Interview de M. Jean Castex, Premier ministre, à BFM TV le 8 juillet 2020, sur la composition de son gouvernement, son cheminement politique et les chantiers de la rentrée.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin, Jean CASTEX, nouveau Premier ministre. Bonjour.

JEAN CASTEX
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Monsieur le Premier ministre d'être avec nous. Jean CASTEX, pardon d'être familier, je vais commencer, je suis un peu familier avec vous, il paraît que vous êtes un croque-mémés, c'est vrai ?

JEAN CASTEX
Un croque-mémés ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? C'est un surnom qu'on vous donne…

JEAN CASTEX
Mais qu'est-ce que c'est qu'un croque-mémés… ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez la réputation d'être un câlineur d'anciens à Prades, il paraît que lorsque vous êtes en campagne électorale, vous prenez tout le monde dans vos bras, c'est vrai ou pas ?

JEAN CASTEX
Eh bien, je suis un maire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes un maire…

JEAN CASTEX
Un maire, ça aime les mémés comme les autres, voilà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, allons droit dans l'embut, vous avez compris, dans l'embut…

JEAN CASTEX
Marquer un essai…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, marquer un essai, parce que vous êtes passionné de rugby. Dans votre gouvernement, l'avocat Eric DUPOND-MORETTI est Garde des sceaux, qui l'a choisi, Emmanuel MACRON ou vous ?

JEAN CASTEX
Le Premier ministre propose, le président de la République dispose…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vous qui l'avez proposé ?

JEAN CASTEX
C'est un choix commun dont on est fier…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est vous qui l'avez proposé ?

JEAN CASTEX
C'est le président de la République qui a eu l'idée, je l'ai reçu, et j'ai fait cette proposition, parce que c'est un homme qui m'est apparu formidable, formidable…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous voulez le défendre, je sens que vous voulez le défendre, c'est vrai ?

JEAN CASTEX
Pourquoi, il est attaqué ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans tous les cas…

JEAN CASTEX
On peut en dire un petit mot, juste…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y…

JEAN CASTEX
Bon, quel est le sujet en fait, quel est le sujet quand on choisit un ministre, on se dit : ah, eh bien, on va faire un coup, là, coup médiatique, maître DUPOND-MORETTI, en réalité, voyez, l'objectif de ce gouvernement en la masse, c'est que le service public de la justice marche mieux, voyez, je suis allé de mes premières sorties dans un commissariat en Seine-Saint-Denis, et figurez-vous que j'ai entendu la même chose que ce que je vis depuis 12 ans comme maire de Prades, à Prades, dans les Pyrénées-Orientales, on est dans une zone de gendarmerie, c'est-à-dire, qu'est-ce qui se passe, il y a beaucoup de faits pour lesquels les gens sont interpellés, les services de police et de gendarmerie font leur travail, et la réponse judiciaire, comme on dit, ne suit pas, s'installe concrètement dans la vie des gens un sentiment d'impunité, et les victimes ne peuvent plus le supporter. Et ça, on dit : mais c'est la faute de la justice, non, c'est la faute de l'État, c'est la faute de l'État qui depuis des années n'a pas donné à l'autorité judiciaire les moyens de son fonctionnement, on dit : ah, mais vous êtes un homme qui défend le… mais attendez, je termine quand même…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez…

JEAN CASTEX
Il faut donner les moyens de fonctionner en proximité, au plus près des gens à la justice, et je n'ai pas… nous n'avons pas nommé un Garde des Sceaux haut en couleur, solide costaud, pour s'en prendre aux magistrats, c'est classique qu'un grand avocat soit Garde des sceaux, on l'a nommé pour défendre la justice, pour porter les couleurs de la justice au sein de l'appareil d'État et lui redonner ces moyen et sa crédibilité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous lui donnerez les moyens de défendre la justice ?

JEAN CASTEX
Oui, oui, oui…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous augmenterez le budget de la Justice ?

JEAN CASTEX
Oui, Monsieur. Le précédent gouvernement a fait voter une loi de programmation, on les a déjà augmentés, eh bien, nous allons accroître cet effort, c'est-à-dire l'État, l'État, puisque vous commencez par justice, l'État régalien, comme on dit, il y a la police, il y a les forces de sécurité, mais il y a la justice, c'est un tout, on doit une plus grande reconnaissance à la justice ; la justice ne marche pas parce que l'État l'a mal considérée. Et mettre un homme comme DUPOND-MORETTI à la tête de cela, ça veut dire que la justice va compter.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, nouveau gouvernement, et déjà, première manifestation, vous avez vu ça, des cibles, Eric DUPOND-MORETTI, Gérald DARMANIN, pensez-vous que certaines femmes regrettent de ne pas être sifflées dans la rue ?

JEAN CASTEX
Alors, écoutez, je vais vous dire, on ne se connaît pas, les Françaises et français ne me connaissent pas, mais je peux vous dire, Monsieur BOURDIN, que pour des raisons politiques et aussi personnelles, tout ce qui touche aux violences, comme on dit, intraconjugales, aux questions de viols me sont particulièrement, particulièrement, chères, je peux vous le dire. Et je peux aussi vous dire que si dans mon âme et conscience, ayant regardé le sujet, j'avais eu, mais, le moindre doute, la moindre interrogation, en particulier, vous y faites allusion, sur la nomination du ministre de l'Intérieur…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, que vous avez voulue, nomination…

JEAN CASTEX
Que j'ai voulue…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça vient de vous…

JEAN CASTEX
Que j'ai voulue, mais c'est pareil ! On a l'impression que tout ça… mais attendez, on va nettoyer ça comme on dit…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, nettoyons, nettoyons…

JEAN CASTEX
La composition d'un gouvernement, enfin, je n'ai pas grande expérience, c'est la première fois que je la fais, c'est un travail bilatéral permanent, je vais même vous le dire, vous voyez, moi, je croyais naïvement, je sais quand même ce que c'est qu'un président de la République et un Premier ministre sous la 5ème République depuis le général de GAULLE, que je serais presque beaucoup moins associé à cet exercice pour vous dire la vérité. Ça n'a pas été le cas, voilà, et donc pour revenir à Gérald DARMANIN, vraiment, j'assume totalement cette désignation, il a le droit, comme tout le monde, à la présomption d'innocence, laissez faire ! Laissez faire !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la plainte pour viol n'est pas un obstacle, on est d'accord, pourquoi ce n'est pas un obstacle ?

JEAN CASTEX
D'abord, parce que, vous le savez, il y a déjà eu sur ces mêmes faits des actes d'instruction qui ont été clairement des actes de rejet. Et d'autre part, parce que monsieur DARMANIN bénéficie complètement de la présomption d'innocence, voilà, mais je vous le répète, c'est un sujet, parmi bien d'autres, avec lequel, je ne transige pas, Monsieur BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Jean CASTEX, votre gouvernement sera complété par des secrétaires d'État, quand connaîtrons-nous les noms ?

JEAN CASTEX
La semaine prochaine.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La semaine prochaine. Est-ce que François BAYROU sera nommé Haut-commissaire au Plan ?

JEAN CASTEX
Je ne le sais pas, Monsieur BOURDIN, en revanche, oui, oui, non, non, écoutez-moi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vrai ?

JEAN CASTEX
Vrai.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vrai ?

JEAN CASTEX
Vrai ! En revanche, on m'a présenté quand je suis arrivé comme Gaulliste social, je pense, au-delà des personnes, pardonnez-moi, qu'il faut rééclairer l'action publique d'une vision de long terme, alors, le mot plan avait un peu disparu du vocabulaire, parce que ça rappelle un peu… d'accord. Il faut recréer des outils de prospective…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura un commissaire au Plan ?

JEAN CASTEX
Oui, et je le souhaite.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, et qui sera François BAYROU ?

JEAN CASTEX
Nous verrons bien.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce serait un bon candidat, un bon choix ?

JEAN CASTEX
Pourquoi pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est comme ça qu'on répond à Prades quand on ne veut pas répondre ?

JEAN CASTEX
Non, quand on ne sait pas, on dit : je ne sais pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, votre ami l'historien Camille PASCAL était à votre place hier, je ne sais pas si vous vous avez regardé, vous n'avez pas le temps…

JEAN CASTEX
On m'a dit ça…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On vous a dit ça, bon…

JEAN CASTEX
On m'a dit ça tout à l'heure en entrant sur le plateau…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez ce qu'il disait hier, je le cite : SARKOZY et MACRON ont en commun une chose, la volonté d'effacer le mandat de François HOLLANDE, réellement ?

JEAN CASTEX
Eh bien ça, il faut que vous leur posiez la question, là, vous me faites commenter des propos d'un tiers sur des personnes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, non, je vous dis parce que beaucoup ont parlé de vos liens avec Nicolas SARKOZY, vous l'avez appelé avant votre nomination ?

JEAN CASTEX
Monsieur BOURDIN, j'étais un collaborateur du président SARKOZY, fier de l'être, il m'a donné l'occasion de servir mon pays, d'ailleurs dans la crise de 2008 et les conséquences qui ont suivi, et je ne me renierai pas, bon, aujourd'hui, on est dans un temps nouveau, aujourd'hui, je suis Premier ministre, c'est-à-dire engagé dans l'action publique, et je suis, pardonnez-moi de vous le dire par rapport à ces sous-entendus de votre question, ce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, quels sous-entendus…

JEAN CASTEX
Non, ce n'est pas votre style, c'est vrai…

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'aime bien les questions directes…

JEAN CASTEX
Oui, c'est vrai, et moi aussi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez, toujours aller dans l'embut, mais vous aussi, vous aussi…

JEAN CASTEX
Tout à fait, oui, absolument. Je suis d'abord, sachez-le, on ne se connaît pas, un homme libre, un homme libre, je sais ce que je dois à tel ou tel, je sais les expériences qui m'ont permis d'accumuler, mais aujourd'hui, je suis devant vous, Premier ministre du Président MACRON, dans un gouvernement d'unité et de cohésion, avec une seule préoccupation, une seule…

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'action ?

JEAN CASTEX
L'action, la crise qui arrive.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, eh bien, on va en parler de l'action. Le déconfinement en France, juste, vous avez conduit ce déconfinement en France, il y a des inquiétudes toujours dans notre pays, sur ce coronavirus. Jusqu'au 10 novembre, est-ce qu'on peut imaginer que jusqu'au 10 novembre, le port du masque soit obligatoire dans les transports publics ?

JEAN CASTEX
Alors d'abord vous avez bien voulu rappeler que j'ai proposé au gouvernement d'Edouard PHILIPPE, à l'époque, les axes du déconfinement, il a toujours été dit, prévu et envisagé qu'il convenait de se préparer à une deuxième vague de l'épidémie…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc un plan confinement est prêt ?

JEAN CASTEX
Alors, oui Monsieur, sauf que, évidemment, on ne va pas faire un éventuel reconfinement comme nous avions fait celui du mois de mars, parce que, d'abord, on a appris, parce que les constatations que j'avais faites ont montré qu'un reconfinement ou un confinement absolu a des conséquences terribles, humaines, économiques ; donc nous allons cibler, mais heureusement, Monsieur BOURDIN, que nous nous y préparons, c'est le rôle de l'État de se préparer, d'anticiper. Le coronavirus est toujours là, je vais dimanche en Guyane, en Guyane, vous l'avez vu, ça se passe mal, bon, donc il faut quand même… je dis : il y aurait le même problème dans les Pyrénées-Orientales, on y serait, je vais en Guyane dimanche, donc j'ai bien, dans le sens de la mission qui m'a été confiée, la volonté de préparer la France à une éventuelle deuxième vague, mais surtout en préservant, dans cette hypothèse, le plus possible, la vie, la vie économique, la vie sociale, parce qu'on ne supporterait pas économiquement et socialement un reconfinement absolu et généralisé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme nous l'avons vécu.

JEAN CASTEX
Comme nous l'avons vécu.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Une information judiciaire à propos de la crise sanitaire, une information judiciaire a été ouverte contre Edouard PHILIPPE, Agnès BUZYN, Olivier VERAN, est-ce que les accusations sont injustes à vos yeux ?

JEAN CASTEX
Alors, comment dire… une information judiciaire a été ouverte, je n'ai pas – et vous le savez – le droit de la commenter…

JEAN-JACQUES BOURDIN
De la commenter, mais, sur le fond…

JEAN CASTEX
Moi, ce que je peux vous dire, c'est que, par exemple, mon prédécesseur ou les autres, eh bien, j'ai été à leurs côtés quotidiennement pour gérer le déconfinement, donc j'ai vu leur sens des responsabilités, leur implication, leur engagement, et donc, eh bien, oui, je vous réponds très clairement, qu'ils perçoivent cela comme une injustice, comme une injustice au sens moral et humain du terme, je peux parfaitement le comprendre, et je m'y associe.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean CASTEX, je ne suis pas un exécutant, c'est ce que vous avez dit dimanche, non, c'était vendredi soir sur TF1. Vous n'êtes pas non plus un collaborateur ?

JEAN CASTEX
Non mais Monsieur BOURDIN, pour les gens qui nous écoutent d'abord, je ne sais pas si ces mots les passionnent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ces mots disent… Si, si, si…

JEAN CASTEX
Non mais ils disent quoi ? Ils disent quoi ? Ils disent que le président…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils disent tout de votre rôle auprès d'Emmanuel MACRON justement.

JEAN CASTEX
Un, sous la Vème République le président de la République a un rôle prééminent, que ce soit le général de GAULLE, François MITTERRAND ou Nicolas SARKOZY avec des styles différents. Le Premier ministre met en œuvre les orientations décidées par celui qui est le dépositaire du suffrage universel. Mais voyez-vous, monsieur BOURDIN, la mise en œuvre, l'exécution, les réalités, la façon dont tout cela va s'inscrire dans la vie quotidienne des gens, mais ne le présentez pas comme quelque chose de péjoratif, de secondaire. C'est au contraire un défi majeur. C'est bien là que la politique a péché pendant des années Dans la mise en œuvre concrète, sur le terrain, dans la vie quotidienne des gens.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous voulez qu'on soit dans le concret ?

JEAN CASTEX
Ça fait trente ans que j'y suis.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi aussi. On y va ! Le Ségur de la santé. Hier soir, vous êtes arrivé. Il y a des négociations évidemment autour de ce Ségur. Vous avez fait une proposition : 7 milliards et demi d'euros ; on est d'accord.

JEAN CASTEX
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous irez plus loin ?

JEAN CASTEX
D'abord un petit mot quand même d'explication…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Juste un petit mot. Quand va se terminer cette négociation ?

JEAN CASTEX
Je l'espère cette semaine ; je l'espère cette semaine.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'espérez cette semaine, donc ce n'est pas sûr. Demain, ce n'est pas sûr.

JEAN CASTEX
Monsieur, je suis devant vous et devant les Français un homme de dialogue. Toute ma vie a été marquée par la nécessité d'incarner le dialogue. Pas simplement pour le plaisir de discuter : on est la France, on adore discuter, mais parce que je pense foncièrement que c'est un gage d'efficacité. On y revient à l'efficacité. Le Ségur de la santé n'a pas été lancé par moi. Le Ségur de la santé est une impérieuse nécessité. Donc j'arrive, j'ai simplement demandé - écoutez-moi bien - pourquoi j'ai mis une enveloppe de plus sur la table ? Pas pour être démago et leur dire, voilà, non ! Parce que j'ai voulu qu'aux questions salariales, à la juste reconnaissance des professionnels de santé qui ont été formidables dans les mois passés et qui continuent de l'être, on ajoute une dimension emploi. Je crois foncièrement que l'hôpital a besoin bien sûr de professionnels mieux reconnus mais a besoin de bras.

JEAN-JACQUES BOURDIN
15 000 emplois ?

JEAN CASTEX
Ecoutez, la négociation est en cours. Laissons-les faire. Ce n'est pas moi qui la mène quand même, c'est le ministre de la Santé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais enfin, c'est vous qui la supervisez du côté gouvernement, Jean CASTEX.

JEAN CASTEX
Oui, mais laissez-les travailler. Je ne vais pas m'immiscer dans une négociation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, je comprends.

JEAN CASTEX
Et je pense que le résultat sera à la hauteur des attentes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les attentes, c'est 300 euros par mois pour le personnel soignant. Est-ce que vous pourriez aller jusque-là ? Est-ce que l'État fera cet effort ?

JEAN CASTEX
L'État fait un effort…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est à 180 euros à peu près aujourd'hui.

JEAN CASTEX
Monsieur BOURDIN, l'État fait un effort considérable. J'ai été, monsieur BOURDIN, directeur des hôpitaux. Quand on avait un mandat de 500 millions, c'était le Pérou. 7 milliards et demi ! 7 milliards et demi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
« Quoi qu'il en coûte », vous vous souvenez peut-être. Oui, mieux que moi encore parce que vous êtes plus avisé que moi des choses publiques. "Quoi qu'il en coûte", qui disait cela ? C'était le président de la République. "Quoi qu'il en coûte". Donc 7 milliards et demi, pourquoi pas 9 milliards comme le demandent les syndicats ? Est-ce que vous allez faire encore un effort ? Est-ce que vous pouvez faire encore un effort ?

JEAN CASTEX
Je vais vous dire, je pense que sur ces bases la conclusion aboutira parce que l'effort…

JEAN-JACQUES BOURDIN
7 milliards et demi.

JEAN CASTEX
Je viens de le faire l'effort, d'accord. On était parti, vous ne l'avez pas rappelé monsieur BOURDIN, on était parti de 6 et je viens de faire en accord avec le président de la République…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Exact. On est passé de 6,9, on passe à 7,5.

JEAN CASTEX
Voilà. Mais il y a un moment, je suis aussi le gardien des intérêts de l'État. Derrière il y a les contribuables, enfin, voilà. Je suis sûr que les contribuables veulent qu'on fasse un effort.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez que les Français se souviennent du "quoi qu'il en coûte". Le "quoi qu'il en coûte" marque. Il a marqué les esprits, Jean CASTEX. Alors la réforme des retraites, puisque nous parlons du temps de l'action. La réforme des retraites est une priorité, on est bien d'accord.

JEAN CASTEX
(Il acquiesce)

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous la relancez cette réforme des retraites.

JEAN CASTEX
Alors un petit mot sur la méthode.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.

JEAN CASTEX
C'est capital. Dès cette semaine, j'ai invité l'ensemble des partenaires sociaux à venir me voir. Nous devrions ensuite nous retrouver tous, réunis, pour arrêter une méthode et un calendrier. Quels sont les sujets sur la table ? Donc j'espère que les questions de santé seront à la fin de la présente semaine derrière nous mais il y en a bien d'autres. Il y a les retraites qu'on a évoquées, il y a le plan de relance.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais vous en parler.

JEAN CASTEX
Nous voulons associer les forces vives de la nation à la préparation et à l'exécution du plan de relance. Il y a la dépendance annoncée par le président de la République qui est une cause juste. Il y a l'assurance chômage et il y a les retraites. Trois points rapidement. D'abord tout cela se fait dans le dialogue et dans la main tendue. Peut-être que d'aucuns ne la saisiront pas, c'est leur liberté. Mais ma responsabilité – ma responsabilité - c'est de rouvrir le dialogue. Premier élément. Deuxième élément, avoir une vision globale des sujets. Avoir une vision globale des sujets. Quand on négocie, quand on concerte il faut que chacun fasse des efforts et c'est mieux d'avoir une approche large. Troisième sujet monsieur BOURDIN, essentiel, essentiel : la crise.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien oui.

JEAN CASTEX
La crise. Je veux dire tous ces sujets, y compris celui des retraites…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le déficit des régimes de retraite aggravé par la crise.

JEAN CASTEX
Voilà. Donc nous allons dire sur les retraites, c'est acté, nous allons séparer ce qui est le futur régime universel plus juste, nécessaire avec, disons-le en toile de fond, les régimes spéciaux, le devenir des régimes spéciaux. Le fait d'assurer une plus grande égalité de Français. C'est un travail de long terme où il faut sans doute rouvrir les concertations. Et puis nous avons un sujet de plus court terme…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui est le financement.

JEAN CASTEX
Du système actuel, qui se trouve… Qui est impacté fortement par la crise et là, sur ce sujet vous savez, il y avait déjà une conférence de financement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr, bien sûr.

JEAN CASTEX
Mais là encore, elle est éclairée d'un jour nouveau par les problèmes suscités par la crise, donc on va en discuter aussi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc allongement de la durée de cotisation.

JEAN CASTEX
Monsieur, moi je ne commence pas un dialogue et une concertation en donnant la solution avant de commencer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il n'y en a pas beaucoup de solutions, Jean CASTEX.

JEAN CASTEX
Non, vous avez raison. Vous savez, je connais…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y en a pas beaucoup.

JEAN CASTEX
Oui, mais ça ne fait rien, ça ne fait rien monsieur. Vous savez, des fois il faut donner un peu de temps au temps. Voyez maintenant, j'ai des références partout Monsieur BOURDIN, voilà. Et des fois, perdre un mois, deux mois c'est en gagner. Donc je ne peux pas donner à l'avance ce résultat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand allez-vous réunir les partenaires sociaux ?

JEAN CASTEX
Alors normalement avant le 20 juillet. Je les vois tous un par un.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant le 20 juillet.

JEAN CASTEX
Oui. Tous un par un avant le 20 juillet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant le 20 juillet et là vous allez rouvrir les négociations.

JEAN CASTEX
Voilà. Après ma déclaration de politique générale. Il est d'abord normal… Non mais il faut faire les choses dans l'ordre. C'est d'abord la représentation nationale qui sera informée des intentions du gouvernement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors la relance économique, important, il y a un point entre 700 et 900 000 jeunes vont arriver, vont arriver sur le marché du travail à l'automne et il va bien falloir l'autre du boulot à tous ces jeunes. Il y a une solution, exonérations de charges pour le premier emploi d'un jeune, ça vous plaît ? C'est une solution…

JEAN CASTEX
Alors Monsieur BOURDIN, il y a, vous l'avez dit, 900 000 jeunes qui vont arriver dans un contexte de crise, il va falloir…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui très difficile.

JEAN CASTEX
Disons quand même avant que dans le même temps vous avez des gens qui risquent de perdre leur emploi, d'accord. Donc il y a les jeunes, je vais répondre à votre question, il y a tout le monde.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais les jeunes et puis ensuite on parlera de ceux qui risquent…

JEAN CASTEX
Il y a un fil conducteur, qu'est-ce qu'on va faire pour les jeunes …

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui qu'est-ce que vous allez faire pour les jeunes.

JEAN CASTEX
Et pour les autres. Pour les jeunes la situation est particulière puisque comme vous dites, il faut favoriser leur entrée dans l'emploi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr.

JEAN CASTEX
Et pour les autres, il faut favoriser soit leur maintien, soit plutôt leur reconversion, ça Monsieur BOURDIN, c'est peut-être ma préoccupation majeure, je vous le dis.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est pour ça que je vous en parle.

JEAN CASTEX
Parce que derrière, oui vous avez raison, derrière il y a des gens, des gens partout, voilà vous parliez des mémés à Prades, moi je connais ces territoires qui sont impactés par des reconversions. Donc qu'est-ce qu'on va faire, pour les jeunes pour les autres, pour les jeunes effectivement on va mettre en place des dispositifs qui pourront massivement renforcer leur chance. D'entrée dans un emploi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc exonération de charge pour le premier emploi d'un jeune.

JEAN CASTEX
Nous allons l'annoncer prochainement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites oui.

JEAN CASTEX
Je vous dis que je vais…, ce n'est pas la peine.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi je cherche l'information, c'est mon rôle.

JEAN CASTEX
C'est votre travail et moi je suis le maître des horloges.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ça c'est vrai, je n'y peux rien, moi je pose les questions et vous êtes maître des réponses.

JEAN CASTEX
Voilà exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le maître des horloges et le maître des réponses.

JEAN CASTEX
Tout à fait, mais alors je termine juste, en fait qu'est-ce qu'il va falloir faire pour éclairer. Aujourd'hui j'arrive depuis 5 jours, on me pose les principes et puis nous entrerons dans les modalités. l'urgence est de finir, on en a parlé, on ne va protéger les gens mais surtout on va essayer d'investir dans la formation, dans la transition écologique, dans la relocalisation industrielle, c'est-à-dire que ça va être tout l'art de cette gestion de la crise qui est là et qui est devant nous, qui est, pardonnez-moi de dire comme ça, d'en profiter pour investir dans le pays, pour investir dans l'avenir et permettre aux gens de retrouver des emplois, pas forcément là où ils étaient, tout en prenant soin de cette phase intermédiaire qui est plus humaine qu'économique, c'est-à-dire comment et ça va être mon obsession, faire en sorte qu'il n'y ait personne au bord du chemin et ça c'est pas facile.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors il peut y avoir une idée, allongement provisoire de la durée d'indemnisation de chômage, ça c'est une idée.

JEAN CASTEX
Alors hop on revient en arrière, qu'est-ce que je vous ai dit tout à l'heure qui était au centre des discussions…

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'assurance chômage…

JEAN CASTEX
La réforme de l'assurance chômage, que j'approuve, elle a été faite au moment où la France…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant…

JEAN CASTEX
Oui, au moment où la France avait l'un des plus faibles taux de chômage, en Europe, en tout cas, celui qui avait engrangé la plus forte baisse. Malheureusement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, qu'allez-vous faire ?

JEAN CASTEX
Eh bien, d'abord, on va sûrement en décaler la mise en œuvre…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez décaler la mise en œuvre ?

JEAN CASTEX
Eh bien, oui, enfin, vous comprenez bien qu'on ne peut pas… la politique, Monsieur, dans le bon sens du terme, c'est le sens de l'adaptation… on ne renie pas nos principes, mais on n'est pas des gens obtus, on regarde ce qui se passe, et le fil conducteur, je le répète, c'est la vie des gens, la vie quotidienne des gens, donc on adapte nos outils aux réalités dans leur intérêt.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Jean CASTEX, l'écologie sera au cœur de mes priorités, vous l'avez dit, 146 des 149 mesures de la Convention citoyenne sur le climat seront reprises, c'est ce qu'a dit le chef de l'État…

JEAN CASTEX
Le président de la République…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un projet de loi ?

JEAN CASTEX
D'abord, là-dessus, une petite anecdote, on vient de sortir le gouvernement, vous avez vu, bon, et nous avons, pour incarner la priorité que vous venez de citer, désigné une femme, de caractère…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Barbara POMPILI, oui…

JEAN CASTEX
Dont le combat écologique est celui de toute sa vie, et qui était, vous vous souvenez de votre question tout à l'heure, qui était membre du gouvernement de monsieur HOLLANDE, bon. Alors quand je réfléchis, je me dis : est-ce qu'il y a 5 ou 6 ans, Monsieur BOURDIN, spontanément, un homme comme moi se serait retrouvé avec une dame comme ça ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non…

JEAN CASTEX
Eh bien, finalement, eh bien, oui, vous avez raison, non, eh bien, finalement, quel progrès ! Quel progrès…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous vous êtes converti à l'écologie, quoi, c'est ce que je comprends…

JEAN CASTEX
Est-ce qu'il faut dire ça, je ne sais pas si je me suis converti…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous regardez l'écologie différemment aujourd'hui ?

JEAN CASTEX
Je regarde le monde…

JEAN-JACQUES BOURDIN
La préservation de notre environnement…

JEAN CASTEX
Bien sûr, voilà, et quelle force entre nous d'avoir un gouvernement où des gens différents, mais tendus vers le même objectif, sous l'autorité du président de la République, font tomber quelques… le président de la République, il parle de dépassement, d'un dépassement des clivages, moi, j'ai travaillé dans le sport, le dépassement, c'est aussi de se dépasser, donner le meilleur de soi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais pas trop d'ours ni de loups quand même…

JEAN CASTEX
Alors, l'écologie, si on la prend par le haut, c'est toujours pareil, on va revenir à mon fil conducteur, le terrain, alors, là, c'est des grands débats, utiles, nécessaires, et c'est, voyez, c'est toujours plus, moi, je propose qu'on l'aborde sur le terrain, je peux illustrer mon propos une minute ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Une minute, juste, parce que, après, le temps presse…

JEAN CASTEX
Une minute…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez plus d'activités que moi…

JEAN CASTEX
Vous n'avez qu'à me garder… oui, mais je peux rester…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi, je peux vous garder plus longtemps…

JEAN CASTEX
Eh bien, voilà, si vous voulez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, allez-y, allez-y…

JEAN CASTEX
Alors, sur le terrain, vous dites, voilà, territoire par territoire, on va bâtir un plan extrêmement concret où l'État va mettre les moyens, on va s'occuper de tout, des pistes cyclables de l'isolation thermique des bâtiments, des énergies renouvelables, de l'artificialisation des sols, des circuits courts, tout, tout, tout, tout, et là, vous verrez que toutes les préventions idéologiques, les convertis, les anciens, les nouveaux, les modernes, ils se mettront d'accord…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais projet de loi ?

JEAN CASTEX
S'il faut, bien sûr, tout ce qui nécessitera…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Référendum ?

JEAN CASTEX
Référendum, ça, c'est une décision du président de la République sur certaines mesures…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ou pas ?

JEAN CASTEX
Ecoutez, on a dit… Je me suis revendiqué gaulliste, vous voyez. Je n'ai pas honte de le dire. La démocratie directe, l'appel aux citoyens, vous comprendrez que par principe ça ne me choque pas mais version moderne. C'est-à-dire pas on vérifie que la légitimité de ce qui sont au pouvoir est ou pas mise en cause, non : on associe sur des causes déterminées, à condition qu'elles soient importantes, qu'elles soient décisives, la population. C'est ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai deux dernières questions, une question locale d'abord. Le TGV Montpellier-Perpignan, est-ce que vous, Premier ministre, il sera ouvert prochainement, un jour ou l'autre ?

JEAN CASTEX
Ouvert, monsieur BOURDIN, pour faire les travaux, les déclarations…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

JEAN CASTEX
Vous le savez. Attendez, vous savez, vous dites ça, mais je dis au passage, le même projet, le même, conduit dans les années 1970 il fallait 5 ans. Le même aujourd'hui, il en faut 10 ou 15. Tout est dit.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous connaissez bien la Haute administration, donc vous pouvez faire accélérer les choses.

JEAN CASTEX
Parfaitement, parfaitement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh oui, eh oui.

JEAN CASTEX
Et alors, si je vous réponds s'agissant de ce TGV que je mettrai toute mon énergie à le faire avancer à une vitesse supérieure à celle qui est la sienne jusqu'à présent, je ne suis pas certain que vous douterez de mes propos.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Dernière question. Vous êtes fier de votre accent, dites-moi.

JEAN CASTEX
Vous savez ce que je réponds : mais j'ai un accent, moi ? Je suis fier de mon accent, je suis ce que je suis. Vous savez, j'ai toujours basé ma vie tout court et ma vie politique en particulier qui là vient de prendre un nouvel essor sur la sincérité. Il faut être ce qu'on est, voilà. Il faut être ce qu'on est.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et rester ce qu'on est.

JEAN CASTEX
Et rester ce qu'on est, voilà. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien merci d'être venu voir ce matin, Jean CASTEX.

JEAN CASTEX
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juillet 2020