Texte intégral
Q - Bonsoir, Amélie de Montchalin.
R – Bonsoir,
Q - Bienvenue dans RTL-Soir. Sauf résurgence de l'épidémie, les Français vont donc pouvoir partir en vacances en France au mois de juillet et au mois d'août. C'est la bonne nouvelle du jour annoncée ce matin par le Premier ministre. Et en Europe, est-ce qu'on pourra aller, cet été, Amélie de Montchalin, en Espagne, en Grèce, ou au Portugal ?
R - Ecoutez, on fait les choses par étape. Actuellement, tous les pays européens se lancent dans un déconfinement progressif, comme en France, par région, par étape. Et donc, la première des choses, c'est de s'assurer qu'on n'ait pas de deuxième vague, et donc cette priorité sanitaire va rester. Ensuite, on pourra, de manière concertée, voir déjà comment les flux reprennent dans les zones frontalières qui sont déjà un bon premier test pour retrouver de la fluidité de la circulation. Et puis, on fait les choses à nouveau par étape aussi en fonction du virus. Donc, au fil des prochaines semaines, on pourra progressivement voir quelle est la mobilité qu'on peut retrouver au sein de l'espace européen. Mais vous voyez, on ne peut pas mettre la charrue avant les boeufs, il faut vraiment s'assurer qu'on n'a pas de deuxième vague pour pouvoir avoir ce genre de réflexion.
Q - Cela veut dire que ce soir, on ne peut pas dire "oui" pour les voyages à l'intérieur de l'Europe, mais que ce n'est pas exclu à l'horizon juillet-août, ce n'est pas définitivement "non" ?
R - Ce n'est pas exclu, parce que ce virus nous surprend. Et on est aujourd'hui très concentré sur ce déconfinement. Il faut qu'on le reste. Et donc, comme on l'a toujours dit, par étape, on pourra voir comment on peut retrouver une forme de vie plus normale, et dans la vie plus normale, il y avait une plus grande circulation possible. C'est bien sûr un souhait, mais il faut que l'on fasse les choses le plus prudemment possible, à la fois pour que l'activité puisse reprendre, mais en ayant cette vigilance sanitaire absolue.
Q - Et alors un auditeur qui voudrait par exemple partir en Grèce, vous lui dites quoi ? Vous lui dites : "vous pouvez prendre vos billets maintenant", ou "il vaut mieux attendre" ?
R - Je lui dis que, en écoutant bien le Premier ministre, on lui a proposé déjà de pouvoir faire des plans en France, et que pour le reste, je lui conseille effectivement d'attendre, parce que je n'ai pas à ce stade suffisamment de visibilité sur la situation sanitaire et sur ce que l'on pourra faire pour aller, par exemple, en Grèce ou ailleurs, dans un, deux ou trois mois.
Q - Mais aujourd'hui, là, on ne comprend plus très bien les règles, Amélie de Montchalin. Est-ce qu'on a le droit ou pas de se déplacer dans l'espace Schengen ou pas du tout ?
R - Alors, aujourd'hui, les règles, si vous êtes Français, et si vous regardez ce qui se passe à nos frontières, font que souvent, il y a une liste de personnes qui sont autorisées à circuler, qui sont celles, au fond, qui sont essentielles à notre activité économique. Je pense par exemple notamment aux frontaliers, et aussi des situations familiales qui l'imposent, si vous devez aller voir un enfant dans une institution spécialisée, si vous devez rendre visite à un parent dans un EHPAD dans un autre pays. Et puis, il y a des situations ensuite qui sont des situations normales, on a toujours le droit de rentrer chez soi, que l'on soit Français, si vous êtes un Espagnol qui habite à Paris, vous avez, bien sûr, le droit de rentrer chez vous.
Aujourd'hui, on est vraiment dans cette, à la fois, restriction, et en même temps on essaie de rendre la vie la plus vivable possible, en particulier, je pense, dans les zones frontalières où on a une grande mobilité. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui on ne fait pas de tourisme. C'est vrai qu'aujourd'hui, on a des limitations et donc on restreint encore nos mouvements. Tout comme les Français, on leur demande de faire moins de cent kilomètres ; eh bien, oui, ce ne serait pas logique, aujourd'hui, d'imaginer qu'on ouvrirait les frontières pour des déplacements qui ne sont pas essentiels.
Q - Amélie de Montchalin, l'Europe est accusée par Sanofi de ne pas en faire assez, de ne pas être assez efficace pour soutenir et faciliter la recherche d'un vaccin contre le Covid-19, contrairement aux Etats-Unis. Conséquence : le laboratoire a annoncé que s'il trouvait un vaccin, les Américains seraient servis en premier. Est-ce que cette accusation d'inefficacité européenne vous paraît justifiée ?
R - Alors, je suis très surprise, voire indignée d'ailleurs, par ces propos, parce que le président de la République, depuis des semaines, se bat avec les Européens, et se bat très fortement pour que nous puissions faire de ce vaccin que nous cherchons tous, avec d'ailleurs beaucoup de moyens européens - ce sont des centaines de millions d'euros qui ont été mis sur la table très très rapidement pour la recherche - , nous nous battons pour que ce soit un bien commun mondial.
Ça veut dire quoi, un bien commun mondial ? Ça veut dire que nous ne voulons pas de spéculation financière autour de ce vaccin. Nous voulons le financer. Et le 4 mai dernier, une grande initiative, à l'initiative du président, a été prise, pour que nous puissions lever des fonds - c'est 7,5 milliards d'euros qui ont été levés à l'échelle de tout le monde entier - pour justement dire que ce vaccin, il serait différent des autres, et que l'on n'allait pas spéculer. Qu'on voulait d'abord sauver des vies et que pour sauver des vies, toutes les personnes qui auraient besoin d'avoir accès à ce vaccin auraient accès à ce vaccin, qu'elles soient en Afrique, qu'elles soient en Europe, qu'elles soient aux Etats-Unis, qu'elles soient partout dans le monde. Parce qu'on ne peut pas sur un sujet aussi essentiel que notre santé se laisser aller à la loi du marché.
Q - Mais attendez, ça veut dire quoi ? Que le directeur général de Sanofi, quand il appelle l'Europe à partager les risques, il dit n'importe quoi ? L'Europe, elle partage déjà les risques ?
R - Il y a plusieurs choses. Il y a la recherche sur laquelle l'Europe investit beaucoup. Il y a ensuite le moment de la production. Et ce que j'entends, c'est qu'il est question, là, de précommandes et de questions industrielles.
Q - Attendez, juste pour que nos auditeurs comprennent bien le fonctionnement de ce genre de processus, c'est qu'il y a des pays qui paient à l'avance pour un développement de vaccin incertain, on ne sait pas s'ils auront le vaccin ou pas, et que comme ils ont payé en amont, eh bien ils sont les premiers servis, c'est ce qu'on appelle aussi un peu la loi du marché ? Est-ce qu'elle ne prime pas sur l'indignation, la loi du marché ? C'est celui qui a payé qui est servi ?
R - Si le 4 mai dernier, à l'initiative du président de la République, avec la présidente de la Commission européenne, avec tous les chefs d'Etat qui se sont mobilisés, on lève 7,5 milliards d'euros, c'est bien pour répondre exactement à la question qui est posée, qui est "comment on se donne tous les moyens pour que le plus rapidement possible, on soit en capacité de produire le vaccin, dès qu'on aura trouvé la manière de le faire". Dès que les chercheurs nous auront donné la recette de ce vaccin. On est en train de mettre de l'argent massivement sur la table, avec tous les réseaux de production.
Q - Est-ce que l'Europe va mettre de l'argent, va aider Sanofi, par exemple, pour ce développement de vaccin ?
R - Aujourd'hui, on met de l'argent, évidemment, déjà, dans la recherche. C'est, vous imaginez bien, un combat collectif. Le patron de Sanofi dont vous parlez a eu des échanges encore aujourd'hui avec le Premier ministre, et maintenant avec le président de la République. Evidemment, c'est notre combat. Mais moi je veux surtout rassurer ceux qui nous écoutent : nous sommes dans un combat pour sauver la vie de ceux qui habitent sur cette planète, et qui aujourd'hui sont confrontés à un virus qui bouleverse à la fois la vie quotidienne, qui bouleverse l'économie, et qui met en danger nos vies. Ce n'est pas le plus offrant, voyez, qui va pouvoir gagner ce marché. Evidemment, il y a ensuite des contraintes industrielles. Evidemment, il faut produire. Et donc, on veut qu'ils le fassent pour tout le monde, pour le monde entier. C'est pour ça qu'on a levé beaucoup d'argent, il faut qu'on s'organise ; peut-être que c'est une manière d'accélérer encore les choses. Mais je peux vous dire que s'il y a bien un combat qu'on mène, que le président de la République mène, c'est celui-là. Et quand on dit qu'on veut en faire un bien commun mondial, c'est vraiment une position très forte, pour que, justement, dans cette bataille, on sorte de la loi du marché.
Q - Amélie de Montchalin, tout à l'heure sur RTL, Jean-Luc Mélenchon disait qu'il ne fallait pas recevoir ces traîtres, qu'Emmanuel Macron ne devait pas recevoir ces traîtres de chez Sanofi, et il souhaitait une nationalisation de l'entreprise.
R - On n'est pas là pour s'invectiver. On est là pour trouver des solutions. Il y a manifestement des choses qui ne sont pas possibles, que nous ne tolérons pas. Mais il faut aussi qu'on soit lucide. Le but aujourd'hui, ce n'est pas de porter des jugements. Que le président les reçoive, c'est bien pour qu'on puisse travailler ensemble. Après, on a des principes très clairs. On a des principes très fermes. Mais, vous voyez, moi, je ne sais pas si l'Etat est forcément la bonne personne pour demain produire des vaccins. Cela peut peut-être être une option, ce n'est pas celle qu'on a posée aujourd'hui. La souveraineté sanitaire qu'on veut créer en Europe, c'est d'être effectivement plus autonome. D'avoir des entreprises qui sont sur notre continent, qui produisent moins loin, qui soient moins dépendantes de financements étrangers. On voit bien que c'est un combat où on a beaucoup de choses à reconstruire. Donc, je préfère que l'on soit dans l'action plutôt que dans l'anathème.
Q - Vous parliez des groupes européens. Il y en a un qui ne va pas bien en ce moment, c'est le groupe Airbus. Toute la division avion est au chômage partiel, on l'entendait dans le journal de 19 heures tout à l'heure. Vingt mille emplois directs menacés, vingt mille emplois indirects menacés également. Est-ce qu'Airbus est en danger aujourd'hui ? Est-ce que le géant européen est en danger ?
R - Evidemment, on est face à une crise inédite. Et évidemment, on voit bien qu'il y a beaucoup d'emplois, beaucoup beaucoup d'entreprises, beaucoup beaucoup de secteurs qui sont menacés. C'est pour cela qu'on a une énorme action en France, notamment autour du chômage partiel, qui est inégalée dans le monde entier pour protéger les emplois au maximum, protéger les compétences, éviter que les entreprises licencient et qu'au moment de la reprise, elles n'aient plus les capacités de repartir vite. On en a d'ailleurs beaucoup souffert dans les années 2010 parce qu'en France on n'avait pas fait ce choix du chômage partiel.
Donc, vous voyez qu'on se bat énormément avec Bruno Le Maire, avec le président de la République et avec nos partenaires européens pour avoir un plan de relance qui soit digne des besoins, qui soit à la hauteur des besoins. Qui soit aussi un plan de transformation de notre économie, face au changement climatique, face à la révolution numérique. Donc, on se bat. Je ne vais pas vous dire qu'on se bat parce que la menace serait petite. On se bat beaucoup parce que la menace est très grande. Donc effectivement…
Q - Mais est-ce qu'Airbus est en danger, pardon de vous répéter ma question ?
R - Aujourd'hui, quand vous avez un secteur aérien qui est à 95% cloué au sol, évidemment on a un énorme danger sur la filière aéronautique. C'est d'ailleurs pour ça que Thierry Breton, c'est pour ça que Bruno Le Maire, c'est pour ça que le président de la République, dans le plan de relance qu'on prépare au niveau européen, mettent évidemment le secteur aéronautique comme une priorité, à la fois pour que l'on sauve des emplois, mais aussi qu'on l'aide à investir, à se transformer, et notamment à se transformer face à la transition écologique que l'on doit mener dans le secteur. Ça ne veut pas dire qu'Airbus demain sera exactement comme Airbus avant ; mais évidemment, on se bat pour que les emplois, pour que notre compétitivité, pour que notre industrie puisse repartir.
Q - Merci beaucoup, Amélie de Montchalin, d'avoir été en direct avec nous dans RTL-Soir, merci à vous.
R – Merci.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mai 2020