Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, à Europe 1 le 22 avril 2020, sur la qualité de l'eau et le coronavirus.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire

Média : Europe 1

Texte intégral

MATTHIEU BELLIARD 
Bonjour Emmanuelle WARGON.  

EMMANUELLE WARGON  
Bonjour. 

MATTHIEU BELLIARD 
Et merci d'être en direct avec nous. Je rappelle que vous êtes secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire. Et si on vous reçoit ce matin, c'est pour parler de l'eau, de la gestion de l'eau pendant cette crise, à la fois son utilisation, mais aussi sa sécurisation. Alors, pour démarrer, je vais faire très simple Emmanuelle WARGON : est-ce que le coronavirus a un impact sur la qualité de notre eau ? 

EMMANUELLE WARGON  
Pas du tout. Nous savons traiter l'eau potable en France, avec de grandes entreprises et puis des régies publiques de proximité, et nous savons du coup garantir la qualité de l'eau potable au robinet. Dans certains cas, les usines, ceux qui traitent, ont pu rajouter un peu de chlore, parce qu'on consomme un petit peu moins d'eau en France en ce moment, en fait la baisse de la consommation industrielle et puis la baisse de la consommation des hôtels, des cafés, des restaurants, ne fait plus que compenser l'augmentation de notre propre consommation, à la maison, et donc quand on a un petit peu moins de volume, il faut traiter un petit peu plus, donc dans certains cas on sent un petit goût chloré supplémentaire, c'est juste la preuve qu'on a adapté les traitements, et on peut continuer à boire et à utiliser l'eau du robinet sans problème. 

MATTHIEU BELLIARD 
Rien de dangereux avec ce petit goût chloré, c'est vrai qu'on en avait déjà parlé, les canalisations, il faut évidemment traiter l'eau, surtout si elle circule moins. Alors, la question était double : le virus en lui-même, dans l'eau, je vous posais la question évidemment, parce que du côté de la Mairie de Paris on parle de traces de Covid dans l'eau, mais l'eau non potable, il faut faire très attention à ce qu'on dit, évidemment, dans l'eau non potable. 

EMMANUELLE WARGON  
Alors, la Mairie de Paris a depuis plusieurs dizaines d'années, deux réseaux d'eau. Elle est d'ailleurs dans une situation un peu différente des autres collectivités, elle utilise un réseau dit d'eau non potable, c'est-à-dire juste de l'eau qui est captée dans les cours d'eau, pour le nettoyage par exemple ou la circulation de l'eau dans les égouts. Et c'est dans ce réseau que des tests ont été faits, et qu'on trouve des traces. Mais ce réseau d'eau non potable, qui est vraiment encore une fois un cas particulier à Paris, n'est pas du tout connecté au réseau normal d'eau potable de Paris, et donc par mesure de précaution, la ville de Paris a décidé de ne plus l'utiliser, mais ça n'a aucun impact, ni ailleurs, ni sur l'eau potable à Paris. C'est vraiment une mesure de précaution. 

MATTHIEU BELLIARD 
Vous citiez l'utilisation de ces eaux pour du nettoyage à Paris, mais par exemple les eaux usées dans le pays, on peut s'en servir dans des pratiques agricoles. Est-ce qu'aujourd'hui il y a des réglementations spécifiques, mises en place ? 

EMMANUELLE WARGON  
Alors, en fait, on a deux situations différentes : on a le fait que d'autres collectivités réutilisent des eaux usées, mais dans ce cas-là elles les traitent. Donc la situation de Paris qui prélève directement, elle est vraiment spécifique. Donc c'est vraiment le seul cas qui nous amène à arrêter l'utilisation de cette eau, par mesure de précaution. L'eau potable n'est jamais concernée, et l'eau réutilisée, à part à Paris, est plus traitée, et puis après, vous savez, quand on traite l'eau, on traite aussi ce qu'on appelle les eaux usées, ce qui sort de nos toilettes, de nos douches de nos baignoires, etc., et tout ceci fait l'objet de nombreux traitements, et à la fin de ces traitements on retrouve ce qu'on appelle des boues, qui peuvent servir en agriculture sous forme d'engrais. Et ça, nous avons regardé avec l'Agence de sécurité sanitaire, si le virus pouvait être présent dans ces boues, et cette agence nous a dit : le virus n'est pas présent si ces boues sont traitées, ça s'appelle de l'hygiénisation, en gros on les chauffe ou on les passe à la chaux, et dans ce cas-là, ces boues peuvent servir dans le monde agricole, encore une fois sous forme d'engrais. Lorsqu'on ne peut pas les traiter, on ne les utilise pas. Donc voilà, juste pour dire que nous travaillons vraiment quotidiennement avec tous les acteurs de cette chaîne… 

MATTHIEU BELLIARD 
Bien sûr. 

EMMANUELLE WARGON  
… des entreprises qui traitent aux agriculteurs, pour être sûr que dès qu'on a un doute, on applique le principe de précaution.  

MATTHIEU BELLIARD 
Et c'est pour ça que je vais très lentement, pour qu'on soit bien pédagogique et qu'on comprenne bien qu'on peut boire l'eau du robinet, pas de pas de fantasmes, pas d'inquiétude là-dessus.  

EMMANUELLE WARGON  
Oui oui, je le redis, l'eau du robinet, elle est traitée, et donc on peut la boire, comme avant, comme tout le temps. 

MATTHIEU BELLIARD 
Et quel impact a le confinement, cette situation de crise, sur notre consommation d'eau ?  

EMMANUELLE WARGON  
Alors, elle a légèrement baissé. En fait, la consommation des ménages est en hausse, mais la consommation industrielle et puis la consommation des hôtels, des cafés, des restaurants, bien sûr, a beaucoup baissé, disparu. Donc, France entière, elle a baissé d'environ 5%, et en région parisienne, parce qu'on a certains de nos concitoyens qui sont plutôt partis dans d'autres régions, elle abaissée jusqu'à 20%.  

MATTHIEU BELLIARD 
Et je me souviens très bien qu'en l'occurrence le patron d'EDF sur Europe 1 nous chiffrait la baisse de la consommation et faisait un parallèle avec la baisse d'activité, vous, vous trouvez évidemment les chiffres de la consommation des ménages, des entreprises. Du côté d'ORANGE, on est en mesure de nous dire, en regardant les données téléphoniques, que 20% des Franciliens avaient quitté la région. Est-ce que, en analysant l'eau, la circulation de l'eau, la consommation d'eau, on arrive à ce genre de conclusion ? 

EMMANUELLE WARGON  
En tout cas, ce qu'on peut dire, c'est que la consommation d'eau a baissé de 5% en France entière, et de 20% en région parisienne. Donc c'est cohérent avec les chiffres que le patron d'ORANGE a pu donner sur les déplacements de population. On retrouve les Parisiens à l'extérieur des frontières de la capitale, on le comprend. Alors, chez nous, c'est vrai que je vous posais la question, on s'inquiète de savoir qu'on trouve des traces de Covid dans les eaux usées et parfois ça donne lieu à des formes de paranoïa. Aux Pays-Bas, je voyais qu'on se sert de l'eau pour détecter l'épidémie, avant même qu'elle ne se déclare chez les individus. 

EMMANUELLE WARGON  
En tout cas, ce qui est ce qui est sûr, c'est qu'on le fait déjà aujourd'hui, on le fera toujours demain. Continuer à détecter les traces de virus dans l'eau, c'est intéressant, ça nous permet de bien suivre ce qui se passe, et puis encore une fois ça nous permet de garantir la qualité de nos systèmes de traitement. Mais après, on a encore beaucoup d'incertitudes sur la propagation, sur l'impact sanitaire, donc on est encore en amont pour avoir une bonne idée de savoir comment est-ce qu'il faut tracer ce virus. Et puis sur les sujets eau, on a bien sûr les sujets qualité immédiate, et puis après on continue à travailler sur les phénomènes qu'on connaît, et vous en parliez tout à l'heure, chaque saison la baisse des nappes phréatiques ou des rivières, les risques de sécheresse, parce que la crise sanitaire n'est pas la seule crise que nous vivons, et donc il faut qu'on puisse se préparer aux enjeux écologiques.  

MATTHIEU BELLIARD 
Emmanuelle WARGON, sur l'après confinement et les enjeux écologiques, justement, quand Emmanuel MACRON nous parle du monde d'après, quand on comprend qu'il faut repenser notre production, notre place dans la mondialisation, notre alimentation, notre système de santé, on se dit que tout ça, ça résonne avec l'écologie. Et je voyais cette tribune de Jean-François JULLIARD, le patron de Greenpeace, dans le Journal du Dimanche, qui nous dit que le jour d'après ne se fera pas à coup de milliards pour les entreprises polluantes. Des ONG dénoncent les 20 milliards d'euros prévus pour recapitaliser des entreprises stratégiques dans l'aéronautique ou l'automobile. Est-ce qu'on n'est pas en train de manquer une occasion de pratiquer la transition ?  

EMMANUELLE WARGON  
Les enjeux écologiques sont importants pour le gouvernement, ils l'étaient avant la crise, ils le sont toujours, et en ce qui concerne ce soutien de 20 milliards aux entreprises stratégiques, la majorité parlementaire a adopté un amendement déposé par le groupe La République En Marche, par une députée qui s'appelle Bérangère ABBA, et qui pose le principe que les enjeux écologiques devront être soulevés avec les entreprises qui sont soutenues. Donc au contraire, c'est bien une affirmation politique que l'écologie sera toujours présente, à la fois dans le soutien aux entreprises, et puis dans toutes les réflexions sur l'évolution des secteurs économiques, maintenant, à la sortie du confinement et après.  

MATTHIEU BELLIARD 
Les conclusions ne sont pas encore tirées. Finalement on va attendre de voir ce que sera l'après confinement, et… 

EMMANUELLE WARGON  
Mais, comme vous le savez, mais vous le disiez, on travaille vraiment chacun, chaque ministère, aux enjeux du déconfinement, comment est-ce qu'on maintient des services essentiels, l'eau mais aussi la gestion des déchets, mais aussi l'énergie, dans ce qui concerne notre ministère, et donc c'est vrai qu'on est très concentré sur la gestion actuelle et sur la gestion des quelques semaines qui viennent, qui sont déterminantes pour la suite. 

MATTHIEU BELLIARD 
Prenons date pour en reparler en temps voulus. Merci beaucoup Emmanuelle WARGON, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire. L'eau, avant tout rassurer sur l'eau du robinet, ce matin, et puis analyser justement la consommation d'eau des Français, vous l'aurez compris, moins 5% dans le pays et moins 20% en région parisienne. Merci Emmanuelle WARGON. 


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 avril 2020