Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Marlène SCHIAPPA, bonjour et bienvenue sur l'antenne de Radio Classique.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Je rappelle que vous faites partie donc du gouvernement d'Edouard PHILIPPE. Les questions sont nombreuses ce matin. Est-ce que vous trouvez nécessaire, justifié, en dehors évidemment du protocole, de faire une sorte de parallèle entre la situation de cette bataille de Montcornet et celle que vivent les Français aujourd'hui ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, ce que l'on peut observer en tout cas, c'est que la situation que nous vivons actuellement, elle est inédite, nous avons à la fois une pandémie, mais aussi une crise liée à la pandémie de covid, qui frappe de plein fouet le pays, et je crois que la France a vraiment besoin d'une union, et d'une union notamment autour de ces gouvernements, et particulièrement autour du président de la République, qui est l'incarnation de la France pendant cette période.
GUILLAUME DURAND
Et comment vous expliquez par exemple, je vais vous faire écouter un petit morceau de Marine LE PEN au « Grand jury RTL LCI », sur ce déplacement d'Emmanuel MACRON, elle est extrêmement critique, ce qui ne vous étonnera pas, vous lui répondrez.
MARINE LE PEN
Emmanuel MACRON aime bien se déguiser, donc souvent il effectue des commémorations de grands personnages historiques, pour tenter de faire croire qu'il en partagerait les qualités. Mais, en l'occurrence, Emmanuel MACRON, sur le plan politique, c'est l'anti de GAULLE absolu.
GUILLAUME DURAND
Voilà pour ces propos de Marine LE PEN, votre réaction, Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Mais, d'abords, que ça plaise ou non à madame LE PEN, Emmanuel MACRON, c'est le président de la République, et donc dans la période que nous traversons, oui, je crois qu'il est important que le président de la République rappelle aussi l'histoire de la France, fédère la Nation autour de grandes figures, et le Général de GAULLE est incontestablement une des grandes figures de la France, que l'on soit de son courant politique historique, et je crois que cela c'est indéniable, mais il me semble que madame LE PEN n'aime pas qu'on rappelle les grandes figures historiques de la France, et je crois qu'elle est opposée à toute forme d'union, toute forme d'unité, puisqu'elle, au contraire, elle joue sur les peurs, sur les divisions, sur les clivages. Donc je comprends tout à fait que cela lui déplaise.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous considérez, Marlène SCHIAPPA, que pour se réinventer, puisqu'il a prononcé ce mot, le président de la République va être à un moment ou à un autre, être obligé de remanier, de se séparer d'Edouard PHILIPPE ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, il ne m'appartient absolument pas de commenter ces questions qui agitent parfois certains dans le débat public ou dans le débat médiatique. Moi, vous savez, je suis secrétaire d'Etat rattachée à Edouard PHILIPPE, je rends compte au Premier ministre qui tient la barre du pays avec une constance et un sérieux remarquables, et d'ailleurs je crois que chacun lui en sait gré, je pense que c'est assez rassurant pour nous dans la période que nous traversons, d'avoir un Premier ministre comme Edouard PHILIPPE, avec le sérieux qu'on lui connaît, la constance qu'on lui connaît, et en tant que membre de son équipe, je peux vous assurer qu'il est à pied d'oeuvre jour et nuit pour résoudre les problèmes graves que notre pays, et que le monde traversent à l'heure actuelle.
GUILLAUME DURAND
Mais si je parle de réinventions, c'est justement parce que la perception que vous donnez est un peu celle des Français, au détriment d'Emmanuel MACRON, dans et dans les sondages, dans les papiers, tout le monde se demande justement pourquoi un président de la République chercherait à se séparer de quelqu'un qui finalement donne ou a donné, à tort ou à raison, une image de peut-être, d'un plus grand sérieux, en tout cas disons, plutôt pour trouver le mot juste, d'une plus grande sobriété.
MARLENE SCHIAPPA
Mais vous savez, je crois que le rôle du président de la République et le rôle du Premier ministre, institutionnellement, et même constitutionnellement en France, dans la Vème République, sont très définis, et se sont deux rôles qui sont différents. Le président de la République incarne, et on l'a vu encore avec cette cérémonie en hommage du général de GAULLE et notamment d'un certain nombre de faits historiques de la France. Et puis le Premier ministre c'est le chef du gouvernement, et donc il est à pied d'oeuvre pour coordonner l'action du gouvernement dans le cadre de la vision qui est, elle, impulsée par le président de la République. Vous dites que le président de la République souhaiterait se séparer de Premier ministre…
GUILLAUME DURAND
Non, je ne le dis pas, je constate que dans les journaux on en parle, encore le cas dans Le Monde qui sort aujourd'hui.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, je lis les journaux comme vous, mais moi je n'ai nullement cette impression-là, et au contraire je crois que le président de la République et le Premier ministre sont fortement alignés et n'ont eu aucune expression hostile l'un envers l'autre. Jusque dans un passé y compris récent, on a connu des Premiers ministres et des présidents de la République qui se haïssaient publiquement, et cela se voyait. Me semble-t-il, là nous avons au contraire à la tête de l'exécutif en binôme qui travaille ensemble, de concert, et qui va dans la même direction, en tout cas moi c'est ce que je ressens de l'Intérieur.
GUILLAUME DURAND
Alors, nous allons parler les dossiers qui vous sont directement rattachés, dans un instant, il y a deux choses qui sont importantes, c'est le rôle des infirmières à l'hôpital et aussi les élections municipales, le deuxième tour qui vous concerne. D'abord, concernant pour tenter de clore avec l'aspect politicien notre entretien, est-ce que vous considérez d'ailleurs que la candidature de madame BUZYN est encore opportune ? Parce qu'on parle par exemple de Stanislas GUERINI pour éventuellement la remplacer pour des municipales, que certains donnent comme, pour le deuxième tour, donnent comme partante pour la fin du mois de juin ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, sincèrement il ne m'appartient pas de choisir le ou la candidate à Paris, surtout que là en l'occurrence c'est une question qu'il faudrait poser à Agnès BUZYN. C'est à elle de dire ce qu'elle souhaite faire pour une éventuelle…
GUILLAUME DURAND
Ça vous concerne quand même.
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, ça me concerne, mais je ne peux pas prendre les décisions à la place des autres personnes, et donc moi à l'heure actuelle je n'ai pas d'information disant qu'Agnès BUZYN ne serait plus candidate pour un deuxième tour, mais nous verrons déjà si ce deuxième tour a lieu en juin ou si nous sommes plutôt sur le mois de septembre ou sur une autre date. Rien n'a été annoncé pour l'instant par le gouvernement.
GUILLAUME DURAND
Les infirmières, puisque justement le sort des femmes est fondamental au coeur du travail que vous menez dans ce gouvernement. Les infirmières ont été héroïques, les infirmières sont mal payées. Dans tous les journaux ce matin, je fais toujours référence à la Presse, on voit des classements où elles sont aux tréfonds des émoluments qui sont donnés un petit peu partout en Europe. Un plan complet pour l'hôpital va être annoncé, avec une revalorisation des salaires et en même temps le président dit : « L'argent n'est pas magique ». Donc comment faire pour donner du grain à moudre à ceux qui ont été en première ligne en même temps respecter les grands équilibres économiques ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi, vous savez, je crois qu'on n'a pas le choix, là c'est une question de principe, il faut que les infirmières et les professionnels soignants, qui sont des professions très féminisées, dans le monde 90 % des personnels infirmiers sont des femmes d'après l'OMS, il faut que les infirmières soient mieux payées, soient mieux rémunérées. Je crois que nous ne pouvons pas être dans une forme d'incohérence qui consisterait à dire : elles ont été héroïques, nous les avons applaudies à 20h00 tous les soirs, mais nous allons les laisser dans des situations parfois difficiles, parfois de surendettement, parfois de précarité, alors que ce sont des personnes qui travaillent et qui ont sauvé énormément de personnes et maintenu le pays pendant cette période de pandémie. Donc il faut revaloriser les salaires des infirmières. Le ministre de la Santé, Olivier VERAN, est au travail, il a annoncé hier qu'il organiserait un Ségur de la santé, avec les partenaires sociaux, pour justement revaloriser non seulement dans la société, la place de ces professions très féminisées, mais aussi bien évidemment leur salaire et matériellement leurs conditions de vie.
GUILLAUME DURAND
Dans votre charge ministérielle il y a aussi donc les violences faites aux femmes. On a beaucoup parlé non seulement des couples qui se retrouvaient avec bonheur pendant cette période de confinement, mais d'un certain nombre de couples qui se déchiraient, voire de couples où la violence est intervenue. Est-ce que vous savez et est-ce que vous avez des chiffres qui permettraient de quantifier, alors, c'est toujours un peu, comment dirais-je, douloureux de quantifier des sentiments qui se déchirent, mais est-ce qu'on a les indications sur cette violence sur laquelle on a beaucoup écrit mais dont on n'arrive pas à percevoir la réalité ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, vous avez tout à fait raison, il est difficile de mesurer la prévalence des violences conjugales. Pour avoir des chiffres exacts, j'ai confié une mission à Elisabeth MOIRON-BRAUD, qui est magistrate et qui est la secrétaire générale d'une mission interministérielle de protection des femmes, et au mois de juillet nous aurons des chiffres. Mais d'ores et déjà, ce que nous pouvons observer c'est qu'il y a 5 fois plus de signalements pour des violences conjugales, sur la plateforme qui s'appelle arretonslesviolences.gouv.fr. Qu'il y a plus 36 % de signalements aux forces de l'ordre, mais paradoxalement il y aurait plus de violences conjugales, mais probablement moins de féminicides, je parle au conditionnel avec beaucoup de précautions, probablement moins que pendant la période de la fin de l'année 2019 ou même de l'année 2020, sur la même période l'année dernière. Donc nous sommes à pied d'oeuvre, nous avons mis en place pléthore de dispositifs efficaces pendant le confinement, des alertes dans les pharmacies, des alertes des forces de l'ordre par SMS au 114, 90 points d'écoute dans des hypermarchés ou des centres commerciaux, avec des associations qui se sont engagées pour écouter les femmes, pour les protéger. Nous avons débloqué 20 000 nuitées pour héberger les femmes, nous avons créé pour la première fois un numéro de téléphone, et je le dis ça peut intéresser les gens qui vous écoutent, cher Guillaume DURAND, un numéro de téléphone qui permet à des gens qui se sentent avoir des accès de colère, des accès de violence, mais qui ne veulent pas devenir une personne violente, ils peuvent téléphoner à cette ligne, au 08 019 019 11, et derrière cette ligne, vous avez des psychologues qui peuvent les prendre en charge et les aider à mieux gérer leur colère, leurs émotions, leurs accès de violence, et à ne pas donner le premier coup, à ne pas devenir une personne violence. Et là on a eu 200 hommes, principalement, qui ont téléphoné, en disant : je ne veux pas devenir un homme violent, mais le confinement est trop dur pour moi et je sens que là je vais exploser, je vais péter un plomb, pardonnez-moi l'expression, et ils ont été accompagnés par des psychologues et par des experts, et ça leur a permis de ne pas passer à l'acte, et ça, c'est très positif.
GUILLAUME DURAND
Merci Marlène SCHIAPPA d'avoir été en direct avec nous sur l'antenne de Radio Classique.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mai 2020