Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
MARC FAUVELLE
Beaucoup de parents qui nous écoutent ou qui nous regardent ce matin, se demandent comment ils vont faire, à partir de lundi, pour pouvoir garder leurs enfants, qu'est-ce que vous leur dites ?
MURIEL PENICAUD
Alors d'abord, j'en appelle déjà à tous les employeurs, à toutes les entreprises, à toutes les associations, tout ce qui peut se faire en télétravail doit être fait en télétravail, donc je crois qu'aujourd'hui il faut s'organiser pour ça. La loi permet, depuis 2 ans, toutes les facilités, pour qu'au moins une partie des parents puisse être en télétravail, c'est à peu près 1 emploi sur 3 qui peut être en télétravail.
MARC FAUVELLE
Un tiers des Français peuvent travailler chez eux à partir de lundi ?
MURIEL PENICAUD
Alors, les entreprises ne sont pas toujours organisées, donc je leur demande vraiment d'accélérer pour s'organiser, parce qu'il faut de l'équipement, et ça, déjà, ça va soulager pas mal de parents. Pour tous les autres, je confirme qu'ils pourront tous être en arrêt maladie s'ils n'ont pas de solution, pas de télétravail, ils pourront être en arrêt maladie pour s'occuper de leurs enfants.
MARC FAUVELLE
C'est un arrêt maladie qui fonctionne sans aller chez le médecin.
MURIEL PENICAUD
C'est un arrêt maladie sans qu'ils soient malades, c'est sans aller chez le médecin, il n'y a pas de délai de carence, c'est-à-dire que dès le premier jour on est pris en charge, et c'est l'employeur qui le déclare, donc en fait le salarié va rester chez lui…
MARC FAUVELLE
Il prévient son employeur avant quand même.
MURIEL PENICAUD
Son employeur, et l'employeur va envoyer l'attestation à la Sécurité sociale pour se faire rembourser.
MARC FAUVELLE
Est-ce que l'employeur peut dire non ?
MURIEL PENICAUD
Non, c'est automatique. Si vous avez un enfant de moins de 16 ans, qui est en crèche ou école, et si le télétravail n'est pas possible, vous y avez droit automatiquement.
MARC FAUVELLE
Pendant combien de temps ?
MURIEL PENICAUD
Alors là il y a déjà un décret qui prévoit que c'est possible 20 jours, on verra après, de toute façon on va faire le temps qu'il faut. Il est évident qu'on est au soutien des parents, qui aujourd'hui sont un peu dans le casse-tête, se disent comment on fait. J'en appelle aussi à la solidarité, parce que, autant il ne faut pas que les écoles soient ouvertes, pour éviter la propagation, autant en voisinage, avec des amis, se mettre à deux, trois parents pour alterner les jours où on s'occupe des enfants, ça c'est possible aussi, donc il ne faut pas hésiter, je crois que c'est le moment aussi de développer des nouvelles solidarités.
RENAUD DELY
Sur le télétravail, Muriel PENICAUD, vous dites la loi a changé il y a 2 ans, aujourd'hui un tiers des salariés peuvent recourir au télétravail, on ne connaît pas forcément exactement justement le dispositif. Concrètement, comment est-ce que des entreprises peuvent justement… est-ce qu'elles bénéficient d'incitations ou d'aides pour mettre leurs salariés en télétravail ?
MURIEL PENICAUD
Alors, le télétravail, quand je dis que ça a changé, c'est que d'abord on a accordé un droit au télétravail des salariés, donc un salarié qui demande le télétravail, et dont le métier le permet, c'est forcément oui, et dans la crise…
RENAUD DELY
L'employeur ne peut pas s'y opposer.
MURIEL PENICAUD
Ne peut pas s'y opposer, et, dans l'autre sens, l'employeur, en cas de crise, peut demander à des salariés d'être en télétravail, donc tout le monde a l'initiative. En fait, ce qu'il faut c'est en parler, aujourd'hui, dans les jours qui viennent, dans les comités sociaux et économiques, avec les salariés, il faut en parler pour trouver les modalités. Mais, il n'y a pas besoin d'incitations, c'est quelque chose qui marche très bien, c'est plutôt un sujet d'équipement, et là il faut que les employeurs soient…
RENAUD DELY
Pour être très concret, l'employeur peut aussi l'imposer à ses salariés.
MURIEL PENICAUD
Il peut l'imposer dans le contexte de crise, uniquement dans le contexte de crise.
MARC FAUVELLE
En fournissant évidemment des outils, notamment informatiques.
MURIEL PENICAUD
Oui. Alors, si les outils ne sont pas tous là lundi matin, je crois que tout le monde comprend, on est dans une grave crise sanitaire, la priorité c'est la santé, après, on essaie de préserver le plus possible la vie économique et sociale, il faut que tout le monde soit patient, et surtout tolérant, donc ça sera peut-être un peu bricolé pendant deux, trois jours, mais je pense que dans quelques jours tout ça peut fonctionner très bien.
MARC FAUVELLE
Muriel PENICAUD, au ministère du Travail, à partir de lundi, ça se passe comment chez vous ?
MURIEL PENICAUD
Alors nous on donne des instructions similaires, parallèles, dans le secteur public, à ce qu'on fait dans le secteur privé, donc il y aura des fonctions en télétravail, et puis aussi en rotations…
MARC FAUVELLE
Autour de vous il y aura des conseillers qui vont faire du télétravail ou vous considérez que c'est une exception et vous allez demander à vos équipes de rester avec vous ?
MURIEL PENICAUD
Alors dans tout le ministère il y a un certain nombre de postes qui peuvent être en télétravail, dans tout le ministère, dans toute la France, donc il y aura des gens en télétravail. Je le dis aussi pour les entreprises, et pour les salariés, on peut aussi faire le télétravail en rotations pour être sûr d'avoir toujours une équipe, je pense par exemple aux médias, il y a des postes où vous êtes obligés quand même d'avoir quelqu'un physiquement, une partie peut se faire à distance, pas tout, donc on peut aussi privilégier les rotations.
MARC FAUVELLE
Renaud est parfois très distant… est-ce qu'un ministre peut faire du télétravail ?
MURIEL PENICAUD
Oui, d'ailleurs Franck RIESTER fait du télétravail, parce qu'il est confiné chez lui, donc il fait du télétravail.
RENAUD DELY
Il y a la question du télétravail, Muriel PENICAUD, et puis il y a aussi celle du chômage partiel. Emmanuel MACRON, hier soir lors de son allocution, a évidemment évoqué cette question, celle du chômage partiel, le président de la République a annoncé que l'Etat allait mettre en place un dispositif exceptionnel pour le prendre en charge dans cette période de crise. Je vous propose d'écouter un extrait de son allocution.
(…)
RENAUD DELY
Muriel PENICAUD, vous devez recevoir les partenaires sociaux, qu'est-ce que vous allez leur dire, les salariés qui vont être mis en chômage partiel, est-ce qu'ils vont percevoir l'intégralité de leur salaire, est-ce que l'Etat va prendre en charge l'intégralité de ce salaire auprès des entreprises ?
MURIEL PENICAUD
Alors je reçois effectivement, tout à l'heure au ministère du Travail, avec Bruno LE MAIRE, les partenaires sociaux, on va parler de tous les sujets économiques et sociaux, dont évidemment le chômage partiel. Le chômage partiel, dont le vrai nom juridique est « activité partielle », c'est juste si vous allez sur Internet…
MARC FAUVELLE
Pour ceux qui font des recherches en nous écoutant.
MURIEL PENICAUD
Si vous ne trouvez pas le lien allez… en principe le lien est fait, mais le chômage partiel c'est quoi ? C'est quelque chose qui est très important, on veut protéger l'emploi, protéger les travailleurs, en gros, que personne ne perde son emploi à cause de la crise. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on va permettre à tous les salariés du secteur privé, qui sont dans une activité qui est menacée, par les effets de la crise, directs ou indirects, de pouvoir conserver sa rémunération, son contrat de travail, et l'entreprise est remboursée par l'Etat.
MARC FAUVELLE
Et l'intégrité de son salaire ?
MURIEL PENICAUD
Alors, comment ça marche ? Ça marche de la façon suivante. Si une entreprise a une activité qui ne peut plus s'exercer, par exemple dans la restauration, par exemple dans les transports, à cause de la crise, ça peut être toute l'entreprise, où ça peut être une activité, elle fait une demande de chômage partiel auprès des services de mon ministère, les DIRECCTE, qui sont les services régionaux, tout ça est sur tous les sites, vous trouvez ça facilement. Et la demande consiste en quoi ? Mettre en chômage partiel ça veut dire que le salarié n'est pas au chômage, on ne licencie pas, c'est très important de le dire aux employeurs, si vous avez une difficulté, ne licenciez pas, demandez le chômage partiel…
RENAUD DELY
Il conserve son contrat de travail.
MURIEL PENICAUD
Il conserve son contrat de travail, il est suspendu, mais il conserve son contrat, et il touche 70 % de son salaire brut, c'est-à-dire 84 %, en moyenne, de son salaire net, mais s'il est au SMIC il touche 100 % de son salaire.
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON dit on va faire un geste, sur quoi va porter le geste ?
MURIEL PENICAUD
Alors on va faire un geste, c'est que, aujourd'hui… d'abord, je veux rappeler aux entreprises, toutes ne le savent pas, j'ai eu beaucoup de questions hier, que, vous êtes artisan, avec un salarié, vous pouvez avoir l'activité partielle, comme une grande entreprise. Deuxièmement, les apprentis peuvent être en activité partielle, ne rompez pas les contrats des apprentis, mettez-les en chômage partiel s'il faut. C'est dans le secteur lucratif et non lucratif, les associations ont droit, comme les entreprises. Ce qu'on va faire, qui est nouveau, c'est que jusqu'ici l'Etat ne remboursait que jusqu'à hauteur du SMIC, donc des entreprises hésitaient en disant « mais moi je n'ai plus les moyens », si vous n'avez plus d'activité du tout…
MARC FAUVELLE
Le reste, au-dessus du SMIC, la part qui était au-dessus était à leur charge.
MURIEL PENICAUD
C'était l'entreprise qui le payait, et donc il y avait des entreprises qui préféraient, qui choisissaient le licenciement, parce que juste elles n'avaient pas de quoi payer, à la fin du mois, les salaires.
MARC FAUVELLE
Là vous allez payer jusqu'à quel montant ?
MURIEL PENICAUD
Tous les montants, les 70 % sans limite.
MARC FAUVELLE
Tout le chômage partiel sera pris en charge par l'Etat ?
MURIEL PENICAUD
100 % du chômage partiel, nous allons le prendre en compte sur le budget du ministère du Travail.
MARC FAUVELLE
Vous nous direz dans un instant si vous savez déjà combien ça va coûter aux finances de l'Etat.
(…)
MARC FAUVELLE
Muriel PENICAUD, on parlait de l'airbag que constitue, en quelque sorte, le chômage partiel pour les entreprises, qui souffrent en ce moment de cette crise du coronavirus, l'Etat va donc payer l'intégralité de l'enveloppe liée à ces mesures, ça coûtera combien ?
MURIEL PENICAUD
Alors, comme l'a dit le président de la République, quel que soit le coût, nous ferons face, parce que c'est plus important que tout de sauvegarder l'emploi, de préserver l'emploi.
MARC FAUVELLE
On ouvre les vannes.
MURIEL PENICAUD
J'ai un indicateur à hier soir, hier soir on avait eu 5117 demandes d'entreprises, qui couvraient 85.000 salariés, pour un coût de 242 millions d'euros, mais ça va aller bien au-delà bien évidemment. Mais vous savez, le plus important, pour les salariés, c'est d'être protégé du licenciement, et pour les entreprises c'est de garder les compétences, pour reprendre après.
MARC FAUVELLE
Votre patron, Bruno LE MAIRE, dit ce matin « l'intégralité des mesures que nous prenons coûteront des dizaines de milliards d'euros. »
MURIEL PENICAUD
Oui, ça coûte…
MARC FAUVELLE
Vous avez l'air surprise.
MURIEL PENICAUD
Non, non, on est collègues, mais ce n'est pas grave…
MARC FAUVELLE
Oui, oui, mais vous avez donné le chiffre avant, non ?
MURIEL PENICAUD
Oui, j'ai donné le chiffre avant, mais ça va coûter bien plus que ça bien évidemment…
MARC FAUVELLE
Plus que des dizaines de milliards d'euros ?
MURIEL PENICAUD
Ah, de dizaines de milliards d'euros, non, que les chiffres que j'ai donnés avant…
MARC FAUVELLE
D'euros.
MURIEL PENICAUD
Oui, ça va coûter des dizaines de milliards d'euros. L'ensemble des mesures, Sécurité sociale, chômage partiel, mais je veux dire le coût pour les salariés, s'ils vont au chômage, et le coût pour les entreprises, si elles ne peuvent pas repartir derrière, est bien pire, donc il faut absolument faire cette dépense pour sauvegarder la suite.
MARC FAUVELLE
Des dizaines de milliards d'euros, coûte que coûte a dit hier le chef de l'Etat, ça veut dire que le déficit, les 3 %, on enterre, c'est du passé ?
MURIEL PENICAUD
Eh bien, il va y avoir des négociations, très rapidement, qui ont commencé au niveau européen, de toute façon tous les pays européens vont être dans la même situation, là je crois qu'il faut à la fois sauvegarder l'emploi, et préserver l'avenir, et pour ça, il y a un moment donné il faut changer les règles, on est dans une situation de crise inédite, et oui, il faut changer les règles.
MARC FAUVELLE
Je rappelle, pour que les auditeurs et les téléspectateurs puissent se faire un avis sur ces sommes, que, à la fin de la crise des Gilets jaunes l'ensemble des mesures qui avaient été annoncées, baisses d'impôts, etc., c'était 10 milliards d'euros, là c'est au moins fois 2 si j'ai bien compris Bruno LE MAIRE.
MURIEL PENICAUD
C'est probable, mais je vais vous dire, aujourd'hui ce n'est pas le plus important, le plus important c'est de ne pas rajouter à la crise sanitaire, qui est réelle et d'ampleur, une crise économique trop grave dont on aurait du mal à se relever, avec des effets sur le chômage, sur la protection de chacun et sur le redémarrage des entreprises ensuite.
RENAUD DELY
Emmanuel MACRON a annoncé aussi hier soir, pour sauver les entreprises en difficulté, le report du paiement des cotisations, des impôts, pour quelle durée, pour le mois de mars, pour le premier trimestre, pour le premier semestre ?
MURIEL PENICAUD
Alors pour l'instant, déjà, c'est opérationnel dès maintenant, c'est important parce qu'il y a une échéance de l'URSSAF, trimestrielle, au 15 mars, et donc…
MARC FAUVELLE
Dans 2 jours, enfin pas le dimanche mais…
MURIEL PENICAUD
Dans 2 jours, donc je le dis aux entreprises, les entreprises qui font face à des difficultés peuvent, sur un simple mail, demander le report du paiement des charges sociales et fiscales.
RENAUD DELY
Vous leur dites ne payez pas.
MURIEL PENICAUD
Non, je leur dis si vous êtes en difficulté, vous faites un mail, et vous ne payez pas.
MARC FAUVELLE
Ça sera automatique.
MURIEL PENICAUD
Ça sera automatique pour toutes celles qui le demandent, oui.
MARC FAUVELLE
Et l'Administration sera bienveillante, selon la formule consacrée.
MURIEL PENICAUD
L'Administration est déjà briffée par le ministère de l'Economie, c'est déjà en place.
MARC FAUVELLE
La CFDT, Muriel PENICAUD, vous demande, à vous et au gouvernement, de renoncer au deuxième volet de l'Assurance chômage, qui doit entrer en vigueur dans une quinzaine de jours, au 1er avril, est-ce que vous allez le faire ?
MURIEL PENICAUD
Alors, je vois les partenaires sociaux ce matin, sur l'ensemble des mesures économiques et sociales, avec Bruno LE MAIRE. Notre priorité c'est quoi ? C'est préserver, sauvegarder l'emploi, soutenir les entreprises, mais aussi, évidemment, aider les demandeurs d'emploi, donc on va regarder comment on fait, il y a plusieurs solutions, il y a plusieurs moyens. Nous, ce qu'on veut, c'est quelque chose qui est efficace, qui est pragmatique, il n'y a pas de tabou, mais donc ça il faut en discuter parce qu'il y a plusieurs options.
RENAUD DELY
Le plus efficace et le plus simple c'est de reporter l'application…
MURIEL PENICAUD
Pas forcément, il y a d'autres options…
RENAUD DELY
Lesquelles ?
MURIEL PENICAUD
Donc on va discuter de toutes les options.
RENAUD DELY
Lesquelles ?
MURIEL PENICAUD
On va discuter les options tout à l'heure, moi j'aime bien donner un peu la primeur des discussions avec les partenaires sociaux, parce que…
MARC FAUVELLE
Laurent BERGER vous a interpellée sur ce plateau il y a quelques jours…
MURIEL PENICAUD
Oui, oui, et on en a discuté hier, avant-hier, enfin on est en discussion avec les partenaires sociaux en permanence.
RENAUD DELY
Sa demande à lui elle est claire, Laurent BERGER il réclame un report de la mise en oeuvre de ces mesures.
MURIEL PENICAUD
Tout à fait, mais ce que je dis c'est que, on va, on avait déjà commencé à réfléchir il y a quelques jours dans l'hypothèse d'une aggravation de la crise, ce qu'on pourrait faire pour les demandeurs d'emploi, on a plusieurs hypothèses, il faut qu'on en discute.
MARC FAUVELLE
Il y a un risque que cette réforme de l'Assurance chômage pénalise les plus précaires, ceux qui risquent de souffrir davantage du chômage également dans les semaines qui viennent, vous avez relevé des failles aujourd'hui dans cette réforme ?
MURIEL PENICAUD
Non, la réforme est bonne, la réforme est vraiment très bonne, et on n'a pas vu de faille, mais on est dans un contexte nouveau, qui était imprévisible il y a 3 mois ou il y a 6 mois, donc à contexte nouveau il faut regarder la situation de façon pragmatique et prendre les mesures qui nous paraîtront les meilleures.
MARC FAUVELLE
On aura la réponse aujourd'hui ?
MURIEL PENICAUD
On aura la réponse dans les tout prochains jours.
RENAUD DELY
La réforme est bonne dites-vous, mais elle peut conduire à baisser l'indemnisation de certains chômeurs, c'est bien pour ça que vous envisagez…
MURIEL PENICAUD
Enfin après on les indemnise plus longtemps, donc je ne voudrais pas rentrer dans le débat technique, je dis juste qu'on a une situation nouvelle et on regarde très précisément ce qui se passe sur le terrain, et on va prendre les mesures qu'il faut.
RENAUD DELY
Il y a une autre réforme du gouvernement, qui est toujours en débat à l'heure actuelle, et qui a divisé assez profondément le pays ces dernières semaines, c'est la réforme des retraites. Est-ce qu'il faut suspendre cette discussion, il y a la Conférence de financement qui continue, il y a le débat parlementaire qui n'est pas achevé, justement, en vertu de ces circonstances exceptionnelles, et de l'appel à l'unité nationale qu'a formulé hier soir le chef de l'Etat ?
MURIEL PENICAUD
Alors d'abord je voudrais dire que l'appel à l'unité national c'est probablement le plus important, parce qu'on doit tous, d'abord être solidaires, et je pense que ce matin on pense tous, d'abord, aux malades, aux victimes, à leurs proches, aux soignants qui sont sur le front tous les jours, et que tout ça c'est quand même au-dessus de tout, et ensuite à préserver l'emploi, préserver les entreprises, pour ne pas ajouter une grave crise économique excessive à cette crise. Une fois qu'on a dit ça…
RENAUD DELY
Et si on veut que le pays fasse bloc, comme l'a dit Emmanuel MACRON, est-ce qu'il ne faut pas mettre de côté les sujets qui justement divisent le pays, comme la réforme des retraites ?
MURIEL PENICAUD
En même temps, la Conférence de financement a fait des avancées cette semaine, le débat a lieu…
RENAUD DELY
Mais deux syndicats ont déjà claqué la porte, la CGT et Force Ouvrière.
MURIEL PENICAUD
Oui, mais ça c'était avant, c'était parce qu'ils sont contre toute réforme, mais les syndicats réformistes qui veulent un système universel, à points, plus juste, n'ont pas claqué la porte, tout ça c'est des discussions qui vont avoir lieu dans les heures qui viennent.
RENAUD DELY
Donc on ne change rien, on continue, on garde le cap ?
MURIEL PENICAUD
Attendez, on prend les sujets un par un, aujourd'hui la priorité c'est qu'il n'y ait pas des vagues de licenciements, c'est que les parents trouvent une solution et soient, ou puissent rester chez eux lundi, ça c'est la priorité d'aujourd'hui.
RENAUD DELY
Vous évoquiez les personnels hospitaliers qui sont en première ligne, alors qu'ils ont traversé une grave crise ces derniers mois. Emmanuel MACRON aussi a expliqué hier que « la santé n'avait pas de prix », c'est l'expression qu'il a utilisée là aussi, « quoi qu'il en coûte », est-ce que ça signifie qu'il faut rompre avec une certaine logique, qui a peut-être régné dans l'hôpital ces dernières années, qui visait à essayer de rentabiliser l'hôpital public ?
MURIEL PENICAUD
Moi je crois que le président de la République l'a dit hier, la santé, mais pas uniquement, dans plusieurs domaines. Cette crise, qui est sans précédent, aucun d'entre nous n'a connu l'équivalent, quel que soit notre âge, elle va amener des réflexions profondes, sur le système de santé, sur le système d'alimentation, sur les chaînes de valeur mondiales, enfin il y aura des réflexions de long terme à mener assez vite sur qu'est-ce qu'il faut changer dans les systèmes publics et les systemes de production. Donc je crois qu'il ne faut pas le préjuger aujourd'hui, ce n'est pas l'urgence de ce matin, mais ces réflexions auront lieu, à court terme on est sur les mesures d'urgence, vous avez vu qu'il y aurait des systèmes de garde spécifiques pour les enfants, pour tous les personnels soignants et médico-sociaux, ça c'est l'urgence…
MARC FAUVELLE
Mais qui seront gardés où les enfants, vous le savez ?
MURIEL PENICAUD
Eux ils seront dans les collèges et les lycées, mais ce sera…
MARC FAUVELLE
Donc on va conserver des classes ouvertes dans certains établissements…
MURIEL PENICAUD
Pas les classes, mais un système de… comme un centre aéré, mais en petit nombre, pour les personnels soignants, ça, ça a été… et puis on déplafonne aussi les heures supplémentaires pour le personnel soignant.
MARC FAUVELLE
Pardon. C'est la seule profession qui aura ses enfants gardés ou des cours…
MURIEL PENICAUD
Soignants et médico-sociaux, les personnels des EHPAD…
MARC FAUVELLE
Ou vous l'envisagez aussi pour d'autres professions, les policiers, les gendarmes ?
MURIEL PENICAUD
Pour l'instant la priorité, je crois qu'il faut tous qu'on comprenne l'ampleur de ce que ça représente quand même, la priorité c'est la santé, la santé des Français, et donc il faut qu'on protège nos personnels soignants et surtout qu'ils puissent aller dans les hôpitaux, qu'ils puissent aller dans les EHPAD, qu'ils puissent aller partout où on a besoin d'eux.
MARC FAUVELLE
Je reviens d'un mot sur ce qu'on disait sur la réforme des retraites, Muriel PENICAUD. Le patron du MEDEF, Geoffroy ROUX de BEZIEUX, dit qu'il est prêt, lui, à suspendre la Conférence de financement, avec les syndicats, qui négocient en ce moment l'avenir du système, « au nom de l'unité nationale », il l'a dit il y a quelques instants. On fait une pause ?
MURIEL PENICAUD
Alors, moi ce que je demande au MEDEF, je lui demanderai tout à l'heure, on va être en réunion, c'est d'abord…
MARC FAUVELLE
Vous avez des choses à vous dire aujourd'hui !
MURIEL PENICAUD
Oui, mais moi aussi, parce que je pense qu'il faut vraiment, vraiment, qu'ils se mobilisent sur trouver des formes d'organisation du travail, des rotations, des équipes, du télétravail…
MARC FAUVELLE
Ce n'est pas ma question, mais c'est votre réponse.
MURIEL PENICAUD
Oui, mais c'est ma réponse aussi… non, mais on a une urgence. Aujourd'hui on va tout discuter, dans l'ordre…
MARC FAUVELLE
L'urgence sanitaire n'est-elle pas telle qu'on arrête le reste, on fait pause, on met la réforme des retraites en mode pause ?
MURIEL PENICAUD
Ce que je veux dire c'est que, comme on est dans une situation de gravité, il faut tous s'unir, il faut prendre les problèmes un par un…
MARC FAUVELLE
C'est ce qu'il faut Geoffroy ROUX de BEZIEUX, il dit « on oublie la réforme pour l'instant. »
RENAUD DELY
C'est ce qu'il faut demande.
MURIEL PENICAUD
Ça, on discutera la semaine prochaine, il n'y a aucune urgence, l'urgence c'est ne pas licencier, préserver l'emploi, qu'il n'y ait pas de faillites d'entreprises et qu'on puisse s'occuper des enfants et qu'ils puissent continuer à étudier à distance, comme le fait Jean-Michel BLANQUER. Ça, aujourd'hui, on se concentre là-dessus. Après on pourra discuter de tout, mais plus tard.
MARC FAUVELLE
On prend les réformes, et les matchs, comme on dit en Ligue 1, les uns après les autres. Muriel PENICAUD, la ministre du Travail, invitée de France Info pour quelques minutes encore.
(…)
MARC FAUVELLE
Muriel PENICAUD, finalement le premier tour des élections municipales est maintenu après-demain dans toute la France, est-ce que son report a été envisagé ces derniers jours ou ces dernières heures ?
MURIEL PENICAUD
Eh bien la question a été soumise au comité scientifique, qui a été mis en place, avec des experts des épidémies, qui sont vraiment la boussole de l'action qu'on mène. Moi je ne suis pas médecin, vous non plus, on peut tous avoir un point de vue, on est 67 millions de Français à avoir un point de vue…
MARC FAUVELLE
C'est la différence entre un point de vue et un avis scientifique.
MURIEL PENICAUD
Et un avis scientifique, donc c'est le comité scientifique qui a dit qu'il n'y avait pas de danger ou de contre-indication à mener ces élections, en prenant des précautions, donc les précautions vont être rappelées et renforcées aujourd'hui, par le ministère de l'Intérieur, sur il vaut mieux amener son stylo pour signer, comment on présente sa carte d'identité, une organisation qui va permettre d'éviter les files d'attente. Et donc, sur ces bases-là, reporter ce moment démocratique important, alors qu'il n'y a pas de raison scientifique, ça n'a pas paru la bonne mesure. Je crois qu'il faut se dire qu'il faut qu'on reste très solidaire, qu'on s'aide beaucoup, mais qu'on reste dans le rationnel, parce que sinon on va déraper, et s'il n'y a pas de nécessités scientifiques et médicales, il faut conserver une activité, y compris démocratique.
RENAUD DELY
Ces garanties scientifiques, Muriel PENICAUD, que vous avez obtenues pour l'organisation du premier tour, après-demain, dans 2 jours, est-ce qu'elles valent d'ores et déjà pour le deuxième tour, dans 9 jours, où est-ce qu'il faudra consulter de nouveau ce comité scientifique, entre les deux tours, pour savoir si le deuxième tour des élections municipales aura bien lieu ?
MURIEL PENICAUD
Je n'étais pas à la réunion avec le comité scientifique, mais je pense qu'ils ont abordé les élections en sachant qu'il y avait deux tours.
RENAUD DELY
Mais en l'occurrence, au vu de la rapidité de la propagation de l'épidémie, peut-être la question se pose de savoir quelle sera la situation du pays dans 9 jours.
MURIEL PENICAUD
Alors, sur le plan sanitaire on sait qu'elle sera plus mauvaise qu'aujourd'hui, c'est pour ça que toutes ces mesures sont prises, à temps je dirais, et annoncées hier par le président de la République, mais a priori les élections se présentent rapidement et ce n'est pas des élections qui supposent des gros rassemblements, donc…
RENAUD DELY
Pas d'inquiétude sur le deuxième tour non plus.
MURIEL PENICAUD
A date on n'a pas de raison d'avoir d'inquiétude sur le deuxième tour.
MARC FAUVELLE
A partir de demain les Européens n'ont plus le droit, à l'exception des Britanniques, de se rendre sur le sol américain, a annoncé hier Donald TRUMP, est-ce que vous avez compris sa décision ?
MURIEL PENICAUD
Alors je comprends la décision plus sur le plan symbolique, que sur le plan pratique, mais bon, chaque pays est souverain et chaque pays…
MARC FAUVELLE
Quelle est la symbolique ?
MURIEL PENICAUD
C'est à vis de son opinion publique. Après, les virus ils ne s'arrêtent pas aux frontières, quoi qu'on fasse. Il faut bien se dire que, quoi qu'on fasse, ça ne sert à rien de fermer des frontières, après on peut faire des modalités, on peut éviter les transports…
MARC FAUVELLE
Muriel PENICAUD, pourquoi Emmanuel MACRON a dit hier soir qu'il fallait envisager de fermer certaines frontières, y compris en France ?
MURIEL PENICAUD
Oui, certaines, mais pas parce que c'est des frontières nationales, parce que… c'est ce qu'on a fait un peu quand on a fait les clusters, un nom qu'on n'aime pas parce qu'il est anglais…
MARC FAUVELLE
Les foyers, oui.
MURIEL PENICAUD
Les zones, eh bien là on limitait beaucoup les entrées et sorties. S'il y a des zones où il y a beaucoup plus de propagation, il faut limiter beaucoup les échanges entre ces zones, mais ce n'est pas forcément le… enfin, le virus se fiche de savoir quelle est la nationalité de la personne, quel est le pays et quel âge, donc on peut avoir des mesures, mais elles ne sont pas forcément au sens national.
MARC FAUVELLE
Donc pourquoi envisager de fermer les frontières, comme l'a dit Emmanuel MACRON hier soir ?
MURIEL PENICAUD
Il faut lui demander.
MARC FAUVELLE
Il se trouve que c'est vous qui êtes là ce matin.
MURIEL PENICAUD
Moi j'ai eu le cas à traiter cette semaine sur les travailleurs frontaliers, français, puisque le land du Bade-Wurtemberg, c'est Fribourg, en Allemagne, a demandé à tous les salariés français frontaliers de rester chez eux pendant 14 jours, donc j'ai eu beaucoup de demandes. Avant-hier j'ai appelé mon collègue allemand, et ça m'a permis de clarifier, de confirmer, que pour les travailleurs frontaliers, par exemple, qui doivent rester en France, le temps d'une quatorzaine, à ce moment-là ils sont bien payés intégralement par l'entreprise allemande, et s'il y a une activité partielle, l'activité partielle allemande sera prise en charge, on traite aussi les sujets qui nous touchent directement.
RENAUD DELY
On le voit sur cette question de la fermeture ou non des frontières, l'Europe n'existe pas, il y a des décisions totalement contradictoires d'un pays à l'autre, de Pologne en Slovaquie en passant par l'Autriche, on voit bien qu'il n'y a aucune réponse européenne commune sur cette question-là non plus.
MURIEL PENICAUD
Alors, aujourd'hui il y a des sujets sur lesquels l'Europe a pris des positions communes, et d'autres pas encore. Nous aurons notre réunion des ministres du Travail européens, là jeudi prochain, c'est important aussi qu'on échange sur les différentes pratiques des uns, des autres…
MARC FAUVELLE
Dans une semaine.
MURIEL PENICAUD
C'est dans une semaine, mais on se parle beaucoup évidemment dans l'intervalle, les ministres de la Santé ils se parlent tous les jours…
RENAUD DELY
Mais d'un pays à l'autre, Muriel PENICAUD, on voit des décisions extrêmement contradictoires, extrêmement…
MURIEL PENICAUD
Oui, il y a des décisions aujourd'hui contradictoires, alors sur certains sujets ce n'est pas gênant, certains sujets où on le comprend bien parce que la situation sanitaire, par exemple, n'est pas la même, nous on a quand même un système hospitalier et des soignants d'excellente qualité, aujourd'hui on n'est pas à saturation, donc je pense qu'il y a des réflexes qui sont liés à ça, mais je crois aussi qu'il faut prendre les problèmes, comme je le disais, un par un, tous les régler, les travailleurs frontaliers, on vient de le régler, demain on aura peut-être un autre sujet. Vous savez on est dans une situation exceptionnelle, à situation exceptionnelle il faut prendre des mesures exceptionnelles, celles qu'on anticipe et celles qu'on prend si le problème, nouveau se pose.
MARC FAUVELLE
Merci Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD
Merci, bon courage à toutes et à tous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mars 2020