Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, à BFMTV le 16 mars 2020, sur le confinement, la mise en place du chômage partiel, le point sur la situation globale et les mesures à prendre.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN  

Notre invitée ce matin, Muriel PENICAUD, ministre du Travail. Bonjour.  

MURIEL PENICAUD  
Bonjour.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Alors, nous respectons les consignes, nous sommes un peu plus loin l'un de l'autre, habituellement nous sommes très près, mais là il a fallu respecter, c'est normal, des consignes de sécurité, plus d'un mètre, on est bien d'accord Muriel PENICAUD. Bien. Muriel PENICAUD, le directeur général de la Santé a dit clairement les choses : la situation est inquiétante, elle se détériore très vite. Devant cette situation inquiétante, qui se détériore très vite, faut-il maintenant confiner toute la France ?

MURIEL PENICAUD  
Alors, d'abord, dans les heures qui viennent, il faut appliquer à 100 %, sans exception, toutes les consignes qui ont été faites, non seulement les gestes barrières, la distanciation sociale, éviter tous les déplacements inutiles, on se déplace pour la santé, pour le travail, mais aussi dans les entreprises respecter toutes les consignes qu'on a données hier. Ça c'est une chose. Deuxièmement, en fonction de la situation, de l'évolution de la situation, avec le Conseil scientifique, le président de la République et le Premier ministre évalueront, j'allais dire heure par heure, et jour par jour...

JEAN-JACQUES BOURDIN
 Quand ?

 MURIEL PENICAUD  
Il y a une évaluation continue.

 JEAN-JACQUES BOURDIN  
Non mais, quand le directeur général de la Santé dit : « La situation est inquiétante, elle se détériore très vite ». Très vite, ça veut dire qu'il y a urgence. On est bien d'accord, Muriel PENICAUD.

MURIEL PENICAUD  
On est bien d'accord. Jean-Jacques BOURDIN, dans une situation pareille, c'est une tempête, tout le monde doit être à son poste.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
 Oui.

MURIEL PENICAUD  
Ministre du travail, moi je m'occupe de protéger les salariés, de protéger l'emploi.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
 Je comprends, on va y revenir.  

MURIEL PENICAUD  
Le ministre de la Santé, avec le président de la République et le Premier ministre et le Conseil scientifique, ils prennent les évaluations et ils prennent des décisions qui sont au-dessus de tout, qui sont sur la santé.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
 Alors, je ne vais pas vous parler des décisions de ce matin...

MURIEL PENICAUD  
Chacun à son poste, c'est important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
 ... mais de l'urgence de la décision. Est-ce qu'il y aura une décision aujourd'hui ?

 MURIEL PENICAUD
 C'est à eux d'évaluer, ils sont en continu, s'ils estiment qu'il faut prendre une décision aujourd'hui, ils la prendront, si c'est demain, c'est demain, ils là prendront si c'est nécessaire, quand c'est nécessaire.  

JEAN-JACQUES BOURDIN
 Bien. Confinement de toute la France, ou confinement de certaines régions, là encore nous verrons quelles sont les décisions prises, mais il y a urgence, la situation est inquiétante, je le rappelle ce matin, et je ne veux pas donner des leçons au pouvoir politique, je ne suis pas médecin, ni vous...

MURIEL PENICAUD  
Ni moi.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Mais rappelle ce que dit le directeur général de la Santé : « La situation est inquiétante, elle se détériore très vite ». Donc il faut, sur le confinement, que la décision soit prise très vite.  

MURIEL PENICAUD  
Alors, je voudrais dire aussi que chaque heure et chaque jour compte, et que quelqu'un peut faire... chacun peut faire quelque chose pour sauver des vies. On l'a dit, on le redit, il n'est pas normal qu'il y ait certain qui continuent à se retrouver pour des choses inutiles, à se serrer dans des endroits où on n'a pas besoin de se serrer, à aller au marché à l'heure de pointe. Voilà, toutes ces choses-là. En attendant, c'est important, il faut que chacun comprenne qu'il peut contribuer à sauver des vies. Après, il y a des mesures que l'on prend. Moi j'ai appelé aux employeurs, et j'ai même donné des instructions aux entreprises hier, je les rappellerai tout à l'heure, il y a des choses qu'on peut faire, il y a des choses qu'on ne peut plus faire. Donc, on ne travaille plus de la même façon, et ça c'est vrai dans chaque domaine, et je crois que c'est très important, cet engagement de tout le monde à respecter les consignes, c'est ce qui retarde aussi, retarde une situation dramatique.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Stade 3 annoncé au détour d'une intervention du Premier ministre et du directeur général de la Santé, samedi soir, pardon, mais pourquoi Emmanuel MACRON ne l'a-t-il pas annoncé dès jeudi soir ? Pourquoi ?  

MURIEL PENICAUD  
Parce que la situation n'était pas la même jeudi soir. Vous comprenez qu'elle évolue d'heure en heure, et le président de la République a donné le cap, a donné l'esprit et la démarche, et les  orientations, et il revient au Premier ministre et au gouvernement de mettre en oeuvre, au fur et à mesure, les décisions.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Ça n'a pas été annoncé jeudi soir, peut-être parce qu'il y avait des municipales.

MURIEL PENICAUD  
Non, attendez...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Alors, je ne veux pas, mais dites-moi...

MURIEL PENICAUD  
Honnêtement, Jean-Jacques BOURDIN...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Mais ce n'est pas une question de polémique, c'est une question de clarté.

MURIEL PENICAUD
 Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Muriel PENICAUD, c'est une question... Je ne vais pas revenir pour savoir s'il fallait ou pas organiser les municipales, ça n'est pas le problème...

MURIEL PENICAUD  
Non, ce que je veux dire, on est dans une situation…

 JEAN-JACQUES BOURDIN  
Le problème est de savoir si, qu'est ce qui s'est passé, simplement, je veux simplement savoir ce qui s'est passé, est-ce que tous les partis politiques, dont le président du Sénat, ne voulaient pas que ces municipales soit annulées ? Oui ou non ?  

MURIEL PENICAUD  
La première boussole c'est le Conseil scientifique. Vous avez compris, toutes les décisions qui sont prises, par le président de la République, par le Premier ministre, par le ministre de la Santé, sont articulées sur les orientations que donne le Conseil scientifique. Il faut se donner ce cap-là, sinon on va faire des décisions qui n'ont pas de sens. Donc ça, le Conseil scientifique jeudi, au vu de la situation sanitaire jeudi, disait que ce n'était pas nécessaire de reporter ou d'annuler les élections. Et puis il y a les discussions avec les partis politiques. Maintenant, on est dans une situation nouvelle, le président de la République et le Premier ministre vont reconsulter le Conseil scientifique ou reconsulter les partis politiques, et ils prendront leur décision, s'il y a lieu.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bien, s'il y a confinement, il n'y a plus de second tour évidemment. Dites-moi, l'Allemagne ferme ses frontières avec la France. Les premiers contrôles ont eu lieu ce matin.

MURIEL PENICAUD  
Alors, elle ne ferme pas complètement ses frontières, il faut être précis, elle les ferme sauf pour les frontaliers, pour les travailleurs frontaliers et les transports de marchandises importants. Ça veut dire qu'il y a des contrôles aux frontières. Alors, moi j'ai eu mon collègue allemand, Hubertus HEIL, il y a 3 jours, ou 4 jours, c'était jeudi. Nous avons convenu des modes d'emploi pour les travailleurs frontaliers qui vont en Allemagne. Et c'est la même chose pour le Luxembourg, c'est la même chose pour les autres pays frontaliers. Soit les travailleurs français sont appelés à rester en France, dans ce cas-là ils touchent leur salaire, soit ils sont mis en chômage partiel et ils ont un chômage partiel comme nous mettons en place en France. Et donc, dans tous les cas ils ne sont pas pénalisés, j'allais dire du point de vue rémunération. Et c'est à l'entreprise d'évaluer comment elle s'organise dans ce contexte-là. Mais certains des frontaliers vont travailler, mais ils ont un contrôle à la frontière.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Avant de parler des commerces ouverts ou fermés, en France, des décisions prises et du décret paru hier, Muriel PENICAUD, j'ai deux, trois questions à vous poser. Vous êtes ministre du Travail, pourquoi est-ce que les personnels de santé, mobilisés, n'ont pas le transport gratuit ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, de toute façon, la plupart des... Il y a déjà des systèmes d'aide au transport. Aujourd'hui, il n'y a pas de demande là-dessus...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Gratuité des transports pour tout le personnel de santé.

MURIEL PENICAUD  
Ils ne l'ont pas demandé, leur demande c'est d'avoir des transports, je veux dire, les aspects financiers on peut les regarder, après ils ne l'ont pas demandé...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Non mais d'accord, mais...

MURIEL PENICAUD  
Non, attendez, bon, vous vous faites l'avocat d'une demande qui n'a pas été faite...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bon, d'accord.  

MURIEL PENICAUD  
Peu importe, mais...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Est-ce qu'il va falloir, à un moment donné ou un autre, vu leur dévouement, leur offrir des primes ?

MURIEL PENICAUD  
Mais de toute façon, là ils sont... Il y en a beaucoup qui travaillent en heures supplémentaires, qui travaillent, je vous ai dit, en jour et nuit, moi je voudrais à nouveau saluer, mais je crois qu'il faut qu'on soit tous solidaires avec eux...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Oui, tous.  

MURIEL PENICAUD  
Vous les entendez sur tous les plateaux. Qu'est-ce qu'ils disent ? Ils disent : ne nous plaignez pas, aidez-nous, aidez-nous en respectant les consignes, en ne faisant pas des actes dangereux, c'est comme ça qu'on les aide le mieux, pour l'instant. Et après, évidemment, il faudra les reconnaître.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Quand est-ce que les services de garde pour leurs enfants seront en place ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, les services de garde pour leurs enfants sont en place depuis ce matin...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Depuis ce matin.  

MURIEL PENICAUD  
Dans les collèges et les écoles, donc je rappelle comment ça se passe. Si vous avez un enfant de moins de 16 ans, et que vous n'avez pas de solution de garde, et donc il ne peut pas aller à l'école, à ce moment-là vous restez chez vous, vous êtes en arrêt maladie sans être malade, on a pris un décret comme ça, et vous avez donc, dès le premier jour, sans délai de carence, vous avez vos arrêts maladie. Si vous êtes personnel soignant ou médicosocial, indispensable évidemment dans la situation, à ce moment-là, dans les collèges et les écoles sont organisées des activités en petits nombres, évidemment pour les protéger, avec des personnels, pour être sûr, sûr, sûr, que tous les personnels soignants puissent se rendre sur leur lieu de travail.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Crise sanitaire, urgence, assouplissement des règles du Code du Travail, Muriel PENICAUD ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, on a déjà pris une mesure, j'ai déjà pris une mesure vendredi soir à la demande de la distribution et de la logistique. Ça ne vous a pas échappé que beaucoup de Français inquiets, ont fait des provisions pour 3 mois au lieu d'une semaine. Bon, en vrai ça ne sert pas grand-chose parce que nous n'avons, avec Bruno LE MAIRE et la grande distribution, aucune inquiétude sur la pénurie...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Pas de pénurie.

MURIEL PENICAUD  
On est un grand pays agroalimentaire, il n'y pas de souci. Mais il y a eu des inquiétudes, et du coup il y a des rayons vides. Donc j'ai pris déjà un arrêté vendredi soir, qui autorise le travail du dimanche pour tous les entrepôts et toute la logistique de l'alimentaire.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
On va élargir, on pourra élargir ou pas ?  

MURIEL PENICAUD  
En sortant d'ici je revois, je revois par visio, les 50 fédérations professionnelles avec Bruno LE MAIRE, s'ils nous demandent d'aller plus loin, on ira plus loin. Evidemment, le fait d'assurer que tous les biens alimentaires soient présents, est priorité...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Ouvrir tous les magasins d'alimentation le dimanche par exemple.

MURIEL PENICAUD  
Ce n'est pas forcément la priorité...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Les grandes surfaces.  

MURIEL PENICAUD  
On verra. Pour l'instant, ce n'est pas le sujet, mais ça peut l'être dans les heures qui viennent.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Ça peut l'être ?

MURIEL PENICAUD  
Moi, toute demande des professionnels, qui permet d'assurer la continuité...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Seront entendus ?  

MURIEL PENICAUD  
Dans les 3 heures on répond et la plupart du temps on répond oui, si c'est fondé.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Le travail de nuit ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, le travail de nuit existe déjà, il est déjà encadré, si on a des demandes en cas d'urgence, on regardera favorablement.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
L'emploi à domicile, j'y pense beaucoup parce qu'on en parle peu.  On parle beaucoup des entreprises, mais l'emploi à domicile, c'est la propreté, c'est le nettoyage, ce sont les assistantes maternelles, les nounous à domicile. Pas de chômage partiel, alors que faire ?

MURIEL PENICAUD  
Alors, la loi ne prévoit pas de chômage partiel pour les assistantes maternelles et pour l'emploi à domicile. Donc j'ai soulevé le point, et hier soir nous avons pris une décision, donc je vous l'annonce ce matin, Jean-Jacques BOURDIN, on a pris une décision, c'est qu'on va mettre en place un système similaire au chômage partiel, pour que si une assistante maternelle ou si une femme de ménage à domicile, ou quelqu'un qui travaillent à domicile, ne peut plus exercer son activité, parce que  l'employeur ne peut plus le faire, ou partiellement, souvent elles ont plusieurs contrats, je dis « elles », parce que ce sont beaucoup des femmes, si elles ont plusieurs contrats et qu'elles ne peuvent pas, s'il y en a certains qui sont annulés, à ce moment-là elles toucheront 80 % de leur salaire sans aller travailler, c'est l'employeur qui fait l'avance, et on leur remboursera à travers le CESU. Donc on fait un système comme le chômage partiel, je prendrai, nous prendrons le décret dans les heures qui viennent, et donc pour que ça soit opérationnel tout de suite, cette semaine.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Voilà. Si j'emploie à travers le CESU, une personne à domicile, quelle que soit l'activité...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Et que vous, vous êtes confiné ou malade, et donc c'est mieux qu'elle ne vienne pas, à ce moment-là elle perd son activité, et là elle bénéficiera de 80 % de son salaire sans venir chez vous.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bien. Et les indépendants ? Je pense beaucoup aux indépendants.  

MURIEL PENICAUD  
Moi aussi...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Qui va les payer ?

MURIEL PENICAUD  
Alors, pour les indépendants il y a plusieurs sujets. Il y a le sujet d'abord, tout le monde est égal en termes de santé, donc parmi les indépendants, comme les chez les salariés ou les fonctionnaires, il y a des personnes vulnérables, qui ont des pathologies graves, respiratoires, un cancer, d'autres activités, eux ils ont le droit aux indemnités journalières, à l'arrêt maladie immédiat et complet, quel que soit leur statut. Mais au-delà de ça c'est le problème de la perte de chiffre d'affaires, et donc avec Bruno LE MAIRE, là aussi nous travaillons avec les représentants des indépendants. L'idée, puisque le chômage partiel, il faut qu'il y ait une paie, pour pouvoir rembourser sur la base d'une paie...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Eh oui, alors, comment on fait ?  

MURIEL PENICAUD  
Donc ça ne marche pas, ils n'ont pas de paie...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Mais non.

MURIEL PENICAUD  
Et donc l'idée c'est d'avoir probablement, soit un fonds d'indemnisation, soit utiliser les arrêts maladie, en faisant encore une dérogation aux arrêts maladie. On voit ça dans les heures qui viennent, là aussi...

JEAN-JACQUES BOURDIN
 Là aussi il y aura des mesures ?  

MURIEL PENICAUD  
Il y aura quelque chose, oui, bien sûr, les artisans, agriculteurs, commerçants, il y aura quelque chose, là, mais on est en train d'y travailler, d'ici un ou deux jours il y aura quelque chose.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Parce qu'on ne peut pas rester comme ça en rase campagne.  

MURIEL PENICAUD  
Bien sûr, on ne laisse personne. On ne doit laisser personne au bord du chemin, personne dans la détresse, il faut protéger les vies, il faut protéger le travail, il faut protéger le revenu, pour que ça ne soit pas une catastrophe économique et sociale, en plus de la catastrophe sanitaire.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Le chômage partiel, alors on est bien... Bruno LE MAIRE nous donnait déjà beaucoup d'informations vendredi matin, le chômage partiel, combien de personnes vont être au chômage partiel aujourd'hui ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, je ne sais pas mais je sais déjà que par exemple la décision prise par le Premier ministre de fermer les commerces non alimentaires, les bars, les restaurants...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Je vais y venir, oui.

MURIEL PENICAUD  
Eh bien ce sont 2 millions de salariés, donc qui sont depuis hier matin en chômage partiel. Et nous avions déjà plus de 100 000 demandes avant. Donc ça va beaucoup augmenter. Comme l'a dit le président de la République, quoi qu'il en coûte, nous privilégions le chômage partiel. Pourquoi ? Parce que le chômage partiel...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Y compris pour les apprentis.

MURIEL PENICAUD  
Y compris les apprentis. Alors, moi j'ai un message aux employeurs ce matin : si vous êtes en difficulté d'activité économique, complète ou partielle, ne licenciez pas. Ne licenciez pas. Mettez tout le monde en chômage partiel ça permet aux salariés, ou à l'apprenti, d'avoir 84 % de sa rémunération. L'entreprise sera remboursée, sous 10 jours...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
84 % du salaire net ?  

MURIEL PENICAUD  
Du salaire net, en gros ce qui vous arrive à la fin du mois. 84 %, et surtout ne licenciez pas. Pourquoi ? Parce que sinon c'est de la casse sociale. Et puis deuxièmement, comment on va repartir demain, s'il n'y a plus de compétences dans les entreprises ? Donc on va ressortir plus fort, plus vite, si on ne licencie pas, et surtout pour éviter le drame social. Donc vraiment j'en appelle aux employeurs, il n'y a aucune raison de licencier, nos services sont en permanence en train d'accorder, et j'ai décidé aussi qu'on le ferait à titre rétroactif, c'est-à-dire le jour de votre demande, c'est ça qui démarre, parce que l'administration peut-être elle mettra deux jours, trois jours, cinq jours à répondre, ce n'est pas la date de la réponse de l'administration qui compte, c'est le jour de votre demande, par exemple ceux qui ce matin n'ouvrent pas, eh bien même si la réponse est dans trois jours, ils auront depuis ce matin la prise en charge du chômage partiel.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Le télétravail. Ça représente quoi ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, mon autre demande...  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
30 % ?  

MURIEL PENICAUD  
On estime à 8 millions d'emplois, c'est-à-dire un sur trois qui peut être fait en télétravail. Alors là, maintenant, ça doit être d'office, c'est-à-dire qu'on ne finesse pas...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
C'est systématique.

MURIEL PENICAUD  
C'est systématique là, on ne demande pas si c'est possible et tout.

 JEAN-JACQUES BOURDIN  
Celui qui peut travailler, télétravaille.

MURIEL PENICAUD  
Il travaille chez lui, et d'ailleurs je dirais même, il appelle son employeur pour dire : « on est bien d'accord, je suis en télétravail », il ne va pas, sauf s'il doit récupérer son ordinateur et repartir, il reste chez lui. Donc là, je pense qu'il y a des millions de personnes qui ce matin doivent être en télétravail. Et les employeurs doivent faire quoi ? Organiser le télétravail, ils doivent, pour ceux qui ne peuvent pas aller en télétravail et qui peuvent travailler, parce ce n'est pas des personnes vulnérables, à ce moment-là, ils doivent absolument organiser le travail. Les réunions inutiles, on les faits en visio, on les fait au téléphone, pas de déplacements inutiles, dans les usines on fait des rotations d'équipes différentes, on change l'organisation du travail, donc si l'activité continue, vous changez la manière de travailler. On peut soit fermer, c'est le chômage partiel, soit vous continuez et on ne travaille plus de la même façon.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Alors, pas de télétravail dans mon métier, j'ai un enfant moins de 16 ans...

MURIEL PENICAUD  
Alors, beaucoup de monde dans les médias... Ah oui...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Alors, j'ai un enfant de moins de 16 ans à garder, je suis seul, parce que je suis famille monoparentale, je fais comment ?

MURIEL PENICAUD  
Alors, si vous gardez l'enfant, vous êtes en arrêt maladie, indemnisé.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
En arrêt maladie, ok.

MURIEL PENICAUD  
De toute façon, en fait vous êtes soit au travail, soit en chômage partiel, soit en arrêt maladie, il y a personne qui est laissé de côté.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bien. Fermeture dès minuit donc des lieux recevant du public. Alors le décret est paru hier, il s'est élargi, le décret donne la liste des magasins qui peuvent continuer leur activité, qui s'ajoute à celle que l'on connaît déjà : les pharmacies, les stations-services, les bureaux de tabac, les banques. Mais j'ai vu qu'il y avait d'autres catégories aussi.

MURIEL PENICAUD  
Oui, alors, ce décret va être publié, répété partout, la liste sera dans la Presse. Donc il y a beaucoup de commerçants évidemment qui ferment...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Professionnels spécialisés dans l'entretien, la réparation de véhicules automobiles, de véhicules 2 roues, engins et matériel agricole, réparation de motocycles et cycles, et dans l'alimentaire par exemple, les poissonneries, les boucheries qui pourront rester ouvertes.  

MURIEL PENICAUD  
Exactement. Donc, ce qui est clair, c'est que je le répète, tous ces magasins qui doivent fermer, tous automatiquement leurs salariés doivent être en chômage partiel pour sauver leurs revenus et leur emploi, et ne pas perdre leur contrat, et aussi pour qu'on garde les compétences. Donc  tous ces secteurs-là, automatiquement ils sont en chômage partiel à partir du moment du décret.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bien, chômage partiel, et les PME, les commerçants seront aidés, prêts, trésorerie, on est bien d'accord.  

MURIEL PENICAUD  
Oui, absolument. Prêtes, trésorerie, report de charges, sociales et fiscales, sur simple demande, automatique.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Et perte d'exploitation dans les contrats d'assurance ?

MURIEL PENICAUD  
Alors ça c'est un sujet que nous allons discuter tout à l'heure à Bercy, avec Bruno LE MAIRE, et les secteurs professionnels.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Vous êtes favorable ? Vous allez demander aux compagnies d'assurances ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, je n'ai pas tous les tenants et les aboutissants, quand on aura les éléments on prendra une position, mais évidemment, enfin, ce qui est certain c'est qu'il ne faut pas pénaliser notre tissu de petites moyennes entreprises, c'est la richesse de la France, c'est la richesse de notre territoire, et je peux vous dire, en termes d'emploi, c'est ma priorité.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
La perte d'exploitation... Mais c'est essentiel la perte d'exploitation !  

MURIEL PENICAUD  
De toute façon, d'une façon ou d'une autre, il faut la couvrir. Alors, est-ce que c'est les assurances, le secteur public ? Il faut de toute façon aider les petites entreprises.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Et on fige les découverts ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors ça, ça fait partie des sujets, enfin bon, c'est la réunion de tout à l'heure.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bon, d'accord, mais là aussi c'est une question importante.

MURIEL PENICAUD  
C'est une question très importante.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Je me fais l'avocat de toutes celles et ceux, vous les connaissez, je les connais.  

MURIEL PENICAUD  
Non mais ne vous inquiétez pas, Bruno LE MAIRE et moi sommes aussi leurs avocats, on est auprès d'eux.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bon, les réformes, l'assurance chômage, c'est repoussé, reporté ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, la réforme de l'assurance chômage a été conçue dans un contexte qui n'a rien à voir avec ce qu'on vit aujourd'hui, qui est aujourd'hui une situation exceptionnelle. Donc j'ai proposé au président de la République et au Premier ministre, qu'on reporte les nouvelles règles qui devaient arriver au 1er avril, qu'on les reporte au 1er septembre. Et ils m'ont dit oui, ils ont accepté, donc je l'annonce : la réforme de l'assurance chômage, les règles qui devaient changer au 1er avril, ne changent plus au 1er avril, sont reportées au 1er septembre, et je publierai un décret dans les 48 heures sur ce sujet.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
La réforme des retraites ?

 MURIEL PENICAUD  
Alors, la réforme des retraites, aujourd'hui encore, on n'a pas encore discuté, vous savez...

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Un projet de loi bientôt au Sénat ?

MURIEL PENICAUD  
Pas encore discuté. La Conférence de financement a bien avancé la semaine dernière, il appartient au président de la République et au Premier ministre d'évaluer. Pour l'instant on traite l'urgence sanitaire, d'urgence économique et sociale, les réformes de long terme on a quelques jours pour en discuter.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Mais ne doit-on pas suspendre les travaux de la Conférence de financement, franchement ?  

MURIEL PENICAUD  
Non, je vais vous dire. La priorité du jour c'est tout ce qu'on a évoqué, ça, ça sera discuté ou pas dans les jours qui viennent avec les partenaires.

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Dans les jours qui viennent avec les partenaires sociaux. Et au Sénat, les deux projets de loi qui devaient être examinés en avril ?

MURIEL PENICAUD  
Oui, alors il y a des projets, ça dépend... On va voir comment ça se passe. Il faut organiser à l'Assemblée nationale et au Sénat, les conditions qui soient quand même plus sécures que d'habitude, sur l'organisation des travaux. Après on va avoir besoin de lois. Sur les mesures qu'on évoque, il y a plusieurs sujets législatifs, donc on va avoir quand même besoin d'une loi d'urgence, sur certains sujets, pour régler les problèmes des Français d'aujourd'hui. Donc il faut qu'on trouve une manière de pouvoir siéger, notamment sur l'urgence.

 JEAN-JACQUES BOURDIN  
Merci Muriel PENICAUD d'être venue...

MURIEL PENICAUD  
Merci, bon courage à tous !  

JEAN-JACQUES BOURDIN
 ... nous voir ce matin pour donner les dernières informations concernant le monde du travail, notamment.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2020