Texte intégral
YVES CALVI
En compagnie d'Alba VENTURA nous accueillons le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel BLANQUER, bonjour Monsieur le ministre.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour Yves CALVI.
YVES CALVI
Et bien entendu, vous qui nous écoutez, comme avec la plupart de nos invités ce matin, vous interviendrez au 32.10 pour toutes les questions que vous souhaitez poser au ministre. J'en ai une première, Jean-Michel BLANQUER, qui est importante, n'y a-t-il pas un danger à fermer les écoles puisque, vous le savez, ce qui va se passer, c'est que beaucoup des grands-parents vont accueillir chez eux ces enfants, comme on le fait souvent dans nos familles, parce que les parents, eux, vont travailler ? C'est une question qui a parfois été soulevée par un certain nombre de médecins. Est-ce que vous y avez pensé, est-ce que vous l'assumez ? Vous comprenez cette question !
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, on y a pensé, mais nous avons dit dès le début que ce n'était pas souhaitable, donc il est vraiment souhaitable qu'il y ait d'autres solutions que d'être auprès des grands-parents, après ça dépend évidemment aussi de l'âge et de la santé des grands-parents, là il y a aussi des enjeux de bon sens, je dirais, derrière ça, mais le but c'est plutôt d'avoir les parents qui s'occupent des enfants, ou éventuellement le voisin, l'ami, le cousin. On voit beaucoup de mécanismes d'entraide aujourd'hui, et donc, dans la mesure où maintenant beaucoup de parents sont à la maison, du fait même des consignes qui sont données par les entreprises et les administrations, c'est plutôt cette configuration qu'il faut privilégier.
YVES CALVI
Mais cette question a été soulevée, vous en avez débattu ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr.
YVES CALVI
C'est quand même le mode habituel, on sait très bien que les grands-parents finissent toujours par récupérer les mômes quoi !
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais plus rien n'est habituel, maintenant on doit être très attentif aux personnes âgées, on doit être très attentif aux personnes vulnérables, et donc autant que possible éviter qu'elles soient en contact avec des enfants ou même avec des personnes susceptibles de porter le virus.
YVES CALVI
Plus rien n'est habituel. ALBA VENTURA Jean-Michel BLANQUER, les cours à distance démarrent donc ce matin, le dispositif « Ma classe à la maison », combien d'élèves se sont inscrits sur les plateformes, est-ce que vous le savez ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors là les tout derniers chiffres, on a déjà dépassé 1 million, alors c'est beaucoup et c'est encore peu…
ALBA VENTURA
Oui, on est loin du compte !
JEAN-MICHEL BLANQUER
Puisqu'il y a 12 millions d'élèves, mais c'est normal parce qu'il y a des mécanismes de tous ordres pour faire cet enseignement à distance, et en réalité c'est le taux de croissance qu'on avait déjà observé dans les territoires qui étaient concernés par le dispositif précédemment, c'est-à-dire l'Oise, le Haut-Rhin, le Morbihan, et donc ça va être plusieurs millions tout au long des prochains jours, et notamment aujourd'hui ça va probablement encore doubler parce que les premières consignes des professeurs vont arriver pour un certain nombre d'inscriptions. Par ailleurs il faut savoir que « Ma classe à la maison » est le dispositif principal, il est un peu le dispositif point de repère, mais il est complété par toute une série de choses, et notamment chaque professeur, chaque établissement, a des modalités particulières, notamment on a ce qu'on appelle les environnements numériques de travail, qui permettent souvent de donner de riches ressources aux enfants.
ALBA VENTURA
Est-ce que vous avez identifié, quand même, des foyers où il n'y a pas de solution numérique, ou des enfants qui ne peuvent pas avoir accès à des ordinateurs, des tablettes ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. Nous savons que ça représente environ 5 % des enfants, et donc le travail qui est fait justement aujourd'hui…
ALBA VENTURA
5 % c'est beaucoup.
JEAN-MICHEL BLANQUER
5 %, c'est beaucoup, ça veut dire que 95 % des élèves ont on ce qu'il faut, mais pour 5 % nous faisons un travail qui consiste à prêter des tablettes, prêter du matériel informatique chaque fois que c'est possible, donc ça fait partie des choses dont s'occupent en ce moment même les chefs d'établissement, les équipes des inspecteurs de l'Education nationale, en lien avec les collectivités locales, puisque c'est les collectivités locales qui sont dans la compétence de donner du matériel informatique aux écoles, collèges et lycées, ce qu'elles ont beaucoup fait tout au long des dernières années. et puis il y a aussi parfois du papier tout simplement, dans un certain nombre de cas, ce qui est fait c'est qu'il y a des… ça peut valoir notamment à l'école primaire, et parfois en milieu rural, c'est-à-dire on est capable aussi de photocopier des devoirs, d'avoir du matériel sur papier et de le transmettre, puisque l'école reste ouverte, donc un parent peut aller chercher ce qu'il faut, pour ensuite le ramener à la maison et avoir de quoi faire travailler l'enfant.
YVES CALVI
Alors, il y a les élèves, les parents, et puis les enseignants, ça grince un peu pour un certain nombre d'entre eux, pas tous évidemment, ils se disent pris de court, comment allez-vous les rassurer, que voulez-vous leur dire ce matin ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord je leur parle très régulièrement, avec des consignes que nous faisons évoluer chaque jour, en fonction de la situation, je rappelle que le site du ministère donne… il y a ce que nous appelons « la foire aux questions », dans lequel il y a toutes les réponses nécessaires, j'envoie un message régulier aux professeurs, je vais continuer à le faire tout au long des prochains jours, pour s'adapter. Je voudrais d'abord leur rendre hommage, vous dites qu'il peut y avoir des insatisfactions, je le comprends totalement…
ALBA VENTURA
Mais globalement ils jouent le jeu ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Globalement ils jouent le jeu, mais on est un grand pays, on a une Education nationale dont on peut être fier, même si en temps normal on passe beaucoup de temps à critiquer, en réalité, quand arrivent les circonstances exceptionnelles, ce qu'on voit d'abord et avant tout c'est des très beaux comportements, et donc c'est ça que je voudrais aussi souligner. C'est-à-dire les professeurs, aujourd'hui, j'ai déjà des premiers échos, et je crois que chacun commence à le voir un peu dans sa vie personnelle, c'est-à-dire des professeurs qui sont rentrés en contact avec leurs élèves, qui commencent à leur donner leurs premiers devoirs, et un rythme qui commence à s'installer. Je n'affirme en aucun cas que la situation peut être pure et parfaite, elle est forcément très particulière, mais on doit l'assumer, et le but c'est que nous soyons ce que j'appelle une nation apprenante, c'est-à-dire, selon des modalités qui vont être totalement inédites, les enfants vont être au travail, et ça va changer un certain nombre de…
YVES CALVI
Vous nous dites ça évolue tous les jours, on ne peut pas faire autrement, et ça inclus aussi les profs qui vont essayer de…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait, mais cela dit le cadre est clair, et nous sommes, je pense, un des pays où le cadre est le plus clair parce qu'on a un service public national de l'éducation, vous savez, dans les autres pays les choses se passent de manière plus désordonnée, parce que l'éducation est plus décentralisée.
YVES CALVI
Mais, pouvez-vous nous confirmer, pour l'instant, jusqu'à quand dure cette situation, c'est-à-dire la fermeture de nos écoles, et qui concerne 12 millions d'élèves ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors c'est impossible de vous répondre précisément puisque, aussi bien la fermeture que la réouverture dépendent de ce que nous disent les autorités sanitaires, et on a été obligé, vous l'avez vu, de faire évoluer la doctrine en fonction de ce que disaient les autorités sanitaires, donc…
YVES CALVI
En tout cas jusqu'aux vacances de Pâques, ce qui nous amène début mai…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Exactement, on sait que c'est l'hypothèse privilégiée aujourd'hui, puisqu'on sait que le pic de l'épidémie est pour les tout prochains temps, donc normalement tout ça devrait être… ce pic devrait être derrière nous, je l'espère, mais je n'ai pas…
ALBA VENTURA
Sauf, Monsieur le ministre, que beaucoup de médecins disent qu'on est dans cette situation au moins pour 3 mois.
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est ça, c'est ce qu'on verra. Alors ce qui est certain c'est que… non, mais j'ai parlé de pic, je n'ai pas dit l'épidémie en tant que telle si vous voulez, donc nous verrons, avec les autorités sanitaires, ce qu'elles nous diront, moi je ne peux pas dire plus.
ALBA VENTURA
Mais vous imaginez déjà que l'école peut être terminée là ?
YVES CALVI
Oui, que l'année scolaire soit terminée ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Nous travaillons aussi sur ce scénario-là, et nous ferons tout ce qu'il faut pour que, de toute façon, les enfants, et les adolescents, continuent à avoir la nourriture, si je puis dire, nécessaire, le contenu nécessaire, pour terminer leur année, et c'est l'occasion aussi de travailler de façon inédite, c'est aussi une mobilisation générale, on a la mobilisation de l'Education nationale, dans des formes inédites, il y a la mobilisation des familles, je voudrais rendre hommage aux parents qui sont en train de se réorganiser, je le vois à tous les titres, avec ces horaires à la maison, etc. Mais il y a aussi vous, les médias, on va créer le label « Nation apprenante », qui va permettre… l'audiovisuel public a commencé, et des chaînes de télévision et de radio, comment les vôtres, peuvent le faire, c'est-à-dire que des émissions soient, plus que d'habitude, reliées aux programmes scolaires et apportent des contenus, que ce soit des émissions actuelles, ou d'ailleurs des émissions que vous avez pu faire dans le passé, pour contribuer aux programmes d'Histoire, de Lettres, ou même les programmes scientifiques, de nos enfants.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2020