Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, à RTL le 2 juin 2020, sur la politique économique du gouvernement face à l'épidémie de Covid-19.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Alba VENTURA.

ALBA VENTURA
Alors, à l'heure où l'on se parle, les cafés viennent d'ouvrir ou sont en train de rouvrir, les terrasses seulement en zone orange, donc dans la capitale notamment, je crois savoir d'ailleurs que vous irez tout à l'heure en quittant RTL, prendre un petit café vers la Bastille, c'est un clin d'oeil évidemment parce qu'on sait très bien que ça ne suffira pas, Bruno LE MAIRE, pour sauver nos cafés, nos bars, nos restaurants.

BRUNO LE MAIRE
Alors, ça ne suffira probablement pas, mais il ne faut pas bouder non plus son plaisir, et moi, je dois dire que j'ai hâte, comme sans doute des millions de Français, de retrouver les restaurants, de retrouver une terrasse de café, et je serai effectivement à une terrasse de café au soleil d'ici quelques instants. C'est 300.000 restaurants et cafés qui vont rouvrir ce matin, dont près de 60.000 en Ile-de-France, c'est un demi-million d'emplois qui vont pouvoir reprendre leur activité. Donc je pense que c'est un signal très positif et que ça correspond à une attente très profonde des Français, nous sommes un peuple qui aime les cafés, qui aime les terrasses, qui aime la convivialité de ces cafés, etc., et je pense qu'il ne faut pas bouder ce plaisir-là, même si vous avez raison, pour redresser économiquement, il en faudra beaucoup plus.

ALBA VENTURA
Parce que c'est 12 milliards de pertes, c'est ce que nous disent les professionnels du secteur, qu'est-ce que vous allez faire pour les aider ?

BRUNO LE MAIRE
Nous allons maintenir tous les dispositifs que nous avons mis en place très rapidement, dès la mi-mars, pour soutenir le secteur des cafés et des restaurants, de l'hôtellerie, plus largement, le secteur de la culture, ou de l'événementiel, le fonds de solidarité sera maintenu jusqu'à la fin de l'année 2020, fin 2020, il sera amélioré puisque le deuxième étage, celui qui permet notamment de payer ces loyers, sera porté à 10.000 euros, et vous n'aurez plus besoin de vous être vu refuser un prêt garanti par l'Etat pour avoir accès à ce deuxième étage, donc c'est une simplification considérable qui va permettre sans doute à des dizaines de milliers d'hôteliers, de restaurateurs, d'avoir accès à ces 10.000 euros pour pouvoir payer leurs loyers, parce que pour en discuter très souvent avec eux, cette question des loyers, elle est évidemment la question cruciale, le chômage partiel sera maintenu, le nouveau prêt garanti par l'Etat, encore plus avantageux que le précédent, sera développé dans les semaines qui viennent, donc je crois que nous faisons le maximum pour ce secteur, comme nous avons fait le maximum pour toutes les entreprises pour éviter une casse économique et sociale trop importante.

ALBA VENTURA
Juste, une précision, le chômage partiel effectivement, continue pour ce secteur des cafés, des bars, des restaurants, à l'inverse des autres, jusqu'à quand vous maintenez ce dispositif pour eux ?

BRUNO LE MAIRE
Il est maintenu aussi pour les autres secteurs, simplement, il faut le faire évoluer, et donc à partir du 1erjuin, l'Etat ne prend plus à sa charge que 85 % du salaire, les 15 % restants sont à la charge de l'entreprise. Et nous allons, avec Muriel PENICAUD, faire évoluer ce dispositif, qui coûte très cher, c'est plusieurs milliards d'euros qui ont été dépensés pour le chômage partiel, ils ont été dépensés de façon utile, mais maintenant, il faut pouvoir évoluer en fonction de la reprise d'activité, de façon à se garder des marges de manoeuvre financière pour soutenir ceux qui en ont le plus besoin. Dans une crise, il faut toujours avoir un temps d'avance, mais aussi être capable de faire évoluer ces dispositifs pour répondre aux situations les plus urgentes.

ALBA VENTURA
Et on imagine qu'il va falloir préparer de nouvelles mesures de sauvetage d'entreprises, quand je vois toutes ces marques en train de mourir, Bruno Le MAIRE, comme CAMAÏEU, LA HALLE, ANDRE c'est-à-dire le groupe VIVARTE, ALINEA, qu'est-ce que vous faites là aussi ?

BRUNO LE MAIRE
Sur toutes ces entreprises que vous avez citées, que ce soit CAMAÏEU, CONFORAMA, LA HALLE, nous cherchons des repreneurs, nous suivons tous les jours la situation de ces entreprises, et nous nous battons avec des équipes qui sont exceptionnelles au ministère de l'Economie et des finances, pour trouver des repreneurs, trouver des solutions, avec une obsession : protéger les salariés, CAMAÏEU, c'est 4.000 salariés, CONFORAMA, c'est 9.000 salariés, donc il faut faire le maximum, et nous le faisons pour trouver des solutions à ces entreprises…

ALBA VENTURA
Vous avez des espoirs ?

BRUNO LE MAIRE
Mais je n'ai jamais caché que le plus dur était devant nous, et même si c'est difficile à entendre un jour de soleil ou les cafés rouvrent et où les terrasses rouvrent, le plus dur du point de vue social et du point de vue économique est devant nous, tout simplement, parce que le choc de la crise a été extrêmement violent en France, nous avons été très touchés par le virus, nous avons pris des mesures très fermes et efficaces pour protéger la santé des Français, mais l'économie était quasiment à l'arrêt pendant 3 mois, et ça va se payer dans la croissance, la croissance en France en 2020 sera, la récession, plutôt, le chiffre, le terme est plus adapté, sera de moins 11%, pas moins 8, mais comme je l'avais indiqué, nous allions réviser ce chiffre, et je le dis depuis plusieurs semaines que nous le réviserions à la baisse, ce sera moins 11 %, le chiffre qui sera transmis au Conseil des finances publiques demain par Gérald DARMANIN et par moi-même.

ALBA VENTURA
Ça veut dire que le déficit prend un point tous les 15 jours ?

BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire tout simplement que le choc économique est extrêmement brutal, moins 11% pour 2020, ça veut dire également qu'il faut nous donner toutes les mesures et toutes les solutions pour relancer la croissance en 2021, et je vais vous dire ma conviction profonde, de la même façon que j'avais dit que cette crise n'avait pas de précédent, n'avait pas d'autre comparaison que la grande récession de 1929, j'ai la conviction absolue que nous allons rebondir en 2021, et que la stratégie que nous avons adoptée de soutien au secteur, d'accompagnement des salariés et de modernisation de notre tissu productif nous permettra, nous, la France, de rebondir fortement en 2021.

ALBA VENTURA
Oui, mais en attendant, est-ce que ça veut dire, Bruno LE MAIRE, que le quoi qu'il en coûte du président est toujours d'actualité ?

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr qu'il est d'actualité, et nous prenons toutes les mesures dans tous les secteurs, un plan a été annoncé sur le tourisme, sur l'automobile, nous annoncerons dès la semaine prochaine un plan pour soutenir le secteur aéronautique, qui est très touché, avec des régions entières à Bordeaux, à Toulouse, dans d'autres territoires qui sont directement impactés, nous annoncerons également un plan pour soutenir nos start-up de la Tech, pour qu'elles ne soient pas rachetées, les unes après les autres, par les géants du digital, nous allons soutenir également le bâtiment, les travaux publics, donc nous sommes dans cette phase, où nous apportons un soutien massif aux secteurs les plus touchés pour éviter des faillites en cascade ; et viendra le temps, à partir du mois de septembre, où nous présenterons, après consultation avec les économistes, avec les partenaires sociaux, avec la majorité, avec l'ensemble des forces politiques, je présenterai un plan de relance qui comportera une modernisation de notre tissu productif, la digitalisation, la robotisation, de l'innovation, la baisse des impôts de production, de façon à ce que la France renoue avec la compétitivité et rebondisse en 2021.

ALBA VENTURA
Mais justement avec un déficit pareil, moins 11%, on peut tenir le cap des baisses des impôts, est-ce que la taxe d'habitation, ce sera toujours d‘actualité ?

BRUNO LE MAIRE
Ce cap, Alba VENTURA, il doit impérativement être tenu, vous ne relancez pas une économie en alourdissant les impôts des ménages, vous n'améliorez pas la compétitivité des entreprises en alourdissant les impôts des entreprises, au contraire, il faut tenir le cap de la baisse des impôts pour les ménages, et s'agissant des entreprises, il faut être capable de leur donner les marges de manoeuvre nécessaires pour se digitaliser, se robotiser, investir, innover, le défi principal de l'économie française, il est le même en 2020 qu'en 2017, c'est la compétitivité et l'amélioration de l'offre, c'est la ligne constante que j'ai tenue depuis 2017, à la demande du président de la République, et qui nous permettait, début 2020, avant la crise, d'avoir l'un des meilleurs taux de croissance de la zone euro, 1,5%, c'est le chiffre tel que révisé par l'INSEE, nous avons un énorme trou d'air avec cette crise du coronavirus, un choc économique, comme nous n'en avons pas connu depuis des décennies, nous allons le surmonter, Alba VENTURA, mais nous allons le surmonter parce que nous avons une stratégie : soutien aux secteurs, accompagnement des salariés, modernisation de notre tissu productif.

ALBA VENTURA
Alors, justement, une petite question, soutien aux secteurs, les soldes, vous avez la date précise ?

BRUNO LE MAIRE
Les soldes commenceront le 15 juillet et elles dureront 4 semaines. J'ai tenu à reporter la date des soldes pour tenir compte de la situation des petits commerçants qui m'ont tous dit : on n'a pas fait un euro de chiffre d'affaires pendant 3 mois, nous avons des trésoreries à sec, laissez-nous un peu de temps pour reconstituer nos trésoreries, si vous mettez les soldes tel que c'était prévu, à la fin du mois de juin, on n'aura pas le temps de reconstituer une trésorerie, on va vendre à perte et on va se retrouver dans une situation financière difficile, donc j'ai accédé à la demande des petits commerçants, je sais que ça peut poser des difficultés pour d'autres grandes enseignes, mais je pense qu'il est légitime de soutenir, dans ces moments très particuliers, ceux qui sont les plus faibles, ceux qui ont les trésoreries les plus menacées, et donner 3 semaines de plus en démarrant les soldes au 15 juillet, pour 4 semaines, c'est permettre aux petits commerçants de reconstituer leur trésorerie, je pense que c'est une question à la fois d'efficacité économique, mais aussi de justice, et les deux peuvent parfaitement se concilier.

ALBA VENTURA
Bruno LE MAIRE, vous recevez aujourd'hui les dirigeants de RENAULT et les élus locaux concernés par l'avenir de l'usine de Maubeuge, alors, on ne comprend pas bien, les salariés sont déboussolés, enfin, Jean-Dominique SENARD, le PDG de RENAULT, a dit au "Grand Jury" que, bon, l'usine ne fermerait pas, on entend pourtant dire que le plan initial, c'est de rapatrier l'assemblage de la Kangoo à Douai, donc où est la vérité, qu'est-ce qui va se passer ?

BRUNO LE MAIRE
La vérité, c'est qu'aucune décision n'est arrêtée, la seule décision qui est arrêtée, c'est la décision de long terme, et comme toujours, dans ces situations de crise, il est très important de savoir où nous allons, RENAULT doit devenir une entreprise parmi les plus compétitives de l'industrie automobile. Et elle a du chemin à faire pour y parvenir, le Nord doit être le centre d'excellence de la production de véhicules électriques en France, il y a dans le Nord 2 usines, Douai et Maubeuge, Maubeuge est réputée pour son efficacité et pour sa productivité, aucune décision n'est arrêtée. Et moi, j'attends que RENAULT engage un dialogue social exemplaire, exemplaire, sur la création de ce pôle d'excellence, et nous allons ouvrir la discussion aujourd'hui, sans doute qu'elle prendra beaucoup de temps, pour regarder entre Douai, entre Maubeuge, quels sont les atouts, quels sont les avantages, comment est-ce qu'on peut organiser le mieux possible la production dans le Nord, de façon à protéger l'efficacité de RENAULT, lui permettre de créer ce pôle d'excellence.

ALBA VENTURA
Le président Emmanuel MACRON a conditionné le prêt de 5 milliards à RENAULT à des garanties pour les salariés de Maubeuge et de Douai, donc ce prêt, il est toujours en suspens ou vous allez le débloquer bientôt ?

BRUNO LE MAIRE
Ce prêt est toujours en suspens, mais je souhaite pouvoir le débloquer bientôt parce que RENAULT a besoin de cet argent se reconstituer et pour se redresser, mais tout dépendra de la réunion d'aujourd'hui et de la manière dont RENAULT va engager le dialogue social. Si RENAULT engage ce dialogue social exemplaire que nous souhaitons sur la création d'un pôle d'excellence dans le département du Nord, si ce processus est engagé de manière constructive et transparente, je signerai le prêt garanti par l'Etat de 5 milliards d'euros, si ça n'est pas le cas et qu'on voit qu'on aboutit à une situation de blocage, il faudra poursuivre les discussions, mais je crois que dans cette période, une fois encore très particulière où nous sommes, il faut que chacun fasse preuve de bonne volonté, je suis persuadé que la bonne volonté sera au rendez-vous de cette réunion dans quelques instants.

ALBA VENTURA
Une dernière question, Bruno LE MAIRE, accepter de baisser son salaire pour ne pas être licencié, c'est le chantage que le patron de RYANAIR, la compagnie aérienne, a fait à ses pilotes et à ses hôtesses, est-ce que c'est une voie pour sortir de la crise, il y a des entreprises qui réfléchissent à ce genre de négociations ?

BRUNO LE MAIRE
Le chantage n'est jamais une voie, jamais, nulle part, en revanche, qu'il y ait des accords d'entreprise de longue durée qui permettent de préserver l'emploi, en inventant des dispositifs imaginatifs, et je peux vous dire que nous y travaillons avec Muriel PENICAUD et avec les partenaires sociaux, ça, oui, et c'est même souhaitable, si nous voulons éviter justement ces centaines de milliers de licenciements, il faut que nous soyons créatifs et imaginatifs, il y a le chômage partiel tel que nous l'avons mis en place, qui est un instrument solide, il y a aussi des dispositifs d'activité partielle qui peuvent être modifiés, améliorés de façon à préserver l'emploi, dans ces temps extraordinairement durs pour tout le monde, la préservation de l'emploi, elle passe aussi par des solutions imaginatives, et certainement pas par le chantage.

ALBA VENTURA
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE…

BRUNO LE MAIRE
Merci Alba VENTURA…

ALBA VENTURA
Merci à Lucas DINDELEUX aussi, notre technicien

YVES CALVI
Beaucoup d'annonces faites par le ministre de l'économie ce matin sur RTL, notamment une chute du PIB français de 11 % en 2020, donc anticipée par le gouvernement, moins 11 % de richesses produites, les soldes sont annoncées pour le 15 juillet, elles dureront 4 semaines. Nous allons surmonter cette crise a ajouté aussi le ministre de l'Economie, qui rappelle qu'aujourd'hui 300.000 restaurants et cafés réouvrent, 60.000 à Paris ; ne boudons pas notre plaisir a ajouté Bruno LE MAIRE. Bruno LE MAIRE, que l'on retrouve dès 8h20 au standard, vous pourrez l'interroger, Arthur ASQUIN et Olivier GUENNEC attendent vos appels au 32 10 au 64 900 par SMS bien entendu, dès 8h20, retour de Bruno LE MAIRE sur l'antenne de RTL.


source : Service d'information du Gouvernement, le 3 juin 2020