française, mais également les importations, permettent d'avoir un grand nombre de masques dans notre pays, donc… 

MARC FAUVELLE 
Il y en aura 100 millions distribués le 11 mai ? 

OLIVIER VERAN
 Le Premier ministre a parlé d'au moins 20 millions de masques mis à disposition des Français, à la date du 11 mai, par la puissance publique, il y a également, je vous le dis, toutes les filières de production, toutes les filières parallèles, les entreprises, etc., il y a une dynamique. Vous savez, c'est presque un appel à la mobilisation aussi, il y a là, dans le domaine de ces masques de protection de la population, il y a là une formidable aventure industrielle, qui a démarré il y a plusieurs semaines désormais… 

MARC FAUVELLE 
Mais qui ne suffira probablement pas, Olivier VERAN. 

OLIVIER VERAN
 Et qui doit permettre d'équiper tous les Français, encore une fois, tout ne relève pas de l'Etat, il y a beaucoup de choses qui relèvent aussi de l'entreprise, il y a la loi de l'offre et de la demande, il y a les pharmacies qui peuvent en distribuer, et qui sont nombreuses à en commander, il y a la grande distribution qui a le pied sur le champignon, prête à pouvoir en distribuer, il y a les collectivités locales, il y a les partenaires sociaux, il y a énormément de monde qui souhaite pouvoir participer à cette distribution de masques. Cet appel, nous avons lancé déjà depuis plusieurs semaines, et j'ai entendu un grand nombre, d'ailleurs, de présidents de collectivité territoriale ou de chefs d'entreprise, dire qu'ils se tenaient prêts à en distribuer. Donc, nous savons que cette dynamique elle existe dans notre pays depuis plusieurs semaines, et l'objectif c'est aussi de pouvoir en fournir dans la durée en quantité. Nous allons vivre, nous le savons, avec le virus, c'est-à-dire que nous allons vivre avec les gestes barrières, pendant encore un moment, pendant encore un moment, et les masques seront maintenant partie supplémentaire de ces gestes barrières. 

MARC FAUVELLE 
Mais ça ne répond pas tout à fait à cette équation, 20 millions de masques par semaine, 100 millions par jour, si 50 millions de Français en ont besoin de 2, est-ce que vous dites clairement, Olivier VERAN, aux Français, à vos ciseaux, à vos aiguilles, prenez un bout de tissu et fabriquez-en à la maison ? 

OLIVIER VERAN 
Mais, vous savez, nous avons d'ailleurs rendu publiques, disponibles, les modalités de fabrication des masques normés français, ce qu'on appelle les normes AFNOR, pour qu'ils puissent être produits, nous avons rouvert les couturiers, nous avons rouvert les magasins textiles, nous avons rouvert les merceries, et nous avons indiqué aux Français que toutes les initiatives étaient les bienvenues, c'est une aventure collective, c'est une aventure de toute la Nation, que d'être capable de se fournir dans ces équipements… 

MARC FAUVELLE 
Donc à vos ciseaux, dites-le clairement. 

OLIVIER VERAN 
A vos ciseaux, bien sûr, mais également à vos chefs d'entreprise, mais également à vos maires, à vos présidents de région, encore une fois c'est une aventure de toute la Nation. 

RENAUD DELY 
Ces masques, pour ceux qui vont être mis en vente, où pourront-ils être achetés, à quel prix, si vous observez une inflation, une surenchère, est-ce que ces prix pourront être encadrés, et pourquoi tout bonnement, puisque c'est une aventure de la nation, Olivier VERAN, comme vous le disiez à l'instant, pourquoi ne sont-ils pas mis à disposition gratuitement pour les Français ? 

OLIVIER VERAN 
Pourquoi ils ne sont pas mis gratuitement ? Déjà ils seront mis, dans un certain nombre de situations, gratuitement à disposition du français, les personnes qui sont en précarité, un certain nombre de personnes qui se voient dans l'obligation d'en porter, les acteurs de l'Etat, etc., donc il y aura… 

RENAUD DELY 
Mais pas tous les Français. 

OLIVIER VERAN 
Ils ne seront pas gratuits, tout le temps, pour tous les Français, mais enfin il y aura un certain nombre de ces masques qui seront distribués. Ensuite, parce que nous voulons justement, pour être capable d'en fournir le bon nombre, avec la bonne dynamique de production, dans la durée, nous nous appuyons aussi sur l'aventure entrepreneuriale, il faut aussi pouvoir inciter les entreprises à en produire, et quand on produit cela a toujours nécessairement un coût. Maintenant vous me posez la question de l'encadrement de ces prix. Quand il a fallu encadrer le prix du gel hydroalcoolique, je n'ai pas tremblé, quand il a fallu encadrer un certain nombre de prix de produits qui étaient en train de flamber, nous n'avons jamais eu la main qui a tremblé, et donc, je le dis, si nous devions être dans une dynamique qui n'était pas raisonnable, mais je ne le crois pas, sincèrement, je crois que l'intérêt général, l'intérêt collectif, prévaut, et je pense que tout le monde sera responsable dans la période, mais s'il était nécessaire, on le fera. 

RENAUD DELY 
Vous allez mettre en oeuvre des contrôles ? 

OLIVIER VERAN 
Il y a toujours des contrôles des prix pendant l'épidémie, ou hors épidémie, pour les masques, ou hors les masques, ça on sait faire… 

MARC FAUVELLE 
C'est quoi un bon prix pour un masque en tissu, Olivier VERAN ? Vous dites je pense qu'il n'y aura pas d'abus pour que les Français qui vont en chercher ou en acheter à partir de demain ne se fassent pas à avoir, c'est quoi la bonne fourchette de prix ? 

OLIVIER VERAN 
J'ai entendu des prix qui pouvaient aller de 2 euros, 5 euros, on sera dans l'optique de quelques euros, il y a Agnès PANNIER-RUNACHER, qui est la secrétaire d'Etat, auprès de Bruno LE MAIRE à l'économie, qui travaille sur ces questions-là. Il faut savoir qu'il y a certains masques qui sont réutilisables 5 fois, d'autres qui le seront 30 fois, donc si on vous vend 2 euros un masque que vous pouvez réutiliser 30 fois, ça ne fait pas très cher l'usage. Encore une fois, on rendra accessible cela, enfin il n'y aura pas d'obstacle financier pour l'accès aux masques, je ne crois pas, sincèrement. Parmi tous les obstacles qui sont devant nous ou derrière nous, je ne crois pas que l'accès financier aux masques soit un problème, parce que si ça devait être un problème, on interviendrait évidemment. 

MARC FAUVELLE 
Edouard PHILIPPE a annoncé hier que le port du masque sera obligatoire pour les personnels de la petite enfance, ainsi que pour les collégiens, mais il n'a pas été très clair, nous a-t-il semblé, sur le port du masque chez les enseignants, les enseignants et tous les personnels de l'éducation en recevront, mais est-ce qu'ils devront obligatoirement le porter ? 

OLIVIER VERAN 
Ils porteront un masque, oui. 

MARC FAUVELLE 
Y compris pendant qu'ils feront cours ? 

OLIVIER VERAN 
Oui. 

MARC FAUVELLE 
Donc du matin ou soir il y aura bien un port, merci de le préciser, on n'avait pas été bien sûr de sa réponse hier à l'Assemblée. Port obligatoire dans tous les établissements scolaires de France qui rouvriront ? 

OLIVIER VERAN 
Je vous ai répondu. 

RENAUD DELY 
Qu'est-ce qui vous a fait, sur cette doctrine du port du masque, Olivier VERAN, changer d'avis ? on se souvient que jusqu'à la fin du mois de mars, notamment la porte-parole du gouvernement, Sibeth NDIAYE, expliquait qu'il n'y avait pas besoin d'un masque quand on respecte la distance de protection vis-à-vis des autres, je la cite, pourquoi est-ce que vous avez changé de doctrine, et pourquoi, dans ce cas, ne pas aller jusqu'à suivre l'avis de l'Académie de médecine, puisqu'on a évoqué les écoles, ou les transports, mais l'Académie de médecine, dans un avis du 3 avril, elle, souhaitait qu'il soient rendus obligatoires partout, les masques ? 

OLIVIER VERAN 
Ce n'est pas la porte-parole du gouvernement qui a dit que les masques n'étaient pas nécessaires en population générale, enfin, pardon… il y a encore quelques semaines, voire quelques jours pour certaines organisations internationales, en matière sanitaire ou scientifique, le port du masque en population générale ne faisait pas partie de l'arsenal de lutte contre l'épidémie au coronavirus. L'Organisation mondiale de la santé, elle-même, a très longtemps considéré que le port du masque, en population générale, présentait un risque, dans la mesure où si les gens qui portent un masque se considèrent en confiance vis-à-vis du risque viral, et décidaient de réduire leur distanciation physique, il y aura un risque de transmission virale plus important, donc, progressivement les recommandations des scientifiques ont évolué, au niveau national, au niveau international, des publications sont arrivées, qui nous ont dit attention, peut-être que le masque, en définitive, peut faire partie du matériel de protection contre la diffusion du virus en population générale, nous en tenons compte, nous en tenons compte. Et vous savez, il est possible que dans un mois les autorités scientifiques nous disent que finalement il y a telle ou telle mesure, qui avait pu être promue ou écartée, qui s'avérerait finalement indispensable ou au contraire pas nécessaire, et nous serions, dans ce cas-là, amenés à les écouter. 

MARC FAUVELLE 
Pour dire les choses autrement, Olivier VERAN, si on avait eu des masques en France, il y a encore quelques semaines, on aurait dit la même chose, le gouvernement aurait tenu le même propos ? 

OLIVIER VERAN 
Deux choses. La première chose c'est le fait que nous étions en tension sur les masques chirurgicaux et les masques FFP2, nous l'avons dit à plusieurs reprises, et c'est ainsi que nous avons été amenés à prioriser les soignants à l'hôpital et demandé à un certain nombre de soignants d'arrêter leur activité en médecine de ville. En aucun cas le fait de ne pas recommander le port du masque en population générale n'était, au moment où nous l'avons fait, lié au fait que nous manquions de masques, ce n'était pas la raison. La raison elle était, encore une fois, scientifique, et j'invite les Français qui s'interrogent à regarder les recommandations scientifiques, au mois de février, au mois de mars, avant que l'Académie, l'Académie de médecine ça fait 3 semaines qu'elle recommande le port du masque, lorsque nous avons dit que nous étions en difficulté pour approvisionner, comme nous le souhaitions, tous les soignants, nous étions au mois de février, donc il ne faut pas confondre les deux choses. Nous ne nous sommes pas appuyés sur une logique de pénurie pour justifier quelque chose que nous aurions pu mettre en place. Est-ce que si nous avions eu 10 milliards de masques en stock, nous aurions été amenés… 

MARC FAUVELLE 
Oui, la question ne se serait pas posée, vous auriez dit oui. 

OLIVIER VERAN 
Non, non… 

MARC FAUVELLE 
Non plus ? 

OLIVIER VERAN 
Non, non, ça veut dire qu'on aurait été un pays déjà préparé… écoutez-moi ; ça veut dire qu'on aurait été un pays forcément préparé au port du masque, et donc peut-être que les scientifiques auraient fait des recommandations qui étaient différentes, peut-être ont-ils internalisé une forme de contrainte, je ne sais pas. Ce que je peux vous dire c'est que toutes les recommandations, au moment où nous nous sommes appuyés sur ces recommandations, pour dire pas de port de masque en population générale, elles étaient extrêmement claires, extrêmement claires, et l'Organisation mondiale de la santé, à l'heure à laquelle je vous parle, dit encore, attention, si vous considérez que le masque est une protection, nous on considère que ce sont les gestes barrières qui doivent primer, et si le port du masque doit faire en sorte qu'on respecte moins les gestes barrières, il y a risque. Donc, encore une fois, modestie, humilité, être capable de prendre un virage, ça ne veut pas dire considérer qu'on a pris les mauvaises décisions, ça veut dire qu'on prend les décisions, au moment où on les prend, en nous appuyant sur les blouses blanches, sur les avis d'experts, sur les avis scientifiques, eux-mêmes, vous l'avez vu depuis le début de l'épidémie, pour un grand nombre d'entre eux, ont été amenés à changer, et encore une fois on ne peut pas leur en vouloir, parce que ce virus nous ne le connaissions pas, et nous continuons d'ailleurs de le découvrir dans ses caractéristiques au jour le jour. 

MARC FAUVELLE 
On reste ensemble jusqu'à 9h00 Olivier VERAN, ministre des Solidarités et de la Santé, on va parler des tests massifs qui devront être pratiqués en France à partir du début du déconfinement, dans 8 minutes, d'abord le fil info. (…) 

MARC FAUVELLE 
Olivier VERAN, le Premier ministre hier, Edouard PHILIPPE, a promis que 700.000 tests pourront être pratiqués en France chaque semaine à partir du 11 mai, ça se passera où ces tests, est-ce que les médecins généralistes pourront les faire, est-ce qu'il faudra aller à l'hôpital ? 

OLIVIER VERAN 
Ça se passera partout où on peut le faire et où ça fait sens. J'ai visité un grand labo en Seine-Saint-Denis samedi, qui organise des drives, généralement sur le parking des labos, parce qu'ils partagent les systèmes informatiques et que c'est plus simple, mais ce même labo envoie également des brigades de tests dans les EHPAD, en envoie aussi dans certaines collectivités, on peut le faire partout où ça fait sens de le faire, avec des gens qui sont formés pour faire ce qu'on appelle l'écouvillonnage, c'est-à-dire le prélèvement, et ensuite rapporter ces écouvillons dans les différents labos, qui se sont organisés de façon incroyable dans notre pays, pour être capables d'augmenter leurs capacités de tests. 

MARC FAUVELLE 
Il faut une ordonnance pour aller se faire tester, il faut une prescription médicale ou pas ? 

OLIVIER VERAN 
Ça sera sur prescription médicale, c'est un examen médical, et il est important qu'il y ait… en plus c'est important qu'il y ait de toute façon un premier contact médical avant d'aller faire un test, parce que, une fois que vous avez fait votre test, il faut qu'on puisse vous répondre pour savoir s'il est positif ou négatif, et s'il est positif, il faut surtout qu'on puisse vous répondre, à la fois pour la logique d'isolement, de protection, de soins, mais également pour pouvoir faire ce qu'on appelle le traçage, c'est-à-dire aller regarder avec vous toutes les personnes que vous avez pu contaminer, bien malgré vous, au cours des derniers jours, et donc pouvoir contacter ces personnes, pour elles-mêmes les tester, éventuellement les isoler, les protéger, les soigner, et puis faire ce travail auprès d'elles si jamais leur test est positif, pour pouvoir repérer leur propre entourage, qu'ils auraient pu contaminer bien malgré eux, etc., etc., donc c'est très important de rentrer dans une chaîne, dans une logique, de soins, dans une logique de dépistage, pour pouvoir casser les chaînes de contamination, les chaînes de transmission du virus. 

MARC FAUVELLE 
Donc, sur prescription médicale, et avec remboursement de la Sécurité sociale ? C'est une question importante, parce qu'il ne faudrait pas que certains soient dissuadés par le prix des tests. 

OLIVIER VERAN 
Non, non, non, c'est… En matière de politique sanitaire en France, lorsque vous avez une épidémie, la prise en charge par l'Assurance maladie elle est extrêmement importante, les tests sont pris en charge par l'Assurance maladie et en totalité. 

RENAUD DELY 
Olivier VERAN, nos confrères du Point révèlent que des médecins suspectent de nouvelles formes graves de la maladie chez des enfants, on sait que jusqu'à présent les enfants ont été épargnés par le coronavirus, cette alerte elle nous vient plus précisément du Royaume-Uni, où une douzaine d'enfants ont été admis en soins intensifs après avoir développé une forme atypique d'une maladie des vaisseaux sanguins qui est dite maladie de Kawasaki, il semblerait qu'il y ait aussi une quinzaine de cas signalés en France, de quoi s'agit-il exactement, quelle est la situation selon vous ? 

OLIVIER VERAN 
C'est une alerte que j'ai reçue de la part d'équipes parisiennes, c'est une alerte aussi qui nous revient des Anglais, il y a des cas similaires qui ont été rapportés en Espagne, en Italie, en Suisse, assez récents d'ailleurs, depuis 15 jours s'agissant de Paris, avec une quinzaine d'enfants, tous âges, qui présentent des symptômes de fièvre, des symptômes digestifs, et un syndrome, ce qu'on appelle inflammatoire vasculaire, assez général, qui peut provoquer une défaillance cardiaque, à ma connaissance aucun enfant, heureusement, est mort de ces complications, qui sont des maladies assez rares, qui peuvent s'accompagner d'une inflammation du coeur, ce qu'on appelle une myocardite, et dont certains enfants, en France comme en Angleterre, mais pas tous, se sont révélés porteurs du coronavirus. Donc c'est quelque chose que je prends évidemment, vous l'imaginez, très au sérieux, je mobilise la communauté soignante, la communauté scientifique, en France et à l'international, pour avoir le maximum de données possibles, pour voir s'il y a lieu de faire un lien entre le coronavirus et cette forme, qui jusqu'ici, jusqu'ici, n'avait pas été observée nulle part. Donc, beaucoup de vigilance, une certaine d'inquiétude… 

RENAUD DELY 
Est-ce que cette alerte, justement Olivier VERAN, elle pourrait remettre en cause la réouverture des crèches, des écoles, qui est supposée commencer à partir du 11 mai ? 

OLIVIER VERAN 
Depuis le mois de janvier nous disons qu'il n'y a pas de formes graves chez les enfants, ce que nous avons constaté en France c'est que les formes graves chez les enfants, chez les mineurs, il y en avait très peu, heureusement, et qu'elles concernaient, l'immense majorité du temps, des enfants qui, hélas, étaient déjà porteurs de maladies eux-mêmes, de fragilité, etc. Je n'ai pas, à ce stade, d'éléments médicaux concernant ces enfants, en France et en Angleterre, pour savoir si eux-mêmes étaient porteurs de maladies sous-jacentes ou non, donc grande vigilance, recherche, travail avec les soignants, travaillent au niveau international, et dès que j'aurai des informations consolidées, je les communiquerai, croyez-moi… 

RENAUD DELY 
Et vous aurez ces résultats avant le 11 mai ? 

OLIVIER VERAN 
Nous aurons les résultats rapidement sur ces enfants, sur leur dossier médical, pour pouvoir explorer, nous allons surtout, nous sommes en train surtout de voir s'il y a de nouveaux cas, où est-ce que c'était une concordance statistique, on parle d'une quinzaine d'enfants, mais enfin je prends ça très très au sérieux, je vous le dis, nous n'avons absolument pas d'explication médicale à ce stade, est-ce qu'il s'agit d'une réaction inflammatoire qui vient de déclencher une maladie préexistante chez des enfants qui ont été atteints par ce virus ou une autre maladie inflammatoire, ou infectieuse, encore une fois beaucoup de questions, mais ce sont des questions pour lesquelles il nous faut apporter une réponse, et cela dépasse mes compétences de ministre évidemment, vous l'imaginez, donc c'est la communauté scientifique et médicale qui y travaille d'arrache-pied là-dessus. 

MARC FAUVELLE 
Parmi les dizaines d'essais cliniques en cours, des médecins de l'AP-HP ont mené, semble-t-il, un traitement encourageant pour les malades les plus gravement atteints, ils ont même décidé de publier, non pas les résultats précis de cet essai clinique, mais de communiquer sur le fait que les résultats étaient particulièrement encourageants pour limiter les réactions immunitaires. Est-ce que c'est aujourd'hui le principal, ou l'un des principaux espoirs de traitement que vous avez ? 

OLIVIER VERAN 
Disons qu'à ce stade la France est le pays des essais cliniques, plus de 2000 Français dans des essais cliniques, plusieurs dizaines d'essais cliniques conduits dans les hôpitaux et en médecine de ville, sur plein de traitements différents, et jusqu'ici nous n'avons pas eu le moindre résultat porteur d'espoir sur des traitements efficaces, et nous avons là une molécule, qui est une molécule assez complexe, qui lutte contre les mécanismes inflammatoires du coronavirus, qui s'appelle le tocilizumab, qui semble prometteur dans des formes graves, sur des résultats intermédiaires. Attention, parce que vous savez, moi je me suis comme les Français, quand on me dit qu'il y a un médicament qui  fonctionne, je me dis super, on a enfin quelque chose qui marche, j'attends, j'ai déjà été plusieurs fois déçu par les études, lorsqu'elles étaient complètes, et sur un nombre de malades suffisant, ce que je peux vous dire c'est que nous poussons cette étude au maximum, c'est la recherche française d'ailleurs, j'ai demandé à des comités de relecture scientifique de vérifier que toutes ces données nous permettaient de poursuivre dans la bonne direction, voilà. Je prends cela comme un signe d'espoir, c'est une piste qui est une piste intéressante, sérieuse, pour l'instant pas suffisamment étayée encore pour pouvoir crier cocorico et considérer que nous aurions un traitement pleinement efficace. Donc, vigilance, mais on continue la recherche. 

MARC FAUVELLE 
Piste qui vous semble plus crédible que celle de la chloroquine aujourd'hui ? 

OLIVIER VERAN 
En tout cas c'est une piste qui a date nous permet, sur des études statistiques étayées, avec des comités de relecture, d'envisager poursuivre dans le bon sens l'étude. Non, mais encore une fois, croyez-moi, on teste des dizaines de molécules, dans tous les sens, dans les hôpitaux, de façon évidemment concertée et à l'initiative des professionnels, ce n'est pas le politique qui dit vous allez me tester cette molécule, ça ne marche jamais comme ça, et d'ailleurs ça ne serait pas efficace, mais lorsque les chercheurs nous disent qu'ils ont une piste, on les encourage, et quand ils nous disent que leur piste est encourageante, on les encourage encore plus, et lorsqu'ils nous disent que ça n'a pas marché, eh bien on les remercie d'avoir tenté et d'avoir fait cette recherche et on passe à autre chose. 

MARC FAUVELLE 
Et merci à vous Olivier VERAN d'avoir accepté ce matin l'invitation de France Info.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2020