Texte intégral
Nous vivons un moment sans précédent, dans lequel se fait jour un besoin d'action rapide que nous nous employons à satisfaire, mais également la nécessité du maintien des mécanismes démocratiques. Je remercie votre commission de nous permettre de présenter notre action en ces temps houleux.
La réponse à cette crise inédite exige que nous actionnions simultanément tous les leviers de l'action publique, concernant la santé, la diplomatie, l'économie, le travail ou la sécurité, en plaçant la solidarité au coeur de notre action ; solidarité à l'égard de nos compatriotes qui se trouvent à l'étranger, de passage ou résidents, solidarité, également, aux niveaux national et européen pour soutenir l'Afrique. Nous abordons aujourd'hui deux sujets avec un message unique : il faut aider chacun pour tous nous protéger.
J'ai pris connaissance de la note de MM. Jean-Pierre Grand et Rachid Temal sur l'aide au retour de nos compatriotes bloqués hors de France et je salue ce travail. La fermeture des frontières a été brutale et s'est parfois faite sans préavis. Pour faire face au retour des frontières et au tarissement des lignes aériennes, l'appareil diplomatique a été sur le pont matin, midi et soir avec nos cabinets et le Centre de crise et de soutien (CDCS) du Quai d'Orsay. Je rends hommage à nos agents pour ce travail et le président de la République est d'ailleurs venu vendredi dernier les saluer pour le tour de force qu'ils ont réalisé.
Cette opération était en effet sans précédent par son volume et son étendue : au comptage d'hier soir, ce sont 155 000 Français de passage à l'étranger qui étaient rentrés en France ; en outre, tous les continents ont été concernés au même moment.
Avec M. Jean-Yves Le Drian, nous avons mis en place un dispositif de coordination étroit avec le ministère des transports et avec Air France, que je remercie particulièrement. N'oublions pas que le processus a commencé par le Maroc et que sa filiale Transavia a alors organisé une véritable noria aérienne depuis Marrakech, Casablanca et Rabat, vers la France, avec plus de 140 vols additionnels, pour ramener les 20 000 Français qui se trouvaient en vacances dans le pays.
Ce dispositif exceptionnel de rapatriement a fonctionné de la manière suivante : tous les matins, à onze heures, nos postes nous remontaient les besoins recensés sur leurs territoires et nous dialoguions avec les compagnies pour établir des plans de vol selon trois types de configurations. Parfois, les vols réguliers étaient maintenus, d'autres fois il a fallu mettre en place des vols commerciaux spéciaux avec des prix modérés, dans la mesure du possible. Sur ce plan, Air France a joué le jeu, plus que d'autres compagnies européennes et internationales. Quand cela n'était pas possible, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères affrétait directement des vols. Ce fut le cas pour les Philippines ou l'Australie, par exemple, destinations lointaines où se trouvaient des Français disposant de faibles moyens, au profil de "routard" ou, pour l'Australie, des jeunes partis en programme vacances travail (PVT) qui, ayant perdu leur emploi, se trouvaient sans ressources. Les bénéficiaires de ces vols ont signé un engagement à rembourser l'Etat à des tarifs raisonnables : 300 euros pour les Philippines et 800 euros pour l'Australie. Trente-quatre vols sont entrés dans cette catégorie ; certains dans le cadre du mécanisme européen de protection civile (MEPC), qui nous a conduit à embarquer également des ressortissants d'autres Etats membres. Des Français ont réciproquement pu profiter de vols allemands ou espagnols. Les Britanniques se sont également souvenus de l'utilité du MEPC.
Il reste aujourd'hui quelques milliers de Français bloqués, ou qui se "découvrent" bloqués et nous disent : "j'ai poursuivi mes vacances, mais désormais je veux rentrer". Bien sûr, ce comportement interroge, mais nous sommes là pour faciliter leur retour. Des interventions politiques sont parfois nécessaires pour obtenir la réouverture de frontières ou l'autorisation d'atterrir sur des aéroports militaires quand les terminaux civils sont fermés. Ainsi, il y a quelques temps, le gouvernement de Nouvelle-Zélande ne souhaitait pas que les touristes étrangers soient rapatriés ; une intervention a donc été nécessaire pour régler cette difficulté.
Enfin, il reste des Français de passage bloqués, car ils ont été testés positifs au Covid-19, comme c'est le cas en Egypte ou au Cambodge. Nos compatriotes passent dans ces pays leur quatorzaine et reviendront à son terme sur le sol national.
Nous avons tiré des enseignements de cette expérience, laquelle a permis d'illustrer la valeur de notre réseau diplomatique universel. Nous devrons nous en souvenir à l'heure des choix. Les personnels des différents postes ont été de véritables héros du quotidien. Nous avons également établi une très bonne coordination interministérielle et mis en place des outils numériques nouveaux ou amélioré ceux qui existaient déjà. Ariane, par exemple, a vu ses inscriptions exploser, avec une augmentation de 25 %. Nous en avons fait la publicité pour que les touristes puissent recevoir les informations nécessaires et nous avons mis en place un site internet, SOSuntoit.fr, afin de faciliter l'hébergement des Français les plus démunis.
S'agissant de l'Afrique, cinquante-deux des cinquante-quatre pays du continent sont aujourd'hui touchés par l'épidémie, dont la dynamique est à l'heure actuelle moins forte qu'en Europe ou aux Etats-Unis, mais constitue un défi. Le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, M. Guterres, a d'ailleurs déclaré que la maladie reviendra du Sud vers le Nord. Il est donc dans notre intérêt d'investir massivement en Afrique : le Covid-19 est un problème mondial et les réponses nationales, européennes et globales doivent être cohérentes.
La réunion informelle des ministres du développement s'est tenue au lendemain de l'annonce par la présidente de la Commission européenne de la mobilisation de 15,6 milliards d'euros pour l'appui aux Etats tiers dans cette lutte, dont 502 millions consacrés aux réponses sanitaires et humanitaires à très court terme, 2,85 milliards dédiés au soutien et au renforcement des systèmes de santé et de recherche et 12 milliards pour l'accompagnement social et économique. En effet, le confinement va provoquer d'importantes difficultés quotidiennes dans des pays où, souvent, on gagne dans la journée de quoi se nourrir le soir. Ces sommes sont débloquées, en tenant compte du cadre financier pluriannuel, par redéploiement de fonds européens existants.
À cela s'ajoutent les actions des Etats membres. J'ai d'ailleurs invité la Commission à soumettre au Conseil un plan détaillé de son effort et j'ai annoncé la contribution de la France : 1,252 milliard d'euros, comprenant 1 milliard d'euros de prêts nouveaux et 150 millions d'euros de dons, par l'intermédiaire de l'Agence française de développement (AFD), dans le cadre de l'initiative "Covid-19 - Santé en commun" destinée à l'Afrique. Nous veillons à ce que cette réponse soit coordonnée avec le paquet européen, au sujet duquel j'ai, en outre, insisté pour que l'on communique de manière adéquate, car certains bailleurs émergents n'hésitent pas à se présenter comme des sauveurs du continent alors que les Européens sont les contributeurs majeurs à l'aide multilatérale en matière de santé à travers les grands fonds verticaux. Nous aidons d'ailleurs ces derniers à redéployer leurs moyens, comme c'est le cas pour le Fonds mondial.
S'agissant de la dette, la France soutient la mise en place dans les mois à venir d'une initiative en faveur des pays les plus fragiles, dans le cadre d'une action internationale. Nous sommes secrétaire du club de Paris, mais nous devons embarquer les bailleurs qui n'en sont pas membres mais qui détiennent une part importante de la dette de l'Afrique.
Dès le 26 mars, lors de la réunion des dirigeants du G20, le Président de la République a appelé à une initiative africaine et nous avons martelé ce message, car certains de nos partenaires européens souhaitent plutôt mettre l'accent sur nos voisins, comme les pays des Balkans, qui ne doivent pas être négligés, mais dont les besoins sont sans commune mesure avec ceux de l'Afrique, au regard des vulnérabilités de ce continent et des implications sécuritaires ou politiques susceptibles de se faire jour.
Il est important que notre réponse soit coordonnée dans les enceintes internationales comme sur le terrain, avec les organisations non gouvernementales locales, afin de déboucher sur des actions concrètes et tangibles. Dès le 13 mars la France a ainsi octroyé 1,5 million d'euros à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) pour renforcer la surveillance épidémiologique dans les pays d'Afrique subsaharienne francophones.
Q - Questions des parlementaires
R - Nous travaillons avec les grands fonds à la réorientation d'un certain nombre de crédits vers la lutte contre la pandémie.
Ainsi le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme s'est-il rapidement engagé dans la riposte à l'épidémie, tout en assurant la continuité de son action : ses bénéficiaires sont incités à réallouer jusqu'à 5 % de leurs subventions à la lutte contre le Covid-19, et un mécanisme ad hoc, doté de 500 millions de dollars supplémentaires, doit être approuvé par le conseil d'administration.
Deux autres fonds importants se mobilisent : l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI) a décidé de permettre à ses pays bénéficiaires de réorienter jusqu'à 10 % de leurs fonds vers la lutte contre la pandémie, tandis qu'Unitaid affecte 30 millions de dollars à des projets liés au Covid-19, notamment en matière d'accès aux outils de dépistage.
S'agissant du programme 209, des redéploiements de crédits sont en cours au profit du centre de crise et de soutien, via le fonds d'urgence humanitaire, pour financer la mise en oeuvre par nos ONG partenaires de programmes à destination des populations vulnérables.
L'Agence française de développement a révisé son plan d'affaires pour lancer une initiative dotée de 150 millions d'euros en subventions et de 1 milliard d'euros en prêts, financés sur la mission Aide publique au développement ; dans ce cadre, 70 millions d'euros seront dépensés en dons-projets.
Quant à Expertise France, elle met en place une plateforme d'assistance technique sur le Covid-19 et conduira plusieurs projets à destination de l'Afrique subsaharienne.
Reste que les marges de redéploiement au sein du programme 209 sont limitées par de nombreux engagements juridiquement contraignants, à commencer par notre contribution au Fonds européen de développement.
Il est certain, madame Pérol-Dumont, que la mesure statistique est une dimension importante, notamment du point de vue de l'Agenda 2030, qui repose sur 232 indicateurs. Dès 2018, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement avait prévu que la France se dote d'un plan d'action en matière de coopération statistique : cet objectif est évidemment plus actuel que jamais. Nous soutenons l'Observatoire économique et statistique d'Afrique subsaharienne, ainsi que le déploiement d'expertises techniques de l'Insee et d'Expertise France auprès des instituts nationaux de statistiques des pays africains.
Les rumeurs et fake news imposent aux Européens de promouvoir un récit qui contrecarre biais et manipulations. En la matière, la France soutient un certain nombre d'actions de vérification des nouvelles en Afrique : par exemple, notre ambassade au Mali finance un groupe de blogueurs qui lutte contre les fake news. Canal France International (CFI) mène un travail remarquable en matière de formation des journalistes, et RFI déploie également certains programmes qui contribuent à cet indispensable travail de veille et de riposte.
Les rapporteurs m'ont interrogé aussi sur les dettes publiques des pays africains. La France souhaite une action forte en la matière, du côté de la Banque mondiale comme du Fonds monétaire international. Le Conseil de développement de ces deux institutions débattra de ces questions le 15 avril. La France appelle de ses voeux une initiative sur la dette des pays les plus fragiles, mais une action coordonnée au niveau international est indispensable. De fait, les créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris détiennent 37% des dettes - la Chine, à elle seule, en détenant 11%. Une action du Club de Paris serait donc incomplète si les autres créanciers ne s'y joignaient pas.
M. Grand et plusieurs autres orateurs ont soulevé la question d'une potentielle deuxième vague, du fait du retour des résidents et des jeunes du programme vacances-travail. Ces derniers sont environ 45 000, concentrés à 92 % dans trois pays : le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Certains ont retrouvé une activité, par exemple dans l'agriculture. Pour les autres, nous oeuvrons à faciliter leur retour.
S'agissant des Français résidant à l'étranger, nous leur recommandons de se protéger, notamment en évitant de se déplacer. Lorsqu'ils sont dans une situation de vulnérabilité particulière, notamment sur le plan sanitaire, nous leur demandons de se faire connaître de nos consulats et ambassade. Nous pourrions ainsi prendre, le moment venu, les mesures qui s'imposeraient.
Nous travaillons à l'instauration d'un dispositif de soutien sanitaire, à destination notamment de nos compatriotes les plus vulnérables ; il sera adapté aux besoins de chaque pays.
À la faveur de la boucle d'information qui réunit les parlementaires représentant les Français établis hors de France, les services du ministère et moi-même, il apparaît que l'accès aux médicaments commence à poser problème dans certains pays, comme l'Île Maurice et Madagascar. Nous serons aux côtés de nos compatriotes installés dans ces pays.
Monsieur Temal, les opérations de retour ont mis en lumière l'importance de notre réseau universel ; tout le monde en est plus que jamais conscient, alors que depuis plusieurs années le Quai d'Orsay paie largement son écot à la réduction de l'emploi public. Il est apparu aussi que le numérique fournit des outils de réponse particulièrement précieux, que nous devons continuer à perfectionner. Ainsi, le site "Conseils aux voyageurs", actualisé en temps réel, a battu des records de fréquentation, avec 7 millions de visites depuis le 1er janvier, contre 2,2 millions l'année dernière à la même période, non loin des 9,4 millions de visites enregistrées pour toute l'année 2019 ! Je pense aussi à la plateforme "SOSuntoit", mise en place en vingt-quatre heures, grâce au mécénat de compétences : dans le cadre de cette formule d'entraide, environ 7 000 places d'hébergement ont été proposées à des touristes français.
Nous avons institué une audioconférence hebdomadaire avec les parlementaires représentant les Français établis hors de France, ainsi qu'avec le président de l'Assemblée des Français de l'étranger. Le travail conjoint mené dans ce cadre nous permet d'être très réactifs.
À l'intention de nos compatriotes résidant à l'étranger qui seraient amenés à rentrer en France, par exemple à la suite de la perte de leur emploi, le Gouvernement a prévu, dans le cadre de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, la fin du délai de carence de trois mois en matière de sécurité sociale. En cette période d'épidémie, il était important de prévenir toute rupture d'accès aux soins et aux remboursements.
Nous préparons activement la deuxième vague, au sein du ministère comme au niveau interministériel, en travaillant à une réponse sanitaire adaptée pays par pays, presque cas par cas.
S'agissant de la stratégie commune de l'Union européenne, au-delà de la réunion ministérielle qui s'est tenue hier, une coordination étroite est assurée par les directeurs généraux du développement des vingt-sept pays. Nous entretenons également de nombreux échanges bilatéraux pour coordonner nos réponses nationales. Les échanges devront également être nourris avec les pays africains, entre les délégations de l'Union européenne et les postes nationaux.
M. Temal m'a interrogé sur le secteur touristique. Le comité de filière tourisme se réunit chaque semaine pour identifier les besoins des professionnels et agir. Dans le cadre des ordonnances, un dispositif d'avoirs a été mis en place, permettant aux Français de reporter un voyage réservé ou d'obtenir un remboursement après dix-huit mois ; plus de 85% des professionnels ont mis en place ce dispositif, et seulement 2 à 3% des consommateurs se sont dits mécontents. Plus largement, les professionnels du tourisme se sont massivement emparés des outils d'accompagnement économique mis en place par le Gouvernement, comme l'activité partielle.
Les perspectives de redémarrage sont très difficiles à tracer, car elles dépendront de l'évolution de l'épidémie. Nous devons d'abord surmonter la crise sanitaire ; d'ici là, la prudence est de mise. Le comité de filière hebdomadaire permettra d'affiner notre action au fur et à mesure.
J'ai déjà abordé l'allègement des dettes publiques, évoqué notamment par MM. Cigolotti et Guérini. J'ajoute que les moratoires ne doivent pas empêcher la mise en place de nouvelles aides, nécessaires à la montée en puissance du dispositif sanitaire en Afrique. Plusieurs Etats se sont déjà emparés des plans d'urgence.
Monsieur Yung, notre effort additionnel de 1,26 milliard d'euros consiste en 1 milliard d'euros de prêts distribués par l'AFD, 150 millions d'euros de dons et un certain nombre d'autres actions - réorientation vers la santé de contrats de développement et de désendettement (C2D), projets de recherche financés par le ministère de la recherche -, sans oublier l'aide humanitaire d'urgence.
M. Laurent m'a interrogé sur les camping-caristes bloqués au Maroc. Entre 700 et 800 ont pu rentrer grâce à deux rotations maritimes entre Ceuta et Sète. Environ 1 500 se trouvent toujours dans la région d'Agadir. Une dizaine seulement se sont embarqués sur le dernier ferry Tanger-Med-Sète, la plupart préférant pour l'instant rester sur place. Au besoin, une nouvelle rotation pourra être mise en place, surtout si les demandes atteignent une masse critique.
S'agissant de la Nouvelle-Zélande, il est exact que des compagnies aériennes étrangères ont proposé des tarifs assez prohibitifs. Nous avons affrété des vols, dont plusieurs sont prévus dans les prochains jours : un vol décollera d'Auckland le 11 avril, un autre de Christchurch le 14. Ceux qui le souhaitent pourront ainsi revenir en France au prix le plus abordable possible.
Quant aux plus de 2 milliards d'euros alloués à la santé par l'Union européenne, ils bénéficieront à tous les acteurs mentionnés par M. Laurent : instituts de recherche français, européens et africains, ONG locales, acteurs de la société civile africaine.
En cas de deuxième vague de l'épidémie, monsieur Guerriau, nous déploierons divers dispositifs dans les aéroports, au départ comme à l'arrivée. En la matière, une grande coordination européenne et internationale sera nécessaire.
Q - Questions des parlementaires
R - Monsieur Cadic, il faudra bien évidemment réaliser un retour d'expérience précis. Dans certains pays, le nombre de Français en déplacement touristique ou en voyage d'affaires était tel que les standards téléphoniques ont sauté ! C'est ce qui s'est passé au Maroc, quand bien même les consuls ont déployé, avec la meilleure volonté du monde, des cellules de crise locales et mis en place des call centers au sein des consulats.
Il faut sans doute réfléchir à la possibilité d'étendre les capacités du centre de crise et de soutien (CDCS) pour soulager certains pays. Lorsque l'épidémie a démarré en Chine ou en Italie, le CDCS a parfois pris directement les lignes pour soulager les postes consulaires et apporter une réponse quelle que soit l'heure.
La solution qui consisterait à contracter avec un prestataire pour avoir un call center n'est pas opportune, car les éléments de langage vis-à-vis des personnes appelantes évoluent très rapidement. Il s'agit d'un métier lié à la gestion consulaire. Le CDCS est composé de personnels qui connaissent ces problématiques - diplomates, volontaires issus de la diplomatie et membres de la Croix-Rouge - et sont formés pour apporter une réponse sanitaire. Ce sont toutefois des sujets de réflexion pour l'avenir. Il faut toujours chercher à s'améliorer.
Un peu moins de 2 millions de Français sont inscrits au registre, alors même qu'ils sont entre 3 à 3,5 millions à résider à l'étranger. Il faut continuer à les inciter à s'inscrire. Cet appel a d'ailleurs été entendu, puisque 45 000 nouvelles inscriptions ont été enregistrées en quelques semaines. Je retiens la proposition de revoir la question de la domiciliation, qui peut se révéler bloquante et empêcher des jeunes de s'inscrire. Sur ce sujet, il faut être très pragmatique et s'adapter.
Je m'associe aux différents remerciements qui ont été adressés à tous les personnels, collaborateurs et membres des cabinets des ministres. Il est vrai que tout monde a pris sa part.
Les moyens dédiés sont-ils suffisants ? Il ne faut pas oublier qu'à l'action nationale s'ajoute l'action internationale : nous oeuvrons à la Banque mondiale et au FMI pour que la réponse soit massive. Au FMI, il est question de créer des centaines de milliards de droits de tirage spéciaux. Concrètement, c'est de la monnaie nouvelle qui aidera les pays les plus vulnérables. La Banque mondiale a annoncé de son côté un plan qui se chiffre en milliers de milliards.
Par ailleurs, il faut veiller à ce que ces moyens parviennent réellement à être mis en oeuvre sur le terrain. On le sait, dans l'aide au développement, se pose toujours la question de la capacité d'absorption ; il se pose d'autant plus lorsque l'on est dans un temps d'action et de réaction très rapide.
Si la proposition d'une distribution d'argent directement à la population, débattue au conseil d'administration de l'AFD, était retenue et qu'un tel dispositif devait voir le jour, il faudrait s'appuyer sur des programmes nationaux ou sur des ONG locales. Une distribution en direct pourrait donner lieu à interprétation. Il faudrait à tout le moins conclure un partenariat.
Q - Questions des parlementaires
R - Je n'ai à ce stade aucune remontée concernant nos étudiants en médecine qui se trouvent en Roumanie. Aucune alerte de leur part n'a encore été lancée. Je prends note et j'en parlerai à notre ambassadrice.
L'attestation internationale concerne les étrangers qui veulent venir sur le sol français, mais également les Français qui reviennent en France. Ces derniers doivent la remplir, mais ils n'ont pas à motiver la raison du passage de frontière.
Je n'ai pas la réponse concernant les conventions fiscales bilatérales. Si des clarifications doivent être apportées, il faut se pencher sur le sujet avec la DINR.
Nos compatriotes testés positifs à l'étranger doivent se soumettre aux prérequis sanitaires du pays dans lequel ils se trouvent. En Egypte, c'est assez astreignant : il est demandé d'être testé négatif à deux reprises avant de pouvoir repartir. Des touristes français qui faisaient une croisière sur le Nil sont concernés : certains ont pu revenir, notamment hier, mais trois se trouvent encore au nord du Caire. Mme le consul à Alexandrie se déplace régulièrement pour les rencontrer. Vous avez raison, psychologiquement, c'est parfois un peu dur.
Quelques compatriotes ont été débarqués du Zaandam, paquebot de croisière qui a finalement accosté en Floride. Ceux qui ont été testés positifs ont été pris en charge dans des structures de santé locales, quatre sont en observation, les autres ont pu rentrer en France la semaine dernière.
Les Français encore à l'étranger se conforment aux protocoles locaux. Nous faciliterons ensuite leur retour.
Nous travaillons à une réponse sanitaire. Je ne peux en dire plus à ce stade, mais, dans les prochains jours, nous aurons l'occasion d'apporter des précisions.
La question de l'AEFE est tout à fait importante. Nous avions pour ambition de doubler le nombre d'élèves et avions d'ailleurs déployé des moyens supplémentaires à cette fin - 25 millions d'euros en plus. Aujourd'hui, la crise épidémique emporte des conséquences économiques qui peuvent être dommageables au réseau dans son ensemble. C'est pourquoi j'ai tenu à ce qu'une première réunion de travail soit organisée mardi dernier avec les parlementaires représentant les Français établis hors de France de tous les groupes politiques, les représentants des comités de gestion et le président de l'AEFE.
Selon moi, il faut apporter trois types de réponses.
La première a trait aux familles. Certaines peuvent être touchées de plein fouet par la crise économique. Il faut donc prévoir un accompagnement exceptionnel, comme nous l'avons fait au Vietnam et en Chine ; il faut envisager une extension de ce dispositif. Par ailleurs, il faut revoir les modalités d'octroi des bourses pour l'année prochaine : s'appuyer sur les revenus l'année N-1 n'est sans doute pas pertinent, dans la mesure où les variations de revenus risquent d'être significatives.
La seconde réponse concerne les établissements. Ceux-ci vont être confrontés à des situations très disparates. Il faut donc une solidarité au sein du réseau.
Enfin, l'AEFE elle-même va être touchée par contrecoup. Moins d'élèves scolarisés signifient moins de recettes pour les établissements, donc pour l'agence.
Il faut articuler ces trois réponses. Nous sommes en train d'y travailler avec un sentiment d'urgence. Je suis également amené à m'entretenir avec les parents d'élèves ou avec le président de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), comme ce fut encore le cas hier soir, pour évaluer la nature de la réponse. Je serai amené à m'exprimer sur le sujet très prochainement devant les parents et les enseignants, qui ont permis d'assurer la continuité pédagogique. Tout le monde est au rendez-vous.
Q - (M. Jean-Marc Todeschini) - En Moselle, il est très difficile de passer en Sarre. Même si nous avons déjà obtenu la réouverture d'un cinquième point de passage, les Français sont contraints de faire des détours de trente à cinquante kilomètres dans le secteur de Bouzonville. Cela ne dépend pas du gouvernement de la Sarre mais de l'échelon fédéral. J'ai écrit à l'ambassadeur d'Allemagne en France, avec copie à Jean-Yves Le Drian. Il faudrait au moins rouvrir un autre poste frontière dans le secteur de Bouzonville.
Bien pis, aujourd'hui, les Français sont insultés au passage de la frontière - la numéro deux du gouvernement sarrois a même présenté ses excuses. Il ne faudrait pas que se développe un sentiment anti-allemand.
R - Je prends note de cette remarque. Il faudra mobiliser notre homologue fédéral.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 avril 2020