Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, à France Info le 2 avril 2020, sur la "prime Macron" et le dispositif du chômage partiel rendu nécessaire par la crise du coronavirus et le confinement.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE  
Bonjour Muriel PENICAUD. 

MURIEL PENICAUD  
Bonjour à toutes et à tous.  

MARC FAUVELLE  
A partir de 09h00, vous répondrez donc aux auditeurs de France Info, elles sont nombreuses, sur le chômage partiel, sur les aides aux entreprises, sur les arrêts de travail également et sur les difficultés que rencontrent de nombreux Français en ce moment pour contacter certains services de l'Etat. 01 56 40 41 11, pour interroger directement la ministre du Travail. D'abord est-ce que vous avez une idée, en ce moment, du nombre de Français qui continuent à partir travailler chaque matin ?  

MURIEL PENICAUD  
On ne le sait pas exactement, mais ce qu'on sait déjà c'est qu'il y a tous les parents qui gardent leurs enfants, il y a tous ceux qui sont malades ou personnes vulnérables, et il y a tous ceux qui sont au chômage partiel, les chiffres de ce matin qui sont encore en progression très forte, c'est 400 000 entreprises et 4 millions de salariés, c'est-à-dire 1 salarié sur 5 en France, dans les entreprises ou les associations, est en chômage partiel. 

 MARC FAUVELLE  
Ça, par définition, ce sont ceux qui sont contraints et forcés de rester à la maison. On n'a pas une idée précise… 

MURIEL PENICAUD  
Oui, je dis juste que, voilà, on n'a pas une idée précise de ceux qui vont travailler, mais on sait qu'on en gros il y a la moitié de l'activité économique qui fonctionne, au sens large, économique, et donc je pense qu'il faut penser à deux choses. La première, moi je pense, et on travaille beaucoup là-dessus, à tous ceux qui se lèvent le matin pour aller travailler en ce moment. Ce n'est pas facile, parce qu'il y a les sujets de comment on fait les courses, la famille, les transports, donc ce n'est pas facile. Et puis il y a aussi une certaine peur, une inquiétude que j'entends et je suis sûre qu'on va parler de la protection des salariés, qui pour moi est une priorité. Ce n'est pas facile pour cette deuxième ligne, c'est pour ça qu'on prend des mesures pour les soutenir. Ça n'est pas facile non plus pour ceux qui restent la troisième ligne, comme on dit, qui sont confinés chez eux, et sur lesquels pèse aussi un poids du quotidien qui est compliqué, et donc je crois que l'important c'est vraiment la solidarité entre les soignants qui sont au front pour soigner nos malades, pour sauver des vies, ceux qui vont travailler pour que la vie quotidienne de tous puisse continuer, parce qu'il faut se nourrir, il faut avoir du téléphone, et il faut boire de l'eau propre, de l'eau potable, de l'énergie, l'électricité, etc. Et puis ceux qui sont confinés, et qui sont solidaires des autres par leur confinement, et qui permettent d'éviter la propagation, mais qui doivent aussi jongler avec une organisation du quotidien. Donc je n'ai pas le chiffre exact, c'est une majorité aujourd'hui qui ne vont pas travailler, mais ceux qui vont travailler ont un rôle essentiel pour le pays. 

MARC FAUVELLE   
Alors, on va parler toutes ces lignes Muriel PENICAUD. D'abord, pour ceux qui continuent à aller travailler, le gouvernement propose que leurs entreprises leur versent une prime défiscalisée, qui peut aller entre 1 000 et 2 000 €. Je voudrais vous faire entendre ce que disait tout à l'heure le leader de la CFDT, Laurent BERGER, qui était avec nous sur France Info.  

LAURENT BERGER 
 L'Etat, il ne peut pas le demander aux entreprises privées de le faire, et ne pas le faire lui-même, c'est sûr, mais par contre, cette prime, ça ne peut pas être le salaire de la peur. La priorité des priorités, c'est de protéger les travailleurs et travailleuses, ça doit se faire de bonnes conditions de sécurité.  

MARC FAUVELLE  
Qu'est-ce que vous lui répondez ? 

MURIEL PENICAUD  
Alors, avec les partenaires sociaux, de Laurent BERGER bien sûr, premier syndicat en France, on se parle tous les 2 jours, on a une réunion téléphonique tous les 2 jours. On a beaucoup parlé de cette prime notamment, et évidemment c'est d'abord une prime qui permet à des entreprises qui le peuvent, et qui le veulent, de récompenser ceux qui, des salariés qui vont travailler, notamment ceux qui vont travailler en présentiel, parce que ce n'est quand même pas la même chose d'être en télétravail ou d'être en présentiel, d'être sur le terrain, et qui font les efforts que je dis tous les jours. Donc cette prime, qu'on a annoncée hier, que j'ai annoncée hier au nom du gouvernement, elle va permettre de verser dans ces entreprises, 1 000 € sans condition. Il n'y a pas de charges sociales, il n'y a pas d'impôt pour le salarié, il n'y a pas de charges sociales et pas d'impôt pour l'employeur. Et puis, s'il y a un accord d'intéressement dans l'entreprise, on pourra aller au-delà, on pourra aller jusqu'à 2 000 €. Alors, ce n'est pas une prime obligatoire, mais je crois qu'il y a beaucoup d'entreprises qui souhaitent le faire, et le gouvernement l'encourage, en enlevant ces charges et ses impôts. Après, la question que pose Laurent BERGER sur le secteur privé… le secteur public, on y réfléchit là au sein du gouvernement, comment on va aussi saluer les efforts dans le secteur public. Donc c'est en réflexion très active là ces jours-ci.  

MARC FAUVELLE  
Réflexion très active, ça veut dire que c'est nettement envisagé aussi. L'Etat ne peut pas demander au privé de faire ce qu'il ne fait pas lui-même.  

MURIEL PENICAUD  
Alors, ce n'est pas forcément les mêmes formes, parce que je ne veux pas rentrer dans le juridisme, mais nous pensons effectivement qu'il faut soutenir tous ceux qui ont un rôle essentiel et qui travaillent aujourd'hui.  

MARC FAUVELLE  
Pas uniquement à l'hôpital. 

MURIEL PENICAUD  
Alors… 

MARC FAUVELLE  
En ce qui concerne la Fonction publique. 

MURIEL PENICAUD  
Je vous l'ai dit, c'est en cours de discussion, et donc le Premier ministre l'annoncera le moment venu. 

RENAUD DELY  
Cette prime dans le dans le secteur privé, est-ce qu'elle vise aussi, Muriel PENICAUD, à lutter, à diminuer un certain d'absentéisme qu'on a pu noter dans certains secteurs ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, je crois que ce n'est pas… il y a de l'absentéisme, mais ce qu'on appelle absentéisme d'habitude, n'est pas la même chose dans une période de crise sanitaire. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui sont en arrêt de travail, mais nous-mêmes avons mis en place le système, pour que les parents puissent avoir l'arrêt de travail avec les indemnités maladie, donc au moins jusqu'à 90 % du salaire net pendant cette crise. Or, ils ne sont pas malades, mais ils sont en arrêt de travail comme s'ils étaient malades, les parents. Et il y a aussi toutes les personnes vulnérables, donc autant on a besoin que certains travaillent pour le bien de tous, et qu'il faut donc absolument les protéger, parce qu'il n'est pas question de faire de compromis sur la santé… 

RENAUD DELY  
Alors, comment faut-il les protéger, justement, madame PENICAUD ? 

MURIEL PENICAUD  
… mais en même temps, il faut que le – pardon, je termine – il faut aussi que du coup on ait cette solidarité qui fonctionne vraiment dans l'intérêt de tous et que ces primes aillent à ceux qui font le plus d'efforts aujourd'hui. 

RENAUD DELY  
« Il faut les protéger », vous l'avez répété Muriel PENICAUD, alors comment ces salariés, en particulier ceux qui sont au contact du public, on pense à ceux qui travaillent dans la grande distribution, on pense aussi aux routiers, à des à des tas de métiers comme ça, comment protéger ces salariés ? Est-ce que, eux aussi, après les personnels de santé, ils sont prioritaires, notamment pour obtenir des masques ? 

MURIEL PENICAUD  
Alors, d'abord je voudrais dire que moi je veux que les Français qui vont travailler, ils soient rassurés, et qu'ils sachent qu'ils sont protégés, et qu'ils soient effectivement protégés. Dit autrement… 

RENAUD DELY  
Comment ?  

MURIEL PENICAUD  
Non mais dit autrement, protéger les salariés ça n'est pas négociable. Une entreprise doit protéger ses salariés, c'est non seulement ce que le Code du travail dit, mais… 

MARC FAUVELLE  
Une fois qu'on a dit ça, pardon Muriel PENICAUD, une entreprise qui' n'a pas de masque aujourd'hui, elle fait quoi ? 

MURIEL PENICAUD  
Non, alors d'abord, je crois que tout le monde le comprend, tout le monde l'a compris, le plus efficace c'est les gestes barrières. Dans certains cas, des masques peuvent être utiles, il y a d'ailleurs des cas de figure, il y a des métiers où c'est obligatoire, mais la plupart du temps ce n'est pas forcément la meilleure solution. Donc comment on travaille là-dessus ? Donc d'abord on travaille avec les entreprises, les partenaires sociaux, et on a publié des guides, on en a déjà six qui sont sortis hier, métier par métier, où on dit comment on fait, comment on fait quand on est caissière, quand on est chauffeur livreur, quand on est agriculteur, quand on est auxiliaire de vie, comment on fait pour être protégé efficacement. Et donc on y travaille avec plusieurs ministères, donc bien sûr avec le ministère de la Santé, et le ministère de travail édite ces guides, qui permettent de savoir exactement comment faire, et là les entreprises doivent ensuite les respecter. Ensuite, on a des remontées effectivement des entreprises, et on a tout un système de veille pour vérifier que ces guides, ces préconisations sont mises en place, et j'ai d'ailleurs demandé à Laurent PIETRASZEWSKI, qui est le secrétaire d'Etat aux Retraites, en ce moment on ne travaille plus beaucoup aux retraites… 

MARC FAUVELLE 
 Qui n'a plus trop de travail non plus en ce moment.  

MURIEL PENICAUD 
 … eh bien il va venir m'aider pour qu'on se démultiplie auprès de toutes les entreprises et de toutes les branches professionnelles, avec les partenaires sociaux, pour mettre en place ces guides de bonnes pratiques, qui permettent de se protéger. 

MARC FAUVELLE  
On poursuit dans un instant…

 MURIEL PENICAUD 
 Et je vais vous dire une chose, la production c'est important, mais ce n'est pas la même selon le métier. Comment on fait pour être à plus d'un mètre et comment on fait pour pouvoir se laver les mains toutes les demi-heures ou toutes les heures ? Ce n'est pas la même chose encore une fois quand vous êtes agriculteur, chauffeur livreur, caissière ou auxiliaire de vie. Et donc il faut des guides adaptés à chaque métier. 

MARC FAUVELLE  
On poursuit dans un instant. 08h41, le fil info Laurianne DELANOË.  

MARC FAUVELLE 
Muriel PENICAUD vous venez d'autoriser les médecins du travail à prescrire désormais des arrêts de travail au sein même des entreprises, comment vont-ils le faire s'ils n'ont pas de tests ? 

MURIEL PENICAUD 
Dans les ordonnances que j'ai présentées et que le Conseil des ministres a adoptées hier, il y a effectivement des dispositions concernant la Médecine du travail. Alors, les médecins du travail, et les infirmiers, les services de santé au travail, aujourd'hui ont un rôle important puisqu'ils s'occupent de la santé de 16 millions de salariés, dans le secteur privé, et public d'ailleurs, dont la fonction hospitalière. Donc le mode d'ordre c'est tous mobilisés, tout le monde peut et doit aider dans le contexte de cette crise sanitaire, donc pour cela nous avons demandé aux services de santé au travail, dans cette ordonnance, nous avons autorisé à ne pas faire un certain nombre d'actes qui sont moins urgents par rapport à la crise, pour libérer du temps, pour qu'ils puissent faire plusieurs choses, premièrement aider les entreprises, les comités socio-économiques, les syndicats, les salariés, à mettre en place toutes les mesures barrières, les gestes barrières, les guides de bonnes pratiques dont je parlais avant, et deuxièmement ils pourront prescrire des arrêts de travail liés au Covid-19 et, plus tard, les tests de dépistage, lorsque ça sera le moment. Et donc… 

MARC FAUVELLE 
Pardon, mais sur quels critères Muriel PENICAUD ? Si j'arrive demain matin avec une forte fièvre, on ne va pas me tester demain ici à l'entrée de France Info, on m'arrête ou on ne m'arrête pas ? 

MURIEL PENICAUD 
D'abord, si vous avez une forte fièvre, vous ne venez pas au travail ! 

MARC FAUVELLE 
Oui, vous avez raison… si ma fièvre se déclenche pendant l'interview, imaginons, on m'arrête ou ne m'arrête pas, sur quels critères, comment on fera la différence entre un Covid et une grippe, ou un gros rhume ? 

MURIEL PENICAUD 
Eh bien, comme le médecin généraliste en ville, un médecin du travail c'est un médecin qui a fait les mêmes études, qui a la même expérience, et donc qui pourra, comme le médecin généraliste que vous appelez, eh bien il pourra diagnostiquer et faire un arrêt de travail si nécessaire. 

MARC FAUVELLE 
Et donc je serai placé en quarantaine, enfin chez moi pendant deux semaines ? 

MURIEL PENICAUD 
Si vous êtes en arrêt maladie, vous êtes chez vous, non seulement confiné, mais évidemment vous ne sortez pas de chez vous, pour éviter la contagion, et puis de toute façon, malheureusement, tous ceux qui l'ont, disent que ce n'est pas facile et qu'il faut vraiment se reposer chez soi. 

RENAUD DELY 
Vous évoquiez, Muriel PENICAUD, les guide des bonnes pratiques que vous éditez à l'adresse de plusieurs professions, il y a évidemment des secteurs qui sont totalement ou quasiment totalement à l'arrêt, par exemple le BTP, où plus de 90 % des chantiers sont à l'arrêt, et on a noté, dans certains secteurs, notamment dans le BTP d'ailleurs, on a recueilli des témoignages selon lesquels certains employeurs font pression sur leurs employés pour les faire revenir au travail, et pour les faire revenir au travail ils leur font signer, où ils veulent leur faire signer, des décharges de responsabilité, selon lesquelles ces employés, s'ils reprennent le travail, s'engageraient à ne pas poursuivre leurs employeurs s'ils contractent le coronavirus. Est-ce que c'est légal ce type de pratique ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors, ça n'a aucune valeur juridique, je rappelle que… quelle est l'obligation, la responsabilité de l'entreprise, de l'employeur, qu'il soit d'ailleurs entreprise ou autre, c'est de mettre en place tous les moyens pour protéger les salariés en termes de protection et de sécurité, donc c'est une obligation de moyens comme on dit. Un employeur n'est pas responsable au sens strict si quelqu'un devient malade et attrape le coronavirus, qui peut malheureusement peut être attrapé partout, mais en revanche il est responsable d'avoir mis en place les moyens, s'il n'a pas mis en place le guide de bonnes pratiques, les gestes barrières, à ce moment-là il engage sa responsabilité. Qu'il y ait décharge ou pas, ça ne sert à rien, ça n'a aucune valeur juridique… 

RENAUD DELY 
Donc, concrètement, si un salarié se voit présenter un tel texte, une telle décharge par son employeur, qu'est-ce qu'il fait, il refuse de la signer ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors, je vais vous dire. Déjà, dans le BTP, le bâtiment, on est au bord d'aboutir, avec les partenaires sociaux du secteur du bâtiment, pour qu'il y ait un guide des bonnes pratiques, parce que c'est un des domaines où on comprend bien que c'est compliqué, parce que dans la camionnette qui va sur le chantier, eh bien il ne faut pas qu'on soit à moins d'1 mètre, ou alors il faut des protections, il faut pouvoir se laver les mains sur les chantiers… 

RENAUD DELY 
Comment on fait dans le BTP concrètement pour respecter les distances ? 

MURIEL PENICAUD 
On y travaille depuis 15 jours et il y a un guide, qui est imminent, et où c'est vraiment mis d'accord sur comment on fait, il y a des tas de pistes, d'ailleurs c'est pour ça qu'il y a des chantiers qui ont quand même lieu, parce qu'il y en a qui ont mis en place déjà ces mesures, sans attendre le guide, le guide va être bientôt en place, je crois que la vraie protection elle est là, mais, signer une décharge ou pas n'a aucune valeur juridique. 

MARC FAUVELLE 
Donc même si elle est signée elle n'en n'aura pas, de valeur ? 

MURIEL PENICAUD 
Elle n'en n'aura pas, parce que l'important c'est que dans chaque entreprise, le chef d'entreprise, on le dit, on le redit, discute avec les syndicats, discutent avec les salariés, en disant voilà, voilà le type de situation, quels sont les chantiers qu'on peut mener, ceux qu'on ne peut pas, et sur ceux qu'on peut mener, comment on s'assure qu'il y ait toutes les mesures barrières, en s'appuyant sur ces recommandations, sur ces guides. Il faut être très pragmatique et très exigeant, moi je serai intransigeante sur la protection des salariés, protéger ses salariés ce n'est pas négociable, je serai intransigeante sur ce sujet. 

RENAUD DELY 
Ça veut dire, Muriel PENICAUD, que si un employeur n'a pas mis en place les bonnes mesures justement pour protéger ses salariés, et si l'un de ses salariés contracte le virus, là l'employeur peut être tenu pour responsable ? 

MURIEL PENICAUD 
Non, ce n'est pas lié au fait de contracter le virus, c'est il doit mettre en place, donc il est en défaut de responsabilité s'il ne met pas en place les mesures, même si la personne ne tombe pas malade, on ne va pas travailler comme ça dans n'importe quelle condition, c'est normal, ce n'est pas nouveau. Simplement, il y a déjà des mesures prescrites par le Code du travail, évidemment, vous donniez l'exemple du bâtiment par exemple, quand on travaille en hauteur, eh bien il faut un harnais, et puis il faut les garde-corps, ça ce n'est pas nouveau, et ça continue, et il y a des mesures, en plus, liées au coronavirus, où les mesures sont notamment, enfin sont principalement pouvoir respecter les gestes barrières, donc se laver les mains, le 1 mètre de distance, etc., et donc qui demandent des changements d'organisation du travail. Par exemple, si vous avez moins de monde sur le chantier, parce que vous avez décalé les équipes, les horaires, vous pouvez arriver à répondre à cette condition, alors que vous n'y arrivez pas si vous fonctionnez comme d'habitude. Donc il faut quand même changer l'organisation du travail, il faut mettre en place les pratiques et les gestes, et parfois les équipements nécessaires, avec tout ça on peut y arriver, pas à 100 %, mais on peut arriver à ce qu'il y ait une partie des chantiers. Il y a des chantiers qui sont vraiment nécessaires, pour la maintenance nucléaire ou la maintenance des hôpitaux, évidemment je pense que c'est plus que nécessaire. 

MARC FAUVELLE 
Plusieurs questions rapides, si vous le permettez, sur le chômage partiel. Vous nous dites ce matin, on en est à 4 millions de salariés concernés, c'était 3,6 millions hier, ça veut dire que vous continuez à recevoir un nombre considérable de demandes ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors, c'était 2,2 millions vendredi, on est à 4 millions ce matin, c'est une montée en puissance extrêmement forte, ça veut dire qu'il y a 1salarié sur 5 du secteur privé, entreprises ou associations, qui est au chômage partiel. 

MARC FAUVELLE 
L'Etat paiera coûte que coûte… 

MURIEL PENICAUD 
L'Etat paiera coûte que coûte, je crois qu'on peut en être fier parce qu'on est un des… on a le système, là, que nous avons mis en place il y a 15 jours, le plus protecteur d'Europe, on avait un système, mais on l'a complètement amplifié, on l'a généralisé, on l'a ouvert à ceux qui n'y avaient pas droit, les VRP, les assistantes maternelles, les employés à domicile… 

MARC FAUVELLE 
Puisque les chômeurs concernés touchent 100 % quand ils sont au SMIC et 84% au-dessus… 

MURIEL PENICAUD 
100% de leur rémunération quand ils sont au SMIC, ou en dessous, par exemple si on est à mi-temps on va toucher 100 % de son mi-temps, si on est en contrat d'apprentissage on va avoir 100 % de son contrat d'apprentissage… 

MARC FAUVELLE 
Et les autres touchent 84 %, mais ils perdent…

 MURIEL PENICAUD 
Les autres 84 %. Alors, une mesure que nous avons prise, que j'ai annoncée il y a 2 jours, c'est que pour les employeurs qui veulent, et peuvent compléter jusqu'à 100 %, eh bien les 16 % supplémentaires qu'ils vont payer, il n'y aura pas de charges sociales et patronales sur ce sujet, donc ça encourage les entreprises à le faire, mais vous savez, il n'y a pas d'autre pays qui le fait à 84%, je crois que ça va sauver des millions d'emplois, des millions de personnes, qui sinon seraient licenciées, seraient mises au chômage, donc je crois que… 

MARC FAUVELLE 
Ce chiffre de 84 %, est-ce qu'il restera le même quelle que soit la durée de la crise ou est-ce qu'il montera, comme le réclame par exemple la CGT qui veut une indemnisation à 100 % ?

 MURIEL PENICAUD 
Vous savez, on est le pays le plus protecteur d'Europe, en Allemagne c'est 60 %, aux Etats-Unis il n'y a rien, vous avez vu qu'en une semaine il y a eu 3 millions de personnes ont perdu leur emploi, qui perdent en plus leur couverture maladie en même temps, le Royaume-Uni qui n'avait pas de système du chômage partiel, vient d'annoncer qu'ils vont mettre en place un système, parce qu'ils n'en n'ont pas, c'est vraiment le système, je pense, le plus puissant, le plus massif, le plus direct, pour sauver des millions d'emplois, éviter le licenciement de millions de personnes, et permettre aux entreprises de garder des millions de compétences qui vont leur permettre de repartir plus vite demain. 

MARC FAUVELLE 
Il nous reste énormément de questions à vous poser Muriel PENICAUD, sur le fonds de solidarité, beaucoup de commerçants, d'artisans notamment, se plaignent de ne pas pouvoir accéder aux services de l'Etat pour pouvoir toucher l'argent promis, sur les prestations sociales, puisqu'elles doivent être versées pour des millions de Français dans les jours qui viennent, est-ce qu'ils les toucheront ? Oui. Vous y répondrez, si vous voulez bien, dans quelques instants, juste après le fil info. /// 

MARC FAUVELLE 
Toujours avec la ministre du Travail, Muriel PENICAUD. Muriel PENICAUD, les allocations logement, le RSA, les allocations familiales sont traditionnellement versées en tout début de mois, est-ce que ce sera bien le cas cette semaine ? 

MURIEL PENICAUD 
Oui ? Tous les services de la CAF et des MSA sont mobilisés, ils travaillent avec le gouvernement pour qu'effectivement le 5 avril puissent être versés tous les minima sociaux.  Il y a 7 millions de nos concitoyens qui touchent des allocations ou vivent dans des familles qui sont pauvres et qui ont besoin de ces minima sociaux pour vivre. Donc on s'en assure et le 5 avril, ils pourront avoir leurs minima sociaux, c'est très important pour la solidarité nationale. 

MARC FAUVELLE  
Alors le 5 avril, c'est dimanche. 

MURIEL PENICAUD 
Oui, mais voilà le système est en place dimanche, ces versements partiront à partir de dimanche. 

MARC FAUVELLE
 Les banques s'inquiètent d'un afflux possible de gens qui viendraient retirer cet argent aux guichets ou aux distributeurs automatiques, est-ce que vous redoutez ce phénomène, est-ce que vous demandez à tous ceux qui le peuvent de ne pas venir retirer tout de suite l'argent ? 

MURIEL PENICAUD 
Vous savez, je crois que, moi je comprends les inquiétudes mais on ne va pas avoir de pénurie alimentaire, on ne va pas avoir pénurie de billets de banque donc s'affoler c'est plutôt crée un problème que aider à le résoudre, donc je crois… 

MARC FAUVELLE 
Là il ne s'agit pas, pardon j'ai peut-être mal formulé ma question, il s'agit pas d'affolement, il s'agit de gens qui viennent tout simplement récupérer, toucher le RSA et sortir l'argent juste après.  

MURIEL PENICAUD 
Oui mais ça quand on est au minima social en général, on va chercher tous les mois dès qu'on a son minima social, on va le chercher la banque parce qu'on en a besoin pour se nourrir. 

MARC FAUVELLE 
C'est bien ce que je viens de dire et c'est pour ça que certaines banques s'inquiètent. 

MURIEL PENICAUD 
Ce sera comme ça inquiétude, je veux dire qu'on est aux minima sociaux, on a on a pas d'argent devant soi, et donc on a besoin de cet argent mais ça ce n'est pas lié à la crise, c'était le cas avant.  

MARC FAUVELLE 
Oui sauf qu'il n'y a pas normalement des mesures de précaution qui font qu'il faut mettre deux mètres entre chaque personne et si vous vous mettez 100 personnes devant une banque avec 2 mètres de distance, c'est toujours un peu compliqué. 

MURIEL PENICAUD 
Oui mais la précaution, ce n'est pas sur la disponibilité des billets de banque, c'est ça que je veux dire. 

MARC FAUVELLE 
Non, c'est mal formulé. 

MURIEL PENICAUD 
 Il faut des mesures des précautions ? Oui eh bien comme on le fait dans les commerces ? comme c'est obligatoire de le faire dans les commerces alimentaires, les banques doivent s'organiser pour qu'il y ait des files d'attente avec un mètre et puis peut-être des horaires décalés ou proposer aux gens de venir à des horaires, ça fait partie des responsabilités de tous ceux qui sont en contact avec le public d'organiser pour que le public ait le moins  de temps ensemble et évidemment à une distance d'un mètre. 

RENAUD DELY 
Muriel PENICAUD, une question sur le fonds de solidarité, le gouvernement a mis en place un fonds de solidarité à destination notamment des travailleurs indépendants, des TPE, des très petites entreprises et beaucoup de ces travailleurs indépendants ou ces TPE se plaignent de ne pas arriver à contacter les services de l'Etat pour percevoir ce fonds de solidarité, c'est notamment une somme de 1.500 euros, est-ce que la situation va se régulariser rapidement ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors ce fonds est ouvert depuis hier matin, et donc le Gérald DARMANIN et Bruno LE MAIRE qui ont mis en place fonds de solidarité, disent déjà, témoignent que ça a démarré très fort hier. Il faut savoir que pour les indépendants, les professions libérales, les micro-entrepreneurs, les 1.500 euros sont automatiques, c'est-à-dire qu'il y a pas de dossier à justifier, on donne juste ses identifiants et c'est automatique. Ce qui demandera quelques jours de plus, c'est pour ceux qui souhaitent aller au-delà des 1500 euros qu'ils peuvent avoir aussi 2000 euros de plus en avril s'y sont menacées de faillite et là il faudra quand même un examen du dossier mais les 1500 euros… 

ARNAUD DELY 
C'est immédiat. 

MURIEL PENICAUD 
C'est automatique, immédiats et le gouvernement l'a annoncé… 

MARC FAUVELLE 
Et la somme sera versée pendant, pardon. 

MURIEL PENICAUD 
Elle sera versée là dans les jours qui suivent et ce qui est nouveau depuis 2 jours, c'est qu'on a annoncé que ce fonds de solidarité sera accessible à tous ceux qui ont perdu la moitié de leur chiffre d'affaires et non pas simplement 70 %. 

MARC FAUVELLE 
Attendez, je suis précis, la moitié sur les mois de mars alors qu'il fallait jusqu'à présent avoir perdu 70 % par rapport à mars de l'année dernière et ce sera le cas également pour avril et pour tous les mois suivants s'il le faut. 

MURIEL PENICAUD 
 Oui absolument. 

ARNAUD DELY 
 Vous disiez, ça a démarré très fort c'est-à-dire aujourd'hui déjà combien de travailleur indépendant ou de TPE l'ont demandé ? 

MURIEL PENICAUD 
Ecoutez ? Je n'ai pas le chiffre là mais je peux vous le donner dans 10 minutes. 

MARC FAUVELLE  
Eh bien on va vous laisser 10 minutes pour le trouver puisque vous répondrez également aux questions de tous les auditeurs et elles sont particulièrement nombreuses ce matin et on le comprend évidemment au standard 01 56 40 41 11. Muriel PENICAUD, le groupe, le général du Groupe Pasteur Mutualité a lancé, il y a quelques jours sur l'antenne de France Info, une idée qui vise à permettre aux salariés qui souhaiteraient donner des RTT aux soignants qui sont en ce moment en première ligne dans la crise, idée reprise par plusieurs parlementaires ces derniers jours, est-ce que vous y êtes-vous favorable ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors aujourd'hui ce que demandent les soignants, ce n'est pas des jours de RTT puisqu'ils ne pourraient pas les prendre.  vous savez, ils sont pas en train de prendre ni leurs congés, ni leurs RTT ni aucune mesure de ce type-là, aujourd'hui sont au front complètement et encore une fois il faut vraiment les soutenir et soutenir à 20h00, ça  leur fait chaud au coeur, il faut aussi les soutenir en respectant les consignes de sécurité, c'est-à-dire qu'il y ait moins d'affluent du  coup parce qu'il y a moins de personnes qui tombent malades et puis il faut les respecter aussi, moi je pense aux messages épouvantables  que certains reçoivent, même c'est une minorité, en leur demandant de finalement de décamper de chez eux, de partir de chez eux ,alors  qu'ils sont là pour… ils prennent des risques pour sauver les vies de tout le monde, voilà je voulais d'abord dire ça. 

MARC FAUVELLE 
 On a vu à Paris, Muriel PENICAUD, des soignants partir à l'hôpital encadrés par des vigiles, partir travailler. 

MURIEL PENICAUD 
Vous savez les crises, ça révèle le meilleur d'humanité et parfois le pire aussi, heureusement pour la grande majorité des gens, c'est le meilleur mais quelquefois c'est plus qu'affligeant et pour revenir à la question des RTT, je crois qu'aujourd'hui ce n'est pas ça leurs besoins, leur demande, ils ont besoin de soutien, de reconnaissance et d'équipements de solidarité… 

MARC FAUVELLE 
Aujourd'hui non, mais demain, une fois que la crise aura été franchie ?

 MURIEL PENICAUD 
Ecouter, on verra avec eux.  Moi, je pense il ne faut pas décider les choses sans parler, sans concerter avec eux, là aujourd'hui ce n'est pas leur préoccupation, aujourd'hui on les soutient là où ils ont besoin et puis demain on pourra discuter de comment, après le passage de la crise, tout ce dont ils ont besoin pour souffler et pour aussi être remerciés, récompensés de tout ce qu'ils auront fait pour le pays. 

MARC FAUVELLE 
Muriel PENICAUD, ce dialogue va se poursuivre dans quelques minutes mais cette fois directement  avec les auditeurs de France-Info au standard qui nous appelle en nombre ce matin. 


Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 avril 2020