Interview de M. Clément Beaune, secrétaire d'État aux affaires européennes, à France Inter le 29 juillet 2020, sur l'Union européenne face à l'épidémie de Covid-19.

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Média : France Inter

Texte intégral

HELENE ROUSSEL
Dans « Le grand entretien » ce matin le nouveau secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, vos questions, Chers auditeurs, au 01.45.24.7000. Bonjour Clément BEAUNE.

CLEMENT BEAUNE
Bonjour Hélène ROUSSEL.

HELENE ROUSSEL
Merci d'être avec nous sur Inter ce matin. Le grand public ne vous connaît pas, vous avez plusieurs fois pressenti pour le Quai d'Orsay, Emmanuel MACRON dont vous étiez le conseiller ne voulait pas vous lâcher, alors ça fait quoi de voler de ses propres ailes ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, c'est un début, c'est un engagement, une mission, il y a un engagement européen qui est le mien depuis maintenant six années auprès d'Emmanuel MACRON comme ministre, comme candidat, comme président et puis j'avais envie de pouvoir comme je vais essayer de le faire ce matin expliquer pourquoi je pense que l'Europe est importante, pourquoi je pense que l'Europe parfois dysfonctionne mais pourquoi je pense aussi qu'on peut la corriger, l'améliorer, se battre et avoir des résultats, c'est ça qui me motive et que je vais essayer de communiquer, de faire passer et d'expliquer aujourd'hui.

HELENE ROUSSEL
Il y a une circulaire qui date du 13 juillet sur les vacances des ministres, des vacances qui commencent ce soir, on vous demande de choisir une destination dans l'espace Schengen, vous vous allez où ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, je dois vous avouer que ce n'est pas encore totalement défini parce que les choses se sont un peu accélérées en début de semaine, vous l'avez rappelé, j'ai pris mes fonctions il y a à peu près 48 heures et donc je vais ajuster un peu les choses. Mais en tout cas ce seront des vacances assez studieuses je pense, européennes évidemment, la consigne est de rester dans l'espace Schengen et donc en tant que secrétaire d'Etat aux Affaires européennes je respecterai cet espace pendant les vacances mais je ne vais pas encore pouvoir vous dire exactement ce que ce sera.

HELENE ROUSSEL
En tout cas pas très loin. Face à la recrudescence du Covid en Europe, parlons-en, l'Espagne se retrouve sur une sorte de liste rouge, le Royaume-Uni impose une quarantaine à tous ceux qui en reviennent, l'Allemagne hier a déconseillé les voyages non essentiels dans trois régions du pays. Le Gouvernement en France, lui, déconseille de se rendre en Catalogne, pour le moment la frontière entre la France et l'Espagne reste ouverte mais ça peut changer ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, tout peut changer en fonction de l'évolution de la situation, ce qui est très important et qu'on voit, qui parfois est vu comme une forme de cacophonie, je crois que ça n'est pas cela, c'est de la différenciation et du ciblage. L'important c'est de ne pas revivre ce qu'on a vécu à la fois sur le plan sanitaire mais aussi autant que possible sur le plan des restrictions ! Et donc les mesures les plus dures de fermeture complète notamment de fermeture des frontières sont à éviter autant que possible au sein de l'Europe et de l'espace Schengen parce que c'est notre espace de vie, c'est notre espace de circulation. Je prends un exemple, il y a 350.000 travailleurs frontaliers français qui chaque matin passent une des frontières de la France pour aller gagner leur vie, faire leur travail et revenir le soir. Donc ce sont des mesures de dernier recours, on ne peut jamais les exclure en fonction de la situation sanitaire, mais c'est pour ça par exemple que le Premier ministre, le ministre de la Santé, le ministre des Transports ont indiqué que pour la Catalogne il y avait une recommandation vive de ne pas y aller mais ça n'est pas par exemple une mesure qui s'applique à l'ensemble de l'Espagne parce qu'on essaye de cibler sur le territoire national, ce qu'on a appelé les clusters, comme au sein de l'espace Schengen dans les régions chez nos voisins les zones, les endroits où il faut éviter d'aller sans avoir de mesures disproportionnées, donc à chaque fois adaptables en fonction de la situation et ciblées.

HELENE ROUSSEL
Ça crée des tensions, l'Espagne vit très mal cette situation, Madrid a tenté de rassurer les touristes, cette Europe finalement qui vote un plan de relance d'un côté puis qui de l'autre asphyxie un pays dont l'économie dépend pour beaucoup du tourisme, je crois que c'est 12 % du PIB pour l'Espagne, ce n'est pas paradoxal, ce n'est pas un peu schizophrène tout ça ?

CLEMENT BEAUNE
Ah non honnêtement je ne crois pas, on reviendra j'espère sur le plan de relance parce qu'il est très important et l'Espagne en est le deuxième bénéficiaire, donc cette solidarité européenne est réelle, on s'est battus pour avec l'Espagne notamment et on a obtenu des montants inédits, historiques et très importants qui vont incarner cette solidarité européenne. L'idée justement ce n'est pas de cibler un pays, il n'y a pas de liste rouge de la France par exemple à l'égard de l'Espagne, il y a cette recommandation sur la Catalogne, j'insiste encore une fois sur cette mesure précise, et nous avons toujours même au plus fort de la crise en France veillé à avoir des mesures coopératives, coordonnées avec nos voisins européens. Quand il y a eu des restrictions à des frontières intérieures par exemple avec l'Allemagne, avec l'Italie ou même avec l'Espagne nous en avons parlé et nous avons ciblé ces mesures pour qu'elles dérangent le moins possible et qu'elles bloquent le moins possible. Donc je ne crois pas qu'il y ait de paradoxe, je ne crois pas que ce soit un manque de solidarité européenne. Là où c'est vrai, vous avez raison, sur la question des frontières il y a eu une défaillance collective au départ européenne, c'est un peu moins vrai aujourd'hui, je le crois profondément, mais ça a été très juste au début de la crise où on a vu des attitudes hostiles, non coopératives, pour le coup des fermetures totales de frontières d'un pays à l'autre, entre l'Autriche et l'Italie, la Pologne et certains voisins. Encore une fois, j'insiste, la France ne l'a pas fait, l'Espagne ne l'a pas fait parce que nous avons toujours veillé justement à garder concrètement cet esprit européen.

HELENE ROUSSEL
Comment on fait l'Europe quand on se repousse les uns les autres comme ça, vous parliez de dysfonctionnements, de restrictions qui diffèrent d'un pays à l'autre, on sera peut-être nous-mêmes touchés à un moment, la Belgique par exemple a placé hier la ville de Paris, la région des Pays de Loire en zone orange, c'est-à-dire que tous les Belges qui se rendent dans ces zones ont une quarantaine imposée au retour, on fait comment cette Europe-là ?

CLEMENT BEAUNE
D'abord je crois qu'il y a une chose qui paraît étonnante mais qu'il faut noter, une des raisons pour lesquelles il y a des mesures parfois différentes, parfois contradictoires, c'est qu'il n'y a pas de méthode européenne commune et de décision européenne commune pour évaluer la situation sanitaire pour dire que telle zone est à risques ou pas à risques.

HELENE ROUSSEL
Il faudrait ?

CLEMENT BEAUNE
Il faudrait, bien sûr, c'est une forme d'Europe de la Santé qui n'existe pas et qui est à construire. Il y a un paradoxe en Europe pour le dire comme ça, c'est qu'on a des méthodes de milliers de pages pour calculer nos déficits à la huitième décimale et nous n'avons pas les mêmes méthodes pour évaluer les risques sanitaires, ça doit changer. C'est un des aspects peut-être qui a été moins vu de l'initiative franco-allemande du 18 mai dernier et je crois que tous les pays reconnaissent aujourd'hui que, ce sera malheureusement pour les prochains mois, nous devons avoir ces méthodes communes européennes pour pas qu'il y ait des pays qui évaluent différemment les risques d'un pays européen à l'autre. Après, que des mesures soient ciblées parfois à l'intérieur même d'un pays, en France on n'applique pas exactement les mêmes règles en Mayenne aujourd'hui que sur le reste du territoire parce qu'on ne va pas restreindre la circulation, les libertés là où il n'y a pas besoin de le faire.

HELENE ROUSSEL
A l'image d'un confinement plus ciblé…

CLEMENT BEAUNE
Exactement et je crois que c'est ce vers quoi les pays européens vont aujourd'hui, est-ce que c'est parfaitement coordonné, parfaitement harmonisée ? Il faut être honnête, non. Est-ce que ça progresse ? Oui, on n'est pas dans la même situation qu'au début de la crise où il y avait ces attitudes de fermetures hostiles et de fermetures non coordonnées.

HELENE ROUSSEL
Les restrictions se multiplient ailleurs qu'en Europe, elles se multiplient dans le monde entier, le Maroc par exemple impose des mesures de confinement dans toutes ses grandes villes, la France conseille quoi à ses ressortissants, de rentrer, à ceux qui avaient prévu de ne pas y aller, il y a des consignes ?

CLEMENT BEAUNE
Non, on actualise là encore les conseils aux voyageurs régulièrement, pour l'instant le Maroc ne fait pas partie des pays avec lesquels il y a une consigne de fermeture généralisée ou de ne pas y aller. Je précise une chose, il y a si je peux prendre 15 secondes pour l'expliquer, je crois que c'est très important pour les vacances notamment, il y a plusieurs catégories. Dans l'espace Schengen, vous l'avez rappelé, c'est notre espace de vie, notre espace central, il y a la liberté de circulation sauf quand il y a des mesures ciblées, la Catalogne en fait partie, où il y a des recommandations de ne pas se déplacer, mais le principe est la liberté de circulation. Au-delà de l'espace Schengen le principe est qu'il n'y a pas aujourd'hui de liberté de circulation, il faut un motif justifié, essentiel pour faire un voyage. Il y a néanmoins des pays à faibles risques dont fait aujourd'hui partie le Maroc avec lesquels il n'y a pas de restriction totale, obligation de tests, etc. Et puis il y a l'inverse, des pays hors Schengen dans lesquelles la situation sanitaire est particulièrement préoccupante, le virus circule très rapidement, ce sont les 16 pays que le Premier ministre, le ministre de la Santé et le ministre de la l'Intérieur ont évoqué en fin de semaine dernière, par exemple les Etats-Unis, par exemple les Emirats arabes unis.

HELENE ROUSSEL
Israël.

CLEMENT BEAUNE
Et là non seulement il y a une fermeture, il faut un motif essentiel pour voyager, mais en plus si vous avez une bonne raison de revenir de ces pays vous aurez des tests obligatoires soit à l'arrivée soit au départ en fonction…

HELENE ROUSSEL
Oui, il faut suivre quand même, ce n'est pas facile en cette période touristique !

CLEMENT BEAUNE
Je sais !

HELENE ROUSSEL
Clément BEAUNE, restez avec nous, on va faire un tout petit tour au standard d'Inter où nous attendent les auditeurs et on commence avec vous Christian, bonjour, bienvenue !


Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 juillet 2020