Interview de M. Cédric O, secrétaire d'État à la transition numérique et aux communications électroniques, à CNews le 30 juillet 2020, l'application StopCovid, les télécommunications et la 5G.

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Intervenant(s) : 
  • Cédric O - Secrétaire d'État à la transition numérique et aux communications électroniques

Média : CNews

Texte intégral

ANTHONY FAVALLI
Et tout de suite, sur Cnews, Cédric O, le secrétaire d'Etat en charge du Numérique, est l'invité de Damien FLEUROT.

DAMIEN FLEUROT
Bonjour Cédric O.

CEDRIC O
Bonjour.

DAMIEN FLEUROT
Vous êtes le secrétaire d'Etat chargé effectivement de la Transition numérique, mais aussi des communications. Vous nous expliquerez pourquoi. D'abord, sur la crise sanitaire, ce Covid 19 qui gagne du terrain, quel est le bilan de l'application StopCovid que vous avez lancée ? C'était début juin, on parle de 2 millions d'utilisateurs, mais finalement peu de signalements, peut-être une centaine.

CEDRIC O
Alors, effectivement on doit être entre 2 millions et 2,5 millions de personnes qui ont téléchargé StopCovid. Je vous avoue que c'est un peu difficile de faire le bilan, c'est un peu tôt. Nous, notre mission, enfin en tout cas ma mission en tant que secrétaire d'Etat au numérique, c'était de faire en sorte que cet outil, qui est disponible chez tous nos voisins européens, qu'il soit disponible ici. Donc il est disponible, il respecte nos valeurs, il a été validé par la CNIL, par les deux chambres du Parlement. Il est sur la table, maintenant c'est à Olivier VERAN et aux Autorités de santé de décider comment ils veulent le déployer encore plus, est-ce qu'ils veulent recommuniquer, est-ce qu'il faut revenir dessus…

DAMIEN FLEUROT
Est-ce qu'il faut peut-être faire plus de pédagogie, plus de communication ou est-ce qu'il y a une réticence des Français à être tracés, en fait, en quelques sortes ?

CEDRIC O
Je ne pense pas qu'il y ait une réticence particulière des Français. Si on regarde, l'application a été certes moins téléchargée qu'en Allemagne, mais à peu près autant qu'en Italie, et maintenant c'est un outil sanitaire parmi une panoplie d'outils sanitaires, et il va falloir voir comment on le déploie, comment on fait de la communication dessus, en fonction du fait de savoir si l'épidémie reprend ou pas. En tout cas je pense qu'on ne sera pas mécontent, si l'épidémie revient, d'avoir cet outil dans la panoplie de réponse sanitaire.

DAMIEN FLEUROT
Cédric O, je le disais, vous êtes secrétaire d'Etat chargé de la Transition numérique, mais aussi des communications électroniques. Les télécommunications, on sait ce que c'est, mais pour quelle raison vous avez obtenu ce portefeuille élargi ? Il était jusqu'ici réparti sur plusieurs ministères.

CEDRIC O
Exactement. Je pense que c'est important cette notion de Transition numérique. Un fait qui est assez intéressant par exemple, c'est que l'année dernière, le numérique qui a été le secteur d'activité qui en France a créé le plus d'emplois, et donc on a réussi ce développement de l'économie numérique, et jamais la France n'a été aussi forte dans l'économie numérique. Mais ce qu'il faut chercher à faire maintenant, c'est travailler ce numérique du quotidien, parce que le numérique il bouleverse nos vies, il vient transformer notre quotidien, nos emplois, nos sociétés, et ça commence par connecter tout le monde, apporter la connexion à tout le monde, former les gens au numérique, préparer les gens et d'ailleurs les entreprises aussi à cette transformation, et c'est pour ça qu'on a souhaité ajouter les télécommunications, c'est que dans la transformation du quotidien des Français et des Françaises, eh bien il faut d'abord couvrir le territoire de fibre, de mobile, et qu'il y ait une très grande cohérence quelque part, à travailler sur le numérique, mais à commencer par travailler à la connexion.

DAMIEN FLEUROT
Ça veut dire que vous allez obtenir des moyens pour élargir ces réseaux avec les entreprises des télécoms ?

CEDRIC O
Alors, il faut savoir déjà que la France est le pays qui déploie probablement le plus vite son réseau télécom. Il faut se rendre compte que, entre…

DAMIEN FLEUROT
Ça veut dire que quand on parle de zones blanches, par exemple, c'est une vue de l'esprit ?

CEDRIC O
Ce n'est pas une vue de l'esprit, puisqu'elles existent encore, mais il faut se rendre compte qu'entre début 2017 et aujourd'hui, ce sont 15 millions de Français, 15 millions de Français qui ont gagné soit le THD, soit la 4G. Il n'y a aucun pays qui déploie aussi vite.

DAMIEN FLEUROT
... haute définition.

CEDRIC O
La fibre, en gros, pour le dire assez rapidement. Il faut probablement aller encore plus loin, le Premier ministre l'a dit d'ailleurs dans le cadre du plan de relance, et ce que moi je porte dans le cadre du plan de relance, c'est de finir de fibrer la France et d'apporter la connexion à tout le monde.

DAMIEN FLEUROT
On l'a vu pendant la crise sanitaire et pendant la période particulière du confinement, que les nouvelles technologies, le numérique, avaient permis de parfois mieux vivre cette période, mais certains ont été des laissés-pour-compte aussi du numérique. Qu'est-ce qu'on peut faire pour ces Français, ces Françaises, qui ne sont parfois pas équipés, pas suffisamment équipés, ne serait-ce que par exemple pour travailler, pour étudier ou pour se divertir ?

CEDRIC O
C'est vrai qu'il y a eu deux mondes pendant le confinement. Il y a eu ceux qui étaient connectés, pour lesquels c'était supportable, et ceux qui n'avaient pas la connexion, qui n'avaient pas l'équipement ou qui ne savaient pas s'en servir, pour lesquels c'était beaucoup plus compliqué. On doit commencer d'abord par leur apporter de la connexion, sinon ça ne sert à rien, c'est ce que je viens de dire, et puis par ailleurs il faut travailler sur les équipements, les usages, et d'abord sur les usages. Aujourd'hui il y a 13 millions de nos concitoyens qui ne savent pas se servir d'Internet. Et donc dans le cadre du plan de relance, ce à quoi nous travaillons aussi, c'est de travailler à leur formation et à leur accompagnement, pour ne pas les laisser seuls, pour ne pas laisser subir cette transformation numérique. Mais il faut d'abord travailler sur les usages, avant même sur l'équipement, parce que ça ne sert à rien d'avoir, et la connexion, et un ordinateur, si vous ne savez pas vous servir d'Internet.

DAMIEN FLEUROT
Et l'équipement, notamment pour les jeunes, on le sait, ce sont parfois des achats coûteux…

CEDRIC O
Bien sûr.

DAMIEN FLEUROT
... des tablettes, des ordinateurs. Que peut faire le secrétaire d'Etat que vous êtes ?

CEDRIC O
On y réfléchit. On réfléchit notamment avec Jean-Michel BLANQUER pour l'école, parce que c'est vrai que pendant le confinement, quand il y avait une famille de 3 enfants et qu'il y avait un seul ordinateur, eh bien il y avait 2 enfants qui n'allaient pas à l'école. Mais encore une fois, il faut d'abord réfléchir à former les gens aux usages du numérique, parce que toutes les tentatives qui ont eu lieu par le passé de fournir un équipement, et on y réfléchit, si elles ne sont pas accompagnées d'un effort de formation des gens, d'explication, pour expliquer comment on se connecte à Internet, à quoi ça sert, et comment ça vient simplifier la vie, alors ça peut être assez contre-productif.

DAMIEN FLEUROT
Vous êtes le secrétaire en charge peut-être de déployer ce réseau de 5G, accusé de tous les maux, consumérisme, santé environnement. Est-ce que la 5G, c'est utile Cédric O ?

CEDRIC O
Je pense que c'est la première question à laquelle il faut répondre. Et je pense que jusque-là il faut qu'on déploie beaucoup plus de pédagogie, c'est pour ça que dès la rentrée je recevrai l'ensemble des parties prenantes, les opérateurs, les associations, les collectivités territoriales, les industriels, pour continuer la discussion, et d'abord pour expliquer pourquoi la 5G c'est utile, mais c'est indispensable. Bien sûr, ça va faciliter votre connexion, à vous, à moi, à faire en sorte de désengorger un peu la 4G. Mais ce n'est pas le principal, le principal c'est que, pour un certain nombre d'usages, par exemple la télémédecine en ruralité, par exemple une agriculture…

DAMIEN FLEUROT
Donc la téléconsultation.

CEDRIC O
Notamment dans les endroits où il n'y a pas la fibre, et en mobilité. Par exemple pour l'agriculture connectée, par exemple pour la transition énergétique et l'efficacité de la production et de la consommation d'électricité, par exemple pour le télétravail en mobilité, la 5G elle est indispensable. Et donc c'est ça qu'on doit commencer à expliquer. Evidemment, toutes les interrogations sont légitimes, il faut continuer la discussion, mais il faut commencer par expliquer aux Français pourquoi la 5G elle est indispensable.

DAMIEN FLEUROT
Même si la 4G n'est pas disponible partout, sur tout le territoire.

CEDRIC O
Alors, ça je pense que c'est une idée à laquelle il faut tordre le cou, c'est-à-dire de se dire qu'il y aurait quelque part un choix à faire entre d'un côté la couverture numérique du territoire en 4G ou en fibre, et de l'autre côté la 5G.

DAMIEN FLEUROT
Vous ne craignez pas qu'il y ait une fracture entre des territoires suréquipés, 4G et 5G, et puis d'autres délaissés.

CEDRIC O
Mais on va faire les deux. C'est-à-dire que d'une part on va poursuivre et accélérer la couverture en fibre et en mobile, et d'autres part on va déployer la 5G. Quand on déploiera la 5G, on la déploiera à la fois dans les villes, mais aussi dans les territoires ruraux.

DAMIEN FLEUROT
La 5G qui pollue, c'est ce qu'on entend aussi notamment chez certaines associations, parce que les usages vont être intensifiés, toujours plus peut-être de serveurs, par exemple. Que répondez-vous à ceux qui s'opposent à ce déploiement de la 5G ?

CEDRIC O
Il y a une question qui se pose sur la pollution par le numérique en règle générale, et j'aurai l'occasion d'ailleurs à la rentrée de présenter avec Barbara POMPILI, une stratégie du gouvernement pour réduire l'empreinte écologique du numérique.

DAMIEN FLEUROT
Donc taxer par exemple les opérateurs, les entreprises ?

CEDRIC O
Je ne pense pas que tout se résout par des taxes, je pense que dans la question du numérique, comme dans la question de la transition écologique en règle générale, cela passe d'abord par de l'éducation et de la formation. On a appris à éteindre la lumière, à fermer le robinet, il faut aussi qu'on apprenne, en tant que consommateur, à éviter de regarder des vidéos de manière un peu compulsive. Est-ce qu'on a besoin de regarder autant de vidéos, est-ce qu'on a besoin d'envoyer autant d'emails ? Ça commence par là.

DAMIEN FLEUROT
Par l'éducation. D'accord.

CEDRIC O
Bien sûr. Parce que la 5G, en termes énergétiques, entre une antenne 4G et une antenne 5G, l'antenne 5G est plus efficace que l'antenne 4G. Et donc il y a une question sur la consommation générale des énergies, mais également la consommation numérique de manière globale, je pense qu'il faut là faire, prendre un certain nombre de normes, probablement, mais aussi faire en sorte que les gens aient des réflexes, qui sont des réflexes écologiques de consommation.

DAMIEN FLEUROT
Vous nous parlez éducation, formation à ces nouvelles technologies, aux nouveaux usages. L'anonymat en ligne, notamment, pour ce qui est des dénonciations, parfois calomnieuses, des attaques, du harcèlement, que peut-on faire ? Est qu'il faut légiférer plus ou simplement éduquer ?

CEDRIC O
Alors, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur le sujet et ma position personnelle elle est connue, pour le dire avec un euphémisme, je suis très réservé sur la fin de l'anonymat en ligne. Parce que d'abord, en fait, il n'y a pas d'anonymat en ligne la plupart du temps. La justice a les moyens de vous retrouver, même si vous n'êtes pas sous votre vrai nom, notamment par vos données de connexion.

DAMIEN FLEUROT
Mais c'est très long, on le sait, parfois.

CEDRIC O
Mais, ce qui ce qui ne marche pas aujourd'hui, d'ailleurs dans un processus assez similaire avec celui qu'on connaissait sur les violences conjugales, c'est que notre réponse pénale et notre réponse judiciaire ne fonctionnent pas. Et d'ailleurs, les associations qui défendent les victimes de harcèlement, les victimes de ... en ligne, le savent bien, il est très difficile de déposer plainte, les plaintes sont assez peu suivies, et donc il faut d'abord faire en sorte que ce système judiciaire, il fonctionne et il s'adapte aux défis d'Internet, et c'est ça le vrai défi. Parce que même si vous étiez sous votre vrai nom, avec la massification et la viralité des contenus, personne aujourd'hui ne viendrait vous chercher. Donc il faut faire fonctionner la justice, avant même de s'intéresser à cette question du pseudonyma, qui me semble-t-il n'est pas le vrai sujet.

DAMIEN FLEUROT
Oui, mais vous prenez l'exemple des violences conjugales. On le sait, il y a un travail de l'exécutif pour justement mieux prendre en considération les plaintes des femmes, notamment dans les commissariats. Sur ces campagnes de harcèlement en ligne, de dénonciation calomnieuse, on est là face à une immensité de faits quotidiens, tous les jours. Comment peut-on faire face ?

CEDRIC O
Il faut qu'on adapte nos processus, notamment par la création de la plainte en ligne, notamment par la spécialisation des magistrats du Parquet. Il y a un certain nombre d'éléments qui sont sur la table, je sais qu'Eric DUPOND-MORETTI est attaché à la fin de cette quasi-impunité qui existe en ligne, mais c'est encore un défi qui est devant nous, pour nous mais pour tous les pays développés, à ce stade il n'y a aucun pays qui a été capable d'être à la hauteur de l'enjeu, mais je pense que c'est important pour nous et pour tous les Français que l'Etat fasse respecter l'Etat de droit, à la fois hors ligne mais aussi en ligne.

DAMIEN FLEUROT
Une dernière question, vous parlez de plaintes en ligne. La numérisation de l'administration, alors ce n'est pas dans votre portefeuille à proprement parler, vous allez travailler avec Amélie de MONTCHALIN à la transformation numérique de l'Etat ?

CEDRIC O
Je pense que c'est une très bonne chose effectivement que cette question du numérique et de la transformation de l'Etat, la transformation numérique de l'Etat, elle soit portée par la ministre qui incarne et qui porte les questions de transformation publique, parce que la transformation publique, très souvent elle est en lien avec le numérique, c'est pour ça qu'on a choisi, et on a voulu faire en sorte, et je travaillerai bien évidemment avec elle, que ce soit Amélie de MONTCHALIN qui porte…

DAMIEN FLEUROT
Développer par exemple le télétravail des fonctionnaires, on l'a vu pendant la crise sanitaire.

CEDRIC O
C'est faire en sorte que les services publics soient plus accessibles, c'est faire en sorte que les fonctionnaires soient mieux équipés. C'est grosso modo transformer l'Etat comme toutes les grandes organisations doivent se transformer.

DAMIEN FLEUROT
Merci beaucoup Cédric O.

CEDRIC O
Merci à vous.

DAMIEN FLEUROT
Donc vous êtes secrétaire d'Etat chargé de la Transition numérique et des communications, d'être venu sur le plateau de Cnews.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 août 2020