Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport d'information de la commission des finances sur le printemps de l'évaluation consacré à l'évaluation des politiques publiques 2020.
(…)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. J'ai quitté tout à l'heure une réunion de la commission des finances, et nous allons discuter dans quelques instants du projet de loi de règlement. J'avais l'habitude de vous retrouver en juin pour quelques nuits ; c'est désormais pour des journées entières. (Sourires) L'exercice est néanmoins un peu différent de celui des années précédentes : le groupe La République en marche et le groupe du Mouvement démocrate et apparentés ont souhaité organiser le printemps de l'évaluation, mais l'année parlementaire a été bousculée, et vous n'avez pas pu interpeller les ministres au cours de réunions thématiques.
Vous avez établi de nombreux rapports thématiques. Vos interventions ont elles aussi porté sur des thèmes spécifiques : celle de M. Hetzel sur la justice, celle M. Le Fur sur l'aide au développement, celle de M. Jolivet sur le logement. Il appartient aux ministres compétents – c'est le principe de l'évaluation – de vous répondre à propos de ces politiques publiques. Vous m'excuserez donc de ne pas apporter moi-même ces réponses. Je suis sûr que vous les obtiendrez lorsque vous examinerez, bientôt, les crédits budgétaires, en vous appuyant précisément sur vos évaluations. Quant au projet de loi de règlement, il sera présenté tout à l'heure par le ministre de l'action et des comptes publics et le secrétaire d'État placé auprès de lui.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, si je puis me permettre une réflexion à propos du débat parlementaire, notre discussion gagnerait à ce que l'on organise de nouveau, lorsque ce sera possible, ces commissions thématiques. Celles-ci avaient beaucoup apporté au ministre de l'action et des comptes publics pour évaluer les crédits avec ses collègues. Ces discussions sont évidemment tout sauf médiocres.
En commission des finances tout à l'heure, le temps était compté, et je n'ai pas pu répondre à toutes les questions posées, le ministre de l'économie et des finances ayant disposé des quelques minutes restantes, ce qui était bien logique puisque je vous retrouvais ensuite. Je voudrais donc dire quelques mots pour répondre aux orateurs concernés, même s'ils ne sont pas tous présents. Qui plus est, certains d'entre vous viennent d'évoquer, à cette tribune, l'année 2020, même si le débat portait sur l'évaluation de l'année 2019 – notons que, malgré le nom du virus, la crise du covid-19 n'a pas affecté l'exercice 2019. Bref, je m'en voudrais de ne pas apporter de précisions sur trois sujets : l'impôt sur le revenu, évoqué par M. de Courson ; les crédits inscrits dans le PLFR 3, abordés entre autres par Mme Pires Beaune, M. Roussel et M. Coquerel ; les exonérations de charges, à propos desquelles vous m'avez interrogé, monsieur le président de la commission des finances.
Mme Pires Beaune – avec qui j'en ai discuté juste après la réunion –, M. Roussel et M. Coquerel ont estimé que le contenu du PLFR n'était pas tout à fait conforme aux discours. Il est vrai que le texte du PLFR, qui fait plusieurs pages, a été fourni au Parlement au moment même où la commission se réunissait, ce qui ne facilite pas les choses. Quoi qu'il en soit, les crédits en question sont bien inscrits dans le troisième PLFR : au budget du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, 75 millions d'euros pour aider les étudiants, 30 millions pour améliorer le montant des bourses et 45 millions pour compenser les loyers normalement versés aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires ; au budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, 100 millions en faveur des Français de l'étranger ; au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », les crédits destinés à financer le plan présenté par Mme Schiappa pour lutter contre les violences faites aux femmes ; au sein de la mission « Cohésion des territoires », plus de 200 millions pour l'hébergement d'urgence, évoqué par M. Jolivet.
M. de Courson m'a demandé pourquoi le produit de l'impôt sur le revenu n'avait pas été davantage revu à la baisse dans ce troisième PLFR. Je suis sûr que, de là où il est, il nous entend.
M. Pierre Cordier. Il n'est pas mort ! (Rires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Bien entendu ! Je voulais dire qu'il nous écoute probablement depuis son bureau. J'ai une petite expérience du travail de parlementaire…
Le produit de l'impôt sur le revenu ne baisse pas aussi fortement que M. de Courson l'a évoqué, pour deux raisons. D'une part, la masse salariale diminue moins vite que le PIB ; l'effet sur le produit de l'impôt sur le revenu sera donc retardé, et ne deviendra sensible que l'année prochaine. Il faut du temps, si je puis m'exprimer ainsi, pour licencier, pour mettre définitivement au chômage des salariés ou pour baisser structurellement leur rémunération : tout cela ne se calque pas avec évidence sur les prévisions de croissance de la Banque de France, de la Commission européenne ou de l'INSEE.
D'autre part, les choses ont changé avec le prélèvement à la source, mentionné par quelques-uns d'entre vous. Nous avons constaté qu'entre la présentation du PLFR 2 et celle du PLFR 3, les Français avaient moins baissé leur taux de prélèvement à la source que nous ne nous y attendions, ce qui est d'ailleurs plutôt une bonne chose. Par ailleurs, la détermination de l'assiette de l'impôt sur le revenu n'est pas contemporaine de sa collecte, question que nous avons longuement évoquée lors de l'instauration du prélèvement à la source. En tout cas, il y a bien une baisse du produit de l'impôt sur le revenu, mais les prévisions sont moins alarmistes que prévu, compte tenu de ce que nous avons constaté au cours des six premiers mois de l'année.
J'en profite d'ailleurs pour faire un petit rappel général : il ne reste plus que vingt-quatre heures aux contribuables, notamment parisiens, pour déclarer leurs revenus. Quant à ceux qui font encore une déclaration papier parce qu'ils ont plus de mal, ils ont jusqu'au 12 juin. Il ne faut pas oublier…
Monsieur le président de la commission des finances, vous vous êtes interrogé sur l'utilité de la mesure relative aux cotisations sociales salariales – s'agissant des cotisations patronales, vous avez bien compris la stratégie du Gouvernement, et nous aurons l'occasion d'en parler lors de la présentation des mesures prévues en la matière. Il est exact qu'un employeur qui place ses salariés en activité partielle ne paie pas de cotisations. Toutefois, il y a deux sujets à traiter. Premièrement, certains de ceux dont nous avons interrompu l'activité à partir du 15 mars ont tout de même payé leurs salariés jusqu'au 30 mars. Ils ont donc payé un « supplément » de cotisations sociales, ce qui a pu avoir un effet négatif sur leur trésorerie, difficulté à laquelle nous avons voulu répondre.
Deuxièmement, certains ont dû poursuivre en partie leur activité, et tous leurs salariés n'ont pas pu être pris en charge par le dispositif d'activité partielle. Tel a été le cas, par exemple, des réceptionnistes dans les hôtels, des agents de sécurité embauchés par les entreprises pour garder les locaux ou encore des employés de centres équestres – vous les avez évoqués lors d'une discussion précédente – qui ont continué à travailler pour nourrir les animaux.
Bref, même si leur montant total est réduit, des cotisations sociales ont tout de même été versées ou seront versées. Comme nous n'avons pas voulu priver les salariés des droits qu'elles ouvrent, nous avons choisi de faire ce crédit égal à 20% de la masse salariale – le taux résulte effectivement de l'application d'une simple règle de trois, je veux bien l'avouer. Grâce à ce crédit, outre qu'il ne paiera pas ses charges patronales, un coiffeur resté fermé pendant les deux mois de confinement pourra payer le premier ou les deux premiers mois de cotisations sociales de ses salariés. C'est une avance de trésorerie sociale, pourrait-on dire. En tout cas, telle est la proposition faite par le Gouvernement à la représentation nationale pour traiter ces quelques problèmes, qui handicapent parfois les entreprises de France.
J'en ai terminé avec les réponses aux membres de la commission des finances et aux intervenants qui ont évoqué l'exercice 2020. Je ne reviens pas sur l'évaluation des crédits non encore consommés de l'année 2020, non seulement parce qu'ils sont effectivement très changeants, mais aussi parce que ce sera probablement l'objet de vos commissions d'enquête et du prochain printemps de l'évaluation.
S'agissant de l'année 2019, je tiens à remercier les quarante-sept rapporteurs spéciaux pour leurs travaux, même si un petit nombre d'entre eux n'ont pas encore été remis. Ils aident le travail du Gouvernement, notamment du ministre de l'action et des comptes publics, qui va recevoir ses collègues à partir de la semaine prochaine pour construire le budget de 2021. Les rapports parlementaires sont toujours extrêmement précieux pour discuter de l'évaluation des crédits des politiques publiques.
À cet égard, je rejoins M. de Courson : dans ces rapports spéciaux, le Parlement propose peu de mesures d'économies. Autrement dit, on est souvent favorable aux économies en général, mais rarement en particulier. Lorsque l'on choisit de rédiger un rapport thématique – j'ai eu l'occasion de le faire lorsque j'étais député –, c'est parce que l'on s'intéresse à une politique dont on n'a guère envie de voir les crédits diminuer. On déplore plutôt, au contraire, une insuffisance ou une sous-exécution des crédits inscrits.
Pourtant, il est important de ne pas juger une politique publique avec le seul critère de l'augmentation des crédits : d'abord il n'est pas toujours pertinent, ensuite cela aurait pour conséquence de ne jamais réduire ni maîtriser la dépense publique.
Nous avons redressé les comptes publics ; plusieurs rapporteurs l'ont évoqué et je remercie M. le rapporteur général de l'avoir souligné dans son intervention. À cette occasion, je salue également Joël Giraud pour le travail que nous avons accompli ensemble les années précédentes ; je lui rends hommage parce que cette exécution est aussi la sienne, tout comme la sincérité dans l'inscription budgétaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Je partage le propos de M. Daniel Labaronne, notamment, selon qui nous avons attaqué cette crise avec les meilleurs comptes publics possibles, quand bien même ils étaient effectivement moins bons que ceux de nos amis allemands : la situation dont nous avions hérité différait peut-être un peu, il faut bien l'avouer – ce que n'ont pas fait tous les membres de l'opposition qui se sont exprimés. Il s'agit bien d'une réalité, puisque nous sommes passés, la Cour des comptes en fait foi, d'un déficit public de 3,4 % en 2017 à environ 2 % l'an dernier.
Nous avons, me semble-t-il, respecté le principe de sincérité budgétaire. J'entends que cela ne constitue pas en soi un incroyable succès, puisque le minimum que doit faire un Gouvernement est de vous présenter les inscriptions budgétaires avec sincérité – mais peut-être cela change-t-il des prévisions précédentes, si l'on en croit le rapport de la Cour des comptes, M. le nouveau Premier président de la Cour des comptes l'a peut-être évoqué. Vous aurez constaté que le Gouvernement a tenu sa promesse : il n'a pas présenté de décrets d'avance ; lorsque les événements se révélaient extrêmement violents pour les comptes publics, comme ce fut le cas récemment, il a même présenté des lois de finances rectificatives, dans une logique d'acceptation complète du jeu de l'autorisation et du contrôle parlementaires. Que ce Gouvernement soit le premier à ne pas présenter de décrets d'avance montre sans doute que la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – n'était pas tout à fait respectée. Notre démarche, elle, respecte le travail d'évaluation des parlementaires, puisqu'ils examinent des crédits budgétaires sincèrement inscrits ; elle participe à une bonne application des politiques publiques et donne aux directeurs de programme les moyens de faire correctement leur travail.
M. le président de la commission des finances, comme d'autres intervenants d'ailleurs, a évoqué les sous-exécutions et les sur-exécutions, choses bien ordinaires sur une telle masse budgétaire, 340 milliards d'euros de crédits en l'espèce. Elles sont toujours la conséquence, bien sûr, d'événements imprévus survenus en cours de gestion – je ne crois pas qu'aucun des orateurs, y compris de l'opposition, ait démontré le contraire. Le report de l'entrée en vigueur de la réforme de la contemporanéisation de l'aide personnalisée au logement en offre un exemple. On peut d'ailleurs le regretter : s'il est vrai qu'elle faisait faire des économies à la nation en période économiquement favorable, elle aurait augmenté les dépenses en temps de pénurie ; il me semble donc qu'elle aurait été bienvenue pour accompagner les difficultés sociales que certaines personnes vont connaître. Néanmoins, cette réforme n'est pas annulée, elle est reportée. Son application, que le ministre du logement a évoquée, est particulièrement complexe, si bien qu'il valait mieux la reporter plutôt que de la voir mise en oeuvre d'une façon très injuste et contraire à l'intention du législateur. Je remercie notamment M. Jolivet de l'avoir souligné.
Les dépenses correspondant à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ont été plus fortes que prévu, notamment les dépenses liées au financement de la prime d'activité. Je rappelle à la représentation nationale qu'en cette matière, on est passé de 3 milliards à quasiment 10 milliards d'euros. Le grand débat était assurément imprévu, comme les annonces du Président de la République qui l'ont suivi et auxquelles nous avons donc répondu. Et c'est en fin de compte à l'opinion publique que nous avons ainsi répondu, puisque l'État a assumé près de 10% d'augmentation de salaire pour les personnes rémunérées au SMIC, par le versement d'une prestation sociale, inscrite au budget présenté aujourd'hui par M. Véran – et par Mme Buzyn hier. En outre, le chômage a diminué plus que prévu, ce qui a tiré à la hausse le nombre d'allocataires de la prime. Personne – en particulier dans l'opposition – n'avait anticipé que la politique gouvernementale serait aussi efficace et ferait baisser le chômage aussi rapidement ; autrement dit, personne n'avait anticipé une telle hausse, dont il faut se réjouir, des crédits alloués à la prime d'activité.
Mme Emmanuelle Ménard a évoqué la mission « Immigration, asile et intégration ». Pour des raisons qui lui sont propres, elle affirme que la politique du Gouvernement ne serait pas aussi efficace que cela, puisque le flux des demandeurs d'asile serait plus important. En réalité, nous avons été plus rapides qu'auparavant dans l'exécution ; l'augmentation des crédits de cette mission votée par le Parlement n'est pas seulement le fait d'une augmentation du nombre de demandeurs d'asile ; elle est la conséquence de la plus grande rapidité avec laquelle nous traitons leur demande. Il s'agit là, me semble-t-il, de la première grande politique publique qui incombe à un État : accepter qui il souhaite accueillir sur son sol, conformément à son grand devoir d'asile, et ne pas accepter ceux que l'on pourrait nommer, de ce point de vue, des « passagers clandestins ». Ainsi, les augmentations de crédits et les sur-exécutions visées ne sont pas simplement liées à des flux ; peut-être Mme Ménard aurait-elle pu le préciser.
À propos des consommations de crédits des outre-mer, M. le président Woerth a évoqué les sous-exécutions. Il a souligné le rôle des exonérations de cotisations patronales, du moindre dynamisme économique, et la consommation inférieure aux prévisions des crédits d'investissement du fameux programme 123, « Conditions de vie outre-mer ». Il est vrai que nous pouvons toujours améliorer les choses en cette matière ; j'y travaille avec Mme la ministre des outre-mer. Vous le savez, le budget des outre-mer est certes petit « budgétairement », mais il connaît beaucoup d'exonérations ; la ministre n'a pas la maîtrise totale des dépenses budgétaires, on ne peut donc pas lui reprocher cet état de fait. M. le président de la commission des finances s'en souvient, nous avons plusieurs fois proposé, dans cet hémicycle, d'améliorer cette situation en transformant des dépenses fiscales, c'est-à-dire des exonérations, en dépenses budgétaires. Cela nous a souvent été reproché, y compris par les parlementaires ultramarins eux-mêmes. Pourtant, une telle politique est selon moi de nature à améliorer la maîtrise des crédits, donc à améliorer les aides consenties aux territoires ultramarins.
Le président Woerth et le rapporteur général ont tous deux évoqué la question des restes à payer, poursuivant en cela des discussions que nous avons eues avec Mme Rabault et M. le rapporteur général Giraud. Les restes à payer, qui correspondent aux différences entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, ont en effet augmenté de 8 milliards d'euros en 2019. Cela tient évidemment à la programmation pluriannuelle de certaines dépenses, notamment celles relatives à la gendarmerie, qui relèvent de la mission « Défense ». Nous avons souvent évoqué, lors de l'examen des projets de loi de finances, le programme « Patrimoines » de la mission « Culture ». La restauration des monuments historiques est un sujet cher à M. Gilles Carrez…
M. Maxime Minot. Et à Brigitte Kuster !
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est exact, mais c'est M. Carrez qui était rapporteur spécial du programme « Patrimoines » : je rends à César ce qui est à César, si j'ose dire.
M. Joël Giraud. Excellent Gilles Carrez !
M. Gérald Darmanin, ministre. Dans ce domaine, la restauration de Notre-Dame de Paris était assez imprévisible, de même que les 20 millions d'euros qui lui ont été alloués par les crédits de la mission « Culture ».
Vous avez été nombreux à mentionner les fonds sans personnalité juridique, en écho au rapport de la Cour des comptes, qui cite notamment le fonds pour l'innovation créé par le ministre de l'économie et des finances pour favoriser les investissements et la rupture dans l'économie par l'innovation, sujet que nous avons eu l'occasion d'évoquer plusieurs fois. Le ministre prépare de nouveaux critères pour pérenniser ce fonds en 2021, tout en prenant en considération vos rapports parlementaires comme les critiques de la Cour des comptes.
Le caractère exceptionnel de la crise a incité votre commission à anticiper l'exercice de l'année 2020. Sans y insister outre mesure, des chiffres ont été cités à la tribune, or ils sont déjà faux. M. le président de la commission et moi nous sommes regardés : il a été question d'une augmentation de la dette publique à 115 % du PIB, alors qu'on estime désormais qu'elle atteindra 121 %. Tout augmente, en effet, et les chiffres que l'on a évoqués ne veulent plus dire grand-chose, car nous anticipons déjà une croissance moindre et un chômage plus élevé, une attrition très forte de la masse salariale et l'engagement de dépenses pour soutenir l'économie.
J'entends les arguments de ceux qui souhaitent aussi l'examen d'un projet de loi de finances rectificative de la sécurité sociale, mais ce ne serait sans doute pas très raisonnable au vu de l'instabilité des recettes sociales, comme nous l'avons déjà évoqué dans une réunion commune de la commission des affaires sociales et la commission des finances.
Je veux répondre encore à deux questions soulevées par le rapporteur général et le président Woerth. Nous avons plusieurs fois parlé, dans cet hémicycle, des taxes affectées. Personnellement, je souscris à la haute ambition du rapporteur général de transformer les lois organiques – à tout le moins de les améliorer : nous pouvons limiter les taxes affectées au maximum, ce n'est pas le ministre de l'action et des comptes publics qui s'y opposera. Nous avons d'ailleurs constaté à quel point, quand l'économie connaît de fortes difficultés, ce mécanisme des taxes affectées aboutit parfois à faire perdre des recettes aux causes qu'elles soutiennent.
M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Exactement !
M. Gérald Darmanin, ministre. L'autorisation budgétaire, quant à elle, permet d'exercer un contrôle et de remettre de l'argent quand un accident survient. Quand il n'y a pas d'accident, c'est une sorte de jeu à somme nulle. Souvent, le ministère de la transition écologique et solidaire, le ministère des sports et le ministère de la culture encouragent les taxes affectées, sous prétexte que le sport doit payer le sport, la culture la culture et, parfois, l'écologie l'écologie. Pourtant, on voit bien que les résultats ne sont pas toujours ceux escomptés. Le ministère de la transition écologique et solidaire en offre un exemple, dans le domaine des transports. Il a d'abord été confronté au problème des gilets jaunes, avec la casse des radars qui a tué le compte d'affectation spéciale – CAS aussi, pour le coup. Ensuite la crise du covid est survenue : pour la deuxième année de suite, le choix d'une taxe affectée à tué la politique publique concernée. Chaque fois, on vient demander à l'État de compenser, donc aux parlementaires de voter des crédits budgétaires, pour ce qui avait été « dealé » – pardon d'utiliser ce mot ici – en taxes affectées.
Aussi, je suis favorable à rebudgétiser tout ce qui pourra l'être, conformément d'ailleurs au principe de soumission à l'autorisation parlementaire. Je le dis aussi aux élus de l'opposition : les crédits budgétaires respectent votre vote et sont proposés à votre évaluation, à l'inverse de la taxe affectée qui ne l'est qu'une fois et, ce faisant, se prête bien moins à l'évaluation de la politique publique à laquelle elle se rapporte. Il me semble donc normal d'encourager le rapporteur général dans la voie qu'il a esquissée ; en tout cas, le Gouvernement y est très favorable.
Face aux difficultés que nous connaissons, le député Carrez a proposé, dans son rapport spécial, que les grands établissements culturels puissent emprunter auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour se refinancer, au lieu de recourir à des crédits budgétaires. Cela nous paraît frappé au coin du bon sens. La piste mérite d'être étudiée ; je sais que ce ministre de la culture va y travailler et répondra à M. Carrez, dont nous écoutons toujours les propositions, comme toutes celles de la représentation nationale.
Nous aurons l'occasion, dans quelques instants, de reparler des crédits de 2019 et de la très bonne exécution budgétaire du Gouvernement : les chiffres des finances publiques ont été tellement bons qu'ils ont dépassé les espérances du groupe communiste. (Sourires. – Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. Le débat est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 17 juin 2020