Texte intégral
RENAUD BLANC
Mon invité le ministre de l'Agriculture et de l'alimentation. Bonjour Didier GUILLAUME.
DIDIER GUILLAUME
Bonjour.
RENAUD BLANC
L'alimentation est une priorité évidemment, y a-t-il un risque aujourd'hui de rupture de la chaîne alimentaire, Didier GUILLAUME ?
DIDIER GUILLAUME
Non, il n'y aura pas de rupture de la chaîne alimentaire, il n'y a pas de risque, et ça, je peux vous l'affirmer, il y a des tensions, vous en avez parlé tout à l'heure dans votre bulletin d'information, mais il n'y a pas de risque de rupture de la chaîne alimentaire, je crois que c'est ça qui est très important…(coupure de son) la France est un grand pays, vous le disiez à l'instant, et Guillaume TABARD faisait un édito remarquable, il y a du gris, il y a du noir, il y a du blanc, mais il y a beaucoup de blanc, et quand on voit tous ces gens aux fenêtres qui applaudissent les médecins, c'est quelque chose de formidable, et le fait que 96 % des Français approuvent les mesures de restriction, ils savent que c'est comme cela, en même temps, nous sommes un pays latin, et les Français, qu'est-ce que vous voulez, ils aiment se toucher, ils aiment s'embrasser, ils aiment se promener, eh bien, il faut changer nos habitudes, et ce n'est pas simple, et la ruée sur les grandes surfaces qui s'est passée le week-end dernier a montré que c'était très compliqué, mais là, je pense que les grandes surfaces, les GMS ont travaillé à l'organisation de prévention, ils l'ont très bien fait, et je veux les remercier ; toutes les entreprises de l'agroalimentaire, les industries agroalimentaires que je suis dans mon portefeuille ministériel, de même que les producteurs sont prêts à assumer, à assurer le ravitaillement, donc voilà, il faut que les comportements de nos concitoyens redeviennent classiques, c'est-à-dire, je vais faire mes courses tous les deux jours ou tous les trois jours, je n'achète pas 5 kilos de pâtes ou 10 litres de… , j'achète des produits frais, de la viande, du poisson, des oeufs, des produits lactés, des yaourts, des fruits et légumes, et voilà, et les choses rentreront dans l'ordre en ce qui concerne l'alimentation.
RENAUD BLANC
Oui, parce que le week-end dernier, on a quand même acheté pour l'équivalent d'un an de paquets de pâtes en 2 jours, est-ce que vous craignez, Didier GUILLAUME, le même phénomène ce week-end ?
DIDIER GUILLAUME
Non, je ne crois pas, moi, je comprends, je peux comprendre, je ne critiquerai jamais les achats qu'ont faits les Français, nos concitoyens, on leur a dit qu'il allait y avoir une difficulté, qu'il pouvait y avoir un confinement, ils ont pris peur, ils ont assuré les choses, très bien. Je ne le critique pas du tout, maintenant, il ne faut pas que cela continue, et je ne crois pas que cela va continuer, dans la mesure où, aujourd'hui, tout le monde a bien compris qu'il n'y avait pas de sujet, et moi, je veux rassurer, mais ce n'est pas moi, au nom du gouvernement, ce n'est pas de la propagande que je suis en train de faire, c'est la réalité, il n'y aura pas de pénurie, après, eh bien, qu'il n'y ait pas telle ou telle marque de pâtes, telle ou telle marque de produits lactés, mais un autre, eh bien, c'est comme cela, qu'est-ce que vous voulez… mais ils pourront manger, il n'y a aucune raison qu'il y ait l'assaut dans les grandes surfaces, et en tout cas, moi, l'appel que je veux lancer pour nos agriculteurs, pour nos producteurs, c'est que nos concitoyens lorsqu'ils vont faire des courses, lorsqu'ils vont acheter leur nourriture, n'achètent pas que des produits secs, n'achètent pas que des boîtes de conserve, mais achètent aussi des produits frais, il en va de l'avenir de notre agriculture, nos amis maraîchers, ceux de l'arboriculture, qui font des fruits et légumes ont besoin de vendre leurs produits, nos amis pêcheurs, aujourd'hui, la pêche est en grande difficulté, quasiment 50 % des produits de la pêche vont dans les restaurants, les restaurants sont fermés, il faut acheter du poisson dans les étals des GMS ou sur les marchés, j'ai fait en sorte que les marchés de plein vent, les halles alimentaires, restent ouverts, c'est absolument indispensable pour les produits frais, à condition que les gens respectent les distances de sécurité…
RENAUD BLANC
Ça, c'est une grande question, Didier GUILLAUME, sur les marchés effectivement en plein air, parce que certains disent : il faut les fermer à cause du coronavirus et de l'indiscipline des Français.
DIDIER GUILLAUME
C'est exactement ça, moi, je fais partie de ceux qui disent qu'il faut les laisser ouverts, c'est indispensable, parce qu'on s'alimente beaucoup, les personnes âgées, dans nos chefs-lieux de cantons, dans nos petites villes des territoires ruraux ou de province, descendent de leur appartement pour acheter leurs légumes, pour acheter leurs tomates, pour acheter leurs salades au marché, c'est des habitudes. Il faut laisser cela, par contre, on ne les laissera ouverts que s'il y a le respect des consignes, si évidemment on voit les images que l'on a vues dans certains marchés à Paris, on sera obligé de les fermer, peut-être, il faudra en fermer certains, mais la consigne qui a été passée par le ministre de l'Intérieur, auprès des préfets de tous les départements de France, en accord avec Bruno LE MAIRE et moi-même, c'est de laisser ouverts ces marchés pour que l'on puisse s'alimenter en produits frais, il faut respecter les choses, si nos concitoyens ne respectent pas les limites d'un mètre entre chaque citoyen, ne respectent pas les barrières sanitaires, alors, il faudra fermer les marchés, je ne le souhaite pas, parce que ce serait un vrai problème économique, et ce serait un vrai problème pour l'alimentation de nos concitoyens, les personnes âgées notamment n'ont pas toutes la possibilité d'aller en grande surface, qui sont souvent à l'extérieur de la ville, et achètent leurs produits au marché.
RENAUD BLANC
Alors, vous parliez, Didier GUILLAUME, précédemment de la pêche, il y a effectivement beaucoup d'inquiétude dans ce secteur chez les pêcheurs, vous demandez aux Français, eh bien, de manger du poisson, mais est-ce qu'il faudra imaginer une aide financière pour les pêcheurs comme pour les agriculteurs dans les semaines qui viennent ?
DIDIER GUILLAUME
Evidemment, on n'en est pas à parler des aides pour l'instant, là, pour l'instant, on est là pour parer au plus pressé, pour faire en sorte que la chaîne alimentaire soit bien en place, et elle l'est, et que nos producteurs, que ce soit les producteurs de la mer, pêcheurs, conchyliculteurs, ostréiculteurs, ou les producteurs de la terre, les agriculteurs, les maraîchers, les éleveurs, etc, continuent à travailler aujourd'hui, il faudra sûrement des aides pour les aider à passer un cap, mais pour l'instant, ce n'est pas des aides financières qu'il faut, et l'Etat sera au rendez-vous, le président de la République a dit quoi qu'il en coûte à plusieurs reprises. Mais aujourd'hui, avant de demander les aides à la solidarité nationale, il faut qu'il y ait la solidarité humaine, je crois que c'est ça qui est très important, cette période de confinement doit à la fois nous faire prendre conscience de ce qu'est l'individu dans sa famille, dans sa cellule familiale, et à la fois faire cela pour le collectif, c'est pour le collectif que ces mesures sont prises, si chacun respecte les règles, alors là, nous vaincrons cette épidémie, c'est une guerre a dit le président de la République, cette guerre, nous devons la gagner, on sait qu'il y aura encore des Français qui décéderont, on sait qu'il y aura beaucoup de Français qui seront atteints de cette maladie, je veux vraiment avoir une pensée pour eux, je veux vraiment avoir une pensée, vous savez, pour celles et ceux qui vont travailler, là, qui vont travailler dans les petites entreprises, qui vont travailler dans les caisses de supermarchés, parce que les gens ont peur d'être infectés…
RENAUD BLANC
Oui, parce que les caissiers, pardonnez-moi, Didier GUILLAUME, c'est vrai que les caissiers, comme les gens qui travaillent dans les supermarchés sont en première ligne, ont peur effectivement aujourd'hui, ils vous réclament notamment des masques, comment on peut aider justement à vaincre cette peur très concrètement ?
DIDIER GUILLAUME
Alors, moi, je veux d'abord vraiment leur exprimer toute ma sympathie, ma solidarité et toute l'empathie, parce qu'ils font un métier globalement difficile, hôtesse de caisse dans un supermarché, c'est un métier difficile, mais là, dans ce contexte, c'est un métier psychologiquement difficile, la peur d'avoir la maladie, alors vous le savez, et c'est la règle qui a été fixée, les masques vont en priorité pour les professionnels de santé, c'est indispensable, on a besoin des professionnels de santé pour les malades…
RENAUD BLANC
Qui estiment d'ailleurs qu'il n'y en a pas assez, ces professionnels de santé qui estiment qu'il n'y en a pas assez, Didier GUILLAUME…
DIDIER GUILLAUME
Eh bien, justement, raison de plus, donc vous voyez bien qu'on doit… moi, je veux vraiment saluer les responsables de supermarchés qui ont fait un travail remarquable, nous avons travaillé tout le week-end ensemble, ils ont mis en place un guide de bonnes pratiques pour leurs salariés, pour leurs clients, ils ont mis en place pour la plupart des protections en plexiglas entre le client et le caissier ou la caissière, là encore, il faut respecter, ils leur ont donné des casquettes avec des protections visuelles, il faut respecter les gestes barrières, et en respectant gestes barrières, je crois que ça ira. Il me semble, parce que moi, je crois en ce pays extraordinaire, je crois en ce peuple français, qui est un peuple remarquable, qui a été capable d'embrasser des flics après les attentats, qui est capable d'embrasser les médecins aujourd'hui, qui, parfois a des colères fortes, on l'a vu avec les gilets jaunes, qui, parfois, explose, parce qu'il y a un ras-le-bol, comme une sorte d'abandon, sentiment d'abandon, mais là, le peuple français, il est capable de se serrer les coudes, et si, au début de la semaine dernière, on a vu que l'intervention du Premier ministre n'avait pas porté ses fruits, parce que les Français n'avaient pas respecté cela, le confinement, ils l'ont compris, eh bien, ce peuple-là, il est résilient, il doit reprendre sa marche en avant, le confinement, on reste chez soi, mais il y a des métiers où il faut aller travailler en prenant le plus de précautions possibles, mais il faut aller travailler, vous savez, s'il n'y avait plus de chauffeurs routiers, s'il n'y avait plus de transporteurs, on ne pourrait plus avoir de la nourriture, on ne pourrait plus être approvisionné, s'il n'y avait plus d'entreprises de BTP, on ne pourrait plus faire réparer une fuite d'eau, ou je ne sais trop, de plombiers, etc. Donc il faut à la fois respecter ces gestes barrières, respecter le confinement, rester chez soi, écouter ce que disent les scientifiques et ce que disent les médecins… on a certains de nos concitoyens qui doivent aller travailler, et ceux-là, on doit les soutenir complètement.
RENAUD BLANC
Les frontières fermées, Didier GUILLAUME, pour l'agriculture française c'est un coup très dur ?
DIDIER GUILLAUME
Non, non, enfin, ce n'est pas vraiment les frontières fermées, c'est l'espace Schengen, dans lequel on ne peut pas faire rentrer d'individus, de citoyens…
RENAUD BLANC
Certains agriculteurs qui ont témoigné disent par exemple : je ne peux plus rien envoyer en Italie, en Espagne, et c'est une catastrophe pour ma production.
DIDIER GUILLAUME
Non, je ne crois pas justement, je ne crois pas, alors, c'est assez compliqué…
RENAUD BLANC
On n'a peut-être entendu les mêmes agriculteurs alors…
DIDIER GUILLAUME
Oui, on est en train de travailler justement à ce qu'on continue l'export, tous nos postes diplomatiques sont en éveil, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves LE DRIAN, a passé des consignes très strictes, nous attendons d'ailleurs des bateaux qui vont arriver, qui viennent de l'extérieur, avec de la nourriture, avec tout simplement du soja, avec des poulets, nous continuons à exporter dans des conditions compliquées, mais nous continuons à exporter, tous nos services donnent les tampons, les validations pour pouvoir le faire, donc nous en sommes là, mais cela montre bien que nous avons besoin de réfléchir pour demain à ce que doit être la relocalisation de notre agriculture et de notre alimentation, parce que la mondialisation est une bonne chose vraisemblablement, mais il y a des produits qui doivent être faits en France, et quand, avec le président de la République, nous décidons de mettre en place un plan de protéines végétales pour avoir une autonomie d'alimentation pour nos animaux et pour l'alimentation humaine, eh bien, ça évitera d'importer des tourteaux de soja OGM qui viennent Outre-Atlantique, je crois que c'est cette réflexion que nous devons mener…
RENAUD BLANC
Didier GUILLAUME, dernière question, donc pas de problème de pénurie, même localement aujourd'hui ?
DIDIER GUILLAUME
Non, il n'y a pas de problème de pénurie, les Français mangeront à leur faim, il n'y a aucun problème, il n'y a pas de rupture de la chaîne d'approvisionnement, par contre, ce qui peut se passer, c'est qu'il y ait certains produits qu'on ne trouvera plus en grande surface, mais les gammes, j'entendais tout à l'heure monsieur HENAFF, le patron de cette magnifique entreprise d'agroalimentaire, qui disait : eh bien, là aujourd'hui, on ne fait plus que deux sortes de saucisson, c'est ça qui peut se passer, j'ai discuté avec le patron de France des pâtes BARILLA, je ne vais pas faire de la pub, qui dit : eh bien, on ne sortira peut-être pas toute notre gamme, mais on aura notre gamme. Vous voyez ce que je veux dire, c'est-à-dire que le choix sera peut-être un peu moins important dans les jours qui viennent, puisqu'il va y avoir encore des ruées dans les grands magasins, par contre, il n'y a aucun problème de gamme, et les gens pourront manger à leur faim, ils pourront manger tous les produits qu'ils souhaiteront, c'est tout l'intérêt, et c'est ce que nous disons aux patrons de grandes surfaces, de continuer à mettre dans les rayons traditionnels de la viande, du poisson, du fromage, il faut manger des yaourts, il faut manger des fruits et légumes, c'est ça, l'intérêt, c'est ce qui permettra de faire redémarrer notre activité économique, de diversifier l'alimentation, de mettre les qualités organoleptiques et nutritionnelles les plus fortes possibles, et c'est ça qui est important.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Didier GUILLAUME d'avoir été en ligne ce matin sur l'antenne de Radio Classique, le ministre de l'Agriculture et de l'alimentation.
DIDIER GUILLAUME
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mars 2020