Interview de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à CNews le 16 mars 2020, sur le premier tour des municipales et l'épidémie de Covid-19.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : CNews

Texte intégral

GERARD LECLERC
Bonjour Didier GUILLAUME.

DIDIER GUILLAUME
Bonjour.

GERARD LECLERC
Ministre de l'Agriculture et de l'alimentation, on va en parler tout à l'heure, notamment avec les conséquences du confinement, on revient quand même d'un mot sur ce qui s'est passé hier aux élections municipales, des élections marquées par une très forte abstention, moins d'un électeur sur deux s'est déplacé, et tout ça, bien sûr, en pleine épidémie du coronavirus, est-ce que ce n'était pas une erreur invraisemblable de maintenir ces élections ?

DIDIER GUILLAUME
Non, d'abord, l'abstention grandit dans notre pays d'élection en élection, mais là, particulièrement, liée au coronavirus, c'est absolument évident, je veux d'abord, ce n'est pas un lieu commun de dire ça, mais remercier toutes les Françaises et les Français qui ont tenu les bureaux de vote, les assesseurs qui ont fait leur devoir citoyen, c'était important. Et puis, pourquoi ce n'était pas une erreur, tout simplement parce que le président de la République a voulu s'appuyer sur les scientifiques, sur la science, sur les épidémiologistes, sur celles et ceux qui savent, et aujourd'hui, un bureau de vote dans lequel il est passé 450 électeurs dans la journée en 10h, avec la préparation, le gel hydro-alcoolique, séparé d'un mètre, il n'y a aucun risque, je dirais même qu'il n'y avait aucun risque dans un bureau de vote, beaucoup moins que ce que l'on a vu hier dans les parcs à Paris ou en province lorsque les jeunes se retrouvaient pour boire un coup, pour faire la fête, c'est cela qui est inacceptable, moi, je voudrais lancer un appel, Gérard LECLERC, à nos concitoyens, s'ils veulent éviter le pire, alors il faut respecter les mesures barrières, quand le président de la République jeudi dernier, quand le Premier ministre samedi soir, disent clairement les choses, quand le professeur SALOMON, le directeur général de la Santé, nous invitent à faire les gestes qui peuvent nous sauver, le lavage de mains, être à un mètre de ses concitoyens, ne pas s'embrasser, ça veut dire quoi, ça veut dire qu'il faut faire une barrière sanitaire pour que le virus ne se propage pas. Sans cela, si nos concitoyens ne respectent pas cela, il faudra prendre d'autres mesures…

GERARD LECLERC
Alors, on va y venir tout à l'heure, simplement, sur – j'en reviens sur ces municipales – le deuxième tour, il va être annulé, la maladie est en train de progresser à toute vitesse, il y a déjà eu beaucoup d'abstentions hier, c'est impossible de les tenir, non ?

DIDIER GUILLAUME
Je n'ai pas l'information, j'ai entendu Olivier VERAN hier soir qui s'est exprimé, et qui réunissait, je crois, dès aujourd'hui, le comité scientifique, le Premier ministre va faire de même, il faut que de toute façon, la décision soit prise rapidement dans les 48 heures, puisque le dépôt des listes doit se faire avant mardi soir… je n'ai absolument pas la possibilité de vous en dire plus, parce que je n'en sais pas plus, ce que je vois simplement, la déclaration du professeur SALOMON ce matin disant que le virus s'accélère, et de façon exponentielle, va faire en sorte que vraisemblablement, des mesures seront prises, mais je ne sais pas lesquelles, je ne sais pas ce qui va se passer, aujourd'hui, vous savez, il faut faire très attention, les réseaux sociaux, les fake news, les informations qui peuvent être données sont dramatiques, il faut s'appuyer sur la science, rien que la science, toute la science a dit le président de la République, donc il faut s'appuyer sur les médecins, sur les professeurs de médecine, sur les épidémiologistes, sur les scientifiques, c'est à eux de dire ; le président de la République doit prendre sa responsabilité politique, il l'a prise lors du premier tour en disant : les élections sont maintenues, parce qu'on nous dit qu'elles peuvent l'être, on verra ce qu'il en sera pour le deuxième tour.

GERARD LECLERC
Un mot sur l'échec de la République En Marche, la plupart des candidats ont été sévèrement battus dans les grandes villes, oui, c'est une défaite, c'est une déroute, comment l'expliquez ?

DIDIER GUILLAUME
Mais, vous savez, dans les élections intermédiaires, le pouvoir en place, il les perd toujours ces élections. On se rappelle de Nicolas SARKOZY, on se rappelle de François HOLLANDE...

GERARD LECLERC
Oui, mais là, vous aviez des ambitions…

DIDIER GUILLAUME
Mais heureusement qu'on a des ambitions lorsqu'on se présente à une élection municipale…

GERARD LECLERC
Sauf qu'elles sont…

DIDIER GUILLAUME
Ou à une élection tout court. Evidemment, c'était des élections très difficiles pour la majorité, dans un contexte particulier…

GERARD LECLERC
Il y a un vote sanction donc vous reconnaissez…

DIDIER GUILLAUME
Dans un contexte particulier, et puis, tout simplement, parce que le pouvoir en place ne gagne pas les élections municipales, rappelez-vous 2008, rappelez-vous ce qui s'est passé en 2014, en 2008, Nicolas SARKOZY était président de la République, la gauche a fait une razzia, en 2014, François HOLLANDE était président de la République, la droite a fait une razzia, aujourd'hui…

GERARD LECLERC
Oui, mais est-ce qu'il n'y a pas eu quand même…

DIDIER GUILLAUME
Il y a eu une prime aux sortants qui est très forte, on voit que… à moins ceux qui n'avaient pas bien travaillé, qui ont été éjectés, aujourd'hui, le maire qui avait fait son travail, ça a été le pôle de stabilité, qu'il soit de droite, qu'il soit de gauche, la République En Marche et la majorité présidentielle a soutenu un certain nombre de candidats sortants qui ont fait des bons scores, et dans d'autres nouvelles candidatures, des plus mauvais scores, il faudra tirer de cette analyse-là et regarder vraiment comment nous aborderons la suite, il y aura des départementales, des élections régionales, il faut les aborder, je pense, de façon différente que nous avons abordé les élections municipales…

GERARD LECLERC
C'est-à-dire, là, il y a beaucoup de divisions, il y a beaucoup de dissidences ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, beaucoup de divisions, il y a eu des dissidences, je pense qu'il faut plus parler avec le groupe parlementaire, il faut avoir une vraie stratégie, il faut regarder devant, mais franchement, aujourd'hui, j'ai un peu de mal à parler de ces élections, parce qu'elles ont eu lieu, c'est un moment démocratique, ce qui se joue aujourd'hui, c'est la santé de nos compatriotes.

GERARD LECLERC
Eh bien, on y vient ! On y vient avec donc les déclarations du professeur SALOMON, un doublement des cas tous les trois jours, situation très inquiétante, il y a un certain nombre de réunions qui se tiennent au plus haut sommet de l'Etat, le Premier ministre va rencontrer de nouveau les experts scientifiques, va rencontrer les responsables politiques. On va vers un confinement ?

DIDIER GUILLAUME
Alors je ne sais pas où l'on va, on parle de confinement dans les médias, sur les réseaux depuis quelque temps, la décision sera prise, d'ores et déjà, il a été demandé aux Françaises et aux Français qui n'avaient pas à se déplacer de ne pas se déplacer, aux personnes âgées de sortir pour marcher, pour faire leurs courses, en respectant la limite d'un mètre entre chaque client dans un supermarché, parce que c'est la règle de base, mais de rester plutôt chez soi, la possibilité pour les parents, parce que la décision d'arrêter toutes les écoles, ce n'est pas rien, elle n'a pas été prise souvent dans ce pays…

GERARD LECLERC
Oui, mais à première vue, ça ne suffit pas, et on va aller plus loin, non ?

DIDIER GUILLAUME
Donc, non, mais ça ne suffit pas, mais d'ores et déjà, il y a des Françaises et des Français qui ce matin, et je veux penser à eux, avaient des difficultés de garde et qui n'ont pas pu aller à leur travail. Et puis, il faudra aller plus loin, la maladie augmente à vitesse exponentielle, aujourd'hui, on n'arrive pas assez à s'en protéger, je veux quand même rappeler, comme le font très bien Olivier VERAN tous les jours et le professeur SALOMON, que cette maladie, on peut la soigner, on peut la guérir, 98 % des Français qui en sont atteints en sortent indemnes et ils peuvent être couchés pendant trois jours, huit, dix jours mais, ils en sortent indemnes, pour les poly-pathologies, c'est un peu plus compliqué, c'est pour ça que l'organisation sanitaire de la France, on est un grand pays, on est un grand pays, et l'organisation sanitaire de la France est en place pour faire en sorte d'absorber tous les cas les plus compliqués, les poly-pathologies, les personnes les plus âgées, donc, mais il va falloir prendre des décisions, parce qu'on ne veut pas laisser se propager ce virus à cette vitesse-là…

GERARD LECLERC
Donc les gens vont être confinés chez eux, pour parler clair ?

DIDIER GUILLAUME
Je ne sais pas, moi, je ne peux pas répondre à cette question, puisque le comité scientifique se réunira aujourd'hui et demain, et je pense que des décisions seront prises, confinement ou pas confinement, ce n'est pas ça, là, le sujet, le sujet, c'est : nous sommes dans une guerre, dans une guerre sanitaire, et face à cette guerre sanitaire, eh bien, il faut mener cette guerre avec toutes les armes que l'on peut, et une des armes, c'est, moi, j'en appelle à la responsabilité de nos concitoyens, personne ne doit être plus fort qu'un autre, personne dit : mais moi, ça ne craint rien, un petit rhume, une grippe, etc., non, le coronavirus, le Covid19, ce n'est pas une grippe, c'est une épidémie qui est grave, donc respectons les règles, les règles sanitaires, elles sont indispensables.

GERARD LECLERC
Alors, il faudra quand même sortir pour aller acheter à manger, or, on voit début de pénurie dans un certain nombre de grandes surfaces, le gouvernement dit que l'approvisionnement sera garanti, ça, ça vous concerne directement, pour tous les produits alimentaires, est-ce que vous en êtes aussi sûr que ça ?

DIDIER GUILLAUME
J'en suis sûr, j'ai en charge dans mon portefeuille ministériel la sécurisation de l'approvisionnement alimentaire de nos concitoyens, je travaille…

GERARD LECLERC
Alors, comment on fait ?

DIDIER GUILLAUME
Je travaille là-dessus depuis une semaine maintenant, tout le week-end, nous avons fait cela, je veux dire aux Françaises et aux Français qui nous regardent : il n'y aura pas de problème d'approvisionnement de l'alimentation. Simplement…

GERARD LECLERC
Mais s'ils se précipitent tous pour acheter…

DIDIER GUILLAUME
Mais voilà, simplement, je leur dis aussi : n'allez pas acheter 5 kilos de pâtes, 10 litres d'huile, 20 litres de lessive…

GERARD LECLERC
Oui, mais s'ils le font…

DIDIER GUILLAUME
Eh bien, il faut, là aussi, des gestes qui soient un peu plus responsables, si je peux me permettre, il n'y aura aucun problème d'approvisionnement, il n'y a pas de pénurie, il n'y a pas de pénurie, peut-être que certaines gammes de produits ne seront pas toutes là, par exemple, puisqu'on parle beaucoup de pâtes aujourd'hui, si vous voulez acheter des spaghettis, vous n'aurez peut-être pas toute la gamme de spaghettis, pas toutes les marques ou pas toutes les tailles de spaghettis, excusez-moi d'aller dans le détail, mais ça sera possible. Les Françaises et les Français pourront s'alimenter sans problème, c'est pour ça que je leur dis : allez dans les grandes surfaces, dans les magasins, les marchés restent ouverts, pour acheter ce dont vous avez besoin, pas ce dont vous aurez besoin dans trois mois ou dans quatre mois, parce que les agriculteurs français vont continuer à produire, quelle que soit la décision qui sera prise, les agriculteurs français sèmeront, planteront, et récolteront pour la nourriture, nos entreprises agro-alimentaires, je les rencontre régulièrement, hier matin encore, et quand je vous quitte, là, nous avons à nouveau une réunion, vont être capables de transformer des produits agricoles pour nous nourrir, il n'y a pas de problème, mais il faut que nos concitoyens comprennent, ce n'est pas la peine de faire des stocks.

GERARD LECLERC
Est-ce qu'il ne faut pas réorienter un certain nombre de productions vers les produits, et notamment je pense aux industriels agroalimentaires, vers les produits les plus demandés, et puis, qu'est-ce qui se passe pour, par exemple, les producteurs français de fruits et légumes, est-ce qu'on est sûr que la chaîne existe, et que tout ça pourra continuer à fonctionner et aller dans les grandes surfaces ?

DIDIER GUILLAUME
Alors, l'objectif des entreprises agroalimentaires, nos PME, nos milliers de PME, elles continuent à travailler, et s'il devait y avoir un problème, parce que, ce matin, on va faire le compte sur les agents, les salariés qui ont leur droit de retrait et qui ne peuvent pas venir travailler pour diverses raisons, donc peut-être il faudra se re-concentrer vers certains produits qui permettront d'alimenter tout le monde, mais nous n'en sommes pas là encore, pour l'instant, nous, nos entreprises agroalimentaires transforment et produisent toute la gamme de nos produits. Donc il n'y a pas de problème là-dessus.

GERARD LECLERC
Pour les fruits et légumes ?

DIDIER GUILLAUME
Alors, les fruits et légumes, pour l'instant, il y a assez peu de fruits et légumes, on n'est pas toujours…

GERARD LECLERC
Oui, mais ça va venir, les beaux jours arrivent…

DIDIER GUILLAUME
Mais ça va venir, mais c'est pour ça que nos arboriculteurs, nos maraîchers continuent à travailler, on s'aperçoit aujourd'hui, j'ai l'impression, que les Espagnols, qui font la transition de fin d'hiver, début de printemps, nous envoient un peu moins de…

GERARD LECLERC
Ils gardent ça pour eux…

DIDIER GUILLAUME
Oui, ils gardent ça un peu pour eux…

GERARD LECLERC
Alors, comment on fait ?

DIDIER GUILLAUME
Bon, voilà, mais hier, j'étais encore en discussion avec le président, le directeur général de Rungis, avec Bruno LE MAIRE, nous avons fait une longue réunion, je pense que les choses iront, franchement, ce n'est pas de la langue de bois, ce n'est pas de la propagande. Nos concitoyens pourront continuer à manger tranquillement et sereinement, peut-être pas toutes les gammes, peut-être la pâte à tartiner, ça ne sera pas leur marque habituelle, peut-être les gâteaux, ça ne sera pas leur marque habituelle, mais ils pourront manger sans problème.

GERARD LECLERC
Alors, il y a également la fermeture de tous les collèges, des grandes écoles, alors, ça vous intéresse aussi directement, puisque comme ministre de l'Agriculture, eh bien, vous avez par exemple tous les collèges agricoles, vous avez les écoles vétérinaires. Qu'est-ce qui se passe, ils sont tous en vacances ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, alors, nous avons 200.000 élèves aujourd'hui qui restent chez eux, les apprentis de nos CFPPA, CFA vont dans les entreprises travailler, et la consigne que j'ai passée, mais qui est évolutive, là ,je voudrais m'adresser aux enseignants, aux organisations syndicales, entre jeudi et samedi, ça a évolué, et puis, demain, ça évoluera peut-être, les directeurs des établissements doivent faire venir dans les lycées agricoles, comme les autres lycées, les gens dont la présence est obligatoire, voilà, qui est essentielle, les autres font du télétravail à domicile, tout cela évolue, mais la continuité du service public, elle est là, les cours seront donnés, il y a déjà beaucoup d'élèves qui ont commencé à faire des cours, je vais regarder sur nos espaces numériques de travail, sur le télétravail, la téléformation à distance, avec le CNED de l'agriculture, qui s'appelle Eduterre, qui va permettre notamment, qui va permettre à chacun de pouvoir continuer à apprendre.

GERARD LECLERC
Ce confinement, combien de temps ça va durer ?

DIDIER GUILLAUME
Ah, mais je ne sais pas du tout, je ne sais pas du tout…

GERARD LECLERC
Vous ne savez pas si c'est trois semaines, quatre semaines, un mois ?

DIDIER GUILLAUME
Aujourd'hui, on dit qu'il faut 14 jours, il faut être en quatorzaine pour que le virus passe, donc nous verrons bien comment les choses se passeront, je ne peux pas vous dire, en tout cas, nous le respectons, nous le respectons dans l'administration, aujourd'hui, l'administration de mon ministère, il n'y a que les cadres qui sont au travail, tous les agents sont restés chez eux, pour réorganiser la nouvelle semaine de travail.

GERARD LECLERC
On va renforcer les contrôles aux frontières ?

DIDIER GUILLAUME
Je ne sais pas, il est probable que nous le fassions. En tout cas, en ce qui nous concerne, en ce qui me concerne, moi, tous nos contrôleurs vétérinaires, parce que nous contrôlons aussi la nourriture qui rentre en France, sont au travail et puis, nous allons chercher d'autres choses. Il faut être agile, il faut bouger, il faut changer tous les jours, parce que la situation change, le virus, lui, il ne s'arrête pas aux frontières, vous savez, on peut fermer une frontière, mais le virus, il va traverser.

GERARD LECLERC
Merci Didier GUILLAUME…

DIDIER GUILLAUME
Merci à vous.

GERARD LECLERC
Bonne journée, bonne semaine, j'allais dire bon confinement


source : Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2020