Interview de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, à France info le 11 mai 2020, sur le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et la situation sanitaire au regard de l'épidémie due au coronavirus.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
 Olivier VERAN, bonjour.

OLIVIER VERAN
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Olivier VERAN, je vous attends studio bientôt parce que l'interview à distance, ce n'est pas toujours ça.  

OLIVIER VERAN  
J'espère.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'espère Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN
Vous savez, on a recommandé le télétravail aux Français et je me l'applique à moi-même quand c'est possible.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, parce qu'il y a des Français qui vont travailler, qui se déplacent Olivier VERAN.  

OLIVIER VERAN
 Quand c'est possible.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. La loi d'état d'urgence sanitaire n'a pas été promulguée à temps. Est-ce un raté de taille ?  

OLIVIER VERAN
Non, ce n'est pas un raté de taille. Ça a été surtout une énorme aventure parlementaire que de pouvoir faire passer un texte comme celui-ci en une semaine au Parlement. On a bossé toute la semaine, les deux assemblées se sont réunies plusieurs fois. Elles ont terminé leur travail dans l'après-midi de samedi et le Conseil constitutionnel n'a pas pu statuer, n'a pas pu terminer son travail hier. C'est pourquoi le Premier ministre a pris un décret qui instaure la quasi-totalité des mesures pour protéger les Français dans le cadre de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire, ce qui permet un certain nombre de dispositions que nous avions déjà expliquées comme l'ouverture des commerces.   

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais alors Olivier VERAN, soyons clairs. Comme le décret n'est pas paru, il va paraître peut-être aujourd'hui ou demain. Demain parce que le Conseil constitutionnel qui ne travaille peut-être pas le dimanche, je ne sais pas, dans tous les cas va rendre son avis aujourd'hui j'imagine.  

OLIVIER VERAN
Eh bien écoutez, j'espère.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, moi aussi.

OLIVIER VERAN
Mais en tout cas, le décret qui a été pris cette nuit est un décret pour un ou deux jours. Enfin qui est un décret qui a été pris en pratique pour deux jours, mais si prenons un autre décret aujourd'hui en lieu et place, écoutez, nous le ferons avec beaucoup de plaisir parce que nous avons hâte de pouvoir transformer cette belle loi qui a été adoptée par le Parlement à une large majorité.   

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, ça veut dire que la limitation des déplacements à 100 kilomètres est en place, ça veut dire que l'attestation obligatoire dans les transports en commun en Ile-de-France est en place à partir d'aujourd'hui.  

OLIVIER VERAN
Vous avez cité Jean-Jacques BOURDIN, parce que vous êtes à la fois rusé et fin connaisseur du droit, les deux dispositions qui ne figurent pas dans le décret qui a été signé cette nuit, mais je vais vous dire, au fond ce n'est pas très gênant aujourd'hui puisqu'on avait déjà dit qu'il y aurait une forme de tolérance pour les grands déplacements. Vous savez qu'il y a un certain nombre de personnes qui doivent regagner leur domicile principal donc on avait prévu une tolérance pour aujourd'hui. Ces deux dispositions-là ne sont pas applicables à l'heure à laquelle je vous parle sur le territoire national. Elles le seront quand le décret définitif aura été pris, je l'espère, ce soir.   

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. 70 morts en 24 heures, nombre de décès le plus bas depuis le début du confinement. Voilà une bonne nouvelle. Il y a des clusters, des foyers de contamination ici ou là en France. Il y en a quatre détectés ces derniers jours en Vendée, dans la Vienne, en Dordogne, à Clamart dans les Hauts-de-Seine. Est-ce que ça vous inquiète ?  

OLIVIER VERAN
Je ne dirais pas que ça m'inquiète, je dirais que ça ne me surprend pas et que c'est pour cela que nous expliquons qu'on va devoir vivre avec le virus pendant quelque temps et que la levée du confinement, ce n'est pas la reprise de la vie comme avant. Par contre quelques enseignements. D'abord on sait repérer les clusters, on sait tester beaucoup de monde, on sait isoler les gens qui sont des cas contacts jusqu'à ce qu'on ait éliminé le risque qu'ils soient porteurs du virus et, finalement, on est en train de refaire ce qui avait été fait avant le confinement. Vous vous souvenez à l'époque : à Contamines-Montjoie, à Crépy-en-Valois. Lorsqu'il y a un certain nombre de malades qui sont déclarés sur un territoire, on fait une enquête pour essayer de remonter toute la chaîne de contamination et éviter qu'elle ne s'étende. C'est tout le travail qui est devant nous et ça atteste aussi de la nécessité de respecter les gestes barrières, les règles de distanciation physique. Dans un certain nombre de cas, c'était le non-respect de ces règles qui a pu provoquer des clusters ; dans d'autres cas en revanche, c'était des cas qui ont été transmis de manière totalement involontaire et dans le respect des règles. Donc plus on fait attention collectivement, moins on aura de clusters, moins le virus circulera et plus vite on en sortira.   

JEAN-JACQUES BOURDIN
Taux de contamination en France aujourd'hui, le fameux R0 ? En Allemagne, on s'inquiète un petit peu parce que ce R0 est remonté. Où en est-on en France ?  

OLIVIER VERAN
Les derniers chiffres que j'avais étaient un petit peu supérieurs à 0,6 de R0. C'est-à-dire que s'il y a 10 malades aujourd'hui avec un R0 à 0,6, ils contamineront 6 malades la semaine prochaine. Donc vous voyez que c'est toujours en phase décroissante. Parce qu'on était en confinement. On le sait, quand on va lever progressivement le confinement, il y aura une ré-ascension du R0. Ce que nous voulons, c'est que ce R0 reste inférieur à un. Tant qu'il est en-dessous de un, l'épidémie décline. S'il augmente au-dessus de un, l'épidémie continue et s'il augmente beaucoup au-dessus de un, eh bien il y a un risque épidémique beaucoup plus important. C'est pourquoi nous faisons extrêmement attention.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Et s'il augmente beaucoup au-dessus de un, reconfinement Olivier VERAN. La menace est là.

OLIVIER VERAN
Ça peut arriver. Nous ne l'avons jamais caché, ni en France, ni en Allemagne, ni même en Corée ou à Singapour ou ni même en Chine. Si le virus devait reprendre sa course folle avec une absence de contrôle et des risques pour la santé des Français, nous serions amenés à prendre à nouveau des mesures de confinement territorialisées, différenciées comme nous l'avons fait initialement voire plus importantes si jamais la population était en danger. Aujourd'hui les conditions sont réunies qui nous permettent de lever progressivement le confinement généralisé mais nous faisons très attention. Je crois que ce message, il a été entendu par les Français. En tout cas, nous le répétons inlassablement semaine après semaine.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Première phase de déconfinement donc jusqu'au 30 mai si j'ai bien compris, jusqu'à la fin du mois de mai. Là à la fin du mois de mai, on fera le point pour prendre de nouvelles mesures de déconfinement si tout se passe bien. C'est cela ?  

OLIVIER VERAN
Oui. On s'est fixé 3 semaines qui constitue une étape importante. Après je vais vous dire, Jean-Jacques BOURDIN, s'il faut prendre des mesures de confinement ou des mesures pour alléger encore plus ce qui reste de confinement parce que les nouvelles seraient mauvaises ou bonnes, nous n'attendrions pas une date précise. Par contre, c'est vrai qu'on s'est fixé ce cap de 3 semaines. Si dans 3 semaines les choses sont stabilisées disons, et avec des différences selon les territoires possiblement, eh bien on pourrait aller vers une réouverture d'un certain nombre de commerces supplémentaires - pourquoi pas - ou une réouverture d'espaces verts, pourquoi pas. A l'inverse si un certain nombre de territoires classés aujourd'hui verts devaient devenir des territoires classés rouge, on pourrait être amenés à prendre des mesures différentes. Nous sommes dans une observation active, attentive, soucieuse de la sécurité des Français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, Olivier VERAN. Ça veut dire qu'avant début juin, si tout se passe bien, les cafés, les restaurants par exemple, les lycées ouvriront début du mois de juin. Si tout se passe bien. Dans les départements verts en tout cas.  

OLIVIER VERAN
On en aurait tous envie, Jean-Jacques BOURDIN, moi autant que les autres mais j'y mets un conditionnel et ce conditionnel, vous savez à quoi il est corrélé : au virus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Au virus. Mais c'est possible.  

OLIVIER VERAN
Tout est possible. Toutes les options sont possibles. Tous les scénarii sont envisagés. Non mais je veux dire, ce n'est pas comme s'il y avait un plan secret, parfaitement fiable, parfaitement adapté avec une espèce de marche en avant. On est ici dans une dans une stratégie de levée de confinement extrêmement, extrêmement attentive, prudente, concertée avec les territoires de manière à pouvoir rendre une part de leur liberté perdue aux Français, de manière à pouvoir permettre à notre pays de reprendre sa vie sociale, économique. Mais on fait très attention. Vous savez, c'est une première. Ce n'est pas comme si on avait une épidémie de Coronavirus tous les ans et qu'on avait un guide des bonnes pratiques. On est très attentif à ce qui va se passer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Alors je regarde ce qui se passe justement avec ce premier jour de déconfinement. Il est possible de parcourir plus de 100 kilomètres de chez soi à l'intérieur d'un département même si, on est bien d'accord, le décret n'est pas paru. Mais pourquoi 100 kilomètres puisqu'on peut aller d'un département rouge à un département vert ? Je n'ai pas très bien compris.  

OLIVIER VERAN
Vous savez, c'est toujours un peu arbitraire, la loi des seuils. Il faut mettre un seuil. Donc vous mettez 90, vous mettez 110 ou vous mettez 100 kilomètres. Bon. 100 kilomètres en l'occurrence, c'est la distance maximale parcourue par les Français dans leur quotidien pour aller travailler, envoyer leurs enfants à l'école, faire leurs courses même dans des territoires assez éloignés ou très peu denses. On sait que 100 kilomètres, ça englobe ce qu'on appelle la notion de bassin de vie. Le bassin de vie, c'est le lieu dans lequel vous évoluez vous-mêmes ou moi-même dans notre quotidien. Donc on demande aux Français de ne pas sortir de cette zone de vie traditionnelle dans laquelle ils évoluent. C'est cette règle que nous demandons d'appliquer et vous savez, quand on parle de zone verte, zone rouge à nouveau je veux être vraiment sûr que tout le monde comprenne. Vert, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de virus. On l'a vu hier en Nouvelle-Aquitaine ou en Occitanie qui sont des zones vertes mais il y a des clusters. Vert, ça veut dire qu'il y a un peu moins et qu'on est un peu plus en capacité d'éviter les chaînes de contamination et de transmission et, surtout, ça veut dire que les hôpitaux sont moins saturés qu'ailleurs. Le niveau de saturation de nos hôpitaux aujourd'hui, il reste très élevé. Très, très élevé dans les réanimations. Mais il y a des territoires dans lesquels il y a encore de la place dans les hôpitaux et il y a des endroits où alors là, par contre, les soignants ont besoin de souffler et les hôpitaux sont pleins. C'est ça qu'on appelle zone verte-zone rouge. Ça ne veut pas dire qu'il y a des zones sans danger et des zones très dangereuses. Ça veut dire que le virus circule partout mais que, selon les territoires, on fait encore plus gaffe dans certains endroits qu'ailleurs.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Olivier VERAN, vous voyez déjà venir la polémique. Dès ce matin, je l'ai vu monter cette polémique autour des transports en commun en Ile-de-France. Transports en commun en Ile-de-France : les voyageurs portaient des masques mais la distanciation sociale est absolument impossible. Des RER étaient bondés, des trains étaient bondés dès ce matin, Olivier VERAN. Franchement, soyons clairs, la distanciation sociale dans les transports en commun est impossible.   

OLIVIER VERAN
J'ai vu votre chaîne info ce matin en prenant mon café et j'ai vu que la ligne 13 avait eu 40 minutes de retard et qu'elle était bondée. Alors j'ai vu aussi que tout le monde avait un masque, donc ça c'est bien, parce que le port du masque est obligatoire dans les transports en commun mais j'ai vu que les gens étaient très serrés. J'ai vu qu'ensuite les choses s'étaient améliorées. Vous savez que vous me parlez de polémiques, Jean-Jacques BOURDIN. Enfin moi ce qui m'intéresse, ce n'est pas la polémique. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir comment est-ce qu'on est capable de corriger le tir si on voit qu'il y a des erreurs ou des difficultés pour assurer la sécurité des Français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors comment corriger le tir ?  

OLIVIER VERAN
Encore une fois, il y a des consignes très claires, des consignes très claires qui ont été travaillées pendant des jours voire des semaines avec les organismes de transports en commun pour vérifier que les conditions soient réunies qui permettent d'éviter d'avoir trop de gens sur un quai qui attendent un train ou trop de gens à l'intérieur d'un wagon de train. Donc que le premier train il y a eu des bugs, c'est vraiment dommage. C'est vraiment dommage, je ne vous dirai pas le contraire, mais regardons comment les choses se déroulent au cours de la journée. Adaptons, modifions nos comportements pour que demain les choses s'améliorent. Je crois que c'est vraiment le principal. On est encore une fois dans une première dans notre pays, ce n'est jamais arrivé. Ce n'est jamais arrivé. Donc j'entends les polémiques mais honnêtement, je regarde devant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, parlons des déplacements. J'ai vu ce que les élus corses demandaient : toute personne souhaitant se rendre en Corse à partir du 23 juin devra présenter un test négatif au Coronavirus. C'est ce que demandent les élus. Vous approuvez ou pas ?

 OLIVIER VERAN  
Non, non Jean-Jacques BOURDIN. Je n'approuve pas et je l'ai dit au Parlement. Pourquoi je n'approuve pas ? Pour protéger les Corses. La Corse est un territoire où vous savez que le risque épidémique lorsqu'il frappe peut faire plus de dégâts parce qu'il y a une insularité et qu'on était déjà obligé d'envoyer des grands bateaux pour pouvoir transporter des malades corses vers la région Provence notamment dans les réanimations. Je comprends parfaitement que les élus - et je comprends vraiment, je n'incrimine pas les élus corses - je comprends parfaitement qu'ils aient envie de protéger leur île qui dépend beaucoup du tourisme et qui ne peut pas vivre enclavée à distance du continent. Imaginez Jean-Jacques BOURDIN, imaginez une seconde, nous aurions été sur le plateau vous et moi, vous malade sans le savoir, moi ne sachant pas que vous êtes malade. A faible distance, on discute, vous me transmettez le virus sans que je le sache. Imaginez que demain, je décide d'aller faire un déplacement en Corse. Je vais arriver en Corse, on va me faire un test, il sera négatif puisque je serai en phase d'incubation. Je ne sais même pas que vous êtes malade, comment voulez-vous que je sache que je le serai moi-même ? On me fait le test qui est négatif et imaginons que je passe une semaine en Corse. Je vois des gens, je discute beaucoup, au bout de 3 jours je déclenche de la fièvre. Je déclenche de la fièvre. Eh bien j'aurai transmis le virus en Corse sans le savoir et sans le vouloir. Je comprends parfaitement le raisonnement qui peut expliquer qu'il faudrait faire des tests etc. Si le test était un outil de protection, croyez-moi, on ne serait pas en train d'organiser des quatorzaines pour des gens qui arrivent en Outre-mer, qui arrivent sur le territoire continental ou qui arrivent en Corse. On serait en train de faire des tests parce qu'on pourrait le faire. La quatorzaine, c'est le seul moyen d'être parfaitement sûr, ou en tout cas quasiment parfaitement sûr - ce n'est pas fiable à 100% mais quand même pas loin - de ne pas transmettre le virus dans un endroit lequel on ne doit pas le transmettre.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais revenir sur l'isolement, le traçage, mais puisqu'on parle de déplacement, alors en Corse si j'ai bien compris, ça ne s'appliquera pas. L'Etat interdira cette pratique-là, ce passeport sanitaire en quelque sorte. Passeport pour la Corse.

OLIVIER VERAN
Dans la loi, nous avons adopté le concept de quatorzaine obligatoire lorsqu'on arrive dans ou depuis un territoire ultramarin ou la Corse, encore une fois, pour protéger les gens qui y habitent, pour éviter de transmettre le virus. Sur un bateau de 1 000 personnes ou sur un bateau de 2 000 personnes qui arriverait mettons en Corse, vous aurez beau faire des tests à tout le monde, ça ne vous évitera pas le risque que quelqu'un ne soit pas encore positif au test mais qu'il transporte le virus et qu'il déclenche la maladie une fois sur place. Nous voulons l'éviter à tout prix pendant encore quelques temps. Peut-être que ça évoluera, je le souhaite de tout mon coeur et je souhaite que la Corse puisse retrouver – elle n'a jamais perdu sa beauté - mais qu'elle puisse retrouver la facilité d'échange. C'est indispensable. On est en train de parler d'une période transitoire.   

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les frontières, puisqu'on parle de déplacement, est-ce que les frontières intérieures de l'Union européenne s'ouvriront avant l'été ? Est-ce qu'un accord européen est en voie de discussion pour permettre aux citoyens européens de circuler à l'intérieur de l'Europe ?  

OLIVIER VERAN
Nous nous avons autorisé la circulation, nous ne l'avons jamais interdite d'ailleurs, la circulation des citoyens européens au sein de la zone Schengen, élargie à l'Angleterre d'ailleurs, et donc les gens peuvent circuler dans la zone de l'Union européenne. Les frontaliers vont travailler régulièrement de l'autre côté de la frontière.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Encore faut-il avoir des raisons de circuler, des raisons impérieuses.

OLIVIER VERAN
Prenez un frontalier jurassien ou un frontalier niçois ou strasbourgeois, ils peuvent totalement aller travailler et circuler dans la zone euro aujourd'hui.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais partir en vacances aux Pays-Bas ou venir de Belgique et aller en vacances en France, ça c'est impossible. Alors est-ce que c'est un accord européen pourrait permettre la libre circulation de tous les citoyens européens avant l'été ?  

OLIVIER VERAN
Jean-Jacques BOURDIN, vous parlez de passer des vacances aux Pays-Bas au moment où on prend un décret qui interdit les déplacements au-delà de 100 kilomètres pour les Français en France sauf raisons impérieuses.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous parle de l'été.

OLIVIER VERAN
Encore une fois, je comprends la question des vacances. Oui, mais la question de l'été, on n'en est pas là. On n'en est pas là, Jean-Jacques BOURDIN. Je ne suis pas devin, je ne suis pas un prévisionniste et je ne vous dirai pas : il n'y a aucun risque ou, au contraire, il y aura une deuxième vague. Je ne suis pas prévisionniste. Je comprends les questions. Si j'avais la réponse, je vous la donnerai mais j'avais la réponse, j'aurais un talent caché ce que je n'ai pas. Je peux donc vous dire que pour les 3 prochaines semaines, on ne peut pas aller au-delà de 100 kilomètres sauf nécessité impérieuse. Et je peux vous dire que si dans 3 semaines on peut aller au-delà de 100 kilomètres, si on peut aller sur la Côte d'Azur, en Bretagne ou même aux Pays-Bas, ce serait une très bonne nouvelle parce que ça voudrait dire que le virus ne circule plus aussi activement et que les populations sont hors de danger et qu'on ne risque pas une deuxième vague pendant l'été. On a pris l'habitude vous et moi d'un rendez-vous mensuel donc…

 JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce que je veux vous dire Olivier VERAN… C'est vrai qu'on a un rendez-vous mensuel donc on se retrouvera dans un mois, Olivier VERAN. Mais dites-moi, on peut imaginer qu'au niveau européen il y ait un accord puisque finalement les politiques se sont ressemblées même si le virus n'a pas touché les pays d'Europe de la même manière, les politiques de déconfinement se ressemblent. On pouvait imaginer un accord européen pour permettre la libre circulation des citoyens européens au sein même de l'espace Schengen.   

OLIVIER VERAN
Mais il y a déjà un accord, Jean-Jacques BOURDIN, puisque nous avons choisi de ne pas imposer de quarantaine aux ressortissants européens qui arriveraient sur le territoire français, parce que nous avons considéré que l'espace Schengen était un espace ouvert et que nous n'avions  pas vocation à le fermer, mais en disant bien une chose : c'est que si un pays européen devait faire face à une flambée de virus incontrôlable ou si un pays européen devait changer sa politique frontalière vis-à-vis de pays hors zone de l'Union européenne et notamment avec des pays où le virus ne serait pas contrôlé, on pourrait être amené à imposer des quatorzaines mais aujourd'hui ce n'est pas le cas. Aujourd'hui au 11 mai, vous pouvez circuler au sein de l'Union européenne, vous déplacer pour des raisons impérieuses, professionnelles. La seule chose qui est limitée aujourd'hui Jean-Jacques BOURDIN, c'est la question des déplacements au titre de loisir mais si nous réduisons - et nous ne sommes pas les seuls, tout le monde le fait autour de nous - ces déplacements au titre des loisirs, vous l'avez compris, c'est pour éviter un grand brassage de populations qui pourrait signifier un grand brassage du virus, et ça je crois qu'on a compris qu'on ne voulait pas que ça recommence. Quand je dis « on », c'est l'ensemble des Français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Olivier VERAN, on va beaucoup parler de traçage. On va beaucoup parler de traçage, on le sait, c'est important pour casser le développement du virus, le traçage. Les informations personnelles recueillies auprès des personnes ayant été en contact avec un patient contaminé, que vont devenir ces informations

OLIVIER VERAN
Ces informations, en fait, on ne recueille pas la nature du contact. Je ne saurai pas, personne ne saura, Jean-Jacques BOURDIN, si nous avons déjeuné ensemble ou si nous étions en interview ensemble ou si nous étions dans le métro ensemble, et si c'est pour cette raison que si vous positif – pardon, je n'arrête pas de vous coller le virus sur le dos mais c'est un exemple, vous l'aurez compris - vous positif, je me retrouverai cas contact. Ça je veux dire, ce n'est pas intéressant ni pour le médecin ni pour l'Assurance maladie ni pour vous ni pour moi. Ce qui est intéressant, c'est de savoir que je suis de fait devenu cas contact positif, et donc qu'il faut me protéger, et donc protéger les personnes qui m'entourent. Vous comprenez ? C'est ça le dispositif. On ne recueille pas d'information d'une autre nature que celle qui consiste à savoir que je suis désormais cas contact parce que vous avez été cas positif. Et je ne suis même pas obligé d'être au courant que vous avez été cas positif.

 JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais Olivier VERAN, de nombreuses personnes non assujetties au secret médical détiendront les données de santé de très nombreux Français.  

 OLIVIER VERAN
Un certain nombre de personnes sauront que vous avez été - une personne en l'occurrence qui sera responsable de votre dossier - saura que vous avez un test PCR positif et non négatif puisqu'il sera inscrit dans votre dossier de l'Assurance maladie qui est un dossier qui existe depuis de très nombreuses années puisque, par exemple, imaginons que vous soyez diabétique Jean-Jacques BOURDIN. Je ne le sais pas, je dis ça comme ça, imaginons que vous ayez une maladie chronique et que vous soyez en affection longue durée. Ou imaginons qu'il y a 2 semaines, vous ayez fracturé votre cheville et qu'on vous ait prescrit un arrêt de travail, l'arrêt de travail comme le fait que vous êtes diabétique figurent déjà dans le fichier de l'Assurance maladie et ont accès à ce fichier de l'Assurance maladie les salariés de l'Assurance maladie qui, du coup, sont couverts parce qu'ils ont une responsabilité professionnelle. Donc là, on ajoute une nouvelle brique à ce fichier préexistant pour savoir si vous êtes Coronavirus positif ou négatif. Donc on a eu un grand débat au Parlement et je comprends que ces questions soulèvent beaucoup de questions et beaucoup de peurs. Moi je veux juste rassurer, dire que ce que nous faisons, tous les pays qui font du tracing le font et on le fait avec le respect des règles. Et nous sommes le seul pays à avoir pris la peine, et c'est important de demander, son avis au Parlement qui a voté et qui a modifié, qui a enrichi le texte, qui l'a sécurisé par endroits. Pour moi les conditions sont parfaitement réunies.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Olivier VERAN, le Covid-19 devient une maladie à déclaration obligatoire si j'ai bien compris. Si j'ai bien compris.

OLIVIER VERAN
C'est un équivalent de maladie à déclaration obligatoire. On va dire que ça a la couleur, l'odeur et le goût de la déclaration obligatoire sans rentrer dans les critères précis mais, oui, c'est une maladie qu'on doit déclarer obligatoirement. Comme d'autres maladies.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les brigades sanitaires, combien de personnes sur le terrain dès aujourd'hui ?  

OLIVIER VERAN
Autant qu'il le faut.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, eh bien ça, autant qu'il le faut… Non mais c'est-à-dire ?  

OLIVIER VERAN
Autant qu'il le faut, c'est-à-dire que ça va crescendo. C'est-à-dire que le premier contact tracing, c'est-à-dire les premières personnes qui vont… C'est moche le mot de tracing, en fait, Jean-Jacques BOURDIN

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ce n'est pas beau. Traçage, traçage.

OLIVIER VERAN
Non, ce n'est pas très beau. Mais même traçage, ce n'est pas très beau. Suivi épidémiologique, protection, évaluation, ce que vous voulez. Parlons d'autre chose que le tracing parce que je me rends compte que ça soulève beaucoup de questions Bref, peu importe, pardon pour la digression. Le premier suivi épidémiologique, il est fait par votre médecin. Si vous avez des symptômes, vous appelez votre médecin, il vous fait tester chez vous, dans un laboratoire, à l'hôpital, dans un drive, peu importe. Il vous appelle et vous dit : vous êtes PCR positif, vous êtes malade, restez chez vous. Et à partir de là, votre médecin va vous demander avec qui vous habitez et est-ce qu'il y a des gens qui sont des cas contact autour de vous. Il va commencer à faire l'histoire un peu autour de vous, c'est ça qu'on appelle le tracing. Et puis ensuite, il va passer votre dossier éventuellement si nécessaire à l'Assurance maladie. Et là quelqu'un va vous appeler et il va vous dire : vous êtes symptomatique depuis hier, vous avez de la fièvre depuis hier, on va regarder ensemble si vous en êtes d'accord les personnes que vous avez pu contaminer sans savoir 2 jours avant d'avoir les symptômes. Et là vous avez encore 3 000 voire plus si nécessaire personnes de l'Assurance maladie qui le font.  Et puis si on se rend compte qu'il y a beaucoup de cas, c'était le cas dans certains clusters hier, il y a l'Agence régionale de santé qui prend le relais avec les personnes qui ont fait ça depuis des mois dans notre pays et qui s'occupent de vérifier s'il y a des gens autour qui peuvent avoir été contaminés pour éviter… Donc quand vous additionnez tout ça, 55 000 médecins - on peut les ajouter - les 3 000 personnes de l'Assurance maladie etc. Ça, c'est pour la partie traçage et ensuite, vous avez ce qu'on appelle les équipes, appelons-les les équipes ou les cellules territoriales qui vont venir en aide aux gens qui sont confinés  et en isolement pour apporter à manger, pour vérifier que vous ne manquez de rien en lien avec les préfets et là, ce sont encore des milliers de personnes qui sont mobilisables sur le terrain. Donc quand je vous dis autant que nécessaire, c'est que si on a 10 000 personnes confinées, il faudra autant de gens pour pouvoir s'en occuper et prendre soin de ces 10 000  personnes confinées. Si c'est plus, ce sera plus. Donc on est prêt pour ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Tests, masques, traitements, j'aborde ces questions. Les tests : 700 000 tests dès cette semaine avez-vous dit. Est-ce qu'on est prêt à effectuer 700 000 tests dès cette semaine ?  

OLIVIER VERAN
Nous avons contacté des laboratoires, on a vérifié qu'ils ne manquaient de rien.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ou non ?  

OLIVIER VERAN
La réponse est oui, on est prêt à les faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon.

OLIVIER VERAN
On est prêt en théorie même à faire plus que ça. On est même prêt en théorie à faire plus que ça en test. Jean-Jacques BOURDIN ce qui est important, parce qu'on s'attache à un nombre, je vous dis, je n'élude pas le truc, on est prêt à les faire bien. Ce qui est important à comprendre, c'est que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le président de la République qui parle de 700 000.

OLIVIER VERAN
C'est que toutes les personnes qui doivent être testées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
 C'est vous qui avez donné des chiffres, ce n'est pas moi.

OLIVIER VERAN
Oui, je sais. On dit on dit qu'on est prêt à réaliser 700 000 tests. S'il y a de quoi faire 700 000 tests, c'est-à-dire s'il y a des patients pour 700 000 tests, on est prêt à les faire. Je vous réponds très simplement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est prêt à les faire. Très bien. Un test pour 1,1 % habitant en France 2,1 en moyenne en Europe. C'est vrai ou pas

OLIVIER VERAN  
Ce n'est pas tout à fait vrai et ce n'est pas tout à fait faux. On n'avait pas jusqu'ici de systèmes d'information capable de déterminer combien de tests on faisait précisément dans notre pays. Donc on avait des chiffres qui étaient publiés. Les chiffres que vous utilisez et les chiffres qui sont utilisés par les autorités internationales sont les chiffres de ce qu'on appelle Santé publique France et qui fait un échantillon de labos sur le territoire et qui, du coup - d'ailleurs c'est inscrit sur son site - vous dit : les résultats ne sont pas exhaustifs, on sous évalue le nombre de tests. Et quand j'appelle les agences régionales de santé, elles me donnent un chiffre qui est quasiment le double. Donc en réalité, quand Santé publique France nous disait d'après notre échantillon, sur notre échantillon, il y a 180 000 tests faits, nous on était à 300 000 donc avec les agences régionales de santé. Maintenant on aura un système d'information complet qui va se déployer progressivement dans la semaine. Vous n'aurez pas ce soir le nombre de tests précis qu'on a fait. Par contre d'ici quelques jours, on aura les nombres précis de tests faits et à partir de là on saura combien on fait et combien sont positifs, ce qui est quand même le plus intéressant.   

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. L'essai Discovery, on parle des traitements, lancé le 22 mars par l'INSERM pour évaluer 4 traitements contre le Covid-19, les résultats seront-ils dévoilés le 14 mai comme nous l'avait promis le président de la République, Olivier VERAN ?

 OLIVIER VERAN  
Ce que je peux vous dire, c'est que l'essai Discovery est un essai européen qui concerne plusieurs pays avec 3 000 patients qui sont censés être inclus dans tous  les pays.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La France et le Luxembourg pour l'instant.

 OLIVIER VERAN
Oui, c'est bien le problème Jean-Jacques BOURDIN, nous on a inclus un nombre de malades qui correspond à ce qui était attendu ou quasiment. Les autres pays autour de nous, hélas, n'ont pas suivi en termes d'études cliniques, ce qui veut dire que l'accord, que le nombre de malades n'est pas aussi élevé que ce qu'on espérait mais ce n'est pas du fait de la France. Et vous l'avez dit, le Luxembourg a inclus quelques malades, je crois, la France a inclus plusieurs centaines de malades. J'en étais resté à 7 ou 800.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
720 en France et un au Luxembourg.

OLIVIER VERAN  
Vous voyez, j'ai dit quelques, ce n'est pas sympa pour le Luxembourg. Nous, on en a inclus plus de 700 donc on a fait, je dirais, notre part de travail dans cette étude internationale. Maintenant on va voir les résultats sur la base des 700 patients qui auront été inclus en France.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Est-ce qu'ils seront dévoilés le 14 mai ?  

OLIVIER VERAN
Je ne sais pas si c'est le 14 mai précisément mais j'attends les résultats pour dans quelques jours, oui. Est-ce qu'ils seront suffisamment solides compte tenu du nombre de patients inclus ? Nous verrons, ce n'est pas moi qui le décide.   

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez des premiers résultats déjà ? Des premiers indices ?  

OLIVIER VERAN
On a beaucoup de résultats qui sont sortis notamment sur l'étude CORIMUNO qui est une étude parisienne qui a testé, je ne vais pas vous faire l'article de tous les anti IL1, les anti IL6, les interférons, il y a beaucoup de médicaments qui ont  été essayés. Pour l'instant ce n'est pas génial, voilà. Pour l'instant, on n'a pas encore un traitement miracle dont on peut se dire : ouf, on a quelque chose qu'on peut donner en toute sécurité et avec la garantie que ça marche.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites donc ce matin, Olivier VERAN,  vous dites donc ce matin aux Français : aucun traitement n'a montré son efficacité jusque-là contre le Coronavirus. Est-ce que vous dites cela ?  

OLIVIER VERAN
Je dis que les scientifiques nous disent qu'aucun médicament n'a fait montre d'une efficacité suffisante, étayée scientifiquement pour qu'on puisse en donner massivement. On a des pistes intéressantes, on a plusieurs médicaments qui sont intéressants notamment ce qu'on appelle un anti IL6 qui est un anti-interleukine qui est un mécanisme qui lutte contre le mécanisme inflammatoire du Coronavirus dont on a une étude qui est plutôt performante, mais qui doit être  consolidée encore dans la durée. Après, on a plus de 2 000 patients inclus dans les essais cliniques en France. On a plus d'une trentaine d'essais cliniques qui sont toujours en cours dans notre pays. Je vais vous dire un truc : statistiquement si un pays doit trouver un médicament qui marche, il y a de bonnes chances que ce soit le nôtre. Mais pour l'instant, on n'a pas encore réussi à trouver la clef qui va dans la serrure Coronavirus, hélas. Mais tout le monde cherche, la recherche mondiale est focalisée dessus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je voudrais vous parler des maques, j'imagine, et là, surprise, j'ai lu, vous avez lu, comme moi, l'enquête du journal Le Monde, j'imagine la surprise du Premier ministre, qui découvre, dernière semaine de mars, que des millions de masques sont brûlés, je dis bien sont brûlés, évidemment, il a donné l'ordre tout de suite d'arrêter de brûler des masques, c'est vrai ou faux, est-ce que ce qu'écrit Le Monde est vrai ou faux ?

OLIVIER VERAN
Alors, merci pour la question, il y avait, je crois, 700 millions de masques chirurgicaux…

JEAN-JACQUES BOURDIN
714 millions exactement…

OLIVIER VERAN
Voilà 714 millions de masques, et là, ces masques étaient des masques qui dataient du début des années 2000, voire généralement de 2003, et qui étaient des masques dont il a été demandé en 2017 de regarder s'ils étaient encore utilisables, une enquête a donc été faite, des agences sont allées tester ces masques pour voir s'ils avaient des capacités de filtration et de respirabilité qui étaient compatibles avec un usage sanitaire. La réponse a été non, à partir de là, en 2018, un bon de commande pour destruction de ces masques hors d'usage a été fait, et une entreprise pharmaceutique est allée récupérer une partie de ces masques visant à être détruits pour les détruire et les brûler puisqu'ils sont hors d'usage ; c'était en 2018 et 2019, entre septembre et décembre 2019, ce sont ainsi 233 millions de masques hors d'usage, encore une fois, périmés, non utilisables, défectueux, qui ont été brûlés par cette entreprise. Il y a eu l'accident de LUBRIZOL qui a mobilisé cette entreprise, ce qui fait qu'elle est allée chercher un complément d'un million de masques au début de l'année 2020, un millions de masques hors d'usage, nonfonctionnels, que vous ne pourriez pas utiliser, que je ne pourrai pas utiliser, encore moins des soignants, donc voilà, ce sont des masques au rebut, et il nous en reste encore pas mal dans cet entrepôt, qui sont des masques périmés, ça arrive que des produits soient périmés, parfois, ce sont des médicaments, etc, donc il n'y a rien d'anormal, je le dis très tranquillement, il n'y a rien d'anormal à ce que des masques périmés soient détruits…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, sauf que…

OLIVIER VERAN
Ce qui est gênant, c'est qu'à mesure que les masques périmaient, ils n'étaient pas remplacés.

 JEAN-JACQUES BOURDIN
 Oui, sauf que, à Matignon, le Premier ministre a tout de suite dit : on arrête de brûler, on arrête de brûler les masques, et ça, c'est vrai Olivier VERAN, vous n'allez pas me dire le contraire. Mais à propos des masques, tiens, vous disiez, c'était en mars, je crois, que les masques ne servaient pas à grand-chose, et puis, tout à coup, les voilà indispensables, je ne comprends pas, les Français n'ont pas compris cela.

OLIVIER VERAN
D'accord, je reviens une seconde sur les masques, Jean-Jacques BOURDIN, sur les masques brûlés, nous avons demandé à Santé Publique France de faire une nouvelle vérification sur ces masques périmés qui avaient déjà été évalués en 2018, c'est-à-dire deux ans auparavant, qui étaient périmés, hors d'usage, nous avons demandé de faire une nouvelle… donc la DGA est intervenue, l'ANSES est intervenue, ils ont fait à nouveau une enquête pour regarder si ces masques étaient filtrants ou respirables, aucun, aucun de ces masques n'était utilisable pour les soignants, je parle du stock de masques étaient voués à destruction, aucun de ces masques n'était utilisable pour les soignants, mais on a réussi à en récupérer quelques-uns qu'on a pu basculer dans une catégorie masques grand public, la plupart sont voués à destruction, et je vous le dis, Jean-Jacques BOURDIN, seront détruits parce qu'ils ne sont pas utilisables, il y a des moisissures dessus, ils ne filtrent plus, ils ne sont plus respirables. Donc je vous le dis, il y a des masques parmi ces masques qui existent dans l'entrepôt qui sont trop vieux, que personne n'utiliserait et qui seront détruits, d'accord, et ça, ce n'est pas anormal, ce qui est important, c'est de remplacer du matériel quand il est périmé, ce qui n'a pas nécessairement été le cas, et ça, depuis des années et des années…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je reviens aux masques, pourquoi étaient-ils non-indispensables en mars, et aujourd'hui, indispensables deux mois après ?

OLIVIER VERAN
Lorsque vous regardez les études dont nous disposons dans notre pays, et les études internationales, les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, les recommandations du Haut conseil de santé publique, toutes les « reco » en fait, scientifiques, la doctrine, jusqu'en avril, cette doctrine ne portait pas sur le port du masque en population générale, si vous vous souvenez, je pense même que je l'avais dit chez vous Jean-Jacques BOURDIN, je crois que c'était la première fois où vous m'avez invité, peut-être que je me trompe, mais en tout cas, je sais que je l'ai dit plusieurs fois. Pour qu'un masque ait un intérêt en épidémie en population générale, il faut qu'au moins 60 % de la population le portent toujours et dans de bonnes conditions, je ne sais pas si vous vous souvenez que j'avais dit ça, et ça, c'est quelque chose qui est important, parce qu'à aucun moment, cette arrivé dans l'histoire de notre pays. Le Haut conseil de santé publique…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en mars, la population pouvait – pardon Olivier VERAN – mais en mars, on connaissait la dangerosité de l'épidémie, la population pouvait porter des masques, sauf que nous n'en avions pas, c'est la raison essentielle…

OLIVIER VERAN
Non, Jean-Jacques BOURDIN, Jean-Jacques Bourdin, on se réfère toujours aux « reco » des autorités, que dit, que disait l'OMS en mars, sortez l'avis de l'OMS, l'OMS disait : attention parce que le masque en population générale peut-être une illusion de protection qui peut réduire l'efficacité des gestes barrières, et nous voulons privilégier les gestes barrières, la distanciation physique, le lavage des mains, le gel hydro-alcoolique, le Haut conseil de santé publique a rendu un rapport en 2015, dans lequel il fait état de 7 études qui ont été conduites en période d'épidémie grippale, et qui a regardé l'impact du port de masque chez les personnes asymptomatiques versus ceux qui n'en portaient pas, et a conduit que l'utilisation du port du masque en population générale n'était pas protecteur. Avril, c'est là où la doctrine commence à changer, et vous avez vu que les scientifiques, et c'est leur droit, et même, j'allais vous dire, tant mieux, face à ce virus, ont changé plusieurs fois de recommandations et d'avis, à partir d'avril, l'Académie de médecine commence à s'interroger, puis, dit : il faut le port du masque, le Haut conseil de santé publique tardivement en avril dit : il faut aller vers le port du masque. Le Conseil scientifique dans quatre premiers avis ne parle pas du port du masque en population générale, et dans un cinquième au mois d'avril dit : la situation a évolué, il faut le port du masque, etc, etc. A l'heure où je vous parle, l'OMS n'a même pas complètement basculé encore dans le port du masque considérant à nouveau que : attention, l'illusion de protection peut être aussi dangereuse que l'absence de protection, et que, quand on porte un masque, et qu'on est dans une même pièce, on va avoir tendance imperceptiblement à se rapprocher et considérer qu'on est à l'abri, on n'est pas forcément à l'abri quand on porte un masque, c'est un complément, ça peut être un complément, nous verrons.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question, Olivier VERAN, c'est à propos des primes aux personnels soignants des EHPAD, quand ces personnels toucheront-t-il ces primes ?

OLIVIER VERAN
Nous l'avons annoncé, 1.500 euros pour tout le personnel des EHPAD qui a fait un boulot incroyable dans 33 départements, 1.000 euros pour le personnel des EHPAD dans les autres départements, ceux qui ont été moins touchés, parce que tout le monde a bossé avec ou sans virus, tout le monde a bossé pour protéger les personnes âgées. Nous avons finalisé l'accord avec les départements, c'est l'Etat qui paiera la prime pour les EHPAD, il y a également l'ensemble des établissements médico-sociaux qui sont en cours de process pour la prime, cette fois-ci, en lien avec les départements. Donc nous allons le voir dans les toutes prochaines semaines, dans les toutes prochaines semaines…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Fin mai ou fin juin ?

OLIVIER VERAN
Je n'ai plus la date, pardon, exacte, j'espère en mai ou en juin, ça, c'est certain, nous allons voir, mais le plus vite possible, c'est statué, c'est budgété, c'est topé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et même pour les personnes en CDD et même pour les personnes en CDD qui sont venues en renfort ?

OLIVIER VERAN
Les gens qui ont travaillé en EHPAD sont concernés. Vous savez, la prime soignants à l'hôpital, j'ai été interpellé par les internes qui pensaient qu'ils ne l'avaient pas, j'ai été interpellé par des corps professionnels qui pensaient qu'ils ne l'avaient pas, si, en fait, quand on dit, tout le monde, c'est tout le monde.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Olivier VERAN, rendez-vous dans un mois.

OLIVIER VERAN
Rendez-vous dans un mois.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci beaucoup.

OLIVIER VERAN
Et en face à face, j'espère.

 JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci. Oui, en face à face.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mai 2020