Déclaration de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, sur la situation concernant l'épidémie du nouveau coronavirus, à Paris le 13 mars 2020.

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Le monde, et la France, font face à une menace sanitaire inédite, que l'OMS qualifie désormais de pandémie avec pour épicentre l'Europe. Cette menace s'étend désormais dans 118 pays. Elle progresse également sur notre territoire, puisque nous comptons aujourd'hui 3 661 malades, soit près de 800 de plus qu'hier. A l'heure où je vous parle, 79 personnes sont décédées et 154 se trouvent dans un état grave. J'ai ce soir une pensée particulière pour ces malades qui se battent, pour leurs proches, et les soignants à leur chevet. Nous comptons, heureusement, de nombreux patients guéris de cette infection. En définitive, ce sera le cas pour 98% d'entre eux. Nous constatons néanmoins que la propagation du virus sur notre territoire s'accélère, particulièrement dans certaines régions. Nous savons surtout que nous ne sommes qu'au début de l'épidémie.

Nous raisonnons et nous agissons en permanence sur des données scientifiques. Ces données scientifiques nous montrent que l'épidémie, comme je le disais, est installée en France et plus largement en Europe. Ces données nous montrent également que malgré les mesures fortes que nous avons prises, cette épidémie progresse c'était attendu. Nous consultons régulièrement le Conseil Scientifique que nous avons installé, et prenons ainsi des décisions éclairées de leurs avis. Si nous savons que son évolution est rapide et réelle, ses effets sur notre population et notre système de santé peuvent encore être modérés.

L'accélération de l'épidémie n'est pas qu'une affaire de chiffres ou de courbes ; elle est une réalité que vivent désormais nos concitoyens au quotidien.

Une réalité pour nos professionnels de santé, en première ligne face aux malades. Une réalité pour nos personnes âgées et fragiles, qui vivent dans la crainte et désormais la contrainte, de rester chez elles, de limiter leurs contacts, parfois de s'isoler de leurs proches. Une réalité pour tous ceux qui aiment leurs proches et craignent de les voir touchés par l'épidémie. Une réalité pour tous ceux dont l'école est fermée, dont l'activité est bloquée, dont la sortie est annulée ou dont l'ami est confiné.

C'est pour toutes ces personnes, fragiles devant l'épidémie, que nous menons une action avec une détermination sans faille. Nous ferons pour eux tout ce qui est nécessaire.

Et c'est à toutes ces personnes que nous tous, citoyens, devons un respect total de toutes les consignes édictées. Nous leur devons un civisme exemplaire. Car c'est le civisme de chacun qui protège la santé de tous.

Il est encore temps de nous adapter à ces nouvelles réalités. Il est encore temps de modifier strictement et scrupuleusement nos comportements, afin de nous protéger, tous, des plus jeunes aux plus âgés, individuellement et collectivement.

Pour cela, le Président de la République l'a expliqué hier, nous devons prendre des mesures fortes. Des mesures fermes. Des mesures courageuses.

Je rappelle tout d'abord à chacun qu'il est le premier acteur de sa protection et de celle des autres. Depuis le début de l'épidémie, toute la population, aux côtés des soignants, a l'opportunité de sauver des vies. En limitant nos déplacements, en protégeant nos aînés, en respectant strictement les recommandations, en nous lavant les mains régulièrement. Cela veut dire, au-delà des bons réflexes personnels, respecter la distanciation sociale dont je rappelle les principes :

- Ne pas se saluer par un contact physique, que ce soit en se serrant la main ou en se faisant la bise.
- Garder tant que possible 1 mètre de distance avec chaque personne.
- Limiter les déplacements non indispensables, et les visites aux personnes âgées ou fragiles, en résidence comme à domicile.

Ce soir, je vous appelle à répondre à ces enjeux, et à montrer la force de l'humanité dans l'épreuve de l'adversité. Rappelez-vous simplement que la première des marques d'affection, c'est le souci de l'autre. Le souci de l'autre, en toutes circonstances, c'est le protéger. Et protéger, en épidémie, c'est se distancier.

La circulation accélère et nous devons donc plus que jamais la freiner. Plus nous la freinerons, plus de temps nous aurons, mieux nous la gérerons. Plus nous retardons, mieux nous nous préparons.

Freiner l'épidémie, c'est limiter tous ses lieux de circulation. Le premier ministre a annoncé ce midi que le seuil au-dessus duquel les rassemblements seraient interdits était abaissé à 100 personnes sur l'ensemble du territoire. J'ai pris aujourd'hui l'arrêté mettant en oeuvre cette mesure. C'est un seuil, nous le savons, qui concerne encore plus les sorties quotidiennes des citoyens, dans les cinémas, ou salles de spectacles.

C'est à ce prix, important, que nous pourrons limiter les effets de cette épidémie. C'est à ce prix que nous pourrons donner plus de latitude à nos soignants pour prendre en charge les patients qui arrivent en nombre dans les hôpitaux du territoire.

Car si la circulation du virus accélère, notre préparation accélère aussi. Le Président de la République a ainsi annoncé des mesures pour préparer l'hôpital et le système de santé :

- la déprogrammation de tous les actes de soin non urgents
- la mise en place du plan blanc au niveau 2
- l'appel à la mobilisation de nos étudiants et retraités dans la réserve sanitaire. Appel que je renouvelle ce soir.

Les médecins de ville, comme ils s'y préparent et comme nous les y aidons, passe progressivement en première ligne dans la prise en charge des malades. Le SAMU doit être réservé aux situations urgentes ; si vous présentez simplement des symptômes sans risque immédiat, il faut privilégier le contact avec votre médecin traitant. Si vous avez une question non-médicale, il faut privilégier le numéro vert.

La distribution des masques répond à une logistique complexe dont je fais une priorité. Protéger nos soignants, c'est nous protéger.

C'est pour cela que nous avons déjà distribué aux professionnels de santé 25 millions de masques et que nous continuons à le faire. Sur la base d'un avis du Haut Conseil de Santé Publique, j'ai choisi de mettre en place une stratégie efficace de gestion et d'utilisation des masques sur le territoire national. La priorité est donnée aux professionnels de santé, qui sont en première ligne pour prendre en charge les malades. Cette stratégie sera appliquée les deux prochaines semaines. Nous l'adapterons bien entendu aux besoins constatés ainsi qu'à l'évolution de la situation et des ressources disponibles.

Tout le gouvernement, aux côtés des services de l'Etat et les collectivités, est pleinement mobilisé pour limiter les conséquences dans tous les domaines : pour l'organisation des cours et des examens, pour les gardes d'enfants, pour mettre en place le télétravail et préserver notre économie. Les assistantes maternelles restent ouvertes. La concentration au sein d'un même établissement de plusieurs dizaines d'enfants est un facteur important de propagation du virus, et c'est pourquoi les écoles ont été fermées. Mais les structures qui accueillent des nombres d'enfants beaucoup plus réduits ne présentent pas les mêmes risques. Les scientifiques nous indiquent que le seuil en dessous duquel les risques de propagation du virus sont moindres s'établit autour de 10 enfants. Cela signifie que les structures qui accueillent moins de dix enfants présentent des risques moindres de propagation du virus, et sont sans risque pour les professionnels.

Partant de ces avis scientifiques, nous avons donc pris les décisions suivantes. Les établissements d'accueil du jeune enfant accueillant plus de 10 enfants sont fermés.

- Sont donc concernés : les crèches, et les maisons d'assistantes maternelles (MAM) accueillant plus de 10 enfants.
- Les assistantes maternelles exerçant en Maisons d'assistantes maternelles bénéficieront de l'activité partielle, nous allons le mettre en place très rapidement.
- En revanche, les structures qui accueillent moins de 10 enfants doivent être maintenues. C'est le cas des micro crèches, elles restent donc ouvertes. Et c'est bien sûr le cas des assistantes maternelles qui peuvent ainsi maintenir leur activité.

Pour essayer d'apporter le plus de souplesse possible, sur le terrain, pour permettre aux parents de pouvoir continuer à aller travailler, nous avons également décidé :

- De garantir que les enfants des personnels essentiels pour notre système de santé et de prise en charge des plus vulnérables puissent être accueillis lundi dans les écoles et les collèges, ainsi que dans les crèches. Les rectorats et les préfets sont chargés de mettre en place le maintien de cet accueil localement.

- Pour les enfants de moins de 3 ans, nous souhaitons que les assistantes maternelles puissent être particulièrement mobilisées :
* Nous allons activer pour la généraliser la dérogation qui existe dans les textes et qui permet aux conseils départementaux d'autoriser les assistantes maternelles à accueillir 6 enfants de moins de 3 ans simultanément.
* Nous allons inscrire dans la loi le service universel d'information aux familles (SUIF) qui figurait en PLFSS (mais qui a été censuré pour cavalier) et qui devra rapidement permettre que figurent toutes les disponibilités des assistantes maternelles (et des crèches) de la façon la plus actualisée possible.

Pour les enfants en situation de handicap :

Le Gouvernement et la secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées travaillent à des recommandations pour ces établissements.

Hölderlin disait que là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve. C'est à nous, face à ces difficultés, de créer les nouvelles solidarités qui deviennent nécessaires. Nous, gouvernement, et je m'y attelle sans attendre avec ma secrétaire d'Etat Christelle Dubos. Et nous tous, citoyens, en étant attentifs à nos voisins, à nos proches comme à tous ceux que nous rencontrons.

La France est prête à ces réalités, et je sais pouvoir compter sur la responsabilité et l'investissement de chacun. Les semaines qui suivent vont voir changer profondément nos habitudes, nos modes de vie, notre fonctionnement et notre quotidien. Je suis conscient des efforts que cela demande et des inquiétudes que cela suscite. Je sais aussi que notre nation se rassemblera pour sortir de cette crise sanitaire sans précédent.

Dès aujourd'hui, nous faisons face à la menace inédite qui se présente. Par notre action, nous renforcerons ensemble notre système de santé, notre modèle de solidarité, notre Europe de la fraternité, afin de pouvoir faire face, ensemble, aujourd'hui et demain. Faire face à la crise. Faire face à ses conséquences. Faire face au siècle dans lequel on s'avance.


Source https://ue.delegfrance.org, le 24 juin 2020