Texte intégral
Q - Notre invité ce matin, Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Bonjour.
R – Bonjour.
Q - Alors en raison de l'épidémie de coronavirus, pour tenter de limiter sa propagation, beaucoup de pays ont suspendu leurs liaisons aériennes avec l'Europe et donc avec la France, c'est le cas tout récemment du Brésil, c'est le cas de beaucoup de pays africains, la France, qui est l'un des principaux foyers, désormais, de l'épidémie. Conséquence : beaucoup de Français aujourd'hui, Jean-Baptiste Lemoyne, se retrouvent coincés à l'étranger, votre ministère a annoncé hier des mesures pour faciliter leur retour, lesquelles ?
R - C'est bien simple, nous sommes en contact permanent avec les compagnies aériennes pour mettre en place des plans de transport, faire en sorte que tous ces touristes ou hommes et femmes d'affaires, bloqués à l'étranger, puissent revenir à la maison. Cela prend un peu de temps, je le reconnais, je demande vraiment à chacun de pouvoir bien s'organiser sur place en contact avec les consulats, les ambassades.
Et pour celles et ceux qui se trouvent dans une difficulté extrême, par exemple en termes de logement, nous venons de mettre en place en quelques heures, une solution Web, dont je donne l'adresse, qui s'appelle www.sosuntoit.fr , grâce à la solidarité des Français de l'étranger qui résident hors de France, qui peuvent proposer un hébergement à ceux de leurs compatriotes qui sont bloqués hors de France. Donc je le redis, qu'ils n'hésitent pas à se proposer ou à se manifester, parce que j'ai eu à connaître de situations particulièrement indécentes, de gens qui ont dû dormir dans la rue, qui ont été mis dehors de leurs hôtels dans les pays où ils étaient bloqués. Je crois que la solidarité est en route, et s'agissant des retours aériens…
Q - Les retours aériens, justement, cela se négocie pays par pays et compagnies aériennes ?
R - Tout à fait, nous avons…
Q - Cela explique le délai que cela peut prendre ?
R - Une première chose, la méthode, avec le centre de crise et de soutien, qui est en en contact avec toutes nos ambassades et nos consulats, nous faisons le point quotidiennement sur le nombre des Français qui sont bloqués, pays par pays. En fonction de ces retours, il y a un certain nombre de priorités que nous indiquons aux compagnies aériennes, il y a des situations particulièrement…
Q - Des journalistes rapportent qu'au Maroc, par exemple, rien n'a été fait pour donner la priorité aux personnes âgées ou vulnérables, et que, du coup, elles se retrouvent, elles, les plus vulnérables, les dernières sur les listes pour pouvoir rentrer sur les vols.
R - Non, au Maroc, comme dans tous les pays, il y a des priorités sanitaires. Lorsqu'il y a des personnes qui ont des problèmes de santé, elles se signalent auprès des postes. Les postes signalent aux compagnies, les médecins conseils des ambassades sont là pour faire ce travail, et je peux vous dire que nous sommes, au contraire, très vigilants sur ces cas-là. Et au Maroc, pour reprendre cet exemple, c'est plus de 120 vols qui ont été faits en quelques jours. Avec Jean-Yves Le Drian, il y a eu ce dialogue avec les autorités marocaines pour à chaque fois, repousser l'échéance et permettre que les avions puissent se poser à vide et repartir avec nos compatriotes ; et cela va continuer encore dans les prochains jours. Il y a déjà près de 15 000 personnes qui ont pu revenir en France depuis le Maroc, il y a encore 5 à 6 000 de nos compatriotes qui doivent le faire.
Il y a également d'autres situations sur lesquelles nous sommes très impliqués, je pense aux Canaries, je pense aux Philippines, et je veux dire aux Français bloqués là-bas que nous sommes en train de mettre en place un certain nombre de solutions. Là encore, une fois que l'on a recensé les besoins, on demande à AIR FRANCE, avec les autres compagnies, de mettre en place un plan de transport, sachant que pour elles, c'est aussi plus compliqué, parce qu'elles sont également touchées, un certain nombre de personnels sont confinés. Il y a un certain nombre de complexités, parce que des pays n'acceptent pas que les équipages foulent le sol lorsqu'ils atterrissent. Donc parfois, il faut mettre en place…
Q - Oui, on a entendu des situations où on a empêché des vols AIR FRANCE, ou des vols venus de France, d'atterrir sur certains aéroports. Pour les touristes actuellement en vacances à l'autre bout du monde, la consigne, c'est de rentrer au plus vite, d'autant plus qu'ils peuvent être porteurs du virus sans le savoir ?
R - Bien sûr, il faut rentrer au plus vite lorsque l'on est touriste français à l'étranger, cela fait déjà quinze jours que nous avons dit dans les conseils aux voyageurs qu'il était préférable de reporter les déplacements internationaux, et là vraiment, il est temps…
Q - Pourtant, dans les mesures qui ont été annoncées hier, rien n'empêche aujourd'hui des Français de partir à l'autre bout du monde, pourquoi ?
R - Mais je peux vous dire que les voyagistes ont annulé toutes les réservations de voyages jusqu'au 30 avril, de mémoire. Par ailleurs, nous l'avons dit, il faut limiter au strict nécessaire les déplacements, le président l'a dit, et le voyage touristique n'est pas dans le strict nécessaire. Il faut reporter, différer ces déplacements. Aujourd'hui, la priorité, c'est la santé, c'est la lutte contre ce virus, et l'efficacité recommande de rester confiné chez soi, de pouvoir continuer à travailler, soit par télétravail ou de continuer à travailler avec les mesures de sécurité chez son employeur…
Q - Mais en tout cas, pas de partir au bout du monde. Puisqu'on évoque, Jean-Baptiste Lemoyne, les Français de l'étranger en pleine pandémie, un mot sur les étrangers en France, y compris ceux en situation irrégulière, ce n'est pas un mystère, il y a beaucoup de migrants, de réfugiés, de demandeurs d'asile dont le dossier est encore en cours d'examen. Ils vivent parfois à la rue, ne parlent pas toujours français. Qu'est ce qui est prévu pour eux par le gouvernement auquel vous appartenez ?
R - Deux choses, pour les étrangers qui sont en possession d'un titre de séjour, d'un visa de court ou long séjour, il y a une prolongation de trois mois de ces documents, de telle sorte qu'ils puissent, le cas échéant, rester sur le sol national pendant cette période particulière.
S'agissant des étrangers en situation irrégulière, l'idée c'est, naturellement, de lutter contre cette épidémie, de faire en sorte qu'ils puissent également se protéger, et s'ils sont touchés, qu'ils puissent naturellement être pris en charge par le système de santé français.
Q - Comment faire quand on a des camps comme à Aubervilliers, où ils se retrouvent à 500 personnes dans des conditions sanitaires difficilement, évidemment, c'est un euphémisme, compatibles avec le confinement et les gestes barrières qu'on nous invite à respecter, est-ce que la crise sanitaire ne prend pas le pas sur toute autre considération, et ne devrait pas prendre le pas sur cette toute autre considération ?
R - Naturellement, aujourd'hui, l'objectif numéro un, c'est la lutte contre l'épidémie, contre ce virus, et le ministère de l'intérieur, je le sais, travaille en ce moment même sur les dispositions à prendre avec le ministère de la santé pour protéger tous les publics.
Q - Un mot très rapide sur l'Union européenne, le coronavirus menace la zone euro et l'avenir politique de notre continent dit Bruno Le Maire. En 30 secondes, il y a une inquiétude réelle sur l'avenir de l'Europe ?
R - En tous les cas, on voit bien qu'il y a un certain nombre de réflexes, parfois nationaux, qui ont pris le pas sur l'ambition européenne. Or, pour lutter et vaincre ce virus. C'est uni que nous y arriverons, cela veut dire qu'il faut une coordination, une coordination qui est sanitaire, qui est économique, pour gérer l'impact de ce virus sur nos entreprises. Et donc, encore une fois, l'union fait la force et je crois que le président de la République a été celui qui a voulu impulser ce travail entre les chefs d'Etat et de gouvernement européens, c'est lui qui a appelé au premier Conseil européen dématérialisé.
Q - L'union fait la force, mais on n'y est pas encore tout à fait. Merci beaucoup, Jean-Baptiste Lemoyne d'avoir été avec nous.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mars 2020