Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à RTL le 6 avril 2020, sur la validation du baccalauréat 2020 en contrôle continu et l'harmonisation des notes sans pénalisation.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA 
Bonjour, Jean-Michel BLANQUER.  

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bonjour Alba VENTURA. 

ALBA VENTURA 
vous avez annoncé vendredi donc qu'il n'y aurait pas d'épreuves du baccalauréat mais un contrôle continu, hier au Grand Jury RTL Jean-Luc MELENCHON s'est dire réticents à cette décision parce que dit-il, le bac est un  diplôme qui a une grande importance, il redoute que ce bac soit cette année  dévalorisé, il dit, je cite, que l'on rit au nez de ces  bacheliers, est-ce qu'il n'a pas un peu raison, est-ce que le bac option coronavirus sera un bac qui n'aura pas la même valeur que les autres  finalement ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, il n'a pas raison et cette dernière expression que vous citez est affreuse, Jean-Luc MELENCHON veut faire une polémique politique et en réalité en faisant ça, il attaque les jeunes de cette génération. Je ne trouve pas que c'est correct, d'autant plus qu'il sait que nous avons eu un certain nombre de garanties qui font justement une valeur à ce baccalauréat, bien sûr chacun comprend bien qu'on est en circonstances exceptionnelles et que si on avait pu le tenir sous les formes habituelles, on l'aurait fait bien évidemment, mais nous avons fait toute une série de choses qui doivent permettre de donner de la valeur, notamment le fait qu'il y ait un jury d'harmonisation. Ce jury va travailler très sérieusement à partir des notes obtenues pendant toute l'année et qu'est-ce que c'est qu'un diplôme sinon quelque chose qui reconnaît un travail accompli de manière régulière et c'est ce qui se passe au travers du contrôle continu et par ailleurs, oui ? 

ALBA VENTURA
 Si ça fonctionne, si ça fonctionne je me dis que vous allez peut-être être tenté de vouloir généraliser le contrôle continu et chaos le bac, ça va dans le sens de la réforme d'intégrer une dose de contrôle continu, c'était votre souhait.   

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Une dose oui, mais pas la totalité, c'est qui vous montre bien d'ailleurs que je ne suis pas, comment dirais-je, un fanatique du contrôle continu. Je pense qu'il faut une position d'équilibre et la position d'équilibre, c'est d'avoir une part de contrôle général et une part de contrôle continu parce que avec le contrôle général, vous avez en quelque sorte un point de repère final commun à tous et puis avec le contrôle continu vous avez ce qui permet de valider le travail en continu, le travail permanent de l'élève, donc les deux ont du bon et c'est bien d'avoir un peu des deux.  Cette année, on aura plus de contrôle continu du fait des circonstances mais on essaye d'en tirer aussi y a un certain nombre d'avantages comme par exemple, le fait que si la période de confinement est terminée dans l'intervalle on aura réussi à faire travailler plus les élèves au mois de juin parce que du fait du contrôle continu il y aura pas les établissements pris par les examens en juin, comme c'est le cas  habituellement. Donc les élèves ont réellement cours tous les élèves, tous les lycéens jusqu'au 4 juillet dès lors que le confinement sera terminé. Eh bien c'est une façon aussi de rattraper le temps perdu actuellement. 

ALBA VENTURA 
Ça veut dire que, est-ce que ça veut dire que ce mois de juin vous l'imaginez en cours, c'est-à-dire à l'école dans les lycées, dans les collèges ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui si, dès lors que bien sûr la période de confinement serait terminée mais ça, ça relève évidemment de ce que diront les autorités sanitaires de l'évolution de l'épidémie, mais dès lors que ce point-là serait dès lors qu'on pourrait tous reprendre, commencer à reprendre une vie normale alors oui nous pourrions avoir cours jusqu'au 4 juillet. Encore une fois… 

ALBA VENTURA 
Donc vos espoirs reposent sur un vrai mois de juin avec 4 semaines de cours ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui encore une fois si nous avons réussi, il y a évidemment un si, le si, c'est nous avons pu sortir du confinement à ce moment-là, mais à partir du monde en serait sorti où la société française on serait sorti, alors oui ce serait possible, vous m'entendez ? 

ALBA VENTURA 
Oui tout à fait, tout à fait.  Est-ce qu'on a un Jean-Michel BLANQUER ?  

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Allo ? 

ALBA VENTURA 
Oui Jean-Michel BLANQUER, vous êtes toujours avec nous. 

JEAN-MICHEL BLANQUER
 Oui, on a été coupé.  

ALBA VENTURA 
Donc si et seulement si c'est possible si l'on va vers un déconfinement… 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
si on a eu le déconfinement au mois de juin, alors le système de contrôle continu fait que les établissements contrairement à ce qui se passe chaque année ne seront pas accaparés par l'organisation des examens mais pourront  avoir tout simplement des cours jusqu'au 4 juillet et ça c'est vrai pour tous les lycéens et vous savez que c'est un des problèmes qu'on a  en France et qu'au mois de juin très souvent les élèves sont presque déjà en vacances, ce ne sera pas le cas cette année dès lors  qu'on sera  revenu du confinement. Par ailleurs tout travail qui est fait actuellement, si vous voulez d'enseignement à distance est fait pour que la période actuelle ne soit pas une période totalement perdue, il y a évidemment bien des problèmes causés par la période actuelle, mais c'est pas une période blanche sur le  plan du travail, bien au contraire, on met tout en oeuvre pour que les élèves de 1ère  et Terminale travaillent d'où le fait d'ailleurs que j'ai dit que les notes de 3ème  trimestre compteront pour le contrôle continu aussi. 

ALBA VENTURA 
On va revenir sur le déconfinement, est-ce que la mise en place de ce contrôle continu n'accentue pas le décrochage de certains élèves, vous aviez parlé de 5 à 8 % d'enfants dont on n'a plus de nouvelle, est-ce que certains ont raccroché, est-ce que vous avez eu des informations ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Alors nous travaillons beaucoup pour ce raccrochage notamment parce que les professeurs téléphonent aux familles, parce que nous envoyons des courriers, parce que nous le disons dans les médias, parce que nous donnons des…nous prêtons du matériel informatique, donc tous ces éléments permettent progressivement semaine après semaine et nous sommes maintenant en train de rentrer dans la 4e semaine, de rattraper certains élèves. Donc je ne désespère pas d'arriver à ré-inclure des élèves qui ont disparu. 

ALBA VENTURA 
Vous avez contacté les mairies par exemple pour avoir des nouvelles des familles ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr tout le monde fait flèche de tout bois si vous voulez, ça commence par les chefs d'établissement qui ont une forme de tableau de bord de tous leurs élèves qui repose ensuite sur leurs conseillers principaux d'établissements sur leurs professeurs principaux, toutes ces personnes se mobilisent pour appeler les élèves et quand on n'y arrive pas on emploie toutes sortes de moyens. donc ça peut  être avec les mairies, ça peut être avec les associations et là il faut rendre hommage évidemment à tous ceux qui contribuent à cela, mais tout le monde est concerné, je le dis d'ailleurs à vos auditeurs, toute personne qui a connaissance d'un élève qui s'est mis un petit peu en dehors de l'enseignement à distance pendant cette période doit essayer de motiver cet élève pour qu'il revienne puisque sinon on va accentuer les inégalités, ceci étant la France est aujourd'hui l'un des pays qui réussit le mieux cet enseignement à distance pendant la période de confinement, donc on n'a pas à rougir de la situation, mais on doit faire encore mieux bien sûr.   

ALBA VENTURA 
Alors ce contrôle continu pose évidemment bien d'autres questions, pour les bacs professionnels, quand même un tiers des lycéens sont en filière professionnelle, dites-moi Monsieur le Ministre, comment on évalue un élève qui n'aura pas fait notamment ces 3, 4 dernières semaines de pratique en fin d'année, c'est là où on évalue notamment ses compétences, c'est un bac professionnalisant, ça donne du travail derrière ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr c'est un vrai sujet, alors ça dépend… 

ALBA VENTURA 
Et les CAP d'ailleurs.

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr. Le problème que vous soulevez est un peu différent, si on a réussi à rentrer en mai-juin ou pas évidemment, ce qui est certain, c'est que les bacheliers professionnels sont de toutes les façons une part de contrôle continu importante, c'est ce qu'on appelle le contrôle en cours de formation, donc ça n'a rien de très anormal pour le bac professionnel de tenir compte du contrôle continu comme pour le baccalauréat général ou le baccalauréat technologique.  Donc ce n'est pas le fait du contrôle continu qui est embêtant, c'est plutôt le fait que certains gestes professionnels pourraient ne pas être contrôlé à la fin, mais ça on y remédiera notamment parce qu'il y aura évidemment un après crise, il y aura aussi des stages de remise à niveau, il y aura des relations avec les entreprises, toute une série de choses… 

ALBA VENTURA 
On va leur faire rattraper cette pratique, c'est ça ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Autant qu'on ne peut, vous savez chaque bac pro est un cas particulier parce que c'est des professions différentes, des métiers  différents, mais on est toujours en lien avec le monde économique sur ces sujets et vous avez des bacs pro qui poursuivent dans l'enseignement supérieur à peu près la moitié et puis une autre moitié qui rentre directement dans le dans le monde économique, dans l'insertion professionnelle et évidemment que l'on doit  pour chaque élève à avoir une approche personnalisée de ce qui va se passer ensuite, mais notre but, c'est évidemment d'éviter le décrochage scolaire en mon bac pro comme pour les autres. 

 ALBA VENTURA  
Alors on sait par ailleurs que beaucoup d'élèves de Terminale et notamment bac pro s'investissent pour l'examen final, si vous me permettez l'expression c'est à la fin qu'il met la gomme, donc ils seront forcément lésés, est-ce qu'il y aura des consignes ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Ils ont tout intérêt à comme pour reprendre votre expression à mettre la gomme parce que d'abord encore une fois les notes de 3e trimestre comptent, donc ce qui est fait pendant la période de confinement a une utilité pour essayer d'augmenter sa note en travaillant au 3e trimestre.  et par ailleurs pour ceux qui seraient tentés de se décourager parce que leur contrôle continu les amène en dessous de 8, d'abord s'ils ont entre 8 et 10, ils ont un oral de rattrapage classique, donc qu'on a organisé selon les forme habituelles pour le début du mois de juillet et puis  s'ils sont moins de 8 ils peuvent si ils ont eu de la motivation et de l'assiduité qui est jugée par le jury d'harmonisation, eh bien ils  pourront passer leur bac au mois de septembre, il y aura une session au mois de septembre dans les formes habituelles, pour cela dès lors qu'ils ont montré entre maintenant et juin motivation et assiduité. Donc c'est tout ce que j'ai, tout ce que nous avons décidé en fait pour inciter à travailler de manière équilibrée mais à travailler.  

ALBA VENTURA 
Est-ce que ceux qui ratent le bac au rattrapage peuvent le passer en septembre ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, évidement il n'y a pas un double rattrapage. 

ALBA VENTURA 
C'est bien de le préciser. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Il n'y a pas un double rattrapage.   

ALBA VENTURA 
D'accord alors je me demandais aussi s'il allait y avoir des consignes vous savez pour les bacheliers qui fréquentent des établissements qui ont la réputation de noter plutôt sévèrement, ils ont souvent des très bonnes notes à l'épreuve du bac avec mention et donc si ce ne sont que les notes sévères qui sont  retenus, on se dit, bye, bye les mentions, vous voyez, vous comprenez ce que je veux dire, ils se disent, j'ai eu 14 toute l'année, au bac j'ai l'espoir d'avoir 19 puisque je suis noté très sévèrement et donc une mention très bien, là comment ça va se passer ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr il y a une série de faits possibles comme celui-là, mais plusieurs choses à dire, d'abord si nous mettons en place des jurys d'harmonisation, c'est aussi pour tenir compte des différences de notation d'un établissement à l'autre, le jury est souverain pour faire évoluer les notes en fonction de l'appréciation… 

ALBA VENTURA 
Le jury d'harmonisation, c'est quoi exactement Monsieur le Ministre ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
C'est le jury du baccalauréat comme chaque année, vous avez d'ailleurs un jury et donc cette année vous n'avez le baccalauréat que si le jury vous déclare bachelier et il vous déclare bachelier sur la foi de votre livret scolaire donc de votre contrôle continu, des appréciations portées par vos professeurs qui seront portées donc à la fin du 3e trimestre.  D'où l'intérêt pour chaque élève de continuer à travailler fortement actuellement et ce jury qui est présidé par un inspecteur général à l'échelle de chaque département, ce sera les notes pour tenir compte de toute une série de facteurs, y compris les différences de notation entre établissements. Nous avons certaines pratiques de cette harmonisation, on sait le faire, par ailleurs tout ceci est une incitation à objectiver au maximum les notes d'un établissement à l'autre.  Vous savez lorsque les élèves s'inscrivent dans Parcoursup, ce qu'ils ont fait ces dernières semaines, ils le font sur la base du contrôle continu aussi et les établissements donc quelle que soit leur manière de noter ont été amenés à ne pas être trop sévères dans leur manière de noter, pour ne pas pénaliser leurs propres élèves. 

ALBA VENTURA 
J'ai encore une question sur le bac de Français, l'oral est maintenue, pas l'écrit pourquoi ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER  
Oui parce que d'un point de vue pratique, l'oral est organisable si la période de confinement est finie et par ailleurs l'écrit nous avons au travers de contrôle continu… 

ALBA VENTURA
 Si la période de confinement est finie. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr tandis que s'agissant de l'écrit du Baccalauréat de Français, nous avons une base de contrôle continu puisque les élèves ont fait des épreuves de français écrit tout au long de l'année, ce qui n'est pas le cas de l'oral, donc nous avons souhaité maintenir cette cet oral comme un point de repère et puis pour inciter les élèves à travailler les oeuvres qu'ils présentent ce jour-là.  

ALBA VENTURA  
Vous aviez envisagé Jean-Michel BLANQUER comme hypothèse la date du 4 mai, pour reprendre les cours mais c'est dans un mois, honnêtement c'est compliqué. 

JEAN-MICHEL BLANQUER
 Ça reste disons le début du possible, bien sûr que c'est compliqué et que c'était un des scénarios je n'ai jamais dit que c'était une certitude, que c'était le scénario évidemment le plus espérable, le plus souhaitable. 

ALBA VENTURA 
Dans la réalité, qu'est-ce qui… 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Dans la réalité, écoute je n'ai pas une compétence particulière pour le dire, les autorités de santé observe cela au jour le jour, nous calerons sur ce qu'elles diront le moment venu, mais le mois de mai reste possible, bien sur le mois de mai reste possible. 

ALBA VENTURA 
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Merci à vous. 


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 avril 2020