Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, à BFMTV le 18 mars 2020, sur la politique du gouvernement face à l'épidémie de Covid-19.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, bonjour.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Gérald DARMANIN, vous êtes ministre de l'Action et des Comptes publics. En duplex et en direct de votre bureau, si j'ai bien compris.

GERALD DARMANIN
C'est bien ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Malgré la distance qui nous sépare, Gérald DARMANIN, je vais être direct, et je vais vous poser une première question toute simple : manque de masques, manque de masques, manque de tests, manque de lits, manque de matériel dans les hôpitaux dans certains hôpitaux manquent de personnel hôpital, où passe l'argent public, où passe notre argent ?

GERALD DARMANIN
Non, monsieur BOURDIN, je pense que l'heure elle n'est pas à la polémique, qu'elle soit…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne s'agit pas de polémiquer, il s'agit de questionner.

GERALD DARMANIN
… que ce soit de la part de journaliste ou de responsables politiques. L'Etat fonctionne, et je pense que les Français peuvent être fiers des agents publics qui sont aujourd'hui au front. Ils sont parmi le personnel soignant, évidemment jour et nuit. Ils sont parmi les policiers qui font respecter les règles. Ils sont parmi les agents qui gardent les enfants qui sont en situation d'urgence pour certains parents. Ils sont parmi les gens qui ramassent quand même vos poubelles, monsieur BOURDIN. Ils sont parmi les gens qui font quand même faire venir l'eau, l'électricité, font fonctionner les trains. On voit bien que l'Etat français et ses agents publics, sont là. Nous avons un grand Etat et un grand peuple, avec des fonctionnaires qui les servent. Aujourd'hui vous avez d'autres personnes qui contribuent évidemment au bon fonctionnement de la Nation, toutes les personnes qui vont travailler dans l'agroalimentaire, par exemple, qui doivent continuer à aller travailler pour approvisionner nos supermarchés, vos supermarchés, monsieur BOURDIN, ils sont courageux. Toutes les personnes qui font fonctionner la Nation, aujourd'hui sont courageuses. Alors, l'hôpital public, les cliniques privées, les infirmières libérales, les aides-soignants, tous ceux qui contribuent aujourd'hui à la chaîne de la Défense nationale puisque le mot de guerre a été employé, eh ben il ne faut pas de polémique, il faut être derrière eux, l'Etat a ouvert les financements. Je présenterai ce matin avec Bruno LE MAIRE un projet de finances rectificatif, 45 milliards d'euros trouvés en 3 jours. 45 milliards d'euros de trouvés en 3 jours et nous aurons l'occasion sans doute, après la crise, de répondre à toutes les questions du Parlement et bien sûr des journalistes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, et vous répondez aussi à toutes nos questions pendant la crise. Il n'est pas question de polémiquer, il est question de savoir, quand et combien de masques seront livrés ?

GERALD DARMANIN
Alors, il y a eu des masques qui étaient largement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le président de la République avait fait des promesses.

GERALD DARMANIN
Il y a eu des masques qui ont été très largement déjà distribués, il y a eu un pic effectivement dans notamment les officines, et devant la demande très importante qui a été faite. Ils sont revus depuis hier, j'ai eu le ministre de la Santé et des Solidarités hier, et ce matin les officines retrouvent, de pharmacie, des masques, qui sont distribués, et c'est bien normal, en priorité au personnel soignant, c'est tout à fait logique. Je rappelle d'ailleurs que notre capacité de l'hôpital public est bien plus importante que certains autres pays, les comparaisons avec l'Italie se font souvent sur votre chaîne de télévision. On voit bien qu'il y a en France une plus grande capacité hospitalière. Il faut surtout maintenant que les Français respectent les gestes barrières, et qu'ils respectent surtout les consignes de rester chez soi lorsqu'on ne peut pas télétravailler, eh bien effectivement on peut aller travailler, mais si on peut télétravailler, si on peut reporter des démarches administratives, si on peut demander sa pièce d'identité plus tard, ce n'est pas la peine d'aller à la mairie. Si on peut demander quelque chose aux impôts plus tard, ce n'est pas, la peine d'aller au centre des impôts, si on peut reporter évidemment un déplacement, une visite, un anniversaire, on doit le faire, et chacun doit respecter cela, parce que vous savez, si chacun respectait cela, alors la France sortirait plus vite de cette grave crise sanitaire, et beaucoup moins de gens seraient touchés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui Gérald DARMANIN, je vous parle beaucoup des masques, parce que j'ai eu beaucoup d'auditrices et d'auditeurs qui m'ont appelé à propos de ces masques, je ne vais pas faire toute l'émission dessus, mais des aides à domicile, des policiers, des gendarmes qui ne sont pas équipés, et d'autres, des surveillants de prison qui ne sont pas équipés. J'espère que l'Administration fera en sorte de les équiper dans la journée ou dans les jours qui viennent, Gérald DARMANIN. A propos des soignants, vous avez dit…

GERALD DARMANIN
Sur ces masques, un point très important, d'abord ils doivent aller en priorité, ça a toujours été dit et ça a été fait dans de très nombreux pays, au personnel soignant, c'est le point le plus principal. Chacun comprend que l'Etat, qui est bien organisé et qui fonctionne bien, a souhaité que ce soit les soignants, singulièrement ceux qui sont à l'hôpital notamment, puissent avoir en premier ces masques. Ils ont été eux évidemment de nouveau, ils reviennent dans les officines de pharmacie, ils sont redistribués dans les départements de France, notamment pour les infirmières libérales par exemple, et ils sont distribués aujourd'hui. Vous connaissez, et le président de la République d'ailleurs l'a dit à la télévision, l'une des grandes leçons de notre crise sanitaire, c'est qu'une partie de notre production, et ce n'est pas le fait seul de la France, c'est le cas également des Etats-Unis, c'est le cas de beaucoup de pays européens, la production se fait dans un pays qui a été le premier touché, il y a maintenant plus d'un mois, qui s'appelle la Chine. Donc il faudra, après cette crise sanitaire sans doute, et même si aujourd'hui 24 heures sur 24 les ouvriers français et européens fabriquent des masques, fabriquent du gel hydro-alcoolique, je remercie toutes les entreprises d'ailleurs qui aident l'Etat sur ce point, il faudra sans doute réfléchir bien sûr, et moi c'est une conviction profonde que j'ai depuis longtemps, à refaire venir dans notre continent européen et singulièrement en France, une production de ce qui nous parait être essentiel pour la vie de la Nation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, un mot encore : est-ce qu'on envisage d'importer des masques de Chine ou des appareils respiratoires ?

GERALD DARMANIN
Oui, on envisage d'importer des masques de partout où ils sont, c'est d'ailleurs pour ça que les marchandises continuent à fonctionner, c'est pour ça que l'économie ne s'est pas arrêtée, et c'est d'ailleurs pour ça que les douaniers qui sont sous mon autorité, très courageusement, sont au rendez-vous matin midi et soir, dans les ports et dans les frontières françaises et européennes, pour pouvoir contrôler ces marchandises, parce qu'il ne s'agit pas non plus de faire venir n'importe quel produit, qui a n'importe quelle norme, et qui serait pire que mieux, si vous me permettez cette expression. Donc l'Administration continue à fonctionner, vous voyez, il y a des douaniers qui ce matin sont dans les ports, sont dans les frontières, et contrôlent les gels hydro-alcooliques, les médicaments, les masques que nous avons achetés. Le ministre de la Santé, que j'ai eu très tôt ce matin, m'expliquait que tous les matins il signait des bons de commandes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. En Chine, lors du confinement chinois, toutes les entreprises ont dû fermer, pratiquement toutes les entreprises. Est-ce que vous envisagez cette solution ? Est-ce que vous envisagez de demander à toutes les entreprises françaises de fermer, de mettre le personnel en chômage technique ? En Chine ce n'était pas compliqué, l'entreprise fermait et le salaire était assuré par le patron, l'Etat et dans le patron.

GERALD DARMANIN
Ce que nous avons choisi, c'est effectivement de faire un confinement, pour que le maximum de personnes qui ne sont pas obligées d'aller travailler physiquement, ne le fassent pas. Tous ceux qui peuvent faire du télétravail, doivent le faire, et seules les personnes qui doivent faire des choses à l'extérieur de leur domicile pour pouvoir travailler, par exemple vous travaillez dans une usine qui produit des produits alimentaires, doivent le faire. Monsieur BOURDIN, il faut bien comprendre que si nous arrêtons aujourd'hui toute l'économie, indépendamment des questions de recettes ou de dépenses, nous n'aurons pas la possibilité d'alimenter nos supermarchés, les officines de pharmacies, et nous ne pourrions pas retirer de l'argent dans les banques, nous ne pourrions pas faire garder nos enfants pour les personnels soignants qui travaillent à l'hôpital, et donc il y a aussi des solutions négatives à des dispositions aussi extrêmes. Mais ce que nous souhaitons, c'est que si tous les Français respectent ce qu'a dit le président de la République, ce qu'a dit le Premier ministre, c'est-à-dire on reporte toutes les démarches qui ne sont pas essentielles à la vie de la Nation, que deuxièmement on reste chez soi sauf si on doit aller travailler et qu'on ne peut pas télétravailler, alors les choses se passeront bien. Mais il faut effectivement le respecter, ne pas jouer avec les règles. Moi je veux remercier d'ailleurs les policiers et les gendarmes, tous ceux qui travaillent aujourd'hui au nom de la Nation, pour faire contrôler le fait que les Français respectent bien ces règles. Et nous arriverons à sortir de ce pic épidémique dans quelques semaines, nous verrons bien les choses quand elles arriveront, et nous pourrons alors continuer à faire travailler notre pays, que les gens puissent manger bien évidemment, sans pour autant arrêter totalement le fonctionnement de notre économie.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, juste une petite parenthèse. Là encore je me fais l'interprète, l'écho, je suis l'écho de toutes celles et ceux qui m'écrivent ou qui m'appellent, quand on est sur la route, qu'on est routier, quand on est sur l'autoroute, on n'a plus rien pour se doucher, parce que toutes les stations d'autoroutes ont fermé les douches. Voilà des règles, des règles qui devraient être, je ne sais pas moi, peut-être pourrait on lancer un appel aux sociétés d'autoroutes pour reprendre des mesures, Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Vous avez tout à fait raison, c'est le premier jour du confinement, il est évidemment évident, quand un pays de 66 millions d'habitants, qui passe de la vie et du bonheur, à d'un seul coup le confinement, ne peut pas régler tout en une journée, chacun le comprendra, je pense que ça s'est plutôt bien passé pour une première journée, et l'Etat encore une fois, et les collectivités locales, ont bien organisé les choses. Mais vous avez raison pour les routiers, nous interviendrons avec la ministre BORNE auprès des sociétés d'autoroutes, j'ai entendu tout à l'heure sur votre antenne de BFM la question des sans domicile fixe, avec Julien DENORMANDIE nous y travaillons, et les collectivités locales et l'Etat sont au rendez-vous pour effectivement ouvrir des lieux si elles ne l'ont pas déjà fait, pour accueillir les personnes sans-abri. Evidemment il y a des détails importants de la vie d'une certaine partie de la population qu'il faut régler, elles seront réglées dans les prochaines heures.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Vous voulez sauver l'économie française, c'est le mot « sauver l'économie française ». Vous injectez déjà, vous prévoyez 45 milliards d'euros d'aides, peut être beaucoup, Gérald DARMANIN, ne cachons pas les choses.

GERALD DARMANIN
Peut-être. Aujourd'hui, nous avons pris une décision très forte, puisque notre pays est en guerre, il faut une économie de guerre, et donc si j'étais le ministre des Comptes publics, de temps de paix, qui comptait les sous, et c'est bien normal, pour que justement, en temps de guerre, nous puissions en avoir, eh bien le résultat de la politique économique et là, c'est parce que nos finances publiques étaient saines, c'est parce que nos prêteurs nous prêtaient à 0%, c'est parce que nous avions fait des efforts économiques, qu'en temps de guerre nous pouvons dépenser, et si j'ose dire dépenser quasiment sans compter. Et avec l ministre de l'Economie, nous avons proposé effectivement 45 milliards, dont 35 milliards d'euros de trésorerie, en 3 jours, sans que la signature de la France soit attaquée, c'est-à-dire sans que les taux n'augmentent très fortement, parce qu'il faut emprunter évidemment cela…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ont légèrement augmenté, Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Oui, ils sont autour de zéro, je crois qu'aujourd'hui les marchés financiers j trouvent que la France est un pays qui a des finances publiques saines, et les marchés financiers sont plus inquiets de l'effondrement de la Bourse, que l'état des finances publiques françaises, puisque nous avons rétabli les comptes de la Nation. Mais indépendamment de ça, nous avons sorti effectivement le carnet de chèques, nous sommes à 45 milliards dont 35 milliards d'euros de trésorerie, et sur les questions fiscales, sur les questions de paiement de cotisations, sur les questions de garanties données aux entreprises, sur les questions de substitution de l'Etat à un certain nombre de sujets économiques, sur les questions de chômage partiel, l'Etat va débourser entre 4 et 5 milliards d'euros par mois pour payer à 100% le chômage de ceux qui ne pourront pas travailler ? Eh bien ce qu'il faut, c'est effectivement sauver notre économie pendant cette période très compliquée, lui permettre demain de repartir, et donc ont peut-être, vous avez raison, il faudra encore débourser de l'argent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et sauver certaines entreprises, je pense à AIR FRANCE ou je pense à RENAULT. On murmure qu'il pourrait y avoir d'éventuelles nationalisations, ou une augmentation, une recapitalisation par l'Etat de certaines entreprises. Oui, non ?

GERALD DARMANIN
Le mot ne me fait pas peur, personnellement, la nationalisation, l'Etat sera au rendez-vous si des grands fleurons de notre industrie, qui sont importants pour le pays, et important en termes d'emplois, sont en difficulté. Le Premier ministre l'a dit, nous serons au rendez-vous des nationalisations, s'il le faut.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que si AIR FRANCE est en grande difficulté, AIR FRANCE pourrait être nationalisée. Renationalisée.

GERALD DARMANIN
Nous suivons la situation de notre grande compagnie nationale, aujourd'hui ce n'est pas le cas, donc il n'y a pas d'annonce à faire, mais autant le ministre de l'Economie et moi-même, nous nous sommes effectivement prêts, si jamais il devait y avoir des difficultés importantes pour des grandes entreprises et notamment pour AIR FRANCE.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, les grandes entreprises, les petites, les TPE et les PME. J'ai beaucoup beaucoup de patrons évidemment qui ont de grandes difficultés, qui ne peuvent plus travailler, qui ne peuvent plus s'approvisionner, alors comment faire ? Les banques parfois sont hésitantes, c'est vrai, proposent des reports mais derrière proposent tout de suite un produit financier, c'est-à-dire un prêt, peut être à 2, 3 ou 4 %, profitant un peu de l'aubaine. Que dites-vous ce matin ?

GERALD DARMANIN
Alors je vais être très très clair : il faut que les banques et les assurances jouent le jeu, et je sais que la majorité d'entre elles le jouent, et il n'y a pas aujourd'hui, il ne doit pas y avoir aujourd'hui de gens qui profitent de cette situation, et nous serons extrêmement attentifs avec le ministre de l'Economie et des Finances, pour que les banques et les assurances ne profitent pas de cette situation, mais je sais, j'ai eu monsieur OUDEA au téléphone moi-même, le patron de la Fédération bancaire, je sais qu'il fera respecter cela. L'Etat fait des efforts sans précédent, ça a été dit, 45 milliards d'euros. Tous les impôts directs pourront être reportés, toutes les cotisations sociales pourront être reportées. Pour les petits commerçants, comme vous dites, pour les indépendants, nous prendront en charge une forme de chômage pour pouvoir travailler, pour qu'ils puissent toucher quelque chose pendant qu'ils ne travaillent pas, reporter intégralement les charges le 20 de ce mois, et être au rendez-vous notamment par un fonds d'indemnisation d'un milliard d'euros par mois où les régions vont contribuer, on les en remercie, pour qu'ils puissent payer leur loyer ou payer leur propre salaire. Donc l'Etat fait un effort absolument considérable. Il est hors de question que des partenaires privés ne puissent pas accompagner dans ce sens l'effort de la Nation. Et puis par ailleurs pour les salariés, c'est extrêmement important, vous êtes dans un restaurant, vous êtes serveur, vous êtes cuisinier, vous n'êtes pas au travail parce qu'évidemment tout a été fermé, à la demande du gouvernement, et chacun le comprend, 100 % du chômage technique sera pris en… partiel pardon, sera pris en charge par l'Etat, c'est une mesure sans précédent, c'est ce que font nos amis allemands depuis la crise de 2008, et nous serons effectivement au rendez-vous.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, sur 35 heures Gérald DARMANIN. Si j'ai un contrat de 39 ou 42 heures, que se passe-t-il ?

GERALD DARMANIN
Pour l'instant nous sommes en période de crise, monsieur BOURDIN, il faut que les gens puissent rester chez eux, payer un loyer, payer leurs traites, s'ils en ont, payer leurs denrées alimentaires, donc pour l'instant nous garantissons parce que nous sommes en période de crise, de crise grave, en urgence, nous prévoyons puisque nous faisons voter une loi en 2 jours à l'Assemblée nationale et au Sénat, à partir de ce matin, le chômage partiel évoqué, et nous discuterons bien évidemment, avec l'ensemble des syndicats et avec l'ensemble des branches professionnelles, pour améliorer les choses si elles doivent être améliorées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La TVA, pour les PME les TPE ?

GERALD DARMANIN
Eh bien la TVA, comme l'impôt sur le revenu, est due, elle ne peut pas être reportée. Pourquoi elle ne peut pas être reportée ? D'abord la France doit continuer à toucher des recettes pour pouvoir continuer à emprunter, et chacun le comprend, c'est pour ça que nous pouvons emprunter pas chers sur les marchés financiers, c'est parce que nous avons des recettes qui rentrent dans les caisses de l'Etat. Et la TVA, c'est un impôt indirect que l'entreprise collecte de la part, pour l'Etat, mais que s'il y a du chiffre d'affaires. Alors, s'il y a des créances, si l'Etat doit des remboursements de TVA aux entreprises, j'ai donné des consignes extrêmement strictes aux impôts pour qu'ils remboursent. Il suffit de faire, je le dis à tous les chefs entreprises qui nous écoutent, petits et grands, un petit mail, un petit coup de fil, pour expliquer qu'on souhaite très rapidement le remboursement des créances que doit l'Etat, et notamment en termes de TVA. Mais s'il s'agit de la TVA que l'entreprise doit donner à l'Etat, et que l'Etat rembourse ensuite en partie aux régions et à l'Union européenne, elle est due, et c'est bien normal qu'elle soit due, puisque s'il n'y a pas de chiffre d'affaires, il n'y a pas de TVA. Donc vous voyez c'est un impôt qui n'est pas une charge fixe pour une entreprise, contrairement par exemple à l'impôt sur les sociétés ou la taxe sur les salaires, qui elle sera reportée, ou par rapport aux charges sociales qui elles aussi sont reportées. Les URSSAF, si vous faites votre déclaration sociale nominative modifiée, les entreprises connaissent ce que c'est que la DSN, jusqu'au 19 mars, y compris si ça comptait depuis le 15, vous pouvez reporter vos charges jusqu'à zéro, et nous verrons ça si nous le reportons tous les mois selon la crise.

JEAN-JACQUES BOURDIN
En ce qui concerne le personnel soignant, est-ce qu'il est prévu, je ne sais pas, le personnel soignant qui fait un nombre d'heures incalculables, qui est à un dévouement exceptionnel, est-ce qu'il est prévu, je ne sais pas moi, des primes, des augmentations de salaire, qu'est-ce que vous prévoyez ?

GERALD DARMANIN
Vous avez tout à fait raison. Le personnel soignant est aujourd'hui le premier soldat au front et dans des situations extrêmement difficiles. Nous avons prévu 2 milliards d'euros dans le budget d'urgence que nous avons élaboré dans La nuit de lundi à mardi ? que nous présentons aujourd'hui au Conseil des ministre, que nous ferons voter jeudi et vendredi, et sur ces 2 milliards d'euros il y a non seulement l'achat des masques et des produits, et il y a la revalorisation pour le personnel soignant, que nous discutons avec le ministre de la Santé et des Solidarités, et je voudrais le dire ici de façon extrêmement ferme : chaque heure supplémentaire travaillée dans cette période de crise, sera évidemment payée à tout le personnel soignant et administratif des hôpitaux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardonnez-moi Gérald DARMANIN, mais heureusement que les heures supplémentaires seront payées, heureusement…

GERALD DARMANIN
On est bien d'accord…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que les heures supplémentaires sont dues. Mais Gérald DARMANIN, les heures supplémentaires sont dues, pardon de vous le dire, mais vous dites que vous allez prévoir peut-être une revalorisation, ça veut dire quoi, une prime spéciale, une revalorisation de salaire pour ce personnel ?

GERALD DARMANIN
L'augmentation, aujourd'hui la meilleure prime que l'on peut donner aux soignants, pardon de vous le dire monsieur BOURDIN, c'est de respecter les gestes sanitaires et de respecter le travail du personnel soignant, et de ne pas faire la fête, de ne pas sortir et de ne pas inutilement encombrer le service de la médecine de ville et des urgences. Donc d'abord, en cas de guerre, quand il y a une invasion, c'est le cas de notre pays aujourd'hui face à ce virus, il faut d'abord regarder les choses en urgence, ensuite la Nation prévoit les efforts budgétaires qu'il faut, pour accompagner cela, pour armer le personnel soignant, mais aussi pour le soutenir. Quand je vous dis qu'il y a 2 milliards d'augmentation du budget de la Santé et de la Sécurité sociale, c'est un budget évidemment sans précédent que nous allons emprunter et nous devons le faire et c'est très important de le faire. Et nous avons construit, imaginez bien ce qu'on fait des agents de mon ministère, monsieur BOURDIN, en une nuit ils ont rectifié de budget de la Nation pour y rajouter 45 milliards d'euros, en une nuit. Donc bien sûr le courage aujourd'hui c'est celui du personnel soignant qui est au travail de façon extrêmement importante, depuis maintenant plusieurs semaines, mais tous les fonctionnaires de l'Etat, et j'allais vous dire tous les femmes et les hommes politiques qui les dirigent, que dans les collectivités locales comme dans l'Etat, sont au rendez-vous de ce grand défi, et nous mettrons les moyens évidemment pour accompagner le personnel soignant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, deux dernières questions. Le déficit public en 2020, combien ? Que prévoyez-vous ?

GERALD DARMANIN
Aujourd'hui ce sera moins 3,9 %, nous allons augmenter au-dessus de 100% de dette. Nous ne savons pas encore exactement combien, mais ce qui est certain c'est que ce n'est pas, lorsque je l'ai dit dans un grand journal, Les Echos, ce matin, ce n'est pas parce quand la maison brûle qu'il faut rationner les litres d'eau. D'abord il faut éteindre l'incendie, voilà. Ce qui est très important d'expliquer aux Français, c'est parce qu'ils ont fait des efforts, c'est parce que nous avons parfois été dans des réformes très importantes, parfois impopulaires, que nous avons désormais les moyens de payer ce que nous payons aujourd'hui, c'est parce que nous avons été fourmis que nous pouvons aujourd'hui être au rendez-vous de cette demande impérieuse pour notre pays et comme nous n'empruntons pas à des taux très élevés, parce que notre pays a des finances publiques saines, nous pouvons débourser ces 45 milliards, nous pouvons dire aux entreprises que nous ferons la trésorerie pour eux, nous pouvons dire à chaque salarié que 100 % de leur chômage sera pris en charge par l'Etat, c'est un point extrêmement important, il faut qu'il n'y ait aucune faillites d'entreprise, d'une TPE jusqu'à une grande entreprise et que nous pourrions nationaliser si nous le pouvons, dans les événements qui arrivent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, j'ai une dernière question…

GERALD DARMANIN
Donc c'est très important, c'est vraiment très important de dire aux Français qu'ils ont un Etat solide, et des finances publiques qui leur permettent de faire face à la crise.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, j'ai une dernière question Gérald DARMANIN. Agnès BUZYN a confié au journal Le Monde avoir averti le Premier ministre de la nécessité de reporter les municipales dès la fin du mois de janvier, vous le saviez ?

GERALD DARMANIN
Moi je ne vais pas polémiquer, surtout dans une période de crise, mais monsieur BOURDIN, je suis ministre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de polémique, ce sont toujours des questions.

GERALD DARMANIN
Oui oui, mais moi j'ai été, je suis ministre des Comptes publics et je l'ai été à partir du mois de juin de cette année, comme chacun l'aura constaté, et à ce titre je suis de toutes les réunions où il se dépense un euro dans notre pays où il y a un euro de recettes. Pour vous dire que je fais beaucoup de réunions avec le président de la République, avec le Premier ministre, et je peux vous assurer que dès le mois de janvier le Premier ministre et président de la République ont pris toutes les mesures, et nous avons établi tous les scénarios, et je peux vous dire qu'au mois de février nous ne savions pas comme les médecins l'ont déjà dit plusieurs fois, y compris d'ailleurs sur vos antennes, que la situation serait celle que nous connaissons aujourd'hui. C'est tellement vrai que madame BUZYN a été candidate le 16 février je crois, à Paris. Donc ce qu'il faut savoir c'est que l'Etat est tenu, que le Premier ministre et président de la République sont au rendez-vous de ce que nous avons demandé en termes de crise sanitaire, et que nous prenons des décisions, comme les comités scientifiques nous proposent de les prendre. Il n'y a pas une décision qu'a pris l'Etat, pas une décision politique qui a été contraire au choix des scientifiques et nous les suivrons quoi qu'il en soit et je pense qu'il n'y a pas lieu d'avoir une polémique lorsque le pays est en guerre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, merci Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mars 2020