Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à Europe 1 le 30 mars 2020, sur la date possible d'un retour des élèves dans les classes début mai.

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Média : Europe 1

Texte intégral

SONIA MABROUK  
Bonjour Jean-Michel BLANQUER. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Bonjour Sonia MABROUK.  

SONIA MABROUK  
Merci d'être avec nous ce matin sur Europe 1. Notre pays entame sa troisième semaine de confinement. Le gouvernement fait beaucoup de pédagogie, mais Jean-Michel BLANQUER, la confiance dans sa capacité à gérer l'épidémie se dégrade, comment vous l'expliquez ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Je pense que le l'épidémie, si vous voulez, est un phénomène mondial, et ce phénomène mondial génère les mêmes phénomènes partout, c'est-à-dire, comme il y a des choses qui sont imprévisibles, puisqu'il y a quelque chose d'inédit dans cette épidémie, ce côté imprévisible déroute les populations. Ce qui est important dans ces moments-là, c'est que la Nation soit complètement unie, et c'est aussi notre travail, à nous gouvernement, que de créer les conditions de cette unité autour des enjeux, en reconnaissant les choses qui sont maîtrisables, qui sont sous notre contrôle, et puis les choses imprévisibles, et les identifier, c'est ce qu'a fait le Premier ministre samedi lors de sa conférence de Presse avec Olivier VERAN.  

SONIA MABROUK  
Justement, parmi les choses imprévisibles, dans de telles circonstances le retour des élèves en classe le 4 mai, est-il vraiment envisageable ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
C'est un scénario, pas plus, pas moins, je l'ai d'ailleurs toujours dit, je sais que souvent on le commente en disant que j'ai dit que ce serait le 4 mai, non, c'est une possibilité, ça dépend justement de l'évolution de l'épidémie. J'espère qu'on sera en mesure de rentrer le 4 mai, je continue à l'espérer, c'est encore compatible avec ce qui a été dit par les autorités de santé, mais on verra dans le courant du mois d'avril ce qu'il en est, en fonction de ce que diront les autorités de santé. 

 SONIA MABROUK  
Mais, si on vous comprend bien, c'est un scénario, pas plus, une piste, une hypothèse, le 4 mai n'est pas retenu à l'heure actuelle comme la date d'un retour en classe possible.  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
J'ai toujours dit la même chose, Sonia MABROUK, je n'ai pas changé, j'ai dit le 4 mai était le scénario privilégié, celui qui est un scénario de travail pour nous. Mais évidemment, on se calera sur ce qui se passe, c'est-à-dire, pour qu'une telle chose arrive, il faudrait que le pic de l'épidémie soit derrière nous à ce moment-là. Et donc, dans cette hypothèse, on rentrera le 4 mai, mais peut-être que se sera plus tard, je serai en mesure de dire ça dans le courant du mois d'avril, certainement, en fonction de ce que diront les autorités de santé. 

SONIA MABROUK  
Peut-être que ce sera plus tard, on le retient. Il y a aussi, on ne s'en rend pas bien compte, Jean-Michel BLANQUER, mais les vacances qui arrivent, que va-t-il se passer durant cette période ? Est-ce que les élèves auront une continuité pédagogique, des cours adaptés, allégés, peut-être ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER 
 Oui, il faut que les vacances soient les vacances, même si tout le monde est à la maison. Vous savez, il y a eu un volontarisme extraordinaire de tous, et je voudrais à nouveau saluer le travail qu'ont fait les professeurs, qui d'emblée se sont mobilisés pour réussir cette période si particulière, pas seulement les professeurs d'ailleurs, de l'ensemble des personnels, je pense aux chefs d'établissement, aux conseillers principaux d'éducation, enfin bref, tout le monde s'est mobilisé pour réussir cela, à tel point que parfois on a eu des effets inverses, c'est-à-dire on a eu des élèves qui se sont retrouvés surchargés de travail. Donc dans la deuxième semaine on a davantage régulé ça. Et aujourd'hui il y a une forme de vitesse de croisière qui s'installe. On maintient les vacances de printemps, parce qu'il y avait plusieurs possibilités, on a décidé de maintenir les vacances telles quelles, et donc cela signifie que pendant cette période, zone par zone, les professeurs ne donnent pas du travail supplémentaire, les professeurs ne sont pas au travail, justement avec les élèves dans cette période ; En revanche on va donner d'abord des recommandations aux familles, sur le type d'activité a à avoir, et puis on va aussi proposer du soutien scolaire à distance, pour les élèves qui en ont besoin, parce que pendant les deux premières semaines on a déjà, on a un certain nombre d'élèves qu'on n'a pas pu atteindre, souvent des familles les plus défavorisées, on va essayer de les atteindre pour leur proposer un suivi… 

SONIA MABROUK 
 Mais Jean-Michel BLANQUER, s'il y a du soutien scolaire, c'est qu'il y a des professeurs qui vont travailler, donc j'imagine qu'ils vont le faire sur la base du volontariat. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Oui, c'est ça, tout à fait, on va proposer à ceux qui le veuillent de pouvoir avoir un lien individuel avec certains élèves, que l'on aura ciblés auparavant, comme étant des élèves qui ont vraiment besoin de ça. Pour tous les autres, c'est important qu'il y ait de vraies vacances, avec notamment un encouragement à la lecture, parce que le problème c'est que cet enseignement à distance qu'on a mis sur pied, évidemment encourage la fréquentation des écrans, c'est évident. Il est peut-être un important de les lâcher un peu ces écrans, pour notamment la radio justement et donc la musique par exemple, des choses qui soient culturelles.  

SONIA MABROUK  
Ça, ce sont des bons conseils. Si on vous comprend bien, pendant les vacances, ça reste quand même une parenthèse, mais il va y avoir une sorte de classes virtuelles, preuve s'il en est, Jean-Michel BLANQUER, que les enseignants travaillent en ce moment. Vous venez de leur rendre hommage, mais beaucoup se sont sentis insultés, il faut le dire, par la remarque de Sibeth NDIAYE, la porte-parole du gouvernement, qui affirmait qu'ils ne travaillaient pas en ce moment. On pense aussi à ceux qui s'occupent des enfants de soignants. Quel message fort vous leur faites passer ce matin ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Ça tient en un mot : merci. Jean-Jacques GOLDMAN l'a dit mieux que je ne pourrais le faire, et tous les Français le disent, tous les jours on dit merci à tous ceux qui se mobilisent, et dans mon domaine c'est évidemment les professeurs et l'ensemble des personnels de l'Education nationale. Je soulignais le rôle des chefs d'établissement dans cette période, par exemple, mais je pourrais vous énumérer toutes les catégories, par exemple les informaticiens qui actuellement assurent la continuité. Bref, tout le monde s'est mobilisé, et donc c'est un grand merci, le président l'a dit… 

SONIA MABROUK  
Un merci, des gratifications et des revalorisations, peut-être aussi joindre les actes aux mots ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Oui, bien sûr. De toute façon, avant la crise, nous étions dans un dialogue social sur la revalorisation du métier de professeur. Vous savez, c'est une loi de programmation que nous avons prévue sur le sujet, je ne dévie pas d'un pouce sur cette question. Nous avons à mettre le rôle du professeur au centre de la société, je l'ai toujours dit, et dans une période comme celle-là, cela apparaît une évidence à tous, et c'est pour ça que nous sommes dans une période très dure, très difficile pour beaucoup de gens, mais on doit aussi réussir à en sortir par le haut, et l'un de ces éléments c'est à quel point le professeur doit être prestigieux, au milieu de la société française, et bien rémunéré. 

SONIA MABROUK  
C'est important pour parler de la sortie, on l'espère évidemment cette sortie du confinement, même si on ne la voit pas en ce moment. Les risques d'inégalités, Jean-Michel BLANQUER, de fracture, sont importants, vous parliez tout à l'heure de certains parents qui se plaignent déjà de la charge du travail des enfants, mais d'autant qu'il y a de fortes inégalités socio-scolaires entre ceux qui peuvent suivre leurs enfants, et les autres. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Oui, c'est tout à fait exact malheureusement. Des circonstances comme ça montrent aussi a contrario qu'en temps normal, si vous voulez, l'école de la République elle sert à compenser les inégalités qui peuvent exister dans les milieux familiaux, et c'est déjà difficile à faire. Donc quand tous les enfants reviennent en famille, évidemment le risque de fracture sociale et de fracture numérique, il est considérable, et donc nous travaillons d'arrache-pied pour compenser ça au maximum, d'où le fait d'aller un peu chercher les élèves, et d'ailleurs je dis à tous ceux qui nous écoutent, qu'il est bon parfois de repérer des familles qui peuvent être dans cette situation, de façon à inciter à ce que les élèves participent aux cours qui sont proposés par les professeurs. Et puis, pendant ces vacances de Pâques, puisque certains, la plupart des élèves seront tout simplement en vacances, il est important que nous réussissions à cibler certains qui auront besoin de ces rattrapages. De la même façon, cet été, quand j'espère tout sera revenu à la normale, on montera des modules de soutien scolaire gratuits, pour les élèves qui en ont besoin, de façon à ce qu'ils passent dans la classe supérieure avec le niveau requis. 

SONIA MABROUK  
Justement, vous parlez de l'été, Jean-Michel BLANQUER, ça peut paraître… ce n'est pas forcément l'urgence évidemment en ce moment, mais beaucoup y pensent, les vacances d'été, il y a eu de fausses informations qui ont circulé, vacances d'été supprimées, repoussées. Est-ce que vous pouvez dire ce matin, eh bien, qu'elles sont sanctuarisées ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Oui, les vacances d'été seront maintenues, je pense que c'est important, il faut aussi se figurer le besoin de retour à la normale qui sera je l'espère à ce moment-là. Donc les vacances se maintiendront, mais il y a deux choses que je ferai pendant les vacances d'été, c'est d'abord en tant que ministre de la Jeunesse, monter des colonies de vacances éducatives, qui permettront d'avoir, et du loisir, et du rattrapage scolaire, pour ceux qui en ont besoin. Et puis d'autre part des modules scolaires gratuits pour ce rattrapage dont je parlais précédemment, notamment à destination des élèves les plus défavorisés.  

SONIA MABROUK  
Oui, alors, avant l'été, avant les vacances que l'on espère voir arriver, que cette période se termine, il y a le baccalauréat, de nombreuses pétitions demandent à ce que le bac passe, Jean-Michel BLANQUER, en totalité, à 100 % en contrôle continu. Vous ne l'excluez pas ce matin. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Je n'exclus rien du tout, puisque je suis rentré depuis plusieurs jours maintenant, et notamment tout au long de la semaine dernière, dans des discussions avec l'ensemble des organisations représentatives de professeurs, mais aussi de parents d'élèves et de lycéens, pour un petit peu, voir un peu le point de vue de chacun. Je souhaiterais dégager un consensus sur… 

SONIA MABROUK  
Mais, quel est le vôtre ? Quelle est votre, pardonnez-moi, votre position personnelle ? On sait que plusieurs pays ont déjà décidé de cette conversion en contrôle continu, que pense le ministre de l'Education, en dehors des organisations syndicales et des syndicats de parents d'élèves ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Alors, j'ai quelques points de repère. Le premier d'entre eux c'est, oui il y aura un baccalauréat, donc ça c'est un premier élément, donc mon premier objectif c'est de garantir à tous les élèves de terminale qu'ils ne soient pas lésés, qu'ils ne perdent pas une année, et que donc ils puissent passer un baccalauréat. Mon deuxième point de repère c'est d'en garantir le niveau, et d'où l'importance de tout ce que nous faisons actuellement et du travail qui est demandé aux élèves de terminale, y compris dans la période actuelle. Et puis en troisième lieu, ce qui me paraît très important, c'est qu'on puisse avoir un vrai mois de juin en matière de cours. Vous savez, souvent le baccalauréat fait que des élèves de terminale, mais aussi de 1ère et de seconde ne travaillent pas autant que dans les autres mois, parce que les locaux sont pris. C'est vrai que si on passe en tout ou partie au contrôle continu, on va gagner du temps, et donc des semaines de classe, ce qui ne sera pas négligeable pour rattraper le temps que nous perdons un peu en ce moment.  

SONIA MABROUK  
Mais donc passer en totalité en contrôle continu, est une piste, est une hypothèse, c'est important ce matin, j'imagine les parents, les élèves, les professeurs, qui sont aussi dans la fébrilité, qui nous écoutent, qui vous écoutent. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Oui, je comprends évidemment les inquiétudes et les questions, et c'est mon devoir d'y répondre, et je vais y répondre en ayant écouté au maximum, encore au cours des prochains jours, je donnerai la formule à laquelle nous arrivons à la fin de cette semaine, mais en ayant vraiment pris, été à l'écoute de tous, mais c'est avec, je vous le dis, comme point de repère, de garantir que nos élèves de Terminale ne seront pas lésés. 

SONIA MABROUK  
Oui, mais alors, si justement vous partez de ce principe très important, Jean-Michel BLANQUER « surtout ne léser personne », si on va vers un confinement prolongé, comment en un mois, comme en un mois préparer les examens, tant du côté de l'enseignement que des élèves ? C'est un risque que vous prenez ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Non, c'est pour cela qu'il y aura forcément une dose de contrôle continu, la question c'est de définir jusqu'à quel point, où est-ce que nous mettons le curseur, et il faut que les règles du jeu soient connues le plus longtemps, le plus possible à l'avance. Donc vous voyez bien que ce que je dois résoudre, c'est à la fois la nécessité de créer le consensus maximal autour de cela, parce que c'est important qu'il y ait de l'unité sur ce sujet, comme sur d'autres. Et d'autre part, d'arriver à quelque chose qui soit à la croisée des critères que j'ai fixés, et qui puissent tenir compte de l'évolution concrète de l'épidémie. Donc je ne doute pas que nous allons arriver à une bonne formule. Cette formule c'est toujours de la qualité au service de nos élèves, cet enjeu de hausser le niveau scolaire de notre pays, est mon premier but de façon générale, et je ne veux pas qu'il soit abîmé par la crise actuelle.  

SONIA MABROUK  
Et la première des urgences, évidemment, Jean-Michel BLANQUER, on va conclure notre entretien là-dessus, c'est l'urgence sanitaire. Et si, et si le professeur RAOULT avait raison avant tout le monde ? Est-ce qu'il faudra aussi faire la lumière pour comprendre les blocages, les obstacles y compris administratifs, et cette méfiance à son égard, si c'était lui l'espoir ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Il y a vraiment tous les critères scientifiques, et tous les critères d'efficacité, qui sont déployés actuellement. Olivier VERAN a pris des mesures que tout le monde peut voir, qui permettent sous certaines conditions de l'utiliser, et je pense qu'en matière de santé, d'abord il faut se référer aux autorités de santé, et c'est pour ça qu'on ne peut pas parler de blocage, il y a au contraire, je le crois, l'industrie qui est préparée pour cela, mais il n'est normal… 

SONIA MABROUK 
En êtes-vous sûr ?  Pas de blocages administratifs, pas de retards ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Non, je ne crois pas, non. Ecoutez, le mieux sur un tel sujet c'est quand même d'interroger le ministre de la Santé, qui a plus de lumière que le ministre de l'Education. Mais la seule chose que je peux vous dire, c'est que notre but c'est évidemment l'efficacité au service des Français, mais aussi en respectant un certain nombre de principes qui sont, qu'il faut respecter, bien sûr. 

SONIA MABROUK  
Merci Jean-Michel BLANQUER, beaucoup de questions également de nos auditeurs, on les voit notamment sur les réseaux sociaux. Merci d'avoir accepté de répondre à nos questions ce matin Europe 1. 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Merci à vous.  

MATTHIEU BELLIARD  
Merci Sonia MABROUK et merci à Jean-Michel BLANQUER de rester avec nous, sur Europe 1, oui sur les réseaux sociaux le #radioouverte, et au 39 21, ils sont déjà nombreux. 


Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 mars 2020