Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à LCI le 3 mars 2020, notamment sur les mesures prises dans les écoles après la propagation de l'épidémie de Covid-19 et le recours au 49.3.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez Jean-Michel BLANQUER.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ministre de l'Education nationale.
-Jingle-
ELIZABETH MARTICHOUX
Ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse. Bonjour Jean-Michel BLANQUER.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur LCI pour faire notamment le point sur ce qui est ouvert, fermé, ce qui est menacé ou pas, dans le cadre de l'Education nationale, à cause du coronavirus. Combien d'écoles, tous degrés confondus, privées, sous contrat, publiques, sont fermées ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça fait une bonne centaine d'écoles et d'établissements.

ELIZABETH MARTICHOUX
Une bonne centaine d'écoles ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Quand on ajoute... Ça évolue un petit peu, par exemple ce matin ça a évolué dans le Morbihan où on a élargi ce qu'on appelle le cluster, donc le territoire concerné, et aujourd'hui ça représente environ 35 000 élèves, au moment où je vous parle, c'est-à-dire environ 26 000 dans l'Oise et 9 000 dans le Morbihan.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez un nombre précis d'écoles ? Vous dites une centaine, cent…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais comment dirais-je, ce chiffre peut évoluer dans le temps, donc c'est autour de 120 pour être précis.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il évolue en fonction de quoi ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
De l'élargissement éventuel du territoire, et puis surtout de la naissance éventuelle d'un nouveau cluster. Vous voyez, le cluster du Morbihan nous le connaissons depuis hier, il est tout à fait possible qu'il y en ait d'autres aujourd'hui ou dans les jours qui viennent.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord, des foyers qui sont déterminés, des clusters en fonction évidemment des repérages de personnes qui sont touchées par le virus. Il y avait trois communes hier…

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est évidemment les Autorités de santé, qui bien entendu définissent quand on peut considérer qu'il y a un territoire qui nécessite ce type de mesure.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y avait trois communes dans le Morbihan hier, Auray, Carnac, entre autres, il y en a davantage ce matin, c'est ce que vous nous dites.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça s'élargit.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça s'élargit. C'était dans l'Oise, c'est dans l'Oise, c'est pour l'instant le plus massif, on va dire, presque une cinquantaine d'écoles fermées, c'est ça ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Des collèges aussi, des lycées, et puis il y a une élève à Montreuil qui a été elle effectivement diagnostiquée, on va dire positive, touchée par le virus, et donc là, il y a une classe qui a été renvoyée chez elle.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Une classe d'une école, un collège de Montreuil.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, tout à fait. Là encore ce sont les Autorités de santé qui prennent la décision, et bien entendu nous la mettons en oeuvre. Là en l'occurrence c'était pour une élève qui a été testée positif, l'Autorité de santé a estimé que la mesure à prendre était celle de la fermeture de la classe, donc c'est une bonne vingtaine d'élèves qui sont concernés par cette mesure. Donc il pourrait y avoir des mesures de ce type aussi au cours des jours qui viennent.

ELIZABETH MARTICHOUX
Simplement, pour s'informer il ne s'agit pas de faire psychoter la France entière, Monsieur le Ministre, mais dans quel contexte, quelles seraient les conditions qui feraient que toutes les écoles seraient fermées ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, je m'exprime avec beaucoup de prudence sur ce sujet, parce qu'encore une fois pour qu'il y ait unité de commandement et pour que les choses soient rationnelles et claires et sereines, je me range évidemment derrière les Autorités de santé, donc que ce soit pour les définitions de situations ou pour les prévisions, je préfère largement suivre tout simplement ce que dit le ministre de la Santé et le directeur général de la Santé. Ceci étant, comme chacun l'a compris, il y a trois phases, il y a la phase 1 dans laquelle nous étions jusqu'à samedi, nous sommes dans la phase 2. Cette phase 2 suppose des clusters. S'il devait y avoir l'épidémie générale, on serait de toute façon dans une phase 3 dans laquelle la doctrine ne serait pas de tout fermer. Donc il peut très bien y avoir un stade élevé…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc le stade 3, qui est le stade ultime du plan qui a été préparé il y a quelques années pour faire face à cette épidémie, ne prévoit pas la fermeture totale des écoles.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Vous pouvez très bien être dans une phase intense de l'étape 2 où vous avez beaucoup d'endroits, beaucoup de clusters, beaucoup d'endroits fermés, mais vous n'avez pas l'hypothèse où vous avez tout fermé, ça, ça ne se produira pas, parce que ça n'a pas de sens.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça veut dire que ça n'est pas sur la table, clairement.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça n'est pas sur la table, parce que ça n'aurait pas de sens. A partir du moment où on est au stade réellement épidémique, c'est-à-dire où le virus circule pleinement, ça n'a pas de sens de confiner tout le monde chez soi, d'une certaine façon de paralyser le pays, ce qui serait contre-productif par rapport aux enjeux de soins, par rapport aux enjeux de fonctionnement du pays, pour justement lutter contre la maladie, notamment en termes prophylactiques.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, on ne comprend pas toujours la logique justement des stratégies. Ça a par exemple évolué de façon spectaculaire en ce qui concerne les voyages scolaires. Si ma fille ou mon fils était revenu d'une zone infectée, Lombardie, Corée du Sud, Iran la semaine dernière, elle aurait été confinée, pour 14 jours. Aujourd'hui, si c'était le cas, ça ne le serait pas. Et d'ailleurs ceux qui étaient confinés hier ne le sont plus.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, tout à fait.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ils sont revenus à l'école. Alors, pourquoi pas. Ils présentent les mêmes risques, Monsieur le Ministre.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Votre question est évidemment très légitime et tout le monde se l'est posée, moi le premier d'ailleurs, quand il y a eu l'évolution, mais là encore ce sont des éléments qui sont déterminés par les Autorités de santé, pour répondre à des logiques, différents stades, il faut qu'on s'habitue à ce côté évolutif, et donc à ses réponses. Ceci étant ça n'évolue pas de manière trop saccadée. Il y a un grand trois grands stades, donc c'est le passage du stade 1 au stade 2 qui fait qu'on a changé la règle du jeu du stade 1 au stade 2. La règle c'était la quatorzaine quand on revenait d'une zone à risque, à partir du moment où on passe en phase 2, cette quatorzaine ne vaut plus.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça veut dire qu'au stade 2, ce risque là, le risque qu'on évaluait la semaine dernière, est considéré comme moins prioritaire que d'autres, parce que forcément…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, pour être complet et pour tous les gens qui se posent des questions, je rappelle qu'il y a le site qui permet... du ministère, à la fois le site du gouvernement donc sur gouvernement.fr, qui permet d'avoir toutes les réponses à ce type de questions, et puis vous avez le site de l'Education nationale, education.gouv.fr, nous actualisons sans arrêt les réponses aux questions.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Pour répondre à la question que vous avez posée, il y a ce qu'on appelle les zones rouges et les zones orange, donc en fait les zones rouges c'est là où il y a eu vraiment le point de départ de l'épidémie, c'est notamment la fameuse région de Hubei, chinoise.

ELIZABETH MARTICHOUX
La région chinoise.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Les autres régions, mais ça, encore une fois c'est des choses qui peuvent évoluer, donc il faut regarder la carte, mais les régions dites orange, n'ont plus fait l'objet de ces mesures de quatorzaine. Alors, l'explication…

ELIZABETH MARTICHOUX
Corée du Sud, Iran, effectivement, Vénétie, etc.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, tout à fait, parce qu'au stade 1 de la maladie, l'objectif c'est de bloquer la maladie, et donc même le petit risque était bloqué. A partir du moment où on passe au stade 2, l'objectif est d'éviter au contraire d'avoir une forme de paralysie lié au fait qu'on bloquerait trop de gens.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une question de stratégie de santé publique. Question sensible, Monsieur le Ministre, parce qu'on le dit assez peu, mais la situation des sanitaires dans les écoles françaises est parfois assez lamentable. Or aujourd'hui, il y a une mesure de santé publique qu'on nous répète comme étant la seule valable, c'est de se laver les mains plusieurs fois par jour. Est-ce que, franchement, les élèves des écoles primaires, lycées, collèges, peuvent aller se laver les mains aujourd'hui avec du savon et de façon correcte ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous avez tout à fait raison d'évoquer ce sujet, qui est un sujet très important, dont on ne parle pas assez indépendamment du coronavirus. C'est un sujet d'ailleurs que j'ai beaucoup traité ces derniers mois, parce que je considère qu'il faut qu'on prenne complètement les choses à bras le corps sur cette question, que ce soit pour les écoles, les collèges et les lycées. Comme vous le savez c'est les communes, les départements et les régions qui sont respectivement responsables pour écoles, collèges et lycées. Ce qui est... Or, on a un problème d'hygiène en France, qui est un peu différent dans les écoles par rapport à l'enseignement secondaire. Dans l'enseignement secondaire, c'est souvent des problèmes de sécurité, de surveillance, plus que des problèmes disons matériels d'entretien. Parfois vous avez des chefs d'établissements qui sont obligés d'enlever les savons, non pas qu'il n'y en a pas, mais pour éviter des bêtises. Donc on a un problème de ce type que l'on va vraiment, que bien entendu on traite en ce moment pour que dans les collèges et les lycées il y ait bien le savon. Parfois dans les écoles il y a des problèmes d'équipement, parfois il y a des problèmes de pénurie de savon, paradoxalement c'est à Marseille qu'on me signale une pénurie de savon, hier, et bien entendu nous travaillons avec les…

ELIZABETH MARTICHOUX
Paradoxe par rapport au savon de Marseille, vous voulez dire.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais en tout état de cause nous travaillons avec les communes, donc chaque recteur de France et chaque inspecteur d'académie de France est en relation avec les collectivités locales, pour bien s'assurer, bien appuyer éventuellement les collectivités pour que le savon soit présent en ce moment. J'ai parlé hier avec François BAROIN en tant que président de l'Association des maires de France, pour que nous ayons des messages convergents vis-à-vis des communes en l'occurrence, de façon à ce qu'il y ait une vigilance particulière, notamment pour le savon, parce que c'est tout simple, mais on sait que le sujet de se laver les mains avec du savon est en réalité la première des barrières contre l'épidémie.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce que vous nous dites c'est qu'avec l'AMF, l'Association des Maires de France, vous veillez à ce que les écoles primaires dans les villes et les villages, soient…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Approvisionnées en savon.

ELIZABETH MARTICHOUX
Approvisionnées en savon, ce qui n'est pas toujours le cas, effectivement.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Et une vigilance particulière des communes, et ça doit être l'occasion, au-delà de l'épidémie, que ce sujet très important de l'hygiène au quotidien pour nos enfants, connaisse un progrès dans les temps à venir, et je ferai des propositions avec les présidents de l'AMF, de l'ADF, donc des départements, de l'ARF, des régions, pour qu'ensemble Etat et collectivités nous fassions progresser ce sujet au cours des temps qui viennent.

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce que c'est vrai, je le disais, on n'en parle pas beaucoup, on est un des pays les plus riches du monde, et les sanitaires sont…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ne sont pas au niveau.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pas du tout au niveau. Donc vous nous dites que là, dans les écoles, ça sera fait.

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est un sujet, oui. De façon plus générale d'ailleurs, et j'aurai l'occasion de vous en reparler dans les temps qui viennent, mais on va, avec les collectivités locales, s'engager dans des évolutions du bâti scolaire, peut-être volontariste, pour tenir compte de ce type de sujet, mais pas seulement, le sujet écologique en particulier nécessite de nouvelles adaptations.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez vous-même annulé des déplacements Monsieur le Ministre, à cause du coronavirus ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, on essaie dans une période comme celle-ci, d'abord j'ai besoin d'être très présent dans mon bureau, puisqu'on a une cellule de crise et que nous faisons cette gestion en lien avec le ministère de la Santé, en permanence. Donc c'est la c'est la première des raisons. Et puis en même temps, en ce moment les circulations, il vaut mieux qu'elles soient réduites, même s'il m'arrive de me déplacer, mais disons que j'ai réduit les déplacements qui sont d'habitude nombreux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez un message par rapport à cette épidémie ou ce coronavirus, aux enseignants ce matin, en particulier ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est évidemment un message d'unité entre nous tous. On a, c'est vrai pour tous les Français, c'est particulièrement vrai à l'intérieur de l'Education nationale, nous avons à la fois à être dans le civisme, tous, nous tous les Français, c'est ce que nous sommes je crois en ce moment, nous sommes en train de regarder les choses avec sang-froid et ça ne dépend pas seulement du gouvernement, mais de chaque citoyen français. Je pense que c'est important. Et puis ce civisme que nous devons transmettre aux enfants, c'est justement une des missions de l'école. Vous savez, l'école elle ne transmet pas seulement des savoir, elle transmet aussi des valeurs, et c'est des valeurs de solidarité, c'est des valeurs aussi je dirais de sérénité, c'est aussi dans les moments de crise que les individus comme les collectivités, montrent ce qu'ils valent, et un pays comme le nôtre, dans des occasions comme celle-ci, peut montrer qu'il est un grand pays où on sait à la fois être organisé, la force de l'Etat et des pouvoirs publics en général, mais aussi être civique et ça c'est nous tous, l'ensemble de la société qui pouvons le démontrer. Je crois que c'est ce qui a été démontré jusqu'à aujourd'hui, il faut que jusqu'au bout de cet épisode difficile pour nous comme pour les autres pays, nous réussissons à garder cet état d'esprit.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous lancez une consultation nationale aujourd'hui auprès de tous les enseignants, à partir d'aujourd'hui sur Internet, anonyme jusqu'au 17 mars. Pardon Monsieur le Ministre, mais vous aviez besoin de cette consultation pour savoir ce que pensent les profs ? Vous êtes en fonction depuis mai 2017.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, on a évidemment des capteurs, si je puis dire, on fait souvent des enquêtes par exemple pour savoir ce que pensent les professeurs.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais on se dit : encore une enquête ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oh, c'est une enquête qui est relativement simple, puisqu'elle passe par e-mail, et donc elle nous permet simplement cette fois-ci d'avoir quelque chose de complètement exhaustif, et de permettre à tous les professeurs d'exprimer ce qu'ils ont envie d'exprimer. Nous l'avons déjà... Ce n'est pas la première fois que l'on fait quelque chose comme ça, mais c'est la première fois qu'on le fait…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une forme de plébiscite : pour ou contre BLANQUER depuis 2 ans ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non non, ce n'est pas du tout l'esprit…

ELIZABETH MARTICHOUX
Non ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Parce que d'abord il y a de multiples questions. Ce n'est pas du tout l'enjeu, l'enjeu il est plus profond, c'est de regarder domaine par domaine, ce que pensent les professeurs, mais aussi les idées qu'ils peuvent avoir, les ressentis qu'ils peuvent avoir par rapport à un certain nombre de sujets. On a utilisé la même méthode pour la Direction d'écoles, on a demandé à tous les directeurs d'école de France, ces derniers mois, de... et cette enquête nous est extrêmement utile pour voir quelles sont les priorités des acteurs de terrain, et puis pour avoir des idées, des impulsions, et pour avoir une base de discussion avec nos interlocuteurs, notamment les organisations syndicales.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour ? Pour préparer quoi ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Pour préparer la grande évolution des ressources humaines du ministère de l'Education nationale. Parce que ce dont il faut avoir bien conscience, c'est qu'on parle beaucoup de la rémunération des professeurs, et vous le savez, de janvier…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et heureusement.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Et heureusement. Vous avez, je suis le premier à en parler beaucoup. Et de janvier à juin, nous sommes dans un grand dialogue social pour augmenter de manière très substantielle la rémunération des professeurs. Et comme je vous l'avais dit quand j'étais venu en décembre, au mois de juin nous serons mûrs pour établir la programmation sur plusieurs années de cette évolution de la rémunération des professeurs.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez déjà annoncé, 100 € de plus pour les nouveaux enseignants.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Au moins 100 €.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous espérez à partir de janvier 2021, c'est acquis ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, c'est acquis, c'est quelque chose de…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous discutez de la revalorisation pour les autres, parce que là aussi…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Pour les autres. Oui oui. J'ai donné ce point comme exemple, parce que j'entendais souvent que ce ne serait pas significatif, donc j'ai donné ce point comme exemple, mais si vous voulez…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est 100 €.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Si vous voulez, j'ai un objectif qui est très clair, que j'ai dit à plusieurs reprises, c'est que les professeurs de français fassent partie des professeurs les mieux payés d'Europe, au cours de la décennie 2020. Donc c'est tout ce rattrapage-là qui est nécessaire, et ça va passer non seulement par les nouveaux entrants dont j'ai parlé déjà, mais c'est évidemment vrai pour toutes les générations antérieures.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous avancez, pour les autres, vous avancez dans la discussion, ça progresse, vous allez pouvoir…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, bien sûr, vous avez…

ELIZABETH MARTICHOUX
... bientôt nous dire…

JEAN-MICHEL BLANQUER
On travaille sur des scénarios que nous montrons aux organisations syndicales et nous voulons faire des choix collectifs, et c'est pour cela qu'on fait une enquête. Mais avec rémunération, viennent d'autres sujets, parce que le sujet il est qualitatif, on parle parfois de mal-être, on parle de malaise, etc., l'objectif est de prendre ça à bras-le-corps, non seulement par la rémunération, c'est évidemment un point très important, mais aussi par tous les sujets de qualité de vie au travail, et c'est les sujets de santé au travail, par exemple, sur lesquels on est en faiblesse, c'est les sujets de sécurité, c'est les sujets d''évolution des méthodes de travail.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous en ferez quoi ? Puisque c'est jusqu'au 17, et après vous publierez tous les résultats, de façon extrêmement transparente.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, il y aura les résultats. Tout à fait, bien sûr, c'est l'objectif d'enquêtes de ce type. Et puis encore une fois c'est une base de travail avec les professeurs. Par ailleurs, chaque année, à partir de début 2021, nous ferons une conférence de ressources humaines, autrement dit nous aurons une rencontre annuelle sur où en sont les ressources humaines de l'Education nationale. Mon ambition c'est de passer d'un système, qui je le rappelle est un des plus gros du monde, nous avons plus d'un million de salariés…

ELIZABETH MARTICHOUX
Le mammouth. Un de vos prédécesseurs appelait ça comme ça.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je n'utilise jamais ce mot. Non mais justement…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et ça donne l'idée quand même du mammouth.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, mais c'est fini le mammouth, on passe à autre chose. On avait une structure, on a une structure de plus d'un million de personnes, nous devons démontrer que cette structure est humaine et les métaphores qu'on doit utiliser doivent être des métaphores humaines. J'ai parlé d'un peuple de colibris, ça reste une métaphore animale mais c'est la souplesse. C'est la capacité à personnaliser le parcours de chacun. Prenez le sujet des mutations, prenez le sujet des carrières : comment prendre en compte les particularités de chacun, les compétences de chacun, comment valoriser chacun ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc une conférence RH, de relations humaines tous les ans, c'est ce que vous souhaitez.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Tous les ans pour faire le point. Bien-être des professeurs, comment on fait évoluer, comment créer tout simplement du bien-être au travail des professeurs. Si on fait ça, on aura aussi le bien-être au travail des élèves.

ELIZABETH MARTICHOUX
Une question précise, réponse brève s'il vous plaît. Rien à voir avec le coronavirus mais beaucoup à voir avec la contestation contre les épreuves de contrôle continu du bac. Il y a des épreuves de contrôle continu précisément qui ont été perturbées et donc parfois annulées comme à Paris encore il y a une semaine. Elles sont reportées ? Elles sont reportées à la rentrée ? Complètement annulées ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors d'abord, je tiens à signaler que c'est une toute petite minorité de lycées. Ça se voit beaucoup parce que c'est à Paris et il y a des gens qui créent de l'agitation autour de ça. Sur un million sept cent quarante mille copies que nous devions avoir, il y a plus d'un million sept cent mille qui ont été faites, donc il reste un peu moins de quarante mille copies à attendre. Pour les élèves concernés, c'est évidemment une nuisance. C'est quelque chose de mauvais pour eux que de ne pas avoir encore fait leurs copies donc c'est en train de se faire ces jours-ci. Dans les cas les plus extrêmes, c'est le cas de le dire, on envisage éventuellement la délocalisation, c'est-à-dire que ça ne se passe pas dans le lycée…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, c'est confirmé ? Parce qu'hier Le Parisien donnait cette information effectivement : des épreuves pourraient être délocalisées pour éviter qu'elles soient perturbées dans les établissements.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous confirmez ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, je confirme. Mais attention aux loupes grossissantes. Ça concerne une toute petite partie, moins d'un pour cent des établissements.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous l'avez dit.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Simplement, oui, mais c'est de ceux-là seulement que les médias parlent. Ce dont je voudrais parler moi, c'est que dans l'immense majorité, près de 99 % des établissements, désormais c'est fait. Les copies sont numérisées, elles sont presque toutes corrigées. Ça va être un progrès, on va le voir, puisque chaque élève pourra consulter sa copie. Alors je n'ignore pas qu'il y a des groupes souvent très radicalisés qui essayent de créer du trouble et puis de faire l'actualité, c'est-à-dire de dire : « oui, tout cela a été très troublé. » Oui, parce qu'ils l'ont troublé et donc nous avons à chaque fois une parade. L'ultime parade, c'est la délocalisation.

ELIZABETH MARTICHOUX
La délocalisation. Eventuellement les élèves récalcitrants qui refusent l'obstacle une fois, deux fois, trois fois et pour avoir zéro tout simplement.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a très peu d'élèves récalcitrants. Il y en a quelques-uns mais…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y en a quelques-uns mais on s'intéresse à eux parce que leur avenir peut être…

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui mais écoutez, leur avenir il est tout simple : c'est d'aller composer à une épreuve du baccalauréat.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais s'ils ne le font pas ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
On n'a jamais vu dans le passé…

ELIZABETH MARTICHOUX
S'ils ne le font pas ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ils ont zéro bien entendu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous passerez de la menace à l'exécution.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Est-ce que vous avez déjà vu dans le siècle qui vient de passer des élèves qui disent : « Je ne vais pas au baccalauréat » ? Non. C'est des épreuves qui comptent pour le baccalauréat et ils doivent y aller. Ce qui est très gênant, c'est quand ils en ont été empêchés par des perturbateurs. Evidemment mon but est d'être dans la bienveillance et la protection des élèves, et donc notre but est que tous les élèves aient composé. Maintenant un élève qui dit : « Je ne viens pas », qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc éventuellement quelques zéros.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais je pense que ça n'arrivera pas.

ELIZABETH MARTICHOUX
Jean-Michel BLANQUER, après le déclenchement du 49-3 pour faire adopter la réforme des retraites, l'Assemblée nationale va examiner cet après-midi deux motions de censure. Le Premier ministre va évidemment faire un discours. François RUFFIN de la France Insoumise appelle à une dissolution de l'Assemblée nationale afin, je cite, de réduire le divorce entre pays réel et pays légal.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, moi je n'ai pas vocation à commenter toutes les…

ELIZABETH MARTICHOUX
De toute façon, les motions de censure ne passeront pas, donc tout ça…

JEAN-MICHEL BLANQUER
François RUFFIN, dès qu'il y a quelque chose qui peut mettre le désordre, il est toujours pour donc c'est une idée comme une autre. Il a le droit de l'évoquer. Mais parmi les différents outils de la Constitution, il y a le 49-3, ça me paraît être beaucoup plus pertinent dans la situation actuelle.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Ça vous a pris de court l'annonce du 49-3 samedi ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non. Je faisais partie des personnes qui s'y attendaient et j'étais tout à fait… Je suis de ceux qui l'ont prôné au sein du gouvernement. Je l'assume pleinement puisque je pense que…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'y a pas une forme de raideur à le déclencher ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Je pense que, si vous voulez, cela fait maintenant des mois et voire des années d'ailleurs que l'on discute de la réforme des retraites. Il y a eu dix-huit mois de préparation avant même le dialogue social qui n'est pas terminé, qui va continuer. Il y a près de quatre cents amendements qui vont être pris en compte dans la loi qui va être votée par le mécanisme du 49-3, donc en réalité il y a de l'écoute. On a simplement des adversaires parfois très radicaux qui ont fait de l'obstruction, qui ont souhaité qu'on soit obligé de recourir au 49-3. On ne le fait pas pour le plaisir, on le fait parce qu'il y avait un obstacle qu'il a fallu surmonter. Ceux qui ont créé cet obstacle aujourd'hui sont très contents de pouvoir critiquer le fait qu'on utilise le 49-3. Ça fait partie de ces pyromanes commentateurs comme monsieur RUFFIN qui se sont spécialisés là-dedans. Mais ce sont des gens qui attaquent, attaquent et créent du trouble tout simplement parce que c'est leur mode d'existence politique. Ce serait beaucoup mieux s'ils étaient constructifs, s'ils faisaient des propositions intéressantes, et même quand ça leur est arrivé de faire des amendements intéressants on les a repris.

ELIZABETH MARTICHOUX
Dernière question très rapidement : oui ou non, vous seriez resté dans la salle des César samedi soir après l'attribution du prix à POLANSKI ou vous seriez parti ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Honnêtement, je n'ai pas beaucoup réfléchi à ce point-là. Je pense que le ministre de la Culture est en charge de ça, c'est à lui de…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il avait dit qu'il ne voulait pas que POLANSKI ait un prix. Vous êtes sur sa ligne.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Moi je ne m'immisce pas dans des sujets de ce genre.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous n'avez pas d'avis personnel ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Si, j'ai un avis mais je pense que vous avez des gens qui sont compétents pour faire cela. C'est un peu trop facile souvent d'avoir des points de vue tous faits sur ces questions qui sont complexes.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est embarrassant comme question ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ce n'est pas embarrassant mais je pense que je n'ai pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça nous intéresse d'avoir votre avis en tant que ministre de l'Education nationale.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il faut être très attentif à toujours bien distinguer l'oeuvre de l'auteur. Je pense que je continuerai à regarder La Joconde même si Leonard de VINCI avait… J'apprenais beaucoup de défauts de Leonard de VINCI.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc voilà, c'est une réponse à la question qu'on vous posait. Merci beaucoup monsieur le Ministre d'avoir été ce matin sur LCI.


Source : service d'information du gouvernement, le 10 mars 2020