Texte intégral
RENAUD BLANC
Nous sommes en ligne avec Jean-Michel BLANQUER. Bonjour Monsieur le Ministre.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
RENAUD BLANC
Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse. 13 millions d'écoliers, de collégiens, de lycéens et d'étudiants bossent en ce moment à la maison, mais Jean-Michel BLANQUER, ça rame pour se connecter pour travailler. Vous avez bien sûr des milliers de témoignages qui vont dans ce sens.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'était surtout vrai en début de semaine et c'était vrai tous domaines confondus, puisque la France entière était sur internet pour faire du télétravail. Donc, beaucoup de réseaux ont bouché, mais les choses s'améliorent jour après jour, et je crois qu'aujourd'hui ça va un peu mieux quand même qu'en début de semaine. Donc on n'a pas eu de problèmes, si vous voulez, quant aux programmes qu'on avait mis en ligne, et quant aux tuyaux si je puis dire, de tous ordres, et qui souvent d'ailleurs étaient des tuyaux locaux qui étaient encombrés.
RENAUD BLANC
Mais c'est un petit peu quand même encore aujourd'hui le système D, avec les témoignages des enfants des journalistes de la Rédaction.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Certainement. Vous savez, je ne dis absolument pas que tout est parfait. Qui peut imaginer qu'on arrive à une situation parfaite, dans les circonstances exceptionnelles dans lesquelles on est ? Si on fait référence à l'éditorial qu'on vient d'entendre, ça devrait faire réfléchir sur ces sujets. Autrement dit, le maximum est fait, mais aujourd'hui c'est surtout investissement humain de 850 000 professeurs au service de plus de 12 millions d'élèves, qui doit être soulignés. Après, l'informatique est quand même au rendez-vous, même s'il y a évidemment des bugs çà et là, mais on est en train de les arranger.
RENAUD BLANC
Il y a quand même une inégalité d'accès, si je puis dire, à l'informatique.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, vous savez, c'est 5 % des élèves qui n'ont pas un équipement informatique à la maison. Donc on s'est aussi mobilisé pour remédier à ce problème, avec notamment des possibilités de prêts de tablettes et d'ordinateurs aux familles, puisqu'il y a de points contact dans les écoles et les établissements de France, dont je rappelle qu'ils assurent toujours une permanence administrative et pédagogique dans la majorité des cas. Et puis on a aussi le monde associatif qui s'est joint à nous, pour parfois aller apporter des tablettes à domicile. Enfin il arrive qu'on fasse travailler les élèves à distance, avec tout simplement des coups de téléphone et en travaillant sur des manuels et les cahiers qu'ils peuvent avoir déjà.
RENAUD BLANC
Alors, vous le disiez, l'école est encore ouverte pour récupérer des documents.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, l'école est point contact, c'est-à-dire elle permet d'avoir des documents, d'avoir un appui, un conseil. Donc il est surtout important qu'elle soit ouverte, pour répondre au téléphone, parce que le l'objectif qu'on s'est fixé, c'est que chaque famille soit jointe au moins une fois par semaine au téléphone, pour savoir comment va la progression de l'élève et si justement il y a un bon suivi pédagogique.
RENAUD BLANC
Jean-Michel BLANQUER, hier Jean-François DELFRAISSY, le président du Conseil scientifique a déclaré que le confinement de 15 jours ne suffirait pas. Y aura-t-il un troisième trimestre pour nos enfants ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, ça c'est difficile à savoir au moment où nous parlons. Ce qui est certain, c'est que la situation dans laquelle nous sommes là, va certainement durer jusqu'aux vacances de printemps, et inclure les vacances de printemps. Moi j'espère que l'on pourra sortir des vacances de printemps et revenir à un fonctionnement normal, mais nous allons nous organiser dans les deux cas de figure.
RENAUD BLANC
Alors, s'il fallait faire évoluer bac et brevet, on le ferait, c'est une de vos déclarations il y a quelques heures. Concrètement, quelles sont les solutions pour vous qui sont sur la table ? Est-ce qu'on peut imaginer un bac en septembre, pour vous ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce n'est pas la première des solutions. Vous savez, moi je préfère n'évoquer que la formule, le plan A, si vous voulez, qui est de tenir les délais, c'est-à-dire à le passer au mois de juin, comme c'est prévu, en temps et en heure, je dirais, si on devait arriver à une forme haute, mais je fais attention aux commentaires dès qu'on évoque un plan B ou un plan C, ça devient l'hypothèse majeure, donc je n'ai pas envie de développer ces hypothèses. Simplement, je garantis qu'évidemment le service public doit avoir une certaine continuité, quelles que soient les circonstances, et que donc les élèves ne seront pas lésés, il y aura forcément un baccalauréat en 2020.
RENAUD BLANC
Un baccalauréat et un brevet des collèges.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Et un brevet des collèges.
RENAUD BLANC
Raboter les congés scolaires, c'est possible ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est pareil, hier j'ai dit que par définition, dans une période comme ça, on devait avoir tous à l'esprit, et j'ai vu qu'il y avait des commentaires très excessifs qui étaient faits, donc je préfère vous dire que, à ce stade, ça n'est pas le sujet.
RENAUD BLANC
Mais vous en discutez avec les syndicats ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Nous parlons de tout, par définition, nous évoquons les thèmes, mais nous sommes, encore une fois on est en circonstances exceptionnelles, et en circonstances exceptionnelles on doit tout regarder, simplement ça ne sert à rien d'évoquer des scénarios qui ne sont que hypothétiques, et donc à ce stade, mon premier objectif c'est surtout de faire fonctionner les choses normalement, en vue d'un retour à la normale.
RENAUD BLANC
Alors, Jean-Michel BLANQUER, les établissements scolaires doivent accueillir les enfants des soignants, comment ça se passe très concrètement ? Est-ce que ça fonctionne bien ? On sait qu'il peut y avoir un problème le mercredi, qu'il peut y avoir des problèmes le week-end, comment vous vous organisez aujourd'hui ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien nous accueillons environ 30 000 enfants de soignants chaque jour, et je voudrais vraiment remercier les professeurs volontaires, les chefs d'établissement, les directeurs d'école, qui font ce travail aujourd'hui, et qui le font parce qu'ils traduisent le sentiment général de la population, c'est-à-dire qu'on doit tous être en appui à nos personnels soignants qui sont en première ligne dans ce combat contre la maladie, et donc ça s'organise là aussi dans les écoles et les collèges qui restent ouverts à cette fin. Alors parfois on a fait des regroupements, donc toutes les écoles et tous les collèges ne sont pas ouverts, mais la plupart le sont, et les regroupements permettent de faire des classes au maximum 10 élèves, souvent moins, qui permettent de garder les enfants. Et nous nous organisons au maximum pour pouvoir aussi organiser cet accueil, le mercredi, le samedi et le dimanche, parce qu'il y a beaucoup de soignants qui vont évidemment travailler ce jour-là aussi.
RENAUD BLANC
Les enfants des soignants, mais est-ce qu'on peut imaginer les enfants des policiers, et d'autres catégories socioprofessionnelles, dans les jours qui viennent ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, il y a plusieurs catégories qui sont légitimes à demander ça, comme celles que vous avez citées, simplement nous essayons d'éviter ça, parce que ça finirait par représenter beaucoup d'enfant, et le but n'est pas, finalement, de faire un retour à la situation antérieure, autrement dit, si on a fermé les écoles, les collèges et des lycées, c'était vraiment avec un but clair d'éviter qu'il y ait trop de contact les uns avec les autres. Donc on est obligé de rester à cette doctrine et de regarder s'il n'y a pas d'autres solutions localement.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Voilà, donc on restera avec les enfants des soignants dans les établissements. Jean-Michel BLANQUER, les parents remplacent un petit peu les enseignants en ce moment, et là on se retrouve aussi devant, j'allais dire ; des difficultés culturelles importantes selon les parents.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, alors ça dépend ce que vous mettez derrière cette expression. Il y a plusieurs sujets, il y a d'une part le risque d''approfondir les différences sociales, parce que selon la famille dans laquelle se trouve un enfant, évidemment il est plus ou moins avantagé à se retrouver ainsi avec des parents pour l'aider à faire son travail. C'est pourquoi on veut compenser au maximum cela. Il y aura des appels plus nombreux aux élèves les plus en difficultés, il va y avoir là aussi, il y a un lien avec le monde associatif pour aider, pour contribuer à ce qu'il y ait de l'aide à distance, notamment par téléphone, mais aussi par Internet, et donc je suis extrêmement attentif à ce point, parce que si vous voulez, ma première préoccupation depuis que je suis ministre de l'Education, c'est de hausser le niveau général, et se faisant de contribuer à diminuer les différences sociales. Mais dans une période comme celle-là, on voit bien que ces deux objectifs sont gênés, sont abîmées, et donc il y a tout un travail à faire, très volontariste, pour que ce soit un moment éducatif pour tous les enfants, et que ce moment éducatif soit de même richesse pour les plus défavorisés, et les autres. Et c'est ce que nous nous efforçons de faire, mais avec je dirais toute la mobilisation de l'Education nationale. Vous avez tous les professeurs mobilisés pour ce télétravail, et puis vous avez aussi la mobilisation de la société, et de vous par exemple les médias, puisque nous avons lancé donc cette semaine l'opération Nation apprenante, est faite pour que vous les médias, comme vous, Radio Classique, puisse contribuer à ce que les contenus soient riches et correspondent aussi parfois aux programmes que les élèves ont à faire. Donc par exemple en éducation musicale vous avez certainement une grande contribution apportée, comme vous le faites déjà en temps normal.
RENAUD BLANC
Merci pour ce petit compliment concernant à Radio Classique ? Jean-Michel BLANQUER. Mais que dit le ministre de l'Education nationale, aux parents qui tentent de faire bosser leurs enfants, alors, tout en travaillant eux également à la maison. Quel est votre conseil, si je puis dire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mon conseil, c'est que ça doit être un moment de développement de l'autonomie de l'enfant, donc c'est un moment où on se retrouve, si on veut voir les aspects positifs, c'est un moment où on se retrouve, il y a un lien familial qui se renforce. Il ne faut jamais s'énerver, ça ne sert à rien…
RENAUD BLANC
Ça c'est difficile, Jean-Michel BLANQUER, c'est très difficile.
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est très difficile, je le sais, puisque je suis aussi parent, et donc je sais de quoi il s'agit, et justement il faut savoir prendre du recul, se fixer à l'avance qu'on ne va pas s'énerver, et au contraire, essayer de faire gagner à l'enfant de l'autonomie. Il ne faut pas être sur dos, si j'ose dire, c'est-à-dire qu'il faut donner des exercices, se fixer des objectifs, préserver des moments de calme, ne pas le surcharger, des moments d'activité physique aussi, et y être à la fois dans la fixation d'un cadre et dans l'empathie. C'est toujours le même cocktail, exigence et bienveillance, mais l'exigence doit être mesurée, elle ne doit pas être… elle doit être proportionnée à ce qui est possible pour un enfant, qui est ainsi enfermé dans sa maison.
RENAUD BLANC
Jean-Michel BLANQUER, il y a beaucoup d'enseignants qui nous écoutent sur Radio Classique, quel est votre message ce matin ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord c'est un message par rapport aux professeurs en France, si vous voulez, c'est l'occasion pour toute la société française de voir que c'est un métier, que ce n'est pas facile de s'occuper de transmission de savoir auprès des enfants. Et puis mon message c'est un message de gratitude aussi, et je pense que c'est important, mais comme de même que nous avons tous une immense gratitude pour les soignants aujourd'hui, que l'on ait cette gratitude pour les professeurs qui font un travail remarquable, et on voit que souvent ils se sont investis pendant cette période que nous sommes en train de vivre, pour se débrouiller parfois comme vous l'avez dit, trouver la bonne solution pour faire parvenir aux élèves, parfois tout simplement par mail leur travail. Et il y a des… J'ai toute une série de remontées qui montrent des comportements d'un grand professionnalisme et un grand dévouement.
RENAUD BLANC
Une question politique pour terminer cet entretien, Jean-Michel BLANQUER. La polémique Agnès BUZYN, vous avez été étonné par ces déclarations de l'ancienne ministre de la Santé qui a parlé de mascarade, qui a déclaré également qu'elle avait très tôt mis en garde le Premier ministre face à ce coronavirus. Ça vous a étonné, voire choqué ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais depuis on a vue qu'elle était revenue en partie sur ses propos et je pense qu'il faut largement attribuer à la fatigue d'une campagne électorale. C'est des propos qui d'ailleurs comportent leurs propres contradictions, je pense qu'il ne faut peut-être pas leur attacher une importance excessive.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER d'avoir été en ligne ce matin, sur l'antenne de Radio Classique, le ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 mars 2020