Texte intégral
MATTHIEU BELLIARD
Votre invité, Sonia MABROUK, Cédric O, Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances en charge du Numérique.
SONIA MABROUK
Bonjour Cédric O.
CÉDRIC O
Bonjour.
SONIA MABROUK
Et bienvenu ce matin sur Europe 1. Si vous deviez en quelques mots convaincre les auditeurs, en vous adressant d'ailleurs directement à eux ce matin, les convaincre de l'utilité de l'application StopCovid, que diriez-vous ?
CEDRIC O
Alors StopCovid, c'est d'abord utile pour vous. Si vous avez croisé quelqu'un que vous connaissez ou que vous ne connaissez pas, par exemple dans les transports en commun, dans un bar quand ils auront rouvert et que cette personne a été testée positive, personne ne peut vous prévenir à part si vous avez StopCovid. Et si vous êtes prévenu ou si vous recevez la notification, alors vous serez pris en charge et vous aurez accès à un test, ce qui est extrêmement important ; tout le monde le comprendra. Donc c'est d'abord un intérêt individuel mais ça va un peu plus loin. Parce qu'en étant prévenu et en étant prévenu immédiatement, vous n'irez pas voir votre mère, vous n'irez pas voir vos proches, vous ne retournerez pas au travail et donc vous allez contribuer à stopper l'épidémie. Et vous-même, comme vous aurez accès à un test, vous pourrez vous déclarer et prévenir les gens que vous avez croisés. Et comme ça, on comprend qu'il y a un bénéfice individuel mais il y a aussi un bénéfice collectif de l'application qui aide à stopper l'épidémie, ce qui est utile parce que l'épidémie elle est encore là. On le sait. Il y a à peu près, je crois, trois cents à quatre cents personnes qui sont testées positives chaque jour et donc il faut qu'on ait cet effort individuel et collectif pour se protéger.
SONIA MABROUK
Vous dites : on le sait, l'épidémie est encore là, mais certains vous disent, Cédric O, vous êtes arrivé après la bataille. Alors que ça fait quinze jours qu'on est sorti du confinement, qu'on ne parle quasiment plus de la seconde vague, vous arrivez maintenant avec cette application.
CEDRIC O
L'application, elle est prête le plus tôt possible. Et d'ailleurs je remarque que tous les pays européens…
SONIA MABROUK
Après des aléas techniques.
CEDRIC O
Mais je remarque que tous les pays européens - l'Italie, l'Espagne, l'Angleterre, l'Allemagne - ne sont pas encore sortis non plus et qu'ils travaillent sur la même application qui sortira un peu après la nôtre normalement. Mais je veux revenir sur un élément parce qu'effectivement on peut avoir l'impression que l'épidémie est finie, qu'elle décroît. Il y a aujourd'hui entre trois cents et quatre cents personnes qui sont testés positives chaque jour en France. Lorsque l'épidémie a démarré, elle est terminée… Elle n'est pas terminée mais elle est aujourd'hui à plus de trente mille morts, c'était quelques personnes chaque jour qui étaient positives. Et donc on voit que l'épidémie, elle est encore là. Elle circule, elle peut revenir n'importe quand. Peut-être cet été, peut-être à l'automne. Et donc on a besoin de ces gestes barrières, on a besoin de continuer et surtout on va passer dans une deuxième phase. On va probablement à un moment rouvrir. Enfin les commerces ont déjà rouvert mais…
SONIA MABROUK
Les restaurants, les bars, les cafés.
CEDRIC O
Les bars, les parcs, les jardins. Et on a besoin d'avoir des mécanismes de réassurance supplémentaires pour éviter que l'épidémie reparte.
SONIA MABROUK
On va en parler, Cédric O, de l'utilité que vous défendez de cette application, mais d'abord dites-nous. Elle sera débattue au Parlement cet après-midi. Si le Parlement dit non, est-ce que StopCovid ce sera « Stop » tout court ?
CEDRIC O
Alors c'est très clair. Si les parlementaires s'opposent au déploiement de l'application, nous ne déploierons pas StopCovid.
SONIA MABROUK
Ça veut dire que ça peut s'arrêter, ça peut être mort-né tout simplement.
CEDRIC O
Le Premier ministre et le président se sont engagés et ont été très clairs. C'est-à-dire que StopCovid est utile, ce sont d'ailleurs les épidémiologistes qui le disent, ce n'est pas le gouvernement. Il pose certaines questions. Je pense que nous avons apporté un certain nombre de garanties. La CNIL s'est prononcée, elle a dit que l'application pouvait être déployée mais nous avons dit que nous reviendrions devant la représentation nationale pour proposer StopCovid et qu'elle aurait à se prononcer. Elle se prononcera tout à l'heure. Si elle rejette StopCovid, nous ne le déploierons pas.
SONIA MABROUK
Alors vous devez donc convaincre les parlementaires et plus largement aussi les Français. Un exemple concret Cédric O : je suis dépistée positive au Coronavirus ; qui le déclare sur l'application et qu'est-ce qu'il faut déclarer précisément ?
CEDRIC O
Alors c'est très simple. Quand vous recevrez le résultat de votre test, vous recevrez une feuille. Sur la feuille, il y aura un code et un QR Code et il vous suffira soit de scanner le QR Code, de rentrer le code dans l'application pour vous déclarer. C'est important parce qu'on comprend que ça évite que des personnes se déclarent faussement. Il vous faut un résultat positif pour pouvoir vous déclarer.
SONIA MABROUK
Et qui va savoir dans mes contacts que c'est moi qui suis contaminée et probablement contaminant ?
CEDRIC O
Alors quand vous recevez la notification, c'est la seule information que vous avez. Vous ne savez pas d'où vient l'information. On a travaillé beaucoup pour faire en sorte qu'il n'y ait aucune information disponible, à part cette information que vous avez croisé quelqu'un qui a été testé positif.
SONIA MABROUK
Donc à aucun moment la personne malade n'est identifiée ?
CEDRIC O
Non, c'est important que personne n'ait accès ni à la liste des personnes malades, ni à l'historique des gens que vous avez croisés, et donc vous ne serez pas capable de dire qui vous a notifié.
SONIA MABROUK
Alors nul système n'est infaillible. Vous n'excluez pas, Cédric O, que d'autres viennent voler, hacker et puis puiser dans nos données.
CEDRIC O
Je ne peux pas dire que le système est infaillible. Aucun système technologique, même les systèmes des plus grands Etats, n'est infaillible. Ce que je sais, ce que nous avons fait, c'est que l'Agence nationale de la sécurité des systèmes informatiques, l'ANSSI l'Annecy, ont été impliqués. On a pris toutes les garanties possibles, on a lancé ce qu'on appelle un bug bounty ces derniers jours. C'est-à-dire des hackeurs sont payés pour venir attaquer l'application, nous révéler si jamais il y avait des failles.
SONIA MABROUK
Et alors qu'est-ce qu'ils vous ont dit dès ce matin ? Il y a déjà des failles ? Ils étaient nos invités ce matin d'ailleurs sur Europe 1.
CEDRIC O
Il y a encore quelques jours de travail. Ce que je comprends des premiers résultats, c'est que, comme on dit, la surface d'attaque était limitée et donc ils trouveront des choses. Ils trouveront des choses : dans les bons outils, on trouve toujours des choses. J'espère que ce sera le plus limité possible mais, en tout cas, on a pris, nous, toutes les garanties possibles.
SONIA MABROUK
Et qu'ils les trouveront surtout avant les vrais hackeurs, les vrais pirates si je puis dire. L'une des autres craintes, Cédric O, c'est qu'avec cette application vous allez nous géolocaliser. Alors vous allez me dire que les GAFA nous géolocalisent déjà, mais enfin un de plus ça serait un de trop peut-être.
CEDRIC O
Non. On utilise la technologie du Bluetooth, ce qui a un avantage : c'est qu'elle fonctionne aussi dans les endroits où il n'y a pas de bornes téléphoniques donc en zone blanche. Mais surtout, ça permet de protéger la vie privée parce que nous n'utilisons pas la géolocalisation. La seule chose qui est enregistrée dans votre téléphone, c'est votre historique de rencontres, et donc les téléphones sous forme de crypto-identifiant comme on dit, c'est-à-dire pas sous forme de nom ni d'adresse mais sous forme de code, les téléphones que vous avez croisés. Et d'ailleurs personne n'a accès à cette liste, ni vous, ni l'Etat, ni personne.
SONIA MABROUK
Si je me fais voler mon téléphone, qu'est-ce qui se passe ?
CEDRIC O
Rien. Il ne se passe rien. Vous n'avez pas accès via le téléphone à la liste des personnes que vous avez croisées donc a priori il ne se passe rien.
SONIA MABROUK
Alors l'application, soyons clairs ce matin Cédric O, elle se fait sur la base du volontariat. Mais qui garantit qu'il n'y aura pas de pression, pas d'incitation de votre part à l'utiliser, à la télécharger ?
CEDRIC O
Alors c'est un principe de base, c'est le volontariat. Cela veut dire que non seulement c'est vous qui décidez si vous téléchargez, mais nous nous sommes engagés à ce qu'il n'y ait aucune contrepartie. C'est-à-dire qu'on ne vous offre aucun avantage ou vous n'avez aucune interdiction qui est liée à l'utilisation de l'application. Et j'ajoute un élément : c'est que dans le projet de décret que nous avons passé au Conseil d'Etat, nous avons rappelé que nul ne peut contraindre quelqu'un d'autre. Nul ça veut dire pas un employeur ou pas un commerçant.
SONIA MABROUK
C'est important. C'est-à-dire que si dans mon entreprise on me demande de télécharger cette application, le demande avec insistance…
CEDRIC O
C'est illégal.
SONIA MABROUK
C'est illégal. Donc passible de sanctions.
CEDRIC O
C'est passible de sanctions pénales.
SONIA MABROUK
Alors continuons sur la base du volontariat. Pas d'incitation : je pense à un député de la majorité qui avait dit que si quelqu'un télécharge l'application StopCovid, il était possible d'étendre pour ceux qui téléchargent la fameuse règle des cent kilomètres, un peu plus, cent cinquante kilomètres. Qu'est-ce que vous lui répondez ce matin ?
CEDRIC O
C'est effectivement Damien PICHEREAU qui avait fait cette proposition, nous ne l'avons pas retenue. Vraiment nous voulons que ce soient les gens qui, parce qu'ils sont responsables, parce qu'ils veulent participer de cette protection individuelle, cette protection collective, décident d'installer l'application. Donc il faut faire le mouvement d'aller installer l'application, d'activer le Bluetooth, d'autoriser les notifications. Et on pense que parce qu'il y a ce bénéfice individuel d'accès à un test, parce qu'il y a ce bénéfice collectif de protéger vos proches et de protéger les autres, les Français le téléchargeront tout comme ils ont respecté les gestes barrières, tout comme ils respectent le confinement quand ils sont malades. Depuis le début on fait ce pari-là et on va continuer.
SONIA MABROUK
Vous dites, Cédric O, bénéfice collectif. Mais à partir de combien de pourcentage de personnes dans la population cette application sera réellement utile ?
CEDRIC O
Alors ce que montre les travaux…
SONIA MABROUK
Il y a un débat là-dessus.
CEDRIC O
Il y a un débat mais il est souvent mal compris. Ce que montrent les travaux des épidémiologistes, notamment de l'équipe d'Oxford qui a travaillé sur le sujet, c'est que l'application elle est utile dès les premiers téléchargements. Parce qu'elle permet dès les premiers téléchargements de gagner du temps sur la maladie et d'avertir des gens qui ne le seraient pas sinon. Et donc on évite des contaminations et des malades, probablement des morts, dès les premiers téléchargements.
SONIA MABROUK
Mais Monsieur le ministre, il faut quand même un certain nombre de personnes, un certain pourcentage de population, sinon à quoi ça sert ?
CEDRIC O
Mais dès que vous avez deux personnes qui se croisent dans les transports en commun, que l'une est asymptomatique par exemple. Je rappelle que la moitié des transmissions se font par des personnes en période d'incubation donc ils ne le savent pas, ou des personnes asymptomatiques. Alors elle est prévenue, elle ne le serait pas sinon parce qu'elle ne connaît pas la personne qu'elle a croisée dans les transports en commun, et donc on gagne de l'efficacité dès les premiers téléchargements. Toutefois il faut dire que ce que montrent les projections scientifiques, c'est que pour avoir une efficacité dans un bassin de vie, une efficacité systémique, il faut un peu moins de 10%, donc ce qui n'est pas inatteignable.
SONIA MABROUK
Ce n'est pas obligatoire. Si peu de gens s'en servent, c'est un gadget.
CEDRIC O
Ah non ! Ah non ! Ce que nous pensons, c'est que d'abord nous allons déployer une campagne de communication pour expliquer, faire de la pédagogie.
SONIA MABROUK
D'incitation ou de communication ?
CEDRIC O
D'explication et d'incitation mais pour expliquer à quoi ça sert. Je pense qu'il peut y avoir des questions légitimes sur cette application, c'est normal. Mais quand on explique ce qu'elle fait, ce qu'elle ne fait pas, quand la CNIL se prononce pour nous dire : c'est bon, vous pouvez y aller, elle protège la vie privée, alors l'intérêt collectif et l'intérêt individuel, encore une fois, c'est de télécharger cette application et elle sera utile. Ce n'est pas le gouvernement qui le dit, ce sont les épidémiologistes et les professions de santé. Il faut remarquer que sur ce sujet…
SONIA MABROUK
Parfois les scientifiques varient.
CEDRIC O
Sur ce sujet, les professions de santé sont unanimes et elles n'ont jamais changé d'avis.
SONIA MABROUK
Alors la mise en place, Cédric O, elle sera temporaire. Mais qui garantit l'effacement de toutes les données nous concernant une fois cette période troublée passée, après l'état d'urgence sanitaire ?
CEDRIC O
D'abord les données, elles s'effacent même pendant l'état d'urgence sanitaire au bout de quatorze jours.
SONIA MABROUK
Oui mais totalement, un effacement total ?
CEDRIC O
Nous avons inscrit dans le projet de décret que cette application s'étendrait six mois après la fin de l'état d'urgence. Et donc six mois après la fin de l'état d'urgence, peut-être plus tôt : honnêtement si elle n'est plus utile, nous n'aurons aucun problème à la désinstaller. C'est une application qui répond à la crise du Covid19, qui n'existerait pas sans la crise du Covid-19 et qui n'existera pas au-delà de la crise du Covid-19. Par contre pendant la crise, elle est utile et elle est nécessaire.
SONIA MABROUK
Vous allez montrer l'exemple ? Vous serez le premier à la télécharger ?
CEDRIC O
Alors moi, je l'ai déjà sur mon téléphone mais est-ce que vous, vous la téléchargerez ?
SONIA MABROUK
Ecoutez, on va attendre les réponses des auditeurs pour se faire une opinion avec vous Cédric O. C'est pour ça que vous restez là ce matin, pour les convaincre, en tous les cas présenter la pédagogie de cette application que vous jugez utile pour endiguer l'épidémie.
MATTHIEU BELLIARD
Merci Sonia MABROUK. Cédric O reste en studio avec nous, avec vos questions au 39 21et le hashtag #Europe1 dans quelques toutes petites secondes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 mai 2020