Texte intégral
BENJAMIN GLAISE
Notre invité ce matin c'est le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, bonjour Julien DENORMANDIE !
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour !
LAURENCE GARCIA
Bonjour ! Forcément on va revenir avec vous sur les différentes mesures de votre nouveau Premier ministre, Jean CASTEX, je ne vais pas vous demander si vous avez voté oui ou non la confiance, j'imagine que oui mais est-ce que c'est l'ex-ministre du Logement sous le gouvernement Edouard PHILIPPE qui a voté ou le nouveau ministre de l'Agriculture ?
JULIEN DENORMANDIE
En fait moi je ne peux pas voter parce que comme je suis membre de l'exécutif ce ne sont que les parlementaires qui votent.
BENJAMIN GLAISE
Tout du moins vous avez approuvé en tout cas ! (Il sourit)
LAURENCE GARCIA
C'est ça, voilà !
JULIEN DENORMANDIE
Et puis si les parlementaires n'avaient pas voté pour le coup c'est le Gouvernement qui tombait et évidemment moi avec mais je comprends tout à fait le sens de votre question ! Hier moi j'ai trouvé que c'était un discours de politique générale extrêmement pertinent, on voit qu'il y a une méthode CASTEX, on voit que cette méthode est…
LAURENCE GARCIA
C'est quoi la méthode de CASTEX ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est une méthode qui est orientée vers les territoires, c'est-à-dire que…
BENJAMIN GLAISE
Qui n'est pas parisienne…
JULIEN DENORMANDIE
…tout remonte des territoires, tout doit être fait au regard des spécificités des territoires et on sait qu'une politique publique d'un territoire à l'autre peut être très différente, elle doit être très différente. Et puis la deuxième méthode c'est la concertation, avec beaucoup de concertation avec les représentants des organismes sociaux, beaucoup de concertation avec les syndicats, le Premier ministre les reçoit dès demain à nouveau, ça c'est la méthode CASTEX. Et puis hier le Premier ministre a fixé un cap très clair, un cap qui d'ailleurs est aux fondements de La République en Marche et du projet présidentiel, c'est tout faire pour lutter contre le chômage qui est la principale difficulté.
LAURENCE GARCIA
Là pour l'instant c'est des effets d'annonce forcément, pour revenir sur la notion des territoires qu'il a dû répéter une vingtaine de fois aussi, alors forcément c'est un élu de terrain mais pour beaucoup disent aussi que c'est un haut fonctionnaire, il ne faut pas l'oublier non plus !
JULIEN DENORMANDIE
Oui mais l'un n'empêche pas l'autre !
LAURENCE GARCIA
Non, ça c'est sûr !
JULIEN DENORMANDIE
L'un n'empêche pas l'autre et, vous savez, c'est une approche, c'est une façon de faire. Moi je suis ingénieur agronome de formation, quand vous êtes ingénieur agronome et pourtant je ne suis pas élu de terrain, je ne suis pas un élu local, vous pouvez dire que toutes les politiques que vous faites, vous l'avez avec une approche territoriale parce que tout part de là ! Donc c'est une méthode, ce n'est pas en fonction du diplôme que vous avez, c'est une méthode et je crois que le Premier ministre l'a chevillée au corps cette méthode.
LAURENCE GARCIA
En même temps on a insisté sur les territoires, on l'a vu, la crise du Covid a révélé quelque part l'échec de la centralisation, du centralisme, avec toute la gestion des stocks des masques, on ne va pas y revenir mais tout de même, toutes ces décisions venant d'en haut ! Donc réinjecter du territoire ou réarmer du territoire c'est dire aussi « on s'est peut-être un peu planté d'un point de vue centralisé » ?
JULIEN DENORMANDIE
En tout cas la question est vraiment posée, la question est posée de savoir est-ce qu'un Etat central peut décider de politiques générales qui s'appliqueraient partout pareil, moi je crois que ça ne peut pas être comme ça. Alors il y a des moments où c'est important, c'est important de donner des grandes lignes évidemment. Par exemple au moment du confinement c'est important que des grandes lignes aient pu être données. En revanche, au moment du déconfinement on a vu que les spécificités des territoires devaient être profondément prises en compte. Mais, vous savez, c'est…
BENJAMIN GLAISE
Et pour autant sur le confinement Emmanuel MACRON parlait de confinement au niveau local si ça devait se reproduire à la rentrée…
JULIEN DENORMANDIE
Oui mais parce que là on est en train de s'adapter…
BENJAMIN GLAISE
Bien sûr.
JULIEN DENORMANDIE
…et puis parce que là on a une gestion avec ce qu'on appelle des clusters, donc on suit jour après jour l'évolution territoire après territoire. Dans une vie politique, dans une action politique, dans la gestion d'un pays il faut savoir jongler entre des décisions évidemment qui s'appliquent à tous parce que c'est nécessaire et puis des décisions qui portent en elles la spécificité des territoires. Ce n'est pas chose évidente, songez que jusqu'à présent même notre Constitution, notre Constitution je dis bien, ne permet pas la différenciation territoriale. Et donc c'est pour ça que le président de la République a justement porté cette réforme de la Constitution pour prendre en compte la différenciation territoriale.
LAURENCE GARCIA
Jean CASTEX hier a démarré son discours en s'adressant à la France des banlieues, rurale, des vallées, des Outre-mer, des périphéries, des laissés-pour-compte qu'on n'aurait pas assez écoutés, entendus, ça veut dire quoi entre les lignes, que le gouvernement Edouard PHILIPPE, votre gouvernement aussi n'a pas su écouter cette France-là ?
JULIEN DENORMANDIE
Ou en tout cas les Français qui habitent dans ces zones-là n'ont pas suffisamment ressenti les résultats de notre action, je le dirai comme ça. Vous savez, moi j'étais jusqu'à présent ministre du Logement et de la Ville, ma responsabilité était notamment de permettre aux jeunes enfants et aux enfants de la République vivant dans les quartiers d'avoir beaucoup plus de chance de réussir qu'ils ne l'avaient auparavant. Et force est de constater qu'il faut aller encore plus loin parce que notre obsession c'est de lutter contre le chômage, aujourd'hui dans les quartiers vous avez deux fois plus de chômage qu'avant, donc notre obsession c'est ça. Et puis aujourd'hui dans beaucoup de domaines dans tous nos territoires on se rend compte qu'il y a ces inégalités, le fondement même de la République c'est de lutter contre ces inégalités.
BENJAMIN GLAISE
Et ça fait des années, des décennies qu'il y a ces inégalités-là !
JULIEN DENORMANDIE
Oui mais il y a beaucoup de secteurs où ça s'améliore, prenez ce qu'on fait dans l'éducation, c'est objectivement depuis trois ans une des politiques les plus sociales éducatives qui n'ait jamais eu lieu dans notre République ! Le fait de dire que dans les territoires qu'ils soient ruraux ou urbains, défavorisés, on va mettre plus de profs, on va faire des classes plus petites, ça n'avait jamais été fait ! Prenez ce qu'on est en train de faire sur le volet écologique, extrêmement important, l'écologie ça doit être une écologie sociale, ça doit permettre à chacun d'avoir accès à cette écologie, que ce soit dans la rénovation…
BENJAMIN GLAISE
Vous l'avez vu avec le mouvement des Gilets jaunes d'une certaine façon que ça devait être social aussi !
JULIEN DENORMANDIE
Evidemment, évidemment, quand on dit à une partie de la population « écoutez, on va augmenter les taxes sur les carburants » et puis en fait vous avez une gestion de la voiture qui est très différente du bobo d'un centre-ville qui lui ne prend pas la voiture mais évidemment ça ne peut pas se faire comme ça ! L'écologie doit être une écologie sociale qui accompagne, le terme d'« écologie inclusive » qui ne met personne de côté sinon ça ne marche pas. Je crois que c'est ça aussi la méthode de ce gouvernement CASTEX, c'est de partir des réalités territoriales, du ressenti, des demandes avec à la fin, après la concertation des décisions parce que gouverner c'est choisir et c'est prendre des décisions.
BENJAMIN GLAISE
Justement ça vous concerne directement en tant que ministre de l'Agriculture sur l'écologie, la question du glyphosate, Jean CASTEX en parle ce matin dans les colonnes du Parisien Aujourd'hui en France en disant « ne plus utiliser le glyphosate est un objectif », il le dit clairement, il vous a demandé de lui faire des propositions. On a beaucoup d'agriculteurs qui s'inquiètent en disant « on veut bien arrêter le glyphosate mais on n'a pas d'alternatives, de solutions », vous en êtes où dans ce dossier, ça peut aller vite justement ?
JULIEN DENORMANDIE
On y travaille beaucoup, aujourd'hui vous avez à peu près un tiers des exploitations agricoles qui ont arrêté le glyphosate, un tiers qui l'ont diminué, donc la dynamique est là. Mais ce sont des sujets qui sont très importants parce que tout le monde agricole dont moi je connais très bien le métier, dont je suis extrêmement fier, tout le monde agricole est pour et il est engagé sur cette agro-écologie et d'ailleurs depuis longtemps !
BENJAMIN GLAISE
Depuis plusieurs années, c'est vrai, on en voit de plus en plus depuis des années !
JULIEN DENORMANDIE
C'est un des secteurs qui s'est le plus réformé depuis l'après-guerre. Maintenant il faut accompagner ce secteur-là avec plusieurs choses, d'abord investir dans des produits de substitution parce que c'est nécessaire pour les agriculteurs mais c'est nécessaire pour les consommateurs de pouvoir avoir accès à de l'alimentation évidemment. Donc il faut pouvoir les accompagner pour ne laisser là aussi, même chose que tout à l'heure, personne de côté, donc il faut pouvoir leur dire « oui, il y a des substitutions possibles », premier point, et ça il faut investir. Dans le plan de relance, le Premier ministre l'a annoncé hier, il y aura de l'investissement agro-écologique et moi je me bats beaucoup pour ça parce que cet accompagnement est nécessaire. Et puis deuxièmement il y a quelque chose de formidable dans notre pays c'est les agricultures et c'est de l'alimentation française. L'alimentation c'est quelque chose qui est en lien avec votre santé, c'est-à-dire que la meilleure alimentation au monde c'est l'alimentation issue de l'agriculture française, la meilleure, on a une chance extraordinaire et on ne le dit pas suffisamment ! Pour ça il faut permettre, il faut dire aux Français « achetez de l'agriculture française, achetez de l'agriculture française ». Mais même sujet que tout à l'heure, il faut pouvoir accompagner celles et ceux qui ont plus de difficultés.
BENJAMIN GLAISE
On a entendu la nécessité d'accompagnement effectivement mais Emmanuel MACRON s'était trop avancé en disant à l'époque, en 2017, qu'il n'y aurait plus de glyphosate, en tout cas que ce serait interdit d'ici 2021 au plus tard ?
JULIEN DENORMANDIE
Prenez les propos de la République, il le dit à chaque fois d'ailleurs, c'est un arrêt de l'utilisation du glyphosate dès lors qu'aucun produit de substitution non chimique ne serait trouvé.
BENJAMIN GLAISE
Alors moi je l'avais en 2017, « dès que des alternatives auront été trouvées - effectivement - ou au plus tard dans trois ans », on était en novembre 2017.
JULIEN DENORMANDIE
Oui mais c'est dès que des alternatives sont trouvées, ça c'est très important.
BENJAMIN GLAISE
D'accord.
JULIEN DENORMANDIE
Mais encore une fois, vous savez, moi je ne si pas du tout dans la recherche de l'exégèse de telle ou telle phrase, cette vision…
BENJAMIN GLAISE
Non mais les agriculteurs ont besoin de clarté en tout cas, ça vous le reconnaissez !
JULIEN DENORMANDIE
Mais exactement et ça c'est mon boulot, le temps, il n'y a rien de plus important dans l'agriculture que le temps et ça c'est mon boulot, moi je les accompagne et je les accompagnerai là-dessus. Mais ce qui m'importe aujourd'hui c'est surtout de ne jamais tomber dans quelconque stigmatisation, le monde agricole c'est un monde qui a entamé ses transformations bien avant que certains ne mettent en avant la nécessité de le faire, je tiens à le dire parce que ce n'est pas suffisamment reconnu. Maintenant il faut qu'ils soient accompagnés, ça c'est mon boulot…
LAURENCE GARCIA
« Accompagner » ça revient souvent dans votre bouche !
JULIEN DENORMANDIE
Oui parce que c'est comme ça qu'on fait bouger les choses, ça ne peut être quelque chose, un ministre qui dirait « il suffit de faire ça, ça ou ça », non, ça ne marche pas comme ça ! Une politique publique c'est des responsables politiques qui sont là pour accompagner, accompagner les agriculteurs, les Français et celles et ceux qui en ont besoin, c'est quand même le minimum et c'est ça mon job ou si ce n'était pas mon job il faudrait que je fasse autre chose.
BENJAMIN GLAISE
Juste un dernier mot, dans les clichés on dit souvent que l'agriculture et l'écologie ça s'oppose, on a vu que ce n'est pas forcément le cas, forcément on pense à l'élevage intensif, à l'élevage en cage aussi, il y a une pétition qui circule, qui est très populaire et qui fonctionne, qui demande l'interdiction de ces deux types d'élevage qui sont encore présents en France, il faut le reconnaître, vous c'est quoi votre position là-dessus en tant que nouveau ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est pareil, c'est un peu comme l'agro-écologie, le bien-être animal vous pensez vraiment que ce sont les éleveurs qui seraient insensibles au bien-être animal ? C'est tout l'inverse, les éleveurs se sont des hommes et des femmes qui font avec passion, avec dévouement un métier qui est un métier qui par définition vise à prendre soin des bêtes qu'ils élèvent, par définition ! Ils reçoivent…
BENJAMIN GLAISE
Il y a les éleveurs d'un côté puis les usines à côté !
JULIEN DENORMANDIE
Mais c'est là où il ne faut pas stigmatiser ! Mettez-vous à la place des éleveurs…
BENJAMIN GLAISE
Ce n'était pas le cas !
JULIEN DENORMANDIE
…qui reçoivent des leçons de morale à longueur de journée de personnes qui leur disent « il faut que vous preniez bien soin de vos bêtes » ! Mais les éleveurs par définition, moi je ne connais pas d'éleveurs dont le plaisir serait de faire souffrir leurs animaux, c'est une stigmatisation totale !
LAURENCE GARCIA
Donc cette pétition alors…
JULIEN DENORMANDIE
Par contre il y a des sujets sur lesquels…
BENJAMIN GLAISE
Oui, on n'est pas obligé de les stigmatiser, on peut…
JULIEN DENORMANDIE
Exactement, il y a des sujets sur lesquels il faut évoluer, pareil, en faisant de l'investissement, l'investissement par exemple dans les abattoirs, c'est un vrai sujet, et il faut que l'Etat accompagne l'investissement dans les abattoirs. Il y a des sujets qui ne concernent pas que les éleveurs mais toute la population. Quand vous voyez que la France est l'un des pays champions du monde de l'abandon des animaux domestiques, chaque année c'est 100.000 animaux domestiques qui sont abandonnés ! La maltraitance animale des animaux domestiques, chiens, chats, est une réalité, donc il faut avancer sur ces sujets-là. Mais encore une fois en accompagnant, en investissant, en aidant et jamais en stigmatisant.
LAURENCE GARCIA
En accompagnant, on a bien compris, merci beaucoup Julien DENORMANDIE d'avoir accepté notre invitation, merci.
BENJAMIN GLAISE
Merci beaucoup Julien DENORMANDIE, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, merci à vous !
JULIEN DENORMANDIE
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2020