Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions sur les mesures sociales urgentes à prendre face au covid-19.
La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière. La crise sanitaire a engendré une crise sociale dévastatrice. Comme toujours, les inégalités s'en trouvent aggravées. Certains s'en sortent sans trop de fracas, d'autres payent le prix fort. Des départements comme la Seine-Saint-Denis ont ainsi versé un lourd tribut. Au taux de surmortalité le plus élevé de France s'ajoutent désormais de graves difficultés économiques : le chômage, les dettes de loyers et, pour beaucoup de familles – sans doute est-ce le plus incroyable et le plus insupportable dans la cinquième puissance mondiale qu'est la France –, la faim.
Les mesures prises par le Gouvernement sont loin de suffire. L'aide exceptionnelle versée aux familles, salutaire, vient seulement d'arriver. Elle ne comblera pas les pertes accumulées depuis deux mois, qui vont encore augmenter.
Pour affronter ces difficultés et pallier les manquements de l'État, la solidarité prend une nouvelle fois le relais. Je le constate à Montreuil, à Bagnolet et dans d'autres villes du département : les associations jouent un rôle crucial dans l'élaboration de ce dernier rempart, aidées par les habitants et des collectifs citoyens, conscients de l'urgence. Or, elles aussi sont frappées de plein fouet par la crise : leurs recettes baissent, alors que les moyens qu'elles doivent déployer explosent. Pour la première fois, certains organismes historiques – je pense à Emmaüs – ont été contraints d'appeler aux dons. Les fonds de réserve des plus petites structures, qui constituent le maillage local nécessaire, au plus près du terrain, sont encore plus minces.
Le 23 avril, vous avez annoncé 25 millions d'euros pour les associations oeuvrant dans le domaine de l'aide alimentaire. Franchement, c'est peu. Dès avant la crise, plus de 5 millions de personnes recevaient une aide régulière ou ponctuelle des banques alimentaires : cela revient donc à une aide de 5 euros par personne. Nous devons donc débloquer de nouveaux moyens, ambitieux, y compris en faveur d'associations appartenant à d'autres domaines que la solidarité, notamment celles qui travaillent en faveur du développement social et culturel, du soutien scolaire, des aides aux loisirs.
Je vous demande de bien vouloir instaurer un grand plan de soutien aux associations qui oeuvrent dans les territoires les plus touchés, comme la Seine-Saint-Denis. Il doit être ambitieux et à la hauteur des enjeux. Si la République n'est pas sociale, elle n'est plus la République.
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.
M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement. Monsieur le député, même si nous reviendrons plus tard sur l'aide alimentaire, je veux dès à présent souligner tout le travail que Christelle Dubos et moi-même avons accompli en la matière ; vous-même avez rappelé l'existence du fonds de 25 millions d'euros dont la création a été annoncée il y a environ un mois par Mme la secrétaire d'État.
Vous nous demandez comment aller plus loin et aider les associations dans cette période au-delà de cette aide alimentaire, qui est essentielle.
Je vous rejoins dans votre conviction que dans beaucoup de nos quartiers, le lien social et la solidarité dépendent des associations. Vous l'avez constaté comme moi tous les jours ; je pense notamment aux associations proposant du soutien à domicile et du soutien scolaire. Ces actes de solidarité, qui peuvent sembler modestes, apportent des bénéfices immenses aux personnes concernées.
Qu'a fait le Gouvernement en la matière ? A minima, deux mesures méritent d'être rappelées.
Vous l'avez dit, il faut renforcer les actions de solidarité dans le domaine éducatif. Nous avons donc créé un fonds de 10 millions d'euros durant la crise, afin que toutes les associations puissent acheter du matériel – des clés 4G, 3G, des tablettes, des ordinateurs – pour appuyer localement la continuité éducative au profit des enfants qui en ont besoin. La mesure n'était pas spectaculaire, parce qu'elle n'a pas donné lieu à une commande d'État. C'est qu'il nous a semblé – et sans doute nous rejoindrons-nous sur ce point – qu'il valait mieux déléguer la gestion des fonds au niveau local, à savoir aux associations et aux collectivités, plutôt que de faire commander des dizaines de milliers de tablettes par l'État pour les distribuer ensuite.
Nous avons également créé un fonds de solidarité de 5 millions d'euros pour les actions de très grande proximité. C'était une première. Je viens d'annoncer la pérennisation de ce fonds et le doublement de son montant. Il permet de donner 500, 1 000 ou 2 000 euros à des associations de très grande proximité, qui agissent en faveur de la solidarité.
Cette pérennisation du fonds et le doublement de son montant s'ajoutent bien évidemment aux 200 millions d'euros versés chaque année par l'État aux associations des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
M. le président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel. On a coutume de dire, avec raison, que les cheminots se sont trouvés en deuxième ligne lors de la période de confinement et d'épidémie. Ils ont joué un rôle fondamental, dans un secteur qui a montré son caractère indispensable.
Auparavant, ils avaient été malmenés par l'ouverture à la concurrence, dont on peut se réjouir qu'elle n'ait pas été effective durant cette crise, tant le fait de disposer d'un seul opérateur national a facilité la réalisation de tâches stratégiques.
Les cheminots ont aussi été malmenés quand on a pointé les privilèges liés à leur régime de retraite, cela juste avant de les qualifier de « héros du quotidien » pour avoir poursuivi leur tâche, vaille que vaille, malgré les risques épidémiques qui ont entraîné la disparition de certains d'entre eux.
La mobilisation durant cette période ayant entraîné des tensions sociales fortes, on pourrait s'attendre à un effort pour apaiser les tensions à la sortie du confinement. Au lieu de cela, plusieurs cheminots se voient menacés de licenciement par la SNCF.
Alors que l'inspection du travail a donné raison à Éric Bezou, syndicaliste affilié à Sud-Rail à Saint-Lazare qui contestait sa radiation par la SNCF, il n'en est pas moins question, dans un mail du ministère du travail daté de lundi, de confirmer cette sanction.
Samy Charifi, secrétaire d'un comité d'entreprise, affilié à la CGT à Paris-Est, risque lui aussi la radiation après avoir occupé symboliquement, pour une fête conviviale, un lieu appartenant au comité d'entreprise de la SNCF. Ne croyez-vous pas qu'au lieu de ces gestes revanchards, qui sentent la criminalisation du monde social, il serait temps d'apaiser les tensions, de déclarer une forme d'amnistie sociale et de revenir sur les possibles radiations de ces cheminots ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur Coquerel, vous avez raison de rendre hommage aux cheminots. Je pense aussi à bien d'autres personnes de la seconde ligne – notamment, pour faire le lien avec les propos de M. Corbière, à ceux qui ont fait tourner les magasins des centres-villes, alors qu'ils habitent souvent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ils ont continué à prendre le métro tous les matins et à travailler pour tous les autres, malgré les difficultés que l'on connaît. Collégialement, de manière transpartisane, nous leur rendons hommage.
En ce qui concerne la SNCF, ni Christelle Dubos ni moi-même n'étant en charge des transports, vous ne m'en voudrez pas de ne pouvoir vous donner des informations dont je ne dispose pas. Mieux vaut ne pas répondre lorsqu'on ne connaît pas précisément l'état des discussions. Vous savez d'ailleurs l'engagement de notre collègue Jean-Baptiste Djebbari sur ce sujet.
Je répondrai donc plus largement – en écho d'ailleurs à votre question – que l'immense enjeu du moment est d'éviter, de manière très républicaine, très transpartisane, que la crise sanitaire ne se transforme en crise sociale ; nous nous affairons tous pour cela.
Si on ne le dit pas suffisamment, le chômage partiel a été instauré dans ce but, même si l'on sait tous, avec humilité et lucidité, que ce n'est pas une solution pérenne, et qu'il ne pourra être prolongé pour tous les mois qui viennent. Des mesures de soutien doivent être prises, permettant d'augmenter le chiffre d'affaires et de relancer les carnets de commandes.
Soyez assuré que la mobilisation du Gouvernement se concentre pleinement sur les mesures d'accès à l'emploi et de soutien des entreprises, afin d'éviter que la crise sanitaire ne se transforme en crise sociale.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot. Monsieur le ministre, la complicité qui vous lie aux plus riches a assez duré. Notre proposition de taxer les bénéfices des profiteurs de crise qui se gavent sur notre malheur national a été refusée ; celle d'inscrire dans la loi l'interdiction de verser des dividendes, refusée ; celle de rétablir l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, même provisoirement, refusée !
La semaine dernière, Bruno Le Maire taxait cette dernière proposition de « pure démagogie », alors que la suppression de cet impôt nous coûte 4,5 milliards d'euros par an.
Le pire est que votre bienveillance envers les rapaces ne paie pas. Le laboratoire Sanofi, que vous avez arrosé de 1 milliard d'euros avec le crédit d'impôt recherche et le CICE, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, et dont 80 % des revenus en France proviennent de la sécurité sociale, nous annonce qu'il privilégiera les États-Unis en cas de découverte d'un vaccin contre le covid-19. Le Président s'en émeut : après tous les efforts déployés depuis trois ans pour donner toujours plus à ceux qui ont déjà, il s'étonne que le laboratoire Sanofi ne fasse pas un geste.
Ce que vous ne saisissez pas, c'est que les sociétés transnationales n'ont qu'une seule patrie : l'argent ! Votre souplesse et vos courbettes n'ont fait que renforcer leur pouvoir de nuisance. À tout moment, crise sanitaire ou pas, elles choisiront la voie du profit plutôt que celle de l'intérêt général.
Mais plutôt que de les faire payer à la hauteur de leurs moyens, vous veillez sur leurs finances. Il pourrait ne rester qu'1 euro à l'ensemble des Français, que vous refuseriez de les taxer !
Nous devons non seulement trouver un vaccin contre le covid-19, mais aussi un vaccin contre la cupidité. La crise sociale qui s'annonce est sans précédent ; la famine guette, et ce ne sont pas de miettes dont les gens ont besoin. À quoi nous sert d'être le sixième pays le plus riche au monde, si vous laissez 9 millions de personnes dans la pauvreté, et bientôt davantage ?
Donnez-vous les moyens de faire face à la crise sociale, en cherchant l'argent là où il est : dans la poche des actionnaires, dans la caisse des GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon –, et dans les paradis fiscaux. C'est là que se trouvent les milliards que vous laissez filer chaque année !
La France doit être une république sociale. Quand allez-vous enfin vous comporter en ministre servant l'intérêt général plutôt qu'en gestionnaire du patrimoine des plus fortunés de ce pays ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Parmi les différentes questions que vous posez, permettez-moi d'en retenir une, madame Panot : celle concernant l'ISF. Si cet impôt fonctionnait aussi bien que vous le dites, le taux de pauvreté ne serait pas si important en France sur les dernières décennies.
Mme Mathilde Panot. Non !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Nous souhaitons que le capital soit réinvesti, afin de créer des emplois – puisque c'est bien l'emploi, et l'accompagnement vers celui-ci, qui permet de sortir de la pauvreté.
Par ailleurs, permettez-moi de souligner que face à la crise, nous n'avons pas eu à improviser, parce que notre système de protection sociale a pu être adapté, par exemple en ouvrant les droits au chômage partiel et aux arrêts de travail pour garde d'enfants.
Nous avons adapté notre système plutôt que de chercher des mesures opposant les individus sur le plan économique ou social. Notre objectif est de soulager et de maintenir notre vie économique : quand on soutient l'emploi, on soutient les salariés et on limite l'entrée dans la pauvreté. On voit bien que dans d'autres pays, l'absence de chômage partiel a eu des effets désastreux sur le niveau de vie et le taux de pauvreté.
Concernant la gestion de la crise sociale, permettez-moi de rappeler que nous avons mis plus de 3 milliards d'euros sur la table pour financer différentes mesures : 1,2 milliard pour soutenir les établissements sociaux et médico-sociaux ; 1,1 milliard de soutien direct aux personnes précaires, notamment à travers l'aide exceptionnelle de solidarité et l'aide alimentaire, parmi les nombreuses aides octroyées pour éviter que les drames sociaux ne s'ajoutent à la crise sanitaire ; 600 millions pour le soutien à la petite enfance ; 50 millions pour le renforcement de la politique nationale d'hébergement d'urgence, conduite par M. Denormandie ; 34 millions pour les réponses d'urgence aux situations critiques, avec un fort ciblage territorial, à travers les chèques d'urgence alimentaire, dont une première vague, d'un montant de 14 millions d'euros, a bénéficié à 100 000 familles, auxquels il faut encore ajouter les mesures prises par le ministre du logement en faveur des 90 000 familles sans abri ; 25 millions d'euros versés aux associations pour permettre l'achat de denrées alimentaires supplémentaires. N'ayons pas peur : plus de 3 milliards d'euros ont été débloqués pour faire face à cette crise.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine Rubin. Je souhaite revenir sur une question déjà abordée par Alexis Corbière. Le 30 octobre dernier, lors d'une audition devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation, M. Gabriel Attal déclarait : « Les Restos du Coeur rassemblent 70 000 bénévoles réguliers. S'il s'agissait de permanents payés au SMIC par l'État, cela représenterait un coût de plus de 200 millions d'euros par an », faisant preuve d'une conception somme toute assez libérale du secteur associatif, qui s'intéresse au bénévolat sous le prisme des coûts qu'il évite à l'État.
M. Thibault Bazin. Et le service national universel, il est mort ?
Mme Sabine Rubin. La charité privée, certes louable, ne saurait pourtant se substituer au mécanisme de solidarité nationale que suppose une « République sociale », pour reprendre les termes de notre Constitution.
De fait, en interrogeant maints acteurs du secteur, on s'aperçoit que c'est de l'aide active des pouvoirs publics qu'ils ont cruellement besoin, notamment à l'heure de la crise du covid-19, alors que l'élan spontané d'entraide a été particulièrement indispensable. Dans ma seule circonscription, j'ai rencontré des couturières bénévoles fabriquant des masques quand la parole gouvernementale sur le sujet était encore flottante ; des associations collectant des masques de plongée pour pallier la pénurie signalée par des hôpitaux parisiens de renom ; des collectifs de jeunes, si souvent décriés, distribuant grâce à leur voiture personnelle jusqu'à 100 repas par jour, préparés dans des cuisines particulières.
Malgré les trésors d'ingéniosité mis en oeuvre, c'est d'un soutien massif de l'État dont ces associations ont actuellement besoin. Pour être plus précis, prenons l'exemple du Secours populaire du département de la Seine-Saint-Denis. Alors que les versements du fonds d'aide européen aux plus démunis, qui finance les associations nationales les plus importantes, démarrent et sont renouvelés en octobre, le stock de denrées de cette antenne du Secours populaire sera épuisé à la mi-juin.
Selon la parole présidentielle, « l'État paiera ». Versera-t-il une avance sur ce fonds ? À défaut, assurera-t-il une compensation équivalente à 274 tonnes de produits alimentaires au département de la Seine-Saint-Denis ?
Plus globalement, quelles mesures seront prises à long terme pour répondre à la crise alimentaire ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Madame la députée, si votre question porte sur les associations, permettez-moi de me concentrer sur la question particulière de l'aide alimentaire.
Le coût de l'aide alimentaire représente 1,5 milliards d'euros, en prenant en compte le travail des 300 000 bénévoles qui oeuvrent en France dans les associations de ce secteur.
Si l'aide alimentaire est gérée par les associations, elle est financée par l'État, à travers un versement de 115 millions d'euros annuels, dont une partie est issue de fonds européens. L'État accompagne en outre les associations grâce à la défiscalisation des dons de particuliers et d'entreprises permettant la fourniture de denrées alimentaires supplémentaires, pour un montant de 350 millions d'euros. Enfin, les collectivités territoriales abondent les fonds des associations, pour un montant de 250 millions d'euros.
Concrètement, en cette période de crise, alors que le budget annuel est de 115 millions d'euros, nous avons versé 39 millions d'euros au titre du plan d'urgence pour l'aide alimentaire. C'est donc l'équivalent d'un tiers du budget annuel que nous remettons aux associations, ou directement aux bénéficiaires pour leur ouvrir l'accès à cette aide.
La deuxième partie de votre question portait sur les fonds européens. Sachez que l'État a commandé, sur ses propres fonds, sept produits, qui seront disponibles dans les prochains jours pour les associations d'aide alimentaire. En outre, un marché public est en cours de passation, sur des fonds européens, afin de pouvoir distribuer en juin du lait et du beurre aux associations ; un ensemble de produits arrivera en septembre. En cette période de crise, un travail de fond est bien mené pour continuer à alimenter les associations et maintenir leurs stocks.
Sachez enfin que, comme c'était déjà le cas avant la crise, je travaille avec les associations lors d'entretiens bilatéraux hebdomadaires voire quotidiens. Nous avons ainsi adapté le système pour que les bénévoles, souvent retraités, puissent poursuivre leur action ; quelque 300 000 de nos concitoyens se sont engagés sur la plateforme jeveuxaider.gouv.fr, dont je suis responsable avec Gabriel Attal ; parmi eux, plus de la moitié l'ont fait au titre de l'aide alimentaire.
Concernant les associations, l'État doit faire mieux et mettre les mains dans le cambouis pour que les associations puissent travailler correctement sur le terrain, au-delà des questions financières.
M. le président. La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc. Je voudrais revenir sur l'aide exceptionnelle de solidarité qui vient d'être versée aux allocataires de minima sociaux et aux bénéficiaires des aides personnelles au logement. Cette aide laisse de côté certaines personnes : les demandeurs d'emplois non indemnisés, les autoentrepreneurs, les étudiants salariés, les salariés ayant épuisé leurs droits ou encore les jeunes de moins de vingt-cinq ans qui n'ont pas droit au RSA – revenu de solidarité active –, mais dont j'apprends à l'instant que l'aide pourrait leur être versée au mois de juin.
Nous pensons qu'il convient de consolider dans le temps cette succession de mesures – au moins jusqu'à la fin de l'année, car la crise durera plusieurs mois – par la constitution d'un fonds d'aide exceptionnel, et de l'élargir au public qui n'est pas encore concerné par l'aide exceptionnelle de solidarité. C'est une proposition que nous avançons.
Ce fonds d'aide exceptionnel, qui permettrait de verser chaque mois une somme aux allocataires, devra être formalisé de manière à ne pas reposer sur des décisions ponctuelles. Il devra également être financé car, si nous voulons que cette mesure dure à moyen voire à long terme, il faut des sous !
Pensez-vous vraiment que vous échapperez à l'instauration d'une contribution des Français les plus riches ? Tous les experts le disent : il faudra en passer par là. Nous proposons donc une contribution tout aussi exceptionnelle de 0,5 % à laquelle seraient assujettis les 1 % de Français qui disposent de 16 % du patrimoine national. Ce n'est pas la mer à boire.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Je vous remercie, monsieur le député, d'avoir mentionné l'aide exceptionnelle de solidarité qui a été versée le 15 mai dernier. Elle est le résultat d'un travail collectif du Gouvernement auquel Julien Denormandie, le ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran et moi-même avons oeuvré.
Il nous semblait essentiel d'apporter une réponse financière à ces familles dont les dépenses ont augmenté en raison de la fermeture des écoles, laquelle a entraîné des frais alimentaires plus importants alors que ces familles connaissaient parfois une baisse de ressources. En effet, les allocataires de minima sociaux comme le RSA et l'ASS – allocation de solidarité spécifique – n'ont pas pu travailler les quelques heures qu'ils effectuaient par le biais d'associations intermédiaires ou d'agences d'intérim.
Le dispositif du chômage partiel a été une réponse à ce phénomène et en a limité la portée ; en ce sens, le filet de sécurité a fonctionné. Permettez-moi de rappeler que le dispositif de chômage partiel couvrira 100 % – et non 84% – du SMIC et que les éventuelles baisses de revenus seront partiellement compensés par la prime d'activité. Notre système de protection joue son rôle d'amortisseur.
L'aide exceptionnelle annoncée par le Président de la République et le Premier ministre le 13 avril était destinée aux familles et aux jeunes. Une autre aide exceptionnelle de 200 euros sera versée à 800 000 jeunes dans les prochains jours, ce qui représente 160 millions d'euros. Pour répondre aux besoins spécifiques qui se posaient entre-temps, j'ai demandé deux choses.
Premièrement, j'ai demandé que l'ensemble des droits soient maintenus afin d'éviter que les personnes en rupture numérique, par exemple les allocataires du RSA qui ne pouvaient pas remplir leur déclaration trimestrielle de ressources, ne connaissent pas de rupture de droits. Cela a été fait au bénéfice de nombre de nos concitoyens.
Dans un deuxième temps, j'ai demandé aux caisses d'allocations familiales de verser des aides individuelles d'urgence. À ce jour, plus de 18 000 dossiers ont été instruits et, depuis le début de la crise, 5,3 millions d'euros ont été versés aux familles connues par les travailleurs sociaux qui ont sollicité cette aide exceptionnelle, en plus de ce qui leur était proposé dans le cadre de l'aide alimentaire.
Notre priorité est le maintien du filet de sécurité. Nous nous poserons la question du montant des minima et de la prise en charge des jeunes de moins de vingt-cinq ans.
M. le président. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain Bruneel. Actuellement, les salariés du secteur privé mis au chômage partiel par leur entreprise bénéficient d'une garantie de 84% de leur salaire net, voire de 100% au niveau du SMIC, que l'État et l'assurance chômage remboursent intégralement aux employeurs dans la limite de 4,5 SMIC.
De nombreux salariés ont perdu des revenus avec le chômage partiel ; d'autres sont confrontés à la précarité de petits boulots qui n'ouvrent aucun droit.
Avec le déconfinement et la reprise des activités, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, a déclaré que le dispositif serait progressivement réduit et que l'État n'avait pas vocation à continuer de payer l'intégralité des salaires du secteur privé. Le Gouvernement prend donc l'orientation d'une baisse du pourcentage d'indemnisation du chômage partiel, dès le 1er juin, alors que l'épidémie est loin d'avoir dit son dernier mot.
L'activité du pays redémarre. Les masques ne sont pas à la disposition de tous les salariés ; pire, ils ne sont toujours pas gratuits. Mais, pour vous, il faut absolument redémarrer.
Avant que vous ne preniez définitivement votre décision, je souhaite vous alerter sur la situation de tous ces jeunes qui comptaient sur leur job d'été, dans les colonies de vacances ou ailleurs, pour financer leurs études ou leur permis de conduire. Je pense également aux professions paramédicales qui ne pourront toujours pas exercer leur activité dans des conditions normales, mais qui n'obtiendront pas de compensation financière. Je suis également sensible au sort des salariés qui reprennent leur activité la boule au ventre, en sachant pertinemment qu'ils ne seront pas protégés de manière optimale.
Cette nouvelle mesure, si vous restez sur votre position, diminuera un peu plus le pouvoir d'achat déjà amoindri de plusieurs millions de salariés, tandis que d'autres, malheureusement licenciés, iront s'inscrire à Pôle emploi. L'économie redémarre, mais ce redémarrage ne doit pas se faire à n'importe quel prix. C'est une question primordiale pour sécuriser le pouvoir d'achat et prévoir l'avenir.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Monsieur le député, vous m'interrogez sur le dispositif du chômage partiel. Comme je l'ai dit tout à l'heure, pour les personnes au SMIC, la prise en charge est de 100 % du salaire net. De plus, la baisse de revenus résultant de l'activité partielle sera partiellement compensée dans certains cas, par exemple pour les personnes qui ont droit à la prime d'activité. Je les invite ici à remplir leur déclaration.
J'ajoute que l'activité partielle a été ouverte à un public qui n'y avait jusqu'à présent pas droit. Je ne prendrai qu'un exemple : celui des assistantes maternelles, qui ont pu en bénéficier pour compenser l'absence de garde d'enfant liée au confinement. Le filet de sécurité a bien fonctionné de ce point de vue.
Oui, il faut accompagner la reprise du travail en faisant respecter les gestes barrière détaillés dans les quelque soixante guides élaborés par le ministère du travail, en lien avec le ministère des solidarités et de la santé, et retravaillés avec les organisations syndicales dans le cadre d'un dialogue social constructif, pour permettre une reprise d'emploi dans les meilleures conditions.
Il est faux de dire, monsieur le député, que le dispositif du chômage partiel s'arrêtera le 1er juin : il ne s'arrêtera pas net à cette date et accompagnera la reprise, même s'il sera progressivement adapté. Les modalités de cette adaptation sont encore en cours d'élaboration. Nous serons vigilants, car ce n'est pas en opposant l'économie au social et à la santé, mais au contraire en adoptant une vision large, que nous permettrons aux Français qui le peuvent de reprendre le travail dans de bonnes conditions de sécurité sanitaire afin de faire repartir l'économie et d'éviter des plans de licenciements. Notre objectif est de maintenir l'emploi.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Testé.
M. Stéphane Testé. La crise sanitaire que nous traversons a un impact social indéniable, et cette crise exceptionnelle appelle des réponses exceptionnelles. Je veux m'arrêter sur deux sujets particulièrement prégnants dans mon département, la Seine-Saint-Denis, à savoir les difficultés dans le paiement des loyers et l'approvisionnement alimentaire.
On ne peut que s'en réjouir, le Gouvernement a répondu présent, et vite, d'abord en décalant la fin de la trêve hivernale au 31 mai puis au 10 juillet, puis en annonçant, par la voix des ministres Julien Denormandie et Christelle Dubos, une aide exceptionnelle destinée aux foyers les plus modestes, qui a été versée le 15 mai à 4 millions de foyers.
En Seine-Saint-Denis, cela représente plus de 36 millions d'euros et un peu plus de 150 000 foyers bénéficiaires. Cette aide a été une bouffée d'oxygène pour des familles qui vivent dans une détresse silencieuse depuis le confinement, des familles déjà en difficulté avant la crise et pour lesquelles la fermeture des cantines scolaire a constitué un deuxième choc financier dans un département au taux de chômage bien supérieur à la moyenne nationale et très touché par la précarité au travail.
Nous avons tous en tête les images des longues files d'attente lors des distributions alimentaires organisées par des associations que je veux remercier ici. Élu local de Clichy-sous-Bois, j'y ai vu des familles inconnues du centre communal d'action sociale, ce que rappelait récemment le maire de la ville, Olivier Klein.
Un troisième volet d'aide a concerné les jeunes précaires, étudiants ou non, et la distribution de chèques de services.
Madame et monsieur les ministres, la crise a aggravé la précarité que subissent de trop nombreux de nos concitoyens. Elle creuse la fracture sociale dans les quartiers et ne peut s'amortir que dans la durée. Prolongation de la trêve hivernale au-delà de l'été, leviers des APL ou du FSL – fonds de solidarité logement –, moratoire sur les loyers, poursuite de l'aide alimentaire par la création d'un service public dédié, coup de pouce à l'allocation de rentrée scolaire… Je souhaite savoir quels leviers sont envisagés par le Gouvernement afin de poursuivre l'accompagnement des plus modestes dans les prochains mois et réduire des inégalités qui ne cessent de se creuser, depuis des décennies, dans les quartiers populaires.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. À travers vous, monsieur Testé, je tiens à remercier tous les acteurs de terrain : puisque nous parlons de solidarité, je pense avant tout aux CCAS – centres communaux d'action sociale – et aux communes, mais aussi à l'ensemble des associations avec lesquelles nous échangeons très régulièrement et travaillons main dans la main.
La solidarité n'a pas de couleur politique. Elle n'a qu'une couleur : celle de l'action. Nous sommes nombreux à nous mobiliser chaque jour, depuis le début de la crise, pour apporter de l'aide aux personnes en détresse. Oui, il y a des personnes en détresse ; la crise que nous avons vécue a révélé, encore une fois, les inégalités sociales.
Je crois que nous devons faire deux choses. La première, et elle est essentielle, est de continuer à gérer le présent. Je vous l'avoue : jamais je n'aurais jamais cru, en tant que ministre de la ville et du logement, signer des tickets service pour servir de bons alimentaires. Mais notre main n'a pas tremblé et nous l'avons fait, d'abord pour les publics très précaires, ensuite pour les familles modestes, en lien avec le ministère des solidarités et de la santé. Il faudra maintenir les dispositifs tant qu'ils seront nécessaires.
En deuxième lieu, nous devons mener des politiques publiques destinées à accompagner ces détresses sociales. Le versement de l'aide exceptionnelle à 4,1 millions de foyers a ainsi été élargi aux familles modestes qui bénéficient des APL ; celles-ci n'ont pas forcément vu leurs revenus diminuer, mais leurs charges ont augmenté. Telle est la réalité que nous avons observée, et la raison pour laquelle nous devons continuer.
Les derniers éléments que je retiens de la période que nous vivons sont l'agilité et la proximité. C'est ce que nous faisons avec la plateforme "SOS loyers impayés" au 0805 16 00 75, qui permet d'adapter les réponses aux réalités que nous observons. C'est aussi ce que nous faisons pour répondre au problème des impayés de loyers dans le domaine social : nous avons débloqué des fonds pour les bailleurs sociaux et proposé un accompagnement individualisé pour les familles.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Charrière.
Mme Sylvie Charrière. Depuis trois ans, le Gouvernement mène une politique volontariste et engagée en faisant de l'insertion sociale et professionnelle de la jeunesse une priorité. Je pense ici à de nombreuses avancées historiques : la formation obligatoire des jeunes âgés de 16 à 18 ans, qui vise à éviter les ruptures de parcours ; la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui donne ses lettres de noblesse à l'apprentissage ; la réforme des lycées professionnels, afin d'en faire une voie d'excellence ; ou encore le service national universel, pour socialiser et insérer les jeunes, mais aussi repérer les plus en difficulté d'entre eux.
Ces réformes, ainsi que de nombreux autres chantiers encore en cours, sont destinées à venir en aide à la jeunesse, première victime du chômage de masse et de la précarité dans notre pays. Mais cette dynamique pourrait être perturbée par la crise sanitaire que nous traversons.
Tout d'abord, la fermeture des établissements scolaires, malgré l'instauration de la continuité pédagogique, pourrait susciter chez certains jeunes fragiles un rejet de l'école encore plus important et aboutir à l'augmentation du nombre de décrocheurs scolaires. Nous devons tout faire pour privilégier leur retour à l'école ; ils doivent être notre priorité. La formation obligatoire est un moyen supplémentaire de ne pas lâcher les jeunes en difficulté ; nous devons nous en saisir.
Ensuite, les difficultés économiques à prévoir laissent craindre la diminution du nombre de propositions d'apprentissage, d'alternance, de stage et même de mécénat. Cela pourrait nuire à l'accompagnement nécessaire des jeunes dans leur formation professionnelle. L'implication des entreprises sera décisive pour tendre la main aux jeunes éloignés de l'emploi : nous devons les inciter, les accompagner et les valoriser lorsqu'elles font de l'insertion de la jeunesse une priorité.
Cette précarité professionnelle s'accompagnera inévitablement d'une précarité sociale plus importante. Des réflexions sont en cours autour du revenu universel d'activité et les jeunes devront y prendre leur place. Je salue par ailleurs l'attribution d'une aide exceptionnelle aux jeunes vulnérables. Madame la secrétaire d'État, de quelles mesures d'urgence et de relance à la hauteur des enjeux de demain comptez-vous faire bénéficier notre jeunesse ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Vous m'interrogez au sujet des mesures prises en faveur de l'insertion des jeunes. Le constat est partagé, et vous avez d'ailleurs été à l'initiative d'un rapport relatif à l'obligation de formation pour les jeunes de 16 à 18 ans, mesure phare de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui devrait être appliquée à partir de septembre.
Nous voyons à quel point la crise est susceptible de creuser plus encore les inégalités, en particulier pour les jeunes qui, même s'ils auraient pu poursuivre leurs études durant la crise, les ont arrêtées. Nous devons donc mener un travail pour limiter les conséquences sociales de la crise sanitaire, notamment en matière d'insertion des jeunes. C'est pourquoi, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, nous allons remobiliser 100 000 jeunes par an grâce au dispositif Garantie d'activité, et évaluer la possibilité d'étendre ce dernier. Nous prévoyons également un accompagnement accru pour les jeunes sortis de l'aide sociale à l'enfance, car c'est parfois un vecteur d'inégalités sociales. Enfin, comme vous l'avez rappelé, nous souhaitons pouvoir instaurer l'obligation de formation.
Avec Jean-Michel Blanquer et Muriel Pénicaud, nous avons adressé à l'ensemble des préfets et directeurs d'établissements un courrier demandant à ce qu'un travail soit mené pour anticiper un éventuel décrochage scolaire. Il nous semble important de repérer et recenser en amont du mois de septembre les jeunes susceptibles d'être concernés, afin de pouvoir leur tendre la main et, surtout, de ne pas les laisser seuls face à cette détresse. Comme vous l'avez dit à juste titre, il s'agit de leur proposer un accompagnement à la reprise d'une formation ou d'un contrat d'apprentissage. La ministre du travail s'emploie à maintenir toute l'offre d'apprentissage professionnel : elle avait commencé à porter ses fruits, il ne faut pas qu'elle diminue. Nous allons également travailler à développer l'offre de l'insertion par l'activité économique, qui est un autre levier d'insertion important, que ce soit pour les jeunes ou les moins jeunes.
M. le président. La parole est à M. Patrice Anato.
M. Patrice Anato. La crise du covid-19 aura été l'occasion de nous rappeler qu'aucune avancée sociale n'est jamais acquise et qu'il faut toujours conserver la plus grande des vigilances lorsqu'il s'agit de préserver la satisfaction des besoins les plus élémentaires de nos concitoyens. Dans notre pays, ce rôle de vigie est assuré par les associations et les milliers de bénévoles qui, au plus près des territoires et de l'urgence, donnent sans compter pour les autres.
Les associations sont présentes auprès de ceux qui sont démunis, de ceux qui sont confinés dans des logements trop exigus ou qui n'ont pas de logement du tout, des femmes battues, des enfants en danger et des éloignés du numérique. Elles sont là pour aider à la continuité éducative et épauler les services de santé. Elles ont été l'oreille de ceux qui, face à la solitude du confinement, ont eu besoin d'être écoutés ; la voix de ceux qui ne savaient pas vers qui se tourner pour trouver une réponse à leur désarroi ; la main de ceux qui, en plein confinement, ne pouvaient plus faire leurs courses eux-mêmes. Les associations ont donc pris toute leur part dans le grand combat national.
Certes, en ciblant directement les populations les plus démunies face aux conséquences de la crise, l'État a pris la sienne, et je me réjouis des mesures qui ont été instaurées. Mais je souhaiterais que nous n'oubliions pas ceux qui, sur le terrain, ont transformé la solidarité et la fraternité en réalités concrètes. Je pense par exemple à la Fédération des secouristes Français Croix blanche du 93 qui, en épaulant les équipes du SAMU – service d'aide médicale urgente – en Seine-Saint-Denis, a accompli un travail fabuleux digne de toute notre reconnaissance. Je pense également aux associations Impuls'Elle, Handicap insertion internationale, Label lyrique – je pourrais en citer bien d'autres.
Monsieur le ministre, vous connaissez par coeur toutes ces associations. Comment entendez-vous traduire la reconnaissance de la nation à leur égard et à celui des milliers de bénévoles qui ont donné sans compter de leur temps et de leur humanité ? Quel premier bilan pouvez-vous tirer du fonds de subventions que vous avez octroyé aux petites associations de proximité des quartiers prioritaires ? D'une manière plus générale, dans la construction de l'après, comment soutiendrez-vous les associations, qui se sont révélées indispensables lors de la crise, que ce soit dans le domaine de l'aide alimentaire, de la santé ou de l'éducation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Je voudrais commencer par confirmer que vos propos sont parfaitement conformes à ce que nous vivons tous, depuis le premier jour du confinement, dans les fameux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Vos propos reflètent également un constat que je voudrais affirmer avec force : contrairement au discours défaitiste que l'on entend trop souvent, la République n'a jamais abandonné ces quartiers. La République, c'est d'abord les associations, c'est-à-dire l'ensemble des personnes républicaines qui, au jour le jour, travaillent au bienfait de leurs concitoyens. C'est également les professeurs, les services publics, les collectivités locales et l'ensemble de leurs employés. Enfin, la République, c'est l'État. Cela ne signifie pas que les choses sont simples et qu'il n'y a pas de nombreuses difficultés à résoudre, mais bien que la République est là, qu'elle n'abandonne pas ses quartiers. Je ne laisserai jamais, absolument jamais, dire le contraire.
Le rôle de l'État doit être de soutenir les acteurs de terrain, c'est-à-dire les collectivités locales – mais ce n'est pas l'objet de votre question – et les associations. Il se trouve que le ministère dont je suis chargé est celui qui finance le plus grand nombre d'associations : chaque année, nous y consacrons un budget de 200 millions d'euros, et la majorité présidentielle a voté une augmentation du budget consacré à l'aide aux associations dans les quartiers prioritaires de la ville. Nous finançons donc chaque année des milliers d'associations, mais nous avons constaté une grande difficulté : contrairement aux collectivités locales, qui savent le faire, l'État n'est pas habitué à financer et soutenir des associations de très grande proximité.
C'est pour cela que, à l'aune de la crise, nous avons créé un fonds de soutien aux associations de très grande proximité, doté de 5 millions d'euros. Parfois, cette aide a pris la forme d'un chèque permettant de faire le plein d'essence d'une camionnette, afin que ceux qui représentent l'idéal républicain puissent aller faire des gestes solidaires. Nous avons appris de la crise que la solidarité ne devait pas être victime du covid-19 : j'ai donc annoncé que nous allions non seulement pérenniser le fonds, mais aussi doubler son montant, car l'État doit être aux côtés de celles et ceux qui incarnent cet esprit de solidarité bien français.
M. le président. La parole est à Mme Stéphanie Atger.
Mme Stéphanie Atger. Si la période de confinement a été complexe à gérer pour un très grand nombre de Français, je veux avoir une pensée toute particulière pour nos aînés qui résident dans des EHPAD. Le confinement, qui s'est parfois traduit pour eux par un isolement dans leur chambre afin de les protéger du virus, a pu avoir des conséquences non négligeables sur leur bien-être. En effet, l'isolement a fait peser sur le moral de nos aînés un fort risque de conséquences psychologiques, et il apparaît aujourd'hui essentiel que les contacts humains, qu'ils soient physiques ou virtuels, reprennent.
Alors que le déconfinement a commencé le 11 mai partout en France – à l'exception de Mayotte –, les visites en EHPAD, très encadrées, avaient déjà été autorisées quelques jours auparavant. Néanmoins, au-delà des contacts avec les familles, qui restent exceptionnels et espacés dans le temps, les activités socio-culturelles doivent reprendre : les activités en groupe, dans le respect des gestes barrière, permettront ainsi de retisser un lien social qui a pu se distendre. La reprise d'activités ludiques, comme la couture, le chant ou encore, comme cela a été évoqué dans le rapport d'étape que M. Jérôme Guedj vous a remis fin mars, la création d'animations de couloir, la diffusion de musique à chaque étage ou des promenades individuelles, sont des pistes à explorer.
S'agissant du déconfinement et de ses évolutions, je crois profondément que la personne âgée doit être au coeur des décisions : je crois savoir, madame la secrétaire d'État, que c'est également ainsi que votre ministère conçoit les choses. Ainsi, pouvez-vous nous indiquer quelles solutions sont envisagées, en lien avec les EHPAD et leurs résidents, pour rompre l'isolement de nos aînés et leur permettre de renouer le contact avec la culture, les activités ludiques, les animations et, plus encore, avec notre société ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Je vous remercie pour votre question, qui permet de revenir sur les difficiles contraintes que nous avons dû imposer à nos aînés, notamment dans les EHPAD, en raison de leur vulnérabilité. En effet, le virus y circule encore malheureusement ; pour protéger les personnes âgées, nous avons dû appliquer des contraintes. Je tiens ici à remercier l'ensemble des professionnels qui oeuvrent au quotidien, que ce soit en EHPAD ou à domicile, pour préserver la santé et le bien-être des personnes âgées, car leur travail et leur présence rendent parfois les journées un peu moins longues et un peu plus colorées. J'associe l'ensemble du Gouvernement à ces remerciements pour leur important travail.
S'agissant de la réouverture des établissements lors du déconfinement, nous avançons progressivement. Là encore, il s'agit de préserver et de maintenir autant de lien que possible. À ce titre, je voudrais également remercier les nombreux Français qui se sont mobilisés, en envoyant des lettres dans les établissements ou en offrant des écrans pour que les familles puissent continuer à communiquer avec leurs aînés. Tout cela fonde le système français de solidarité et de proximité, un système nécessaire qui est le ciment de notre République. Et si on peut avoir tendance à l'oublier, il a ressurgi et j'espère que l'ensemble de nos concitoyens continueront à porter ce regard sur la proximité, à prendre soin de leur voisin, à s'assurer que tout se passe bien ou à demander s'il a besoin de courses. Au-delà des métiers de la prévention et du soin, nous devons continuer à solliciter et favoriser ces actions.
S'agissant des personnes âgées à domicile, nous n'interdisons pas aux familles d'aller leur rendre visite, mais l'objectif reste d'appliquer les gestes barrière pour les protéger. Les enfants et petits-enfants peuvent venir voir leurs parents ou leurs grands-parents : ils se lavent bien les mains, gardent un maximum de distances de sécurité, les adultes mettent un masque. En sortant, on se relave les mains et on nettoie tout : je crois qu'appliquer ces gestes permettra d'avoir un peu plus de contacts humains et un peu moins d'écrans.
M. le président. La parole est à M. Saïd Ahamada.
M. Saïd Ahamada. J'aimerais tout d'abord remercier les soignants, les éducateurs, les enseignants, les forces de police, toutes celles et ceux qui, en cette période de confinement, se sont mobilisés pour que notre pays tienne, tout simplement. Je remercie aussi les bénévoles qui se sont mobilisés, même lorsque ce n'était pas leur métier. Collectivement, nous pouvons être fiers de l'élan de solidarité que nous avons pu observer partout sur le territoire.
Comme cela a été dit, le Gouvernement n'a pas été en reste : il a apporté des aides que l'on peut qualifier de massives. En effet, les aides exceptionnelles ont été nombreuses : aide aux plus modestes, prime pour les allocataires de minima sociaux, aide aux jeunes précaires, prolongation de la trêve hivernale, déblocage de 21 000 places en hébergement d'urgence. Durant la pandémie, le Gouvernement a fourni un effort important en très peu de temps ; je pense que nous pouvons l'en féliciter. Certes, rien n'est jamais parfait, mais nous pouvons être fiers de ce qui a déjà été réalisé. Je tiens ici à saluer l'écoute des ministres et de la majorité, mais également tous les députés qui, je le sais, ont fait remonter des informations pour permettre que les lacunes et les trous dans la raquette soient comblés.
À la vue des files d'attente observées dans les territoires pour recevoir, par exemple, un colis alimentaire, j'ai cependant été gêné. Si, bien évidemment, j'ai été fier de la solidarité qui a joué pour distribuer les denrées, il n'en reste pas moins que des milliers, pour ne pas dire des millions de Français sont venus récupérer ces colis alimentaires. Je pense que notre responsabilité est de faire en sorte que cela n'arrive plus jamais. Ainsi, j'aimerais que le plan d'urgence sociale dont nous parlons rime aussi avec dignité, afin que l'on n'ait plus à vivre uniquement en recevant des colis alimentaires.
Si une leçon devait être tirée de la pandémie, j'aimerais que ce soit la nécessité d'une lutte efficace et résolue contre la pauvreté. Dans notre pays, 9 millions de personnes, 5 millions d'enfants souffrent aujourd'hui d'une pauvreté qui mine le quotidien. J'aimerais donc, madame la secrétaire d'État, que vous nous indiquiez où en sont les réflexions au sujet du revenu universel d'activité, aussi appelé socle citoyen. La meilleure leçon que nous pourrons tirer de la crise sera de sortir un maximum de Français de la pauvreté.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Votre question est vaste, mais la dernière partie, qui porte sur le revenu universel d'activité, est importante. Tout d'abord, je tiens à rappeler que notre système de protection sociale a fonctionné : il y a certes eu des trous dans la raquette, vous l'avez dit, mais nous avons su adapter le système pour les limiter et garantir un filet de sécurité s'adaptant au mieux aux besoins en situation de crise.
Mais nous devons également anticiper ce qui se passera après : c'est la question des minima sociaux, notamment pour les jeunes, que nous avions d'ailleurs anticipée en lançant une réflexion et une concertation au sujet du revenu universel d'activité. Nous entendons, parler çà et là, dans d'autres pays, du revenu de base. C'est notamment le cas en Espagne. En réalité, elle ne souhaite que rendre homogène au niveau national le revenu de solidarité active qui est assuré par les communes et les régions. Mais cela existe déjà en France ! En revanche, se pose pour nous la question des montants et de l'accès des jeunes au dispositif. Sur ces sujets, nous avions engagé une réflexion qui, je l'espère, reprendra rapidement afin que nous puissions faire des propositions à même de répondre à l'ensemble de nos concitoyens.
Vous avez aussi parlé de dignité. Alors que certains parlementaires et présidents de départements défendaient l'inconditionnalité du revenu de base, je considère pour ma part ce principe comme une ligne rouge. L'accompagnement est nécessaire et important : nous devons permettre aux bénéficiaires de se reconstruire, de retrouver une place dans la société, de porter sur eux-mêmes un regard différent, de se dire que ce n'est pas parce qu'ils bénéficient d'un minimum social qu'ils resteront dans cette situation toute leur vie. Dans le cadre de nos réflexions sur le revenu universel d'activité, nous avons donc lié cette prestation avec le service public de l'insertion. Comment pouvons-nous accompagner les bénéficiaires afin de faciliter leur retour dans la société et dans l'emploi ?
Évitons aussi à ces personnes de devoir pousser dix portes différentes : faisons en sorte qu'elles n'aient qu'une porte à pousser et que ce soit la bonne ! Il faut que l'ensemble des acteurs de l'insertion travaillent ensemble, de manière coordonnée, et que les familles ne doivent pas systématiquement rappeler leur histoire ou apporter des pièces complémentaires.
Construisons un système unifié, facilitons la vie de ces Français et favorisons leur accompagnement afin que les différents professionnels de l'insertion, très présents dans cette crise, portent sur eux un regard différent et respectent leur dignité !
M. le président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Le Gouvernement a annoncé le versement d'une prime exceptionnelle aux soignants, qui ont joué et jouent encore un rôle irremplaçable durant cette crise sanitaire inédite. Cette prime est bien évidemment indispensable et tout à fait méritée, mais il ne faudrait pas qu'elle suscite un sentiment d'injustice évident – et bien souvent justifié – chez les personnels invisibles, si importants également, dont j'ai bien souvent relayé les attentes.
Vous avez d'abord évoqué les soignants hospitaliers, mais il ne faudrait pas oublier ceux qui les aident, comme les ambulanciers, ni ceux qui souhaitent être considérés comme des personnels soignants, comme les manipulateurs radio.
Vous avez ensuite évoqué les professionnels des EHPAD, qui méritent évidemment une telle prime, mais il ne faut pas oublier ceux qui ont accompagné à domicile, tout au long de cette crise, nos aînés et les personnes fragiles, isolées et vulnérables. Ces professionnels de l'accompagnement à domicile ont dû affronter la crise en subissant un risque important de contamination, malgré les difficultés d'approvisionnement en équipements de protection individuelle et l'absence de dépistage ; ils ont dû affronter le quotidien malgré la peur, les contraintes nouvelles et les informations divergentes. Vous promettez des discussions avec les départements, mais ces personnels attendent mieux que cela. Ils demandent que l'État assume, qu'il annonce un calendrier et des perspectives claires.
Madame la secrétaire d'État, quels sont les modalités de calcul et le mode de financement de la prime ? Pourra-t-elle se traduire sur les salaires de mai ?
Sans tous ces professionnels, que seraient devenues les personnes âgées, très affectées par ce virus, qu'on ne pouvait plus accueillir en soins intensifs, coupées de leur famille et condamnées à l'isolement, avec les lourdes conséquences que cela entraîne ?
Il y a un autre pan de notre système de santé qu'il ne faut pas oublier. Je tiens à évoquer les personnels des cliniques privées, qui ont aussi aidé à gérer cette crise, et des laboratoires privés, qui sont sur le front en ce moment pour le dépistage. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, quels engagements prenez-vous pour ne pas les oublier ? Votre tâche est encore lourde car, au-delà de cette prime, les mêmes personnels, du public comme du privé, en établissement comme à domicile, attendent des revalorisations salariales.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Monsieur le député, je comprends bien votre question. Permettez-moi également de saluer tout le travail des personnels des secteurs médical et médico-social, qui ont oeuvré au quotidien et qui continuent à oeuvrer dans cette gestion de crise. Au-delà de la crise, ils effectuent un travail important, au quotidien, auprès des personnes âgées ou au sein des services de maintien à domicile.
Beaucoup de professionnels, vous l'avez dit, s'interrogent à raison sur les conditions de versement de la prime exceptionnelle pour les services d'aide à domicile que nous avons annoncée. Le Gouvernement ne peut décider des conditions de versement et de financement de cette prime exceptionnelle, puisque cela relève de la compétence des départements. Il était inenvisageable, pour le Gouvernement, de décider à la place de chacun des 103 conseils départementaux que compte notre pays.
Ce n'est pas le cas, par exemple, des personnels travaillant en EHPAD, pour lesquels le Gouvernement vient de décider que l'assurance maladie financerait la totalité des primes. À la différence des services d'aide et d'accompagnement à domicile – SAAD –, les EHPAD ont en effet la particularité d'être financés par les résidents eux-mêmes, à hauteur de 50%, par l'assurance maladie, à hauteur d'environ 30%, et par les départements au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie – APA –, à hauteur de 15%.
M. Thibault Bazin. En moyenne !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Dans ces établissements, nous verserons donc la prime au titre de l'assurance maladie.
Les personnels travaillant dans les services de soins infirmiers à domicile – SSIAD –, financés exclusivement par l'assurance maladie, bénéficieront eux aussi de la prime, dans des conditions identiques.
S'agissant des personnels des SAAD, je ne peux imaginer un instant que les départements ne décident pas de leur garantir le versement de la prime covid-19 dans les mêmes conditions.
M. Thibault Bazin. Allez-vous la financer ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Nous ne pouvons la financer, car ces personnels relèvent des collectivités territoriales. Nous ne pouvons pas nous ingérer dans la gestion de ces dernières ! Un travail est en cours avec l'Assemblée des départements de France, l'ADF. Nous incitons les départements à financer le versement de cette prime.
De notre côté, nous avons pris notre part de responsabilité s'agissant des personnels financés à 100% par l'assurance maladie, travaillant au sein des SSIAD. Dans les établissements que nous finançons à 50%, nous finançons à 100% le versement de la prime : nous ne réclamons rien aux départements. En contrepartie, nous demandons à ces derniers de faire preuve de souplesse et de verser une prime aux personnels des SAAD, qui sont bien financés ou gérés par les départements. Je le répète, un travail en ce sens est en cours avec l'ADF.
M. le président. La parole est à M. Thibault Bazin, pour une seconde question.
M. Thibault Bazin. La crise que nous traversons a fragilisé beaucoup de familles et de personnes seules, les faisant basculer dans la précarité. Ces personnes, qui s'en sortaient difficilement avant la crise, ont dû affronter une baisse de leurs revenus, liée au chômage partiel ainsi qu'à la fin des petits boulots et de l'intérim, et une augmentation de leurs dépenses, du fait de la fermeture des cantines scolaires, de la hausse de la consommation d'électricité et de l'affaiblissement des circuits d'aide alimentaire. Vous l'avez dit, le Gouvernement a mis en place une aide exceptionnelle, qui a bien sûr été bienvenue, mais qui va rester insuffisante sur la durée.
Toutes les associations en témoignent : le mois d'avril a vu affluer un nouveau public. Ces dernières semaines, la demande d'aide alimentaire auprès des mairies ou des associations a explosé au niveau national. C'est ainsi que des associations ont dû distribuer des chèques-services à des personnes non répertoriées jusque-là.
En dépit d'une augmentation très importante du nombre de nouveaux bénéficiaires en avril, la distribution alimentaire, perturbée au mois de mars, a pu reprendre progressivement, mais les réserves des associations diminuent dangereusement. C'est ainsi que la banque alimentaire de Meurthe-et-Moselle va devoir, pour la première fois de son existence, acheter des produits pour faire face à la hausse du nombre de bénéficiaires et à la disparition du stock. Devant l'afflux des personnes à soutenir, ces associations ne vont plus pouvoir tenir.
Je viens donc vous demander quel soutien concret le Gouvernement pourra apporter à ces familles fragilisées et précarisées, à ces associations formidables qui effectuent un travail remarquable et indispensable, ainsi qu'à ces bénévoles qui agissent dans l'ombre pour le bien des autres. Concrètement, pourriez-vous les doter en produits protéinés ? Alors que de nombreux restaurants de collèges, lycées et universités restent fermés, pourriez-vous faciliter et simplifier, en termes de responsabilité, les dons de denrées périssables par ces établissements publics ? Enfin, pourriez-vous mieux soutenir les épiceries itinérantes en milieu rural, celles qui nous montrent combien notre société compte sur les associations pour pallier toutes les défaillances et s'occuper des plus vulnérables ? Soutenons ceux qui soutiennent !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Monsieur le député, merci pour votre question sur le sujet de l'aide alimentaire. Je l'ai rappelé, l'aide alimentaire est gérée par quatre grandes associations, quatre grands réseaux associatifs que tout le monde connaît : les Restos du coeur, le Secours populaire, la Croix-Rouge et les banques alimentaires. Cependant, l'aide alimentaire est majoritairement financée par l'État, à hauteur de 115 millions d'euros, dont une partie provient du Fonds européen d'aide aux plus démunis – l'Europe est, là encore, présente et importante sur ce sujet. À cela s'ajoutent une dépense de 350 millions d'euros liée à la défiscalisation des dons des particuliers et des entreprises, ainsi que l'action des collectivités territoriales, qui jouent aussi un rôle important – je pense aux CCAS et aux départements, qui contribuent à hauteur de 250 millions d'euros. C'est ce maillage qui permet d'apporter une réponse au problème de l'aide alimentaire, que l'État n'est pas seul à gérer, au contraire !
Nous avons constaté, en temps de crise, une augmentation de la demande. Nous avons répondu aux difficultés des familles en leur versant une aide exceptionnelle de solidarité et en abondant les fonds consacrés à l'aide alimentaire de 39 millions d'euros – soit un tiers de budget supplémentaire –, qui ont directement bénéficié aux familles par le biais de chèques d'urgence alimentaire. En termes de délais, l'enveloppe consacrée à ces chèques a été validée dans la nuit de mardi à mercredi ; nous avons passé commande des chèques mercredi, et ils sont arrivés dans les préfectures vendredi. Ainsi, en moins de soixante-douze heures, ils étaient déjà distribués aux familles.
M. Thibault Bazin. Non, ils étaient arrivés dans les préfectures ! Cela ne veut pas dire qu'ils étaient distribués aux familles !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Aux familles, après, derrière… C'était important : il fallait répondre à l'urgence !
Pour soutenir les associations, nous avons prévu 25 millions d'euros, dont 18 millions d'euros qui seront versés aux têtes de réseau au niveau national – à toutes les associations qui en ont fait la demande, au niveau national, et pas seulement aux quatre plus grandes –, et 7 millions d'euros qui reviendront à des associations locales qui demanderont une subvention pour acheter des denrées supplémentaires.
Mais vous avez raison, monsieur le député, nous devons aller plus loin. Dans le cadre de la crise, nous avons demandé aux préfets et aux commissaires à la lutte contre la pauvreté de coordonner le travail avec les associations et les collectivités, notamment, pour s'assurer que l'aide alimentaire soit bien maintenue, que la distribution soit adaptée et qu'elle aille là où sont les besoins. Nous avons également créé un guide expliquant aux associations comment récupérer plus de denrées et les redistribuer dans de bonnes conditions. Ce travail va se poursuivre après la crise.
M. le président. La parole est à M. Pierre Vatin.
M. Pierre Vatin. Par un décret du 20 avril 2020, vous avez reporté au plus tard au 1er janvier 2021 la décision d'accorder aux bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement le calcul contemporain de ladite APL au regard des revenus, selon le même principe que le prélèvement de l'impôt à la source. Dès lors, que dire à Chantal, par exemple, très modeste retraitée qui poursuivait à mi-temps une activité professionnelle qu'elle a dû cesser pour raisons de santé ? Elle a vécu, pendant un an, avec seulement 400 euros mensuels de retraite, ses revenus des années antérieures, pourtant modestes mais pris en compte, empêchant le versement de l'APL, l'attribution du RSA ou de l'ASPA – allocation de solidarité aux personnes âgées –, faute de contemporanéisation des revenus avec les droits à l'APL.
Dans la situation de crise que nous vivons, qui a renforcé les injustices sociales – nous l'avons tous constaté –, ne serait-il pas opportun d'avancer l'application de cette contemporanéité des ressources et des aides ou, à tout le moins, d'autoriser la neutralisation de la prise en compte des ressources antérieures par les CAF et la MSA – Mutualité sociale agricole – afin de ne pas laisser dans un désert social des Français qui essaient à grand-peine de conserver leur dignité ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le député, je vous remercie pour votre soutien à cette réforme importante des APL en temps réel. Je me souviens que cette réforme a souvent été décriée dans cette assemblée – parfois même, je dois le dire, par le côté droit de cet hémicycle…
M. Pierre Vatin. Peut-être !
M. Julien Denormandie, ministre. Pas par vous, ni par votre voisin M. Bazin… (Sourires.) Je crois d'ailleurs avoir dit dans cet hémicycle que cette réforme serait d'autant plus importante dans les jours moins heureux, où elle constituerait un véritable matelas de sécurité.
L'exemple que vous donnez est tout à fait parlant : les personnes qui perdent leur emploi ou connaissent des difficultés voient leurs APL versées en fonction de leur situation deux ans auparavant. Heureusement, certains mécanismes d'abattement permettent de réduire quelque peu la différence, mais il n'en reste pas moins que la référence servant au calcul de l'allocation correspond à une situation vieille de deux ans.
Je tiens à le dire : la réforme est prête. Nous devions appuyer sur le bouton le 1er avril. Si nous ne l'avons pas fait, c'est parce que les personnels chargés de la mise en oeuvre de cette réforme sont ceux de la CAF – les mêmes qui, sur le terrain, au jour le jour, accompagnent les publics les plus fragiles pendant la crise et voient ainsi leur disponibilité horaire réduite. Or leur mobilisation est nécessaire pour la mise en oeuvre de cette réforme importante, qui se traduira par la modification du revenu de référence de plus de 6,5 millions d'allocataires. Sur ma proposition, le Premier ministre a donc signé un décret reportant l'application de cette réforme à la fin de l'année, au plus tard. Cependant, l'objectif est très clair : nous voulons mettre en oeuvre la réforme dès que possible, bien avant la fin de l'année, dès que nous disposerons des ressources nécessaires à l'accompagnement. Je le répète : techniquement, la réforme est prête, mais il nous reste à régler la question de l'accompagnement.
M. Thibault Bazin. Entre mai et décembre, donc…
J'en profite pour tirer mon chapeau à toutes les équipes de la CAF, qui ont réussi à mener à bien l'élaboration de la réforme dont nous parlons aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Pierre Vatin, pour une seconde question.
M. Pierre Vatin. Je me fais ici le porte-parole de notre collègue Vincent Rolland, député de Savoie – vous verrez qu'il n'y a aucun rapport avec l'Oise…
Mon collègue souhaite appeler votre attention sur la situation des travailleurs saisonniers qui n'ont pas bénéficié du chômage partiel durant la crise sanitaire de ce printemps 2020. En effet, dans la précipitation de la mise en place du confinement, avec la fermeture administrative des stations de sports d'hiver, un certain nombre d'entreprises ont fermé leurs portes en proposant aux salariés de signer un avenant à leur contrat de travail. Dans cette période particulière, les saisonniers comme les entrepreneurs n'étaient pas toujours informés des dispositifs mis en place par le Gouvernement ; ils se sont retrouvés en fin de contrat, dans l'incapacité de bénéficier du chômage partiel jusqu'au 15 avril. Des centaines de salariés saisonniers se voient donc aujourd'hui privés de droits au chômage, en situation de précarité, en difficulté pour retrouver du travail dans les territoires touristiques, compte tenu des incertitudes sur la saison d'été à venir. Pour eux, les facilités instaurées par le Gouvernement ne se sont trouvées d'aucune utilité. C'est pourquoi mon collègue Vincent Rolland vous serait reconnaissant de nous rassurer quant aux mesures que le Gouvernement compte prendre spécifiquement pour ces salariés saisonniers.
M. Thibault Bazin. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Vos propos sont tout à fait exacts, monsieur le député. C'est pour cette raison que nous avons mis en place le recours à l'activité partielle, afin d'éviter les ruptures de contrat et d'en limiter le nombre au minimum. Dans certains territoires et secteurs d'activité, des ruptures ont néanmoins eu lieu. Dans ce cas, le droit commun s'applique, avec le versement classique des allocations de l'assurance chômage ou du RSA. Permettez-moi, à cet égard, de souligner l'engagement de certains départements qui, face aux difficultés liées à la crise, ont décidé que les bénéficiaires du RSA retrouvant un emploi saisonnier, notamment dans le secteur agricole, pourraient cumuler cette aide avec leur revenu. Cette disposition évite que la reprise d'activité ne se traduise par une diminution du montant du RSA. Les collectivités s'engagent ainsi pour favoriser le travail des saisonniers.
C'est à juste titre que vous évoquez les contrats saisonniers. Le Premier ministre et le comité interministériel du tourisme, qui s'est réuni vendredi dernier, travaillent actuellement sur ce sujet. Là aussi, l'État s'est engagé à investir massivement. Le Premier ministre a ainsi annoncé un investissement de plus de 18 milliards d'euros dans le secteur du tourisme, en précisant aussi que les Français pourraient réserver leurs vacances en juillet et en août et qu'en cas de nouveau confinement, l'État rembourserait les frais avancés.
Le tourisme est un secteur important à relancer et à développer, de même que l'hôtellerie et la restauration – liées ou non au tourisme. Il s'agit d'un enjeu majeur. Si tout se passe bien, les Français auront le plaisir de redécouvrir la France au cours des prochaines semaines. C'est bien le comportement responsable de chacun qui permettra ainsi aux travailleurs saisonniers de retrouver la voie de l'emploi. Le système de protection joue son rôle, et nous avons veillé à ce que les contrats soient le plus possible maintenus, afin d'éviter les situations telles que celles que vous avez décrites. À nous de continuer à travailler avec l'ensemble des acteurs pour que le tourisme puisse être relancé et pour revaloriser le travail, nécessaire et important, des professionnels du secteur.
M. le président. La parole est à Mme Aude Luquet.
Mme Aude Luquet. Face à une crise sanitaire sans précédent, force est de constater que les mesures nécessaires ont été prises pour apporter un soutien rapide et indispensable aux personnes et aux secteurs touchés de plein fouet par la pandémie. Aujourd'hui, remercions encore une fois l'ensemble des personnes qui se sont mobilisées sans relâche pour nous permettre d'affronter cette épreuve.
Toutefois, chacun est conscient que la crise sanitaire laissera place à une crise sociale et économique profonde. Partout, l'arrêt brutal de l'activité lié au confinement a fait basculer des milliers de personnes dans la précarité. Le Gouvernement a entendu cette détresse : je salue le déblocage d'une aide d'urgence exceptionnelle versée à 4 millions de familles dans le besoin. Cette aide complète souvent le concours des collectivités. Ainsi, dans ma commune de Melun, des bons d'achat ont été distribués aux familles dont les enfants mangeaient à la cantine.
Il convient à présent de pérenniser cette solidarité. L'économie sociale et solidaire devra être au coeur de la relance. Si la distanciation physique et les gestes barrière ont éloigné les individus, la crise a aussi permis de retrouver un esprit solidaire. Chacun d'entre nous a pu constater dans son territoire les formidables actions de solidarité qui ont été mises en oeuvre. Néanmoins, le monde associatif est inquiet : après que les bénévoles les plus âgés se sont éloignés pour se protéger, les nouveaux bénévoles – commerçants, étudiants, salariés en chômage partiel – venus en renfort vont se trouver beaucoup moins disponibles, du fait de la reprise de leur activité. Comme l'a souligné mon collègue Thibault Bazin, cette crainte s'ajoute à la détresse financière de nombreuses associations qui peineront à se relever de la crise.
Comment continuer à faire vivre cette chaîne de solidarité ? Comment soutenir nos associations qui risquent de voir affluer demain davantage de personnes en détresse, alors que leurs effectifs et leurs finances seraient en baisse ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Votre question est extrêmement importante, madame la députée. Je crois pour ma part qu'il faut d'abord partir du constat que la solidarité a bien existé pendant la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19. Je fais partie de ceux qui considèrent que la grandeur d'un pays se mesure aussi à ses élans de solidarité. Or celle-ci n'a pas été une victime du covid-19. Il est important de le dire et d'en remercier les Français.
Deuxième point, la solidarité repose d'abord sur le don à autrui, geste gratuit qui honore celles et ceux qui l'exercent, et qui doivent être soutenus. Le premier rôle de l'État est de les accompagner dans leur fonctionnement. Au début de la crise, nous avons fait face collectivement à un premier défi : de nombreuses associations nous ont fait part de leurs difficultés quand leurs bénévoles, souvent âgés, ont cessé leur activité associative pour se confiner – ce que l'on comprend aisément. C'est pourquoi nous avons tout d'abord décidé d'organiser, de coordonner et d'appuyer l'ensemble de ces associations, notamment en termes de ressources humaines.
Enfin, la solidarité ne doit pas être uniquement le fait du bénévolat des uns envers les autres, même si, comme je le disais, celui-ci doit être encouragé car il est constitutif de la grandeur d'une nation. La solidarité doit être l'objet d'une politique publique. Si le ministère dont j'ai la charge a créé, il y a trois semaines, un fonds de solidarité de 5 millions d'euros pour accompagner les associations de très grande proximité, c'est à la suite du constat que l'État n'avait pas suffisamment accompagné leurs actions, alors que les collectivités locales le faisaient depuis toujours. L'État n'était pas en capacité de le faire : les milliers d'associations qu'il finance chaque année sont plutôt des associations de taille moyenne que des associations de très grande proximité exclusivement animées par des bénévoles. Ce soutien constitue un élément de politique publique que nous devons pérenniser : j'ai ainsi annoncé hier que nous allions non seulement pérenniser le fonds de 5 millions d'euros, mais aussi en doubler le montant, afin de continuer à accompagner la solidarité.
M. le président. La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier. Parmi les nombreuses victimes non du virus du covid–19 – même s'il y a des exceptions –, mais de la crise économique et sociale qui l'accompagne, se trouvent les jeunes. Je souhaite évoquer le sort de ceux qui sont en cours d'études ou les terminent. D'une part, leur fin d'année a été très compliquée : arrêt parfois brutal d'un job étudiant, difficultés pour obtenir le remboursement de frais engagés pour passer des examens ou un concours, difficultés parfois aussi pour déménager, incertitudes sur un calendrier d'examens repoussés parfois à une date lointaine, stages non réalisés. La situation est particulièrement difficile pour les étudiants internationaux bloqués en France.
D'autre part, l'année prochaine s'annonce complexe. Comment ceux qui poursuivent leurs études après un examen ou un concours tardif trouveront-ils un logement en dernière minute ? Quant à ceux qui seront diplômés cette année, quelle sera leur place, dans le contexte actuel, sur un marché du travail qui s'annonce compliqué ? En 2020, 700 000 jeunes diplômés sont attendus sur le marché du travail. Une entrée en apprentissage pourrait parachever le parcours de certains d'entre eux, mais y aura-t-il suffisamment de possibilités, alors que les entreprises de certains secteurs subissent la crise de plein fouet ? Nul doute que ces entreprises devront d'ailleurs être accompagnées pour que ne s'enraye pas le dynamisme encourageant que connaissait jusqu'alors l'apprentissage – et que vous avez rappelé, madame la secrétaire d'État.
Pouvez-vous nous renseigner sur les dispositifs d'ores et déjà mis en place, ou qui pourront l'être, pour nos jeunes, à l'orée de leur entrée dans la vie active ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. J'ai déjà présenté les mesures mises en oeuvre pour éviter que ces jeunes ne décrochent de leurs études et n'en sortent sans diplôme. Au-delà de ces mesures, notre objectif est bien de maintenir leur activité et leur statut d'étudiant. Nous avons donc tenu compte de leur situation financière. Au début de la crise notamment, Mme Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, a apporté un soutien massif de 14 millions d'euros aux étudiants boursiers. Nous y avons travaillé avec les associations d'aide alimentaire, qui ont pu distribuer les aides au plus près des jeunes, notamment dans les résidences universitaires, pour pallier la fermeture des restaurants universitaires. Il s'agit de la première réponse que nous avons apportée.
Le Président de la République, lors de son allocution du 13 avril, a par ailleurs annoncé une aide exceptionnelle aux familles comme aux jeunes les plus précaires. Un montant de 200 euros sera versé à 800 000 jeunes. Qu'ils soient étudiants boursiers en difficulté ou jeunes actifs ayant perdu leur emploi, tous recevront cette somme dans les prochains jours.
Nous portons une attention particulière aux étudiants ultramarins, qui sont restés en métropole du fait du confinement et qui ne pourront pas rentrer chez eux pendant l'été. Un travail de terrain a été réalisé auprès d'eux. Ils feront partie des bénéficiaires de l'aide exceptionnelle, à moins qu'ils ne figurent parmi les étudiants boursiers aidés par les mesures annoncées par Mme Vidal.
Nous veillerons également à la situation des jeunes de 18 à 25 ans qui ne sont pas étudiants et qui perçoivent les aides au logement. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu donner un prisme large à nos actions, sans nous cantonner aux étudiants. C'est sur la précarité des jeunes de 18 à 25 ans que nous agissons, en veillant à apporter une réponse rapide et concrète à leurs besoins.
Nous tenons à saluer les jeunes qui, en dépit de leurs difficultés, se sont investis dans des actions de solidarité. Ils ont en effet été nombreux à apporter un soutien important aux associations, pour remplacer les bénévoles seniors à qui il avait été demandé de rester chez eux pour se protéger de l'épidémie. Les jeunes se sont ainsi engagés à leur tour dans la solidarité de proximité.
Enfin, au-delà de la formation des jeunes de 18 à 25 ans, il faut citer l'accompagnement par les missions locales, qui jouent un rôle exemplaire, avec notamment la garantie jeunes et l'allocation d'insertion PACEA – parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie. N'oublions pas non plus le travail réalisé en lien avec la ministre du travail pour le développement de la formation et de l'apprentissage. Ces actions sont nécessaires pour que chacun puisse trouver sa place en fonction du métier qu'il a choisi.
M. le président. La parole est à Mme Sarah El Haïry.
Mme Sarah El Haïry. En cette période de crise sanitaire et économique, il n'est plus besoin de rappeler les maux qui frappent nos concitoyens, en particulier les plus précaires. Fort heureusement, l'État répond présent face à cette hausse de la précarité, grâce aux aides existantes mais aussi grâce aux nouvelles mesures exceptionnelles de solidarité pour les foyers les plus modestes.
Cependant, si la mise en place de ces aides doit être saluée, la situation reste perfectible, notamment en raison de l'importance du non-recours aux droits. Celui-ci s'avère encore plus dramatique en cette période. On estime qu'environ un tiers des personnes qui pourraient prétendre à des aides aussi variées que l'APA – allocation personnalisée d'autonomie –, l'AAH – allocation aux adultes handicapés – ou le RSA, ne les perçoivent pas.
Nous ne pouvons pas accepter cette situation qui accentue la précarisation des plus fragiles d'entre nous, en rupture avec le principe de fraternité qui doit pourtant guider chacune de nos politiques publiques. La solution pour remédier à cette situation, que notre collègue Saïd Ahamada a commencé à évoquer, pourrait résider dans l'instauration d'un revenu universel qui répondrait aux valeurs de notre devise Liberté, Égalité, Fraternité. La mise en place d'un tel mécanisme permettrait, par essence, de résoudre totalement et définitivement la problématique du non-recours aux aides sociales. La réforme du prélèvement à la source nous a donné le moyen technique de cette révolution de la solidarité nationale. Ai-je réellement besoin d'en dire plus ?
De nombreuses études et de nombreux travaux d'économistes reconnus ont contrecarré les arguments contre le revenu universel. La période difficile que nous traversons peut, j'en suis convaincue, se transformer en opportunité sociale : une opportunité d'innover, de créer. Des interrogations sur notre modèle se multiplient, témoignant de fortes aspirations sociales. Peut-être pourrait-on profiter de cette période pour aller plus loin et inventer une version française du revenu universel, en tenant compte des critiques, que j'entends, et peut-être des expérimentations mises en oeuvre.
Je nous invite donc collectivement à ne pas faire preuve de frilosité sur un sujet d'avenir : cette opportunité pour notre société de bénéficier d'une innovation comme le furent, autrefois, les mutuelles ou la sécurité sociale. Madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, j'irai droit au but : devant l'ensemble de ces arguments, quels éléments pouvez-vous nous transmettre sur la mise en place d'un revenu universel en France pour que, dans cette crise comme dans les suivantes, les personnes les plus précaires soient les mieux protégées ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Vous posez deux questions, madame la députée : celle du non-recours aux droits et celle du revenu universel d'activité.
En ce qui concerne le premier point, nous avons choisi que l'aide exceptionnelle de solidarité soit versée de façon automatique, pour que les bénéficiaires n'aient pas de démarches à effectuer. Le taux de recours est relativement important, car ce sont les caisses d'allocations familiales et la MSA qui versent ladite aide en fonction des critères que nous leur avons communiqués. Celle-ci a donc bien été perçue dès vendredi dernier par plus de 4 millions de ménages, de sorte que 5 millions d'enfants ont pu en bénéficier. Le montant total est important, puisqu'il s'élève à 900 millions d'euros.
Nous avons pu constater, concernant le problème du non-recours aux droits, que certaines expérimentations fonctionnent, comme le data mining – exploration de données. Il s'agit, en explorant le fichier des allocataires, de vérifier que l'ensemble de leurs droits sont ouverts et, dans le cas contraire, à les contacter. Cette démarche a été renforcée pendant la crise : dans le cadre de ce que nous appelons les « rendez-vous des droits élargis », des agents des caisses d'allocations familiales ont pris le temps, parce qu'ils étaient en télétravail, d'appeler les allocataires un par un pour faire le point sur leur situation personnelle et vérifier qu'ils touchaient tous leurs droits. À défaut, ils les ont aidé à les réclamer. C'est bien dans cette direction que nous devons travailler.
On dit souvent que les associations sont le dernier rempart. Permettez-moi d'inverser la formule : elles constituent plutôt le premier rempart. Quand des familles qu'on ne connaissait pas se rapprochent des services d'accompagnement parce qu'elles ont besoin d'aide alimentaire, c'est là que nous devons concentrer nos efforts pour lutter contre ce phénomène de non-recours. Tel est l'objectif du partenariat que nous avons mis en place avec la branche famille de la sécurité sociale, les Restos du coeur et bientôt d'autres associations. Des bénévoles sont formés dans ce cadre pour s'assurer que ceux qu'ils reçoivent perçoivent tout ce à quoi ils ont droit. C'est là une opportunité d'informer chacun de ses droits.
Concernant le revenu universel d'activité, notre objectif est d'instaurer un pilotage plus lisible et plus simple de notre système de protection. Nous parlons de la protection du XXIe siècle : l'enjeu est peut-être là.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.
M. Jean-Louis Bricout. Monsieur le ministre, ma question concerne la situation des personnes sans domicile fixe. Cette population à risque doit être considérée comme un public prioritaire en termes de protection. Or ils étaient déjà les grands oubliés à l'heure du confinement : il aura fallu que les rues se vident pour qu'ils deviennent plus visibles. Les services de l'État, les associations et les collectivités se sont alors mobilisés. Leur action a été précieuse, voire vitale, permettant au plus grand nombre de se nourrir et de se loger dans des conditions sanitaires satisfaisantes.
Mais que deviennent ces publics à l'heure du déconfinement ? Alors que le Gouvernement nous met en garde contre un déconfinement non maîtrisé, vous avez programmé la fermeture au 31 mai des 14 000 places débloquées dans le cadre du plan hivernal. Par cette décision, vous mettez des centaines de SDF en grand danger. Que deviendront ces publics dont la vie quotidienne est incompatible avec les gestes barrières, la distanciation ou le port du masque ?
Par ailleurs, remettre toutes ces personnes à la rue serait manquer l'occasion d'agir durablement en leur faveur au moment où elles avaient retrouvé un peu de dignité humaine, un toit, un lit et une douche. Nous sommes persuadés qu'il est possible de trouver des lieux et des accompagnants pour assurer leur protection en cette période qui reste délicate à bien des égards.
Monsieur le ministre, quand on protège les plus pauvres, on se protège tous. Quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir l'hébergement de ces personnes en grande fragilité ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Je connais trop votre honnêteté, monsieur le député Bricout, pour penser que l'erreur que vous faites est due à autre chose qu'à un défaut de communication : il n'a jamais, au grand jamais, été question de fermer au 31 mai les 14 000 places ouvertes pendant la période hivernale. Bien au contraire, j'ai annoncé dès le premier jour que la fin de la trêve hivernale serait repoussée. Il est vrai que ce report a deux conséquences – d'où peut-être un manque de clarté – : non seulement il interdit tout usage de la force publique pour procéder à une expulsion locative, mais il proroge aussi les dispositifs de mise à l'abri prévus pour la période hivernale. Autrement dit, chaque prorogation de la trêve hivernale permet de maintenir ouvert le dispositif d'accueil des SDF que nous avons créé pour la période hivernale. Les 14 000 places que vous évoquez resteront donc ouvertes après le 31 mai. Cette majorité a d'ailleurs voté la prorogation de la trêve hivernale jusqu'au 10 juillet.
Je ne peux pas non plus vous laisser dire que rien n'avait été fait pour les SDF avant le confinement. Nous sommes extrêmement nombreux à lutter tous les jours contre ce fléau du sans-abrisme et les drames humains qui en résultent. Avant même le début du confinement, c'étaient 160 000 personnes que nous mettions à l'abri tous les jours. Le chiffre est si important qu'on a peine à le croire. Pourtant, c'est la réalité de la précarité et la mesure de ce qu'on doit à ces publics les plus fragiles.
Pendant le confinement, nous avons ouvert 20 000 places supplémentaires, dont 12 000 via la réquisition de chambres d'hôtel. Nous avons ouvert 90 centres pour accueillir les SDF atteints du covid-19, qui, s'ils n'avaient pas besoin d'être hospitalisés, ne pouvaient pas non plus rester dans les centres. Vous voyez que nous avons beaucoup oeuvré, conscients de la nécessité de porter une attention particulière à ces publics ô combien fragiles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout pour une deuxième question.
M. Jean-Louis Bricout. Cette crise nous a montré le rôle essentiel des milliers de personnes qui interviennent au domicile de nos aînés dans des conditions particulièrement délicates. Le 11 mai, par un communiqué de presse officiel, le Gouvernement annonçait une prime pour le personnel des EHPAD. Aux termes de ce communiqué, « cette prime sera également versée dans les services d'aide et d'accompagnement à domicile ». Cette bonne nouvelle a été largement relayée par la DPA, la division des personnels administratifs et des affaires médico-sociales, par divers groupes politiques et par moi-même.
Aujourd'hui pourtant des incertitudes subsistent. Cette prime restera à l'appréciation des structures employeuses. Faute de soutien financier et faute d'avoir obtenu l'accord des départements, vous mettez ces structures, publiques ou privées, devant un choix souvent difficile, étant donné les difficultés financières qu'elles rencontrent déjà. Nul doute que cette prime sera à géométrie variable dans le meilleur des cas. S'agissant des personnels qui oeuvrent auprès des particuliers employeurs, c'est le brouillard le plus complet.
Les intervenants à domicile sont une nouvelle fois divisés, oubliés, voire méprisés. Cette prime est pourtant attendue comme un premier signe de gratitude permettant de restaurer la confiance nécessaire pour entamer le long parcours vers une reconnaissance pérenne de ces métiers. Comment voulez-vous aborder la réforme de leur convention collective ou le projet relatif au grand âge et à l'autonomie dans de telles conditions ?
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous confirmer que vous continuez à chercher des solutions financières et techniques pour que cette prime soit accordée à tous les auxiliaires de vie, quels que soient la structure qui les emploie et le leur statut ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Monsieur le député, l'État prendra en charge le versement d'une prime exceptionnelle aux professionnels travaillant dans les EHPAD, financés à hauteur de 50% par l'assurance maladie. Les salariés des services des soins infirmiers à domiciles, les SSIAD, auront droit à une prime exceptionnelle puisqu'ils sont financés à 100% par l'assurance maladie. Assumant donc toutes ses responsabilités, l'État versera la prime dès lors qu'il existe un financement par l'assurance maladie.
Nous avons travaillé sur ce sujet avec les départements et les échanges continuent avec l'Association des départements de France – le ministre s'en est entretenu avec le président Bussereau. L'État n'a pas à se substituer aux départements : c'est à eux que revient la décision de verser une prime exceptionnelle à leurs salariés, dès lors que ceux-ci sont rémunérés à 100% par les départements. Cela vaut également pour les travailleurs sociaux dont le travail est essentiel en matière d'aide sociale à l'enfance.
Un travail est en cours. L'État ne peut pas contraindre les départements à verser la prime ; nous ne pouvons que rédiger un décret leur permettant de le faire. À l'heure où je vous parle, l'Assemblée des départements de France ne souhaite pas communiquer sur ce point. Il appartiendra à chaque exécutif départemental ainsi qu'à tous les élus du département de décider. L'État, quant à lui, prendra ses responsabilités : dès lors qu'il y a un financement par l'assurance maladie, la prime sera versée.
M. le président. La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen. Madame la secrétaire d'État, vous avez annoncé vouloir récompenser l'engagement des personnels des hôpitaux et des EHPAD dans la lutte contre le covid-19. L'intention est bonne et il faut la saluer, mais une simple prime ne suffit pas : c'est une véritable revalorisation des salaires qui sera nécessaire, si l'on veut rémunérer ces métiers à leur juste valeur.
Il y a aussi eu des oubliés de vos diverses annonces : je pense notamment aux aides à domicile. Réalisant les actes essentiels de la vie courante, ces professionnels dévoués sont indispensables à des milliers de personnes souvent âgées, qui sont par ailleurs les premières victimes du covid-19. Malgré les risques et en dépit du manque regrettable d'équipements de protection, les professionnels ont assuré la continuité de leur activité auprès des familles prioritaires.
Dans ce contexte difficile, il est important d'entendre les revendications de ces personnels. Ceux-ci réclament notamment d'être approvisionnés en équipements de protection, de bénéficier, au même titre que les soignants, de tous les tests de dépistage, afin de pouvoir continuer leur travail sereinement, et enfin de voir leur profession reconnue officiellement, au travers de l'attribution des primes déjà prévues pour les soignants mais aussi de l'agrément de l'avenant no 43 de la convention collective de branche relative aux emplois et aux rémunérations, ou encore du maintien des dotations pour les services non tarifés. De manière générale, ils attendent une loi sur l'autonomie et le grand âge qui comprenne des mesures à la hauteur de leur engagement.
Madame la secrétaire d'État, vous savez le rôle essentiel que les aides à domicile ont joué pendant cette crise sanitaire : comment comptez-vous améliorer leur statut, notamment en milieu rural, afin de renforcer ce maillon essentiel du système sanitaire et social ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. C'est en effet du maintien à domicile qu'il s'agit, monsieur le député. Qu'on soit en milieu rural, périurbain ou urbain, la question est la même et c'est, au-delà de la crise, tout l'enjeu des dispositions relatives à la dépendance. Nous avons déjà apporté des réponses financières via le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il faut aller plus loin tant ces intervenants sont importants pour le maintien à domicile, non seulement en cette période de crise, mais quotidiennement.
Au-delà de la question de la prime, il faut trouver les moyens de rendre ces métiers attractifs, de valoriser leur travail et de reconnaître leur rôle social auprès de nos seniors, tout en permettant à ceux-ci d'être maintenus à domicile le plus longtemps possible dans de bonnes conditions. Tous ces enjeux sont liés à la question de la prise en charge de la dépendance, du grand âge et de l'autonomie, et feront l'objet de nouvelles mesures dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je l'ai dit, nous prenons nos responsabilités puisque nous avons décidé de verser une prime aux professionnels salariés bénéficiant d'un financement de l'assurance maladie. L'État ne versera pas de prime aux personnels des services de soins à domicile gérés par les départements ou les associations, mais nous encourageons les départements à le faire. Au-delà de la crise actuelle, nous devons travailler à ces sujets du maintien à domicile et de la valorisation de ces métiers. Ces personnes mettent tout leur coeur à assurer aux personnes âgées la possibilité de vivre chez elles dans de bonnes conditions : il faut leur donner les moyens de le faire.
M. le président. La parole est à M. Christophe Naegelen pour une deuxième question.
M. Christophe Naegelen. Madame la secrétaire d'État, on oublie bien trop souvent de parler du monde associatif, si important pourtant pour le lien social et les valeurs d'entraide et de solidarité dans notre pays, et qui est lui aussi frappé par cette crise. Ainsi les associations vouées à l'aide sociale et alimentaire, beaucoup sollicitées depuis le début de la crise et déjà affaiblies par la fin des contrats aidés, ont vu leurs effectifs fortement baisser. Les citoyens de la réserve civique qui avaient été mobilisés reprennent le chemin du travail, alors que les seniors, qui constituent une part importante des bénévoles, sont invités à rester chez eux. Il est impératif d'accompagner ces associations qui puisent déjà dans leurs réserves pour faire face à la demande actuelle.
Les associations culturelles ne sont pas non plus épargnées. Elles ne peuvent envisager une reprise de leur activité et bien qu'il ait été décidé de maintenir leurs subventions, celles-ci restent largement insuffisantes. Ainsi l'Association vosgienne du Théâtre du Peuple de Bussang n'a eu d'autre choix que d'annuler sa saison d'été 2020, ce qui n'était jamais arrivé depuis la Seconde Guerre mondiale. Le soutien de l'État s'élève à 400 000 euros seulement pour un budget de 1,2 million d'euros. Sans les recettes liées à la billetterie et aux activités connexes, comment assurer la prise en charge des contrats de ses quatre-vingts intermittents, sans oublier les prestataires locaux – restaurants, hôtels – qui seront directement frappés par cette annulation ?
Je pourrais citer de nombreuses autres associations de loisir, sportives ou autres, tant elles sont vitales pour nos territoires. Quelles mesures entendez-vous prendre afin que leur situation ne devienne pas plus précaire encore et qu'elles puissent reprendre leur activité rapidement ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Monsieur le député, vous interpellez le Gouvernement sur la situation, notamment financière, des associations. Permettez-moi de rappeler que tout ce que nous avons mis en place pour les entreprises, comme le dispositif d'activité partielle ou le prêt garanti d'État, les associations peuvent elles aussi en bénéficier – elles ont d'ailleurs largement utilisé ces outils. C'était nécessaire pour maintenir les contrats de travail, et maintenir ainsi la culture, le sport et toutes les activités qu'elles peuvent proposer. Nous disposons en France d'un riche tissu associatif, notre pays s'est construit sur ce secteur ; il nous faut maintenir ce type d'activité. Nous avons d'ailleurs fait en sorte que les nombreux bénévoles âgés puissent se confiner et que les jeunes et les étudiants prennent le relais.
Dans cette perspective, notamment pour ce qui concerne l'aide alimentaire, j'ai signé il y a quelques jours un courrier à destination des préfets – il devrait être envoyé demain –, courrier dans lequel nous demandons que soit maintenue la coordination avec les collectivités territoriales pour l'aide alimentaire et, puisque la reprise de l'activité économique empêchera certains des nouveaux bénévoles de poursuivre leur engagement, que soient favorisés les contacts avec les universités et les étudiants afin que ceux-ci s'investissent, notamment auprès des associations d'aide alimentaire. Comme l'a rappelé le ministre Julien Denormandie, nous avons également maintenu le calendrier initial du fonds pour le développement de la vie associative, et le Premier ministre a signé une circulaire demandant aux administrations de maintenir l'ensemble des subventions que l'État s'était engagé à verser aux associations en 2020, et cela même si les manifestations prévues ne peuvent avoir lieu.
Vous avez en outre adopté, le 24 avril dernier, le relèvement à 1 000 euros du plafond de la "loi Coluche", qui ouvre droit aux particuliers qui font des dons aux associations engagées dans la lutte contre la précarité à une déduction fiscale de 75%, contre 66% auparavant ; sachant que ce plafond était auparavant fixé à 552 euros, il s'agit d'un geste important.
Nous faisons en sorte que tous les leviers à la disposition des associations – bénévolat, subventions, dons – soient activés, car nous avons dans notre pays un réseau associatif particulièrement important qu'il nous faut maintenir. Le travail qu'effectuent les associations est assuré par des bénévoles et des salariés, et c'est la bonne coordination de l'ensemble de ces acteurs qui importe. Les collectivités territoriales et l'État seront toujours à leurs côtés pour faciliter leur travail au quotidien.
M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Au début de l'année, la précédente ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, avait annoncé faire du grand âge une priorité gouvernementale pour 2020. La crise sanitaire que nous traversons a prouvé, bien malgré nous et de façon douloureuse, l'urgence qu'il y avait à légiférer sur le sujet.
L'épidémie de covid-19 a souligné, s'il en était besoin, que tout comme les soignants en ville et à l'hôpital, les professionnels du secteur médico-social sont indispensables au bon fonctionnement de notre société. À domicile ou en établissement, leur engagement sans faille a permis de ralentir la propagation du virus et d'atténuer les effets du confinement sur les plus vulnérables et leurs familles. Je tiens à les remercier très chaleureusement pour leur dévouement et leur mobilisation malgré des conditions de travail toujours plus difficiles.
En effet, la crise sanitaire a mis en exergue les dysfonctionnements de notre système de soin et d'accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap ; je n'en citerai que quelques-uns : le manque d'effectifs en EHPAD, l'épuisement des professionnels, la non-reconnaissance des aides à domicile comme des acteurs majeurs de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, le besoin de répit des aidants familiaux ou encore l'indispensable réforme de la tarification pour les EHPAD, désormais d'une extrême urgence.
Le moment est venu de reconnaître et de revaloriser durablement l'action de ces professionnels. (M. Philippe Vigier applaudit.) Pendant le confinement, de bonnes pratiques ont fait localement leurs preuves, et toutes les mesures plébiscitées par les acteurs de terrain ont été compilées dans le rapport de Dominique Libault. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous dire quand vous allez soumettre au Parlement ce texte tant attendu par l'ensemble des acteurs du secteur médico-social et, surtout, par nos aînés ?
M. Philippe Vigier. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Madame la députée, les professionnels du secteur médico-social, de même d'ailleurs que les proches aidants des personnes vulnérables – qu'il ne faut pas oublier et dont il faut saluer l'action durant cette crise : malgré l'isolement, ils ont fait rempart –, ont agi en faisant preuve d'une grande solidarité.
Comme vous l'avez souligné, nous avions commencé à travailler sur le sujet avant la crise ; un grand chantier avait notamment été engagé en vue de la revalorisation des métiers du grand âge, avec la création d'une prime "grand âge" de 100 euros net par mois dans les EHPAD, un taux d'évolution inédit de la masse salariale dans la branche de l'aide à domicile en 2020 afin de réévaluer les plus bas salaires, et des sommes plus élevées versées par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, au titre du soutien aux acteurs de l'aide à domicile. Nous avons également enclenché la refonte totale de la formation des aides-soignants, avec notamment la fin des épreuves de sélection à l'entrée des instituts de formation.
Vous l'avez dit : du fait de la crise, de nouvelles mesures ont été prises en faveur des métiers du grand âge – je pense notamment au dispositif incitatif que nous avons mis en place pour les infirmiers intervenant dans les EHPAD. Nous aurons bientôt à faire le bilan de ces mesures d'urgence. Je ne vais pas revenir sur l'annonce qui a été faite du versement d'une prime exceptionnelle dans les EHPAD et les SSIAD, mais c'est bien dans ce cadre que nous avons apporté une réponse à la crise et que nous devons envisager l'après-crise.
Nous devrons poursuivre nos efforts en vue d'accroître l'attractivité des métiers du grand âge, en liaison avec les conseils départementaux et régionaux – car nous travaillons avec eux sur cette question aussi : l'État ne peut rien faire seul. C'est en travaillant avec l'ensemble des acteurs, départements, régions et aussi communes, à travers les CCAS, qui oeuvrent eux aussi en faveur du maintien à domicile, que nous trouverons la solution.
Comme l'a souligné ce week-end le ministre des solidarités et de la santé, il faudrait que l'on puisse atteindre rapidement un niveau de rémunération correspondant au moins à la moyenne européenne, pour ce qui concerne les infirmiers en secteur hospitalier assurément, mais aussi pour l'aide à domicile. Il s'agit d'un métier qui est aujourd'hui essentiellement féminin et qu'il va falloir valoriser et rendre attractif. Autant de chantiers qui seront ouverts dans les prochaines semaines.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. L'hôpital a tenu. Le système de santé a été ébranlé, mais les soignants ont été tout bonnement formidables : généreux, audacieux, courageux. On a parlé de guerre : ils étaient au front tous les jours. Les Français ne s'y sont pas trompés, et ils les ont applaudis chaque soir.
Du coup, il vous faut répondre à cette exigence, madame la secrétaire d'État, car vous en avez la charge. Et vous devez comprendre que les deux silos de l'accès aux soins, avec l'opposition entre le public et le privé, eh bien, c'est fini, c'est un temps définitivement révolu : ceux du privé sont allés aider ceux du public, et réciproquement.
J'espère que nous sortirons grandis de cette épreuve terrible. Quand finira-t-on par comprendre que la télémédecine, dont le compteur, auparavant bloqué à 5 000 consultations quotidiennes, est passé, avec la crise, à 950 000, est une solution ? Quand finira-t-on par comprendre que les groupements hospitaliers de territoire, jusqu'alors cloisonnés et restant dans l'entre-soi, hôpital public avec hôpital public, eh bien, il faut les ouvrir largement au privé – et que ce soit non pas une option, mais une ouverture généralisée ? Quand finira-t-on par comprendre que les CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé, qui ont été formidables dans l'approche du covid-19, il faut leur laisser de la liberté, qu'elles ne doivent plus avoir à lever sans cesse le doigt pour demander à l'ARS la permission de prendre des belles initiatives ? Quand finira-t-on par comprendre que pour lutter contre la désertification médicale – un sujet sur lequel on a fait tant de propositions –, il faut agir sur ce dont vous parliez tout à l'heure, madame la secrétaire d'État, à savoir l'attractivité des carrières ? Car c'est bien là le problème principal : 30 % des personnels soignants, des infirmières, quittent la carrière au bout de dix ans !
Ce ne doit plus jamais être comme avant. Cette exigence, c'est à vous d'y répondre. Il ne s'est pas passé un jour sans que, sur tous les bancs, nous n'ayons salué l'engagement formidable et le professionnalisme des hommes et des femmes qui oeuvrent dans le milieu de la santé. Mais pour que rien ne soit plus jamais comme avant, vous devez entendre ces quelques messages simples que j'essaie de vous envoyer– à l'instar de Jeanine Dubié au sujet des EHPAD ou du projet de loi sur la dépendance, qui devra être non pas un rafistolage de plus, mais un grand chantier ; nous le devons à nos aînés et à la solidarité nationale.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Monsieur le président Vigier, c'est à juste titre que vous soulevez la question de la coopération entre professionnels de santé sur les territoires, en particulier dans le cadre de l'épidémie que nous connaissons. Force est de constater que, depuis le début de celle-ci, les professionnels de santé ont redoublé d'inventivité afin d'adapter l'offre aux besoins grandissants de prise en charge des malades.
Ce fut le cas à l'hôpital, où, main dans la main, soignants et directeurs d'établissement ont réussi à multiplier par trois la capacité de réanimation en faisant tomber les barrières entre public et privé ; c'est grâce à cette coopération qu'ils ont pu trouver des solutions.
En médecine de ville, chacun a pu voir la mobilisation des médecins, des infirmiers, des pharmaciens – pour ne citer que ces trois professions – pour adapter l'offre de soins : organisation du flux dédié des patients atteints du covid-19, développement de la télémédecine – vous avez rappelé les chiffres : près de 1 million de téléconsultations alors qu'il y a encore quelques semaines, on n'en comptait que 5 000 – et du télésoin, avec la consolidation du rôle des pharmaciens.
Les professionnels de santé nous l'ont dit : pendant la crise, des synergies sont apparues partout sur le territoire national, de nouvelles coopérations, des projets de communautés professionnelles ont vu le jour. C'est à de telles réponses que nous devons réfléchir ensemble.
Je tiens à saluer non seulement l'engagement exemplaire des professionnels de santé, mais aussi l'appui technique des personnels des agences régionales de santé. C'est grâce à la concertation entre médecine de ville, hôpital public, établissements privés, ARS et collectivités territoriales que nous avons pu trouver des solutions. Cette incroyable dynamique de coopération et de coordination entre professionnels valide la stratégie mise en place depuis 2017, qui consiste à faire confiance aux acteurs de terrain, en leur donnant les outils techniques pour se parler – notamment, vous l'avez dit, par l'intermédiaire des CPTS – et en les finançant de manière pérenne : grâce à la convention interprofessionnelle signée avec l'assurance maladie, les CPTS les plus importantes pourront ainsi recevoir près de 400 000 euros annuels pour s'organiser. C'est bien à partir des territoires que nous devons construire notre système de santé.
M. le président. La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen. Il est à craindre que la crise sanitaire et économique débouche sur la troisième crise sociale du quinquennat. Si, pour les deux premières, les gilets jaunes et la réforme des retraites, la responsabilité du Président de la République était entière, elle est bien sûr moindre dans celle-ci. Cependant, comme il n'a pas su répondre aux précédentes, il est à craindre qu'il ne sache répondre à celle qui arrive.
Cette crise sociale sera, nous le craignons tous, marquée par une explosion du chômage. Celle-ci sera bien sûr accompagnée d'une raréfaction des offres d'emplois. Comment faire en sorte que nos compatriotes, ceux qui nous ont élus, ceux que nous représentons, ceux que nous devons servir avant tout, soient les premiers à retrouver un emploi ?
Je vois deux solutions assez simples, et surtout peu coûteuses pour nos finances publiques. La première est de mettre fin au travail détaché, ce qui contribuerait en outre à remplir les caisses de nos organismes sociaux. La seconde est l'instauration de la priorité nationale.
Je précise, à l'adresse des professionnels de l'indignation, que priorité ne veut pas dire exclusivité. Il n'est pas question d'empêcher le travail d'une personne de nationalité étrangère ; ce dont il est question, c'est, comme cela se fait dans beaucoup d'autres pays, notamment dans celui de votre ami Trudeau, que, pour un poste, le candidat de nationalité française soit prioritaire sur celui de nationalité étrangère.
Je sais bien qu'une partie du patronat n'y est pas favorable, car le travail des étrangers permet de réduire substantiellement les salaires. Si, dans beaucoup de secteurs, les salaires sont si bas – notamment parmi ceux qui ont oeuvré dans l'ombre durant cette crise –, c'est en partie à cause de l'absence de toute priorité nationale.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, ma question est simple : il fut adopté, le 10 août 1932, une loi protégeant la main d'oeuvre nationale lors de la Grande Dépression qui fit suite à la crise de 1929 ; envisagez-vous de présenter, dans le même esprit, un texte afin de supprimer le travail détaché, d'instaurer la priorité nationale et de répondre ainsi à la crise sociale née de la crise sanitaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. J'imagine que vous irez expliquer cette proposition aux centaines de milliers de travailleurs français détachés dans d'autres pays européens. J'imagine également que vous êtes opposée au jeu qui se pratique depuis quelques jours à l'échelle nationale, et qui consiste à vouloir construire le monde d'après avec les idées d'avant, en laissant entendre que la crise est venue vous donner raison. Je crois pouvoir affirmer que vous vous livrez justement à ce jeu, madame Le Pen.
Moi, ce que je retiens du monde d'avant, c'est un taux de chômage inférieur à 8 % pour la première fois depuis de très nombreuses années ; c'est que nous avions recréé des emplois industriels, ce qui ne s'était pas produit depuis plus de quinze ans. Ce sont les solutions en matière de fiscalité, d'économie, de formation, d'éducation, d'accompagnement des entreprises, qui ont permis de sortir des schémas d'une société figée aux idées préconçues. Hier, peut-être même avant-hier, vous vous reposiez sur les dogmes de cette société ; à présent, vous expliquez que le monde de demain devra aussi reposer sur eux. Mais avant le début de la crise sanitaire, c'est en s'affranchissant de ces dogmes que le Gouvernement auquel j'appartiens avait accompli tout cela. Je suis convaincu que sa politique économique était bonne.
Madame la députée, je vais vous livrer le fond de ma pensée. Qu'il s'agisse de la sortie de l'euro ou encore de la lutte contre les travailleurs détachés, j'ai la profonde conviction que les propositions rabâchées par votre parti depuis des semaines, des mois, des années, voire des décennies, ne constituent en aucun cas un vaccin, ni même un remède soit à la crise sanitaire que nous traversons, soit à la crise économique et sociale contre laquelle nous luttons de toutes nos forces.
M. le président. Nous avons terminé les questions sur les mesures sociales urgentes à prendre face au covid-19.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 20 mai 2020