Interview de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, à LCI le 15 juin 2020, sur la fin du confinement, les tests et le contact "tracing".

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX

Le ministre de la Santé et des Solidarités, Olivier VERAN, qu'on remercie d'être sur LCI ce matin, ça faisait longtemps qu'on ne vous avez pas entendu en matinale, merci de me réserver votre intervention…

OLIVIER VERAN
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Au lendemain de cette nouvelle phase annoncée par Emmanuel MACRON. Bonjour Monsieur le ministre. « On peut être fier » a dit Emmanuel MACRON, on compte sur vous pour nous expliquer de quoi, franchement, mais d'abord la vie des Français qui reprend normalement. Hier, en président des bonnes nouvelles, Emmanuel MACRON a fait passer toute la France en vert. « Nous sommes enfin libres » pouvions-nous nous dire hier, mais l'épidémie est derrière nous, Olivier VERAN ?

OLIVIER VERAN
Le gros de l'épidémie est derrière nous et nous mettons tout en oeuvre pour surveiller au quotidien, partout sur le territoire, des foyers de reprise de circulation du virus, le virus n'est pas mort, nous ne l'avons pas totalement vaincu, d'ailleurs aucun pays au monde ne peut dire qu'il a complètement vaincu ce virus, en revanche nous en contrôlons la circulation, jour après jour, semaine après semaine, ce qui permet, Elizabeth MARTICHOUX, à la France, effectivement, à l'exception notable de la Guyane et de Mayotte, d'apparaître en vert, selon les indicateurs que nous avions présentés, avec le Premier ministre, il y a trois semaines de cela.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous êtes totalement à l'aise, vous, le ministre de la Santé, avec cette tonalité qui dominait hier soir, qui était de dire « bon, voilà, on ferme la porte de la crise, on passe à autre chose » ?

OLIVIER VERAN
Nous reprenons une vie sociale, une vie économique, une vie démocratique, dans notre pays, parce que c'est important, parce que c'est aussi vital pour les Français que de reprendre le chemin d'une vie qu'ils ont laissé pendant plusieurs semaines, lorsque c'était absolument indispensable, ce qui ne veut pas dire que nous arrêtons, que nous nous désarmons face au virus, au contraire, nous continuons les opérations de contacts tracing, nous continuons à tester, il y a seulement 1 % des tests que nous réalisons qui sont désormais positifs au coronavirus, nous identifions des fameux clusters, des zones d'activité virale et de transmission du virus, nous avons vérifié, jour après jour, qu'il n'y avait pas de diffusion communautaire du virus, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de lieu sur le territoire où nous avons perdu la trace des chaînes de contamination et où le virus circulerait massivement, et nous ne levons pas toutes les contraintes, Elizabeth MARTICHOUX, puisque la contrainte essentielle, le paramètre fondamental, en France comme à l'étranger, c'est d'éviter les grands rassemblements, en milieu fermé, sans distanciation sociale.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors ça c'est important, parce que c'est vrai que c'était un peu flou hier sur les rassemblements. Les rassemblements restent interdits au-delà de combien de personnes dans l'espace public ?

OLIVIER VERAN
La limite de 10 personnes n'a pas évolué, l'autre limite, de 5000 personnes, qui a été présentée il y a 15 jours, n'a pas évolué, et donner la possibilité aux préfets de donner des autorisations d'adapter certains cadres de rassemblement, au cas par cas, en fonction des situations. Vraiment, ce qu'il faut comprendre Elizabeth MARTICHOUX, au-delà des règles, au-delà des règles, parce que le virus il n'a qu'une seule règle, c'est qu'il diffuse lorsqu'il est capable de passer d'une personne à l'autre, c'est vraiment des regroupements de plusieurs personnes, en milieu fermé, où on va être capable de projeter du virus, potentiellement contaminer des gens sans s'en rendre compte, cela ça doit rester un point de vigilance extrêmement important dans notre pays. En revanche, dire que désormais nous avons suffisamment d'éléments, ce que disait le Conseil scientifique, pour dire que les enfants ne présentent pas un risque de contagiosité extrême, d'ailleurs on l'a vu depuis le 11 mai avec la réouverture des écoles, et donc qu'on peut simplifier le protocole sanitaire pour permettre à plus d'enfants de retourner à l'école, c'est du bon sens à ce stade.

ELIZABETH MARTICHOUX
Dites-moi, puisqu'on parle de rassemblements, quand vous avez vu les 15.000 personnes rassemblées avec une proximité maximum place de la République, dans d'autres villes aussi, dans toute la France, contre le racisme samedi, vous n'étiez pas affolé, franchement, vous ne vous êtes pas dit ça y est là, potentiellement, on a un foyer épidémique ?

OLIVIER VERAN
Pas affolé, mais je vais être sincère avec vous, vigilant, c'est-à-dire qu'on va multiplier les opérations de testing, comme nous le faisons, avec déjà….

ELIZABETH MARTICHOUX
Auprès des personnes qui ont manifesté ? Ce n'est pas possible…

OLIVIER VERAN
Non, pas auprès des personnes qui ont manifesté, mais dans l'Ile-de-France, par exemple, ce que nous faisons avec le directeur général de l'ARS, j'étais dans le Val-d'Oise la semaine dernière, pour un barnum, c'est-à-dire une opération de tests systématiques, qui permet de regarder s'il y a des signes de reprise de circulation du virus. Encore une fois, c'était en milieu…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous, ministre de la Santé, vous ne vous sentez pas un peu désarmé, même un peu impuissant, quand vous voyez ça ?

OLIVIER VERAN
Je reste toujours vigilant, Elizabeth MARTICHOUX, face à toute situation, et face à toute situation qui pourrait entraîner un objet d'inquiétude il y a des actions de dépistage, de prévention, qui peuvent être conduites pour vérifier qu'on ne passe pas à côté d'un foyer épidémique. Honnêtement, c'était en milieu extérieur, la même chose en milieu confiné… on est en milieu extérieur, certains portaient des masques, d'autres non, c'est sûr que, je vais vous dire, après ce qu'on a demandé aux Français pendant des semaines et des semaines, mais en même temps, et d'ailleurs le Conseil d'Etat l'a rappelé, on ne peut pas interdire dans la durée des éléments qui font partie des libertés individuelles et collectives dans notre pays, le Conseil d'Etat a tranché.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est vrai qu'il vous l'a rappelé et que ça sonnait un peu comme un petit rappel à l'ordre. Des questions pratiques, je vous demande d'être bref, il y en a plein. D'abord, est-ce que le Conseil scientifique était favorable à cette nouvelle phase ?

OLIVIER VERAN
Le conseil scientifique a émis un avis sur la nouvelle phase de déconfinement, d'ailleurs son président, Jean-François DELFRAISSY, s'était même exprimé aussi à titre personnel plusieurs fois dans la presse…

ELIZABETH MARTICHOUX
« Laissons vivre les Français. »

OLIVIER VERAN
Sur la question des écoles. Notez d'ailleurs que, sur les écoles, il y a un peu plus d'un mois on me disait « mais vous allez autoriser la réouverture progressive des écoles au 11 mai, alors que le Conseil scientifique a dit qu'il ne fallait pas le faire », et puis deux semaines plus tard j'entendais « mais pourquoi vous n'ouvrez pas plus vite les écoles ? », et maintenant qu'on va rouvrir plus vite les écoles, j'attends le moment où certains viendront me dire « mais pourquoi est-ce que vous rouvrez aussi vite les écoles ? » bon ! C'est comme ça. Il n'empêche que, avec suffisamment de recul, progressivement, en observant ce qui s'est passé dans les écoles, on est en mesure aujourd'hui d'alléger une partie du protocole sanitaire, permettant à des enfants de profiter des dernières semaines de cours et à des parents de retrouver le chemin du travail, ce qui est aussi important de notre pays.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alléger, carrément, parce qu'il y avait 62 pages de protocoles, puisque désormais les crèches, le primaire et le collège, vont accueillir tous les élèves, et en plus il y a un caractère obligatoire, il restera quoi, une page de protocoles, d'obligations, de règles, sur les 62 ?

OLIVIER VERAN
J'entends la complexité des protocoles. Vous savez, mon ministère et les administrations qui ont fait un travail, et les agences, qui ont fait un travail remarquable, vous n'imaginez pas - le Haut Conseil de santé publique, vous n'imaginez pas, il a travaillé de jour, de nuit, le week-end, il a émis des recommandations, ce n'est pas une mission facile, et je les en remercie - ils ont répondu à toutes les questions qu'on leur a posées…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est pour les 62 pages, mais…

OLIVIER VERAN
Et quand vous rentrez dans un niveau de détail, et c'est important, eh bien forcément vous avez un niveau de détail dans les réponses, et c'est important.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et alors, qu'est-ce qu'il en reste, qu'est-ce qu'il va en rester aujourd'hui ?

OLIVIER VERAN
Eh bien il restera autant d'éléments de réponses qu'il y a eu de questions posées, vous verrez que certaines questions ont été très précises, extrêmement précises, et qu'il y a donc des réponses extrêmement précises qui sont fournies.

ELIZABETH MARTICHOUX
Monsieur le ministre de la Santé, il n'y a aucun danger, il n'y a aucun danger ce matin à ordonner, dans une semaine, que tous les élèves reviennent dans les classes, et des classes qui parfois comprennent 20, 30 élèves ?

OLIVIER VERAN
Les conditions sanitaires qui seront appliquées à cette mesure, c'est-à-dire le maintien d'une distanciation sociale d'1 mètre entre deux enfants, sur une même ligne par exemple, pour qu'ils ne puissent pas être en contact trop proche, les mesures qui sont mises en place, le fait que les groupes ne se croisent pas à la récréation, etc., sont des mesures qui permettent de limiter les risques, avec encore une fois un mois de recul, nous n'avons pas fermé une école maternelle ou une école primaire dans notre pays depuis le 11 mai parce qu'il n'y a pas eu de reprise épidémique à travers les écoles…

ELIZABETH MARTICHOUX
Si, quand il y a eu des cas… dans le personnel, il y a eu des classes fermées.

OLIVIER VERAN
Il y a eu un lycée, il y a eu des classes, mais une école entière non, et, que vous dire… oui, par contre il y a un vrai danger, enfin pas un danger, mais, les enfants ils doivent aller à l'école. Je veux dire, les enfants ils ont passé des semaines confinés chez eux, ensuite ils ont passé des semaines où ils allaient une demi-journée, ou deux demi-journées, à l'école, le reste ils avaient heureusement l'enseignement à domicile, et je remercie le corps enseignant, je le dis aussi en tant que père, pour le boulot qui a été fait à distance, dans des conditions compliquées, et les enfants ont pu apprendre, et c'est tant mieux, mais les enfants ils ont besoin, sur les dernières semaines, de pouvoir retrouver leurs copains, de retrouver leur maîtresse ou leur maître, de continuer à apprendre, de conclure une année scolaire, c'est important pour eux, pour leur équilibre, et les parents ont besoin de pouvoir retrouver leur activité professionnelle, ils ont besoin de pouvoir retrouver leur vie sociale, c'est important, et donc on pèse toujours les risques et les bénéfices des décisions de politique publique qu'on prend. Aujourd'hui nous avons suffisamment de garanties pour pouvoir rouvrir les écoles, dans des meilleures conditions, et donc cela permet de clore cette année scolaire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Olivier VERAN, il faut continuer à porter les masques dans la rue, dans les bureaux, dans l'espace public ?

OLIVIER VERAN
Est-ce que moi je porte le masque ou est-ce qu'il faut continuer ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, est-ce qu'il faut, est-ce que vous dites aux Français de porter le masque, continuez à porter le masque dans la rue, dans les commerces, au bureau ?

OLIVIER VERAN
Le port du masque reste obligatoire dans les transports en commun, il reste obligatoire dans un certain nombre de cadres professionnels, il reste recommandé dès lors que vous n'êtes pas sûr de pouvoir respecter la distance d'1 mètre entre deux personnes, et le reste du temps il n'est pas obligatoire, mais les gens sont invités à le porter. Je constate, comme vous, je comprends votre question, que ce soit à Grenoble ou à Paris, ou ailleurs, où je peux me déplacer, je constate qu'effectivement le port du masque n'est pas aujourd'hui la règle partout et tout le temps, mais il y a encore des gens qui le portent, il y a encore des gens qui se protègent et qui protègent les autres. Je le dis, le virus n'a pas terminé sa circulation dans notre territoire, et tous les outils de prévention qui peuvent être utilisés pour éviter qu'il ne reparte, sont bons à prendre, les recommandations en ce sens n'ont pas changé.

ELIZABETH MARTICHOUX
Elles restent les mêmes. Question pratique. Les piscines, les bibliothèques, les salles de sport, elles rouvrent dès ce lundi ?

OLIVIER VERAN
Les salles de sport ont déjà rouvert dans toutes les zones vertes depuis 15 jours, elles vont pouvoir rouvrir en Ile-de-France.

ELIZABETH MARTICHOUX
Dès aujourd'hui, les piscines ?

OLIVIER VERAN
Les règles applicables aux zones vertes ont vocation à s'appliquer dans les zones vertes. L'Ile-de-France, nous l'avions dit, c'était un déchirement, ne pouvait pas basculer en vert il y a 15 jours compte tenu du niveau notamment d'occupation des réanimations, le niveau d'occupation des réanimations par des malades atteints de coronavirus a baissé en dessous du seuil de 40 % que nous avions fixé, dès lors il n'y a pas de raison de traiter de façon différenciée l'Ile-de-France du reste du territoire national.

ELIZABETH MARTICHOUX
Je reviens, pardon, un petit retour en arrière sur les écoles, parce que je me disais, en vous entendant… bon, d'abord, ce n'est pas très précis encore, les parents se demandent ce matin comment ça va se passer…

OLIVIER VERAN
Ils auront toutes les réponses Elizabeth MARTICHOUX, ils auront toutes les réponses…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous leur dites quoi, n'ayez pas peur…

OLIVIER VERAN
Jean-Michel BLANQUER réunit l'ensemble des partenaires pour leur expliquer, discuter, concerter, ils auront toutes les réponses.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous, le ministre de la Santé, vous dites quoi aux parents, n'ayez pas peur ?

OLIVIER VERAN
Mais j'ai dit aux parents, le 11 mai, que les conditions de réouverture des écoles étaient des conditions qui permettaient…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais dans des conditions qui seront tellement différentes, et puis là ça va être tous les jours, et pas deux jours par semaine.

OLIVIER VERAN
Il y a 10 secondes vous me posiez la question de savoir quelles seraient ces conditions, et maintenant vous dites qu'elles sont tellement différentes. Je vous dis qu'il y a un certain nombre de règles qui ne changeront pas, qui sont des règles pour éviter qu'il y ait des brassages de groupes, que les enfants soient sans arrêt les uns sur les autres. Il y a évidemment un cadre qui va rester fixé pour les écoles de manière à permettre, comme nous l'avons fait, tranquillement, sans heurts, depuis 4 semaines, la reprise progressive de la scolarisation des enfants.

ELIZABETH MARTICHOUX
Les restaurants, ils rouvrent dans la zone verte, mais toujours avec des conditions compliquées, et donc des capacités d'accueil réduites, jusqu'à quand, c'est la clause de revoyure pour les restaurants ?

OLIVIER VERAN
Jusqu'à ce que nous ayons suffisamment de garanties pour être sûrs que nous pouvons laisser des dizaines de personnes se presser dans des lieux clos, confinés, sans risquer de se transmettre un virus qui, on l'a déjà vu, peut avoir des courses mortelles terribles, en France, comme dans le reste du monde. J'attire votre attention…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une question de jours, de semaines ?

OLIVIER VERAN
J'attire votre attention sur le fait que, de la même manière que nous sommes capables de prendre des mesures d'allègement des contraintes, des mesures de déconfinement, y compris plus rapides qu'escompté, nous serons capables, si la situation l'exigeait, de reprendre des mesures de protection des personnes et des populations, de manière sectorielle…

ELIZABETH MARTICHOUX
Quels seraient les indices d'ailleurs Monsieur le ministre qui feraient qu'effectivement l'épidémie reprend avec vigueur ?

OLIVIER VERAN
Nous avons plusieurs indicateurs que nous suivons au jour le jour. D'abord, ce qu'on appelle la circulation du virus, c'est ce qu'on appelle l'incidence, c'est le nombre de personnes malades sur 100.000 habitants, aujourd'hui il est inférieur à 5, et nous avons fixé des seuils d'alerte, j'ai eu l'occasion de le présenter avec le Premier ministre en conférence de presse. Ensuite vous avez le taux de positivité des tests, territoire par territoire, aujourd'hui nous avons une moyenne nationale de, entre 1 et 1,5 % des tests réalisés positifs, s'il y a des endroits où tout d'un coup vous êtes à 8, 9, 10, 15% de tests réalisés positifs, cela veut dire que nous avons atteint une cote d'alerte et que nous sommes capables de réagir.

ELIZABETH MARTICHOUX
(Inaudible)

OLIVIER VERAN
Non, même bien avant : il y a d'autres indicateurs, le nombre d'appels au SAMU, le nombre de malades admis aux urgences pour suspicion de coronavirus, le nombre d'hospitalisations, le nombre d'appels en médecine de ville, nous avons une batterie d'indicateurs, territoire par territoire, que nous suivons au jour le jour. Ils sont tellement fins, ces indicateurs, que, il suffit, je pense par exemple à une région française vendredi dernier, je crois que c'était vendredi, ou jeudi dernier pardon, où il y a eu un dépistage systématique dans une zone agricole, où il y a une trentaine de personnes qui étaient positives et qui vivaient ensemble, et ces 30 tests positifs ont suffi à entraîner des warnings, à l'échelle de toute une région, tellement nous avons un pilotage fin de ces indicateurs. Ça ne veut pas dire que nous captons tous les cas, il faudrait pour cela être capable de dépister tous les jours, tout le monde, et évidemment ce n'est ni souhaitable, ni réalisable, en revanche 99 % des gens qui sont dépistés sont négatifs, ce qui veut dire que le testing il est très large.

ELIZABETH MARTICHOUX
Juste, pour revenir à ma question, vous n'avez pas tout à fait répondu, à quand la clause de revoyure pour vraiment libérer les restaurants, par exemple de toutes les contraintes, c'est une question de jours, de semaines, de mois, vous pensez que ce n'est pas avant septembre, c'est pendant l'été ?

OLIVIER VERAN
Je n'ai pas de boule de cristal, et croyez-moi, si j'en avais eu une, ça aurait été très agréable, si j'en avais une aujourd'hui ça me permettrait de vous répondre et de répondre à d'autres questions que vous ne manquerez pas ne posait, comme sur les risques de reprise, sur l'automne prochain, etc. Tout ce que je peux vous dire c'est que nous surveillons, nous regardons et nous prenons des décisions qui sont proportionnées, et nous faisons aussi une observation étroite de ce que font nos voisins, et avec quels résultats.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc, une question de semaines ?

OLIVIER VERAN
Et donc le président de la République a déjà annoncé une levée d'un certain nombre de contraintes, il ne faut pas aller trop vite.

ELIZABETH MARTICHOUX
Olivier VERAN, résurgence en Chine, avec, on l'a appris ce matin, le placement en quarantaine de 10 nouveaux quartiers de Pékin, que savez-vous de l'ampleur de cette reprise de l'épidémie en Chine et est-ce que vous avez des informations fiables, selon vous ?

OLIVIER VERAN
Je n'ai pas d'informations fiables, au sens fiables tel que vous l'entendez ou tel que je pourrais les avoirs si on parlait, je ne sais pas, de la Drôme ou de l'Ile-de-France, en revanche j'ai des signes de vigilance et d'alerte qui montrent que les Chinois font très attention à ce qu'il n'y ait pas de reprise et de diffusion communautaire du virus, et donc ils prennent des décisions par anticipation, et ils ont choisi de confiner une partie de la population de Pékin pour préserver… de la même manière que d'autres pays peuvent aussi avoir des signaux de vigilance, Lisbonne ce matin a donné des signaux d'alerte…

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que ça vous inquiète ?

OLIVIER VERAN
Mais je suis à la fois en permanence…

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que ça vous fait dire eh bien voilà, la Chine, d'autres pays, ça va nous arriver ?

OLIVIER VERAN
Cela fait des mois, Elisabeth MARTICHOUX, que je ne suis pas inquiet, mais vigilant, déterminé et à l'action, la différence elle est là. Quand on est inquiet c'est qu'on regarde, les bras ballants, en se disant mon Dieu j'espère que ça ne va pas me tomber dessus, en l'occurrence ce n'est pas ce que nous faisons.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais vous comprenez le sens de ma question.

OLIVIER VERAN
Bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que ce sont des indices qui font dire que, inévitablement, on va revenir à des confinements même localisés ?

OLIVIER VERAN
Est-ce que vous m'avez entendu dire que nous n'entendrions plus parler du coronavirus, est-ce que vous avez entendu le président de la République dire que la guerre était gagnée et qu'on n'en entendrait plus parler…

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, il a parlé de première victoire, mais hier il a dit quand même « on ferme la porte à cette étape de confinement. »

OLIVIER VERAN
Mais oui, nous fermons la porte à une étape de confinement, ça ne vous aura pas échappé, et tant mieux qu'on ferme la porte à une étape de confinement, tant mieux, tant mieux, mais nous ne fermons pas la porte à la prise en charge des malades, y compris d'ailleurs ceux qui ont été malades et qui attendent beaucoup de réponses, y compris nous ne fermons pas la porte au dépistage, nous ne fermons pas la porte au contact tracing, nous ne fermons pas la porte à des mesures de précaution, de prévention, pour éviter la dissémination du virus et la reprise de l'épidémie.

ELIZABETH MARTICHOUX
Puisque vous êtes vigilant et prudent, est-ce que vous pouvez dire ce matin, oui, on aura, de façon presque inévitable, à nouveau des confinements localisés ?

OLIVIER VERAN
Je ne fais pas partie de celles et ceux qui se sont succédés sur les plateaux pour vous affirmer des choses dont ils n'étaient pas sûrs, Elizabeth MARTICHOUX, ce que je vous dis, je ne dis pas que j'ai raison quand je vous le dis, mais tout ce que je vous dis, je vous le dis avec suffisamment d'éléments étayés et avec suffisamment de conviction.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, ce qu'a dit le président hier, et ça fait partie des deux petites phrases qui intriguent ce matin, d'abord c'est « nous n'avons pas à rougir, nous devons être fiers », ce n'est pas un peu fort de café de dire ça aux Français, alors que nous ne connaissons pas encore le nombre final de morts qu'aura fait l'épidémie, je ne sais pas d'ailleurs quand on le connaîtra, ce n'est pas plutôt de la modestie qu'il faudrait afficher, plutôt que cette forme d'autosatisfaction ?

OLIVIER VERAN
Alors, vous tirez des conclusions qui ne sont pas du tout celles que j'ai tirées en écoutant le président de la République hier soir. D'abord vous posez une question sur… vous dites on ne connaît pas le nombre de morts, vous avez une publication, qui est très fiable dans notre pays, qui s'appelle la publication des données de l'INSEE, qui est un organisme public qui publie des données très intéressantes, basées sur les certificats de décès, et sur la base de tous les certificats de décès, l'INSEE a fait une comparaison de la mortalité dans notre pays, sur les périodes de l'épidémie, par rapport à la même période l'année dernière et il y a 2 ans, ils estiment qu'il y a eu entre 20 et 30.000 morts de plus qu'attendu. Nous avons, à ce stade, déclaré 29.000 morts de plus que prévu, liées au coronavirus, donc il n'y a pas de morts cachées. Ensuite, sur la fierté, eh bien moi je ressens de la fierté, Elizabeth MARTICHOUX, pas à titre personnel, pas pour l'action que j'ai menée, de la fierté pour mes troupes, pour les équipes, dans les agences régionales de santé, de l'Assurance maladie, des médecins, des blouses blanches, des infirmières, des ambulanciers, de toutes celles et ceux qui ont sauvé des vies sans relâche semaine après semaine. Est-ce que l'hôpital français a craqué, je pose vous la question, est-ce que l'hôpital français a craqué, est-ce que vous avez eu des gros titres sur « l'hôpital n'en peut plus, l'hôpital n'y arrive plus » ? Non. C'est important de le reconnaître.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais compte tenu de la souffrance, l'hôpital public a souffert.

OLIVIER VERAN
Mais l'hôpital public a plié, mais n'a pas rompu, à aucun moment, à aucun moment. Je suis très fier que la France ait pu réaliser plus de 600 évacuations sanitaires, par bateau, par avion, par hélicoptère, par train, et qu'elle ait pu sauver ainsi autant de vies…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors prenons l'autre phrase, « nous n'avons pas à rougir », sous-entendu nous avons fait ce qu'il fallait faire. Quand on voit qu'il a fallu effectivement, le 16 mars tout arrêter, toute l'activité, au prix d'une crise économique qui va être monstrueuse, parce que nous n'étions pas prêts, est-ce que ce sont les bons mots, Olivier VERAN ?

OLIVIER VERAN
Vous savez, c'est très franco-français, et la question que vous posez je n'ai pas entendu un journaliste étranger ou européen, et croyez-moi j'ai regardé beaucoup de questions à l'étranger, poser ce type de question. Elizabeth MARTICHOUX, vous avez deux tiers de la population mondiale qui ont été confinés pendant des semaines, deux tiers de la population mondiale, deux tiers de la population mondiale, quand nous prenons les mesures de confinement il y avait plus de 80% de la population française qui trouvait que nous les prenions presque trop tard, une fois que nous les avons prises, la question a commencé à se poser de savoir s'il fallait les prendre ou non, c'est ainsi. Ce que je veux vous dire c'est que le confinement, vous avez des études d'organismes indépendants étrangers, internationaux, prenez l'étude de l'Imperial College of London, on ne peut pas soupçonner les Anglo-Saxons d'être bienveillants vis-à-vis de la politique qu'on peut mener, a priori, ils estiment qu'on aurait pu sauver jusqu'à 690.000 vies en France, rien qu'avec le confinement. S'il y a une mesure que je ne regretterai jamais c'est d'avoir été capable de protéger, nous avons pris une décision qui était très difficile, quand je dis très difficile, ce n'est pas pour nous, c'est pour les Français, parce que justement la vie économique s'est arrêtée, parce que la vie sociale s'est arrêtée, parce que la vie éducative, ne s'est pas arrêtée grâce à la mobilisation des enseignants, mais ça a été difficile pour tout le monde, et notamment pour les enfants et leurs parents. Cette mesure de protection, Elizabeth MARTICHOUX, vous ne pouvez pas dire aujourd'hui qu'elle aura été excessive dans la mesure où deux tiers de la planète l'ont prise et que les pays qui ne l'ont pas prise continuent d'avoir une courbe qui augmente, y compris les pays qui avaient plein de masques, qui avaient plein de tests, etc.

ELIZABETH MARTICHOUX
J'entends votre plaidoyer, on y reviendra. Allez, il reste quelques secondes, ça va être court, mais vous allez faire une punchline, en tout cas vous allez être bref. Les soignants défilent demain pour l'hôpital, qu'est-ce que vous leur dites ce matin, très vite ?

OLIVIER VERAN
Qu'on travaille, qu'on avance, plus de 100 consultations au niveau national, l'enquête que j'ai mise en ligne…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est le Ségur.

OLIVIER VERAN
L'enquête que j'ai mise en ligne il y a une semaine a recueilli 70.000 réponses ce matin, 70.000 réponses déjà…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ils auront leur revalorisation à hauteur de leurs attentes ?

OLIVIER VERAN
Ils auront une revalorisation, nous allons transformer aussi les métiers, les compétences, nous allons mettre plus de prévention, nous allons casser les silos entre la ville et l'hôpital, nous allons permettre aux EHPAD de mieux travailler avec les hôpitaux, nous allons limiter la bureaucratie, nous allons repenser la place des usagers, la place des collectivités, c'est un travail immense qui aurait pu prendre 2 ans, et nous nous sommes fixé comme délai un seul mois pour avancer. Je les remercie, parce que je vous assure que les contributions des soignants, des élus, des usagers, sur tout le territoire national, il y a des… c'est-à-dire des retours d'expérience, dans toutes les régions de France, depuis des semaines, ça nous enrichit énormément, ça nous permet d'avancer, le rendez-vous est fixé avec eux, ils savent que d'ici à début juillet ils auront toutes les réponses aux questions qu'ils posent et aux revendications qu'ils portent, légitimement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Allez, juste un dernier mot sur le plan politique. Hier il a beaucoup dit « je vais », « je propose », etc., Emmanuel MACRON, il y avait un message derrière ?

OLIVIER VERAN
Il y a le message qu'il est à l'écoute, qu'il est au travail. Il a fixé des objectifs très clairs, l'écologie, la souveraineté, l'économie, la solidarité, la santé…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'a pas cité son Premier ministre, enfin il n'a pas cité le nom du Premier ministre, il a dit « le gouvernement », c'était « je, je, je » hier ?

OLIVIER VERAN
Il a parlé de la France, c'est le plus important… non, il a parlé de la France, il a parlé de notre pays, il a parlé des collectivités, il a parlé de décentralisation, de déconcentration, il a parlé des quartiers, il a parlé de la lutte contre les discriminations, il a eu un discours qui était extrêmement fort sur la République, c'est cela que j'entends, moi, quand j'entends le président de la République, c'est le discours qui est fort, c'est le discours qu'il nous faut entendre. On a trois à quatre semaines avant une prochaine intervention présidentielle qui va fixer un cap plus précis, sans doute, c'est à lui de le fixer, il écoute, il consulte, il concerte, c'est aussi pour ça que nous l'avons élu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes ministre depuis 4 mois, vous le serez encore dans quelques mois ?

OLIVIER VERAN
Je ne sais pas, on verra, je suis au travail.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le souhaitez ?

OLIVIER VERAN
Mais je ne me pose même pas la question.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le souhaitez ?

OLIVIER VERAN
Je ne me pose pas la question, je suis au travail.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est peu probable.

OLIVIER VERAN
Non, mais je suis passionné par ce que je fais aujourd'hui, je suis passionné par les missions que je porte, et j'ai envie de porter aussi des très fortes politiques de solidarité dans notre pays, il faut qu'on lutte contre les discriminations, les inégalités de santé…

ELIZABETH MARTICHOUX
On aura l'occasion d'en reparler de la lutte contre les inégalités, c'est aussi dans votre ministère.

OLIVIER VERAN
Oui, mais il faut pouvoir prendre le temps d'en parler aussi.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Olivier VERAN d'avoir été ce matin sur LCI.

OLIVIER VERAN
Merci pour l'invitation.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 juin 2020