Interview de M. Alain Griset, ministre chargé des petites et moyennes entreprises, à France inter le 4 août 2020, sur les petites et moyennes entreprises face à la crise économique.

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Intervenant(s) : 
  • Alain Griset - Ministre chargé des petites et moyennes entreprises

Média : France Inter

Texte intégral

CARINE BECARD
"Le grand entretien de la matinale" est consacré ce matin à nos PME, où en sont-elles nos petites et moyennes entreprises ? On parle beaucoup, bien sûr, d'AIRBUS, d'AIR FRANCE, de RENAULT, de la SNCF, mais il ne faudrait pas oublier les 4 millions d'entreprises de moins de 250 salariés, elles constituent l'essentiel, le coeur de notre tissu économique, or 30% d'entre elles pourraient disparaître avant la fin de cette année. Bonjour Alain GRISET.

ALAIN GRISET
Bonjour.

CARINE BECARD
Merci d'avoir accepté de répondre à nos questions. Vous êtes le nouveau ministre délégué chargé des PME, après avoir été, je le rappelle, longtemps un représentant patronal, président notamment de l'Union des entreprises de proximité, l'U2P. Alors, est-ce que vous confirmez ce chiffre pour commencer, Alain GRISET, 30% des PME qui sont menacées de disparition d'ici à la fin de cette année, on peut donner ce chiffre-là, c'est le chiffre que vous avez aussi ?

ALAIN GRISET
Ça c'est des études qui prévoient ça, mais le gouvernement, naturellement, met tout en oeuvre pour que ça ne se réalise pas, c'est ce qui a été fait entre mars et juillet, avec tous les dispositifs, dont chacun reconnaît le fait que ça a permis de maintenir ce tissu économique, et c'est naturellement ce qu'on va continuer à faire en écoutant les entreprises et en essayant de s'adapter à leurs besoins.

CARINE BECARD
Si on en arrivait là, malgré tout, ça fait plus d'1,2 million entreprises.

ALAIN GRISET
Oui, c'est pour ça que c'est inimaginable, et c'est pour ça qu'on va faire tout ce qu'on peut pour pouvoir éviter ce qui serait un vrai drame, parce que derrière ces entreprises il y a des hommes et des femmes, il y a des familles, il y a des territoires qui vivent essentiellement de ces entreprises, et donc, naturellement, c'est notre devoir à nous que de tout faire pour éviter ça.

CARINE BECARD
Justement, ça représenterait combien de salariés, vous avez osé chiffrer tout ça déjà ou pas ?

ALAIN GRISET
Non, mais globalement, ces entreprises-là c'est, en moyenne, trois, quatre salariés, donc on est vite à 4, 5 millions de personnes qui pourraient être concernées.

CARINE BECARD
Aujourd'hui, Alain GRISET, combien d'entreprises précisément, des PME, ont déjà mis la clé sous la porte depuis le 16 mars dernier, depuis le début du confinement, depuis le début de cette crise sanitaire ?

ALAIN GRISET
On ne peut pas avoir de chiffres très précis parce que toutes ces procédures prennent du temps, quand il y a un dépôt de bilan, ce qu'on voit de façon macroéconomique c'est qu'il n'y a pas un effet, pour l'instant, massif, de radiations d'entreprises ou de dépôts de bilan, de façon macroéconomique, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en n'a pas, mais pour l'instant en tout cas les TPE surtout, les PME, ne sont pas les entreprises qui sont les plus en avant dans les difficultés, en tout cas en termes de fermeture.

CARINE BECARD
Mais je suis surprise parce que quand on met la clé sous la porte ou quand on est dans une mesure de redressement ou de liquidation judiciaire, voilà, c'est noté quelque part, c'est déclaré administrativement, donc pourquoi vous n'avez pas ces chiffres-là ?

ALAIN GRISET
Parce que, à un moment donné, il peut y avoir des procédures de redressement, de continuité, mais ce n'est pas pour ça que l'entreprise ferme, il y a un accompagnement, et souvent ça peut durer plusieurs mois, donc, quand on parle de radiation, ça veut dire qu'à un moment donné il y a un acte qui enregistre le fait que l'entreprise est fermée, on peut très bien avoir une entreprise en difficulté, accompagnée, et elle n'est pas fermée.

CARINE BECARD
Alors, tous les secteurs ne sont pas touchés de la même façon, le tourisme l'est particulièrement, et encore, de manière extrêmement contrastée, mais ce qui vous a poussé, en tout cas, quand même à mettre en place un nouveau dispositif, le PGE saison, c'est un autre type de prêt garanti par l'Etat, à qui il est destiné et comment ça va marcher ?

ALAIN GRISET
Globalement l'idée c'est de pouvoir accompagner au mieux ces entreprises dont on sait qu'effectivement elles font partie de celles qui sont le plus en difficulté, la base c'est 3 mois de chiffre d'affaires, tout le monde est d'accord pour dire qu'en gros, pendant ces 3 mois, c'est 80% du chiffre d'affaires de l'année, et donc c'est la possibilité d'avoir un prêt garanti par l'Etat à hauteur de ce chiffre d'affaires, pour que, en termes de trésorerie, ces entreprises puissent avoir les possibilités d'être accompagnées. Donc, c'est tout ce qui concerne naturellement le tourisme, tout ce qui concerne…

CARINE BECARD
L'hôtellerie, la restauration.

ALAIN GRISET
Voilà, qui ont déjà des dispositifs particuliers…

CARINE BECARD
Eh bien oui, voilà, pourquoi il a fallu en rajouter un alors, et pour qui ?

ALAIN GRISET
Eh bien parce qu'on voit bien qu'il y a des différences très importantes en fonction des territoires, en fonction de la taille des entreprises, et donc il faut donner toutes les chances à tout le monde, et il y a eu une demande particulière, et naturellement le gouvernement y a répondu.

CARINE BECARD
Il y a une enveloppe globale, il y a un montant global qui est prévu pour ce PGE saison ?

ALAIN GRISET
Ça rentre dans le cadre des PGE. Vous savez, le gouvernement avait prévu 300 milliards, 300 milliards c'est le montant garanti par l'Etat, à hauteur de 90%...

CARINE BECARD
Ça, ça ne change pas, ça reste ?

ALAIN GRISET
Non, ça reste, parce qu'on est pour l'instant à 120 milliards, donc il y a encore pas mal de marge, et il faut dire à l'ensemble des entrepreneurs de ne pas hésiter, en cas de besoin, les PGE ça fait partie des éléments, à côté de l'activité partielle, à côté du fonds de solidarité, à côté de tous ces dispositifs-là, qui sont extrêmement puissants, qu'il faut utiliser en cas de besoin.

CARINE BECARD
Alors, pour les hôteliers la situation est difficile, particulièrement à Paris et dans pas mal de grandes villes, un certain nombre d'établissements, d'ailleurs, ont préféré fermer cet été, faute de rentabilité, vous croyez vraiment qu'après avoir fermé cet été ce sont des établissements qui vont pouvoir se relancer en septembre ?

ALAIN GRISET
Il est évident que là il y a un risque, en particulier sur Paris en particulier, parce qu'il y a les congrès, parce qu'il y a le tourisme, et que ces entreprises travaillent essentiellement avec ces publics-là. Bon, quand c'est les très gros hôtels je pense que ça va rouvrir, il y a derrière des groupes financiers suffisamment puissants qui permettent d'envisager cette ouverture, par contre il est évident qu'il va falloir continuer d'accompagner les hôtels qui sont un peu plus fragiles. Je crois que tout le monde a bien compris qu'il y avait, en gros, une année blanche, et que j'espère bien qu'avant la fin de l'année, au regard de ce qui se passera sur le plan sanitaire, parce qu'on est tous, quand même, en attente de voir l'évolution…

CARINE BECARD
D'une éventuelle seconde vague, on en reparlera à la fin de cette interview.

ALAIN GRISET
Oui, en tout cas le fait que dans les pays du monde les choses ne s'améliorent pas dans beaucoup de pays, et donc ça freine la reprise de déplacements, et naturellement ça freine le tourisme.

CARINE BECARD
Mais avant de parler de cette année blanche j'ai envie de vous dire voilà, regardons déjà à quoi va bien pouvoir ressembler cette rentrée de septembre, est-ce que vous avez, enfin est-ce que vous voyez, vous n'avez pas une boule de cristal, mais est-ce que vous avez une idée de ce à quoi va bien pouvoir ressembler la rentrée de cette année, la rentrée de septembre, vous vous préparez à quoi ?

ALAIN GRISET
Le président l'a dit depuis plusieurs semaines…

CARINE BECARD
Une année difficile. Une reprise difficile.

ALAIN GRISET
Ça va être difficile. En septembre nous avons décidé de rouvrir les salons, salons professionnels, qui est, en tout cas sur Paris, un espoir de pouvoir commencer à reprendre un peu d'activité…

CARINE BECARD
Ce qui a beaucoup surpris d'ailleurs, comme décision.

ALAIN GRISET
Oui, mais je pense qu'il y a vraiment une volonté du gouvernement d'avoir ces deux axes. D'abord, un, garantir la sécurité sanitaire, mais en parallèle, ce qu'a rappelé le Premier ministre hier, en parallèle tout faire pour que l'économie reprenne, c'est d'ailleurs l'objet du plan de relance qui va être officialisé, précisé à la fin du mois, donc…

CARINE BECARD
25 août.

ALAIN GRISET
Nous espérons, au maximum, que l'économie puisse un peu à la fois reprendre, dans un contexte qui est différent de ce qu'on connaissait précédemment, mais néanmoins il faut absolument que nous arrivions, et c'est tout l'objet des mesures qu'on prend, à faire que cette économie reprenne. Il y a des secteurs qui sont impactés par des habitants qui ne sont pas, je vais dire spécialement Français, puisque le tourisme c'est essentiellement des gens qui viennent de Chine, du Japon, des Etats-Unis, où là la situation, surtout aux Etats-Unis, reste très compliquée.

CARINE BECARD
Alors, sans parler d'économie de manière générale, je voudrais qu'on revienne à ces PME, une petite/ moyenne entreprise sur deux a eu recours à un prêt garanti par l'Etat jusqu'à présent, elles ont aussi bénéficié, une sur deux, d'un dispositif de chômage partiel, est-ce que toutes ces entreprises ne sont pas dans une situation économique, pour l'instant, j'ai envie de dire artificielle, en trompe-l'oeil, est-ce que le réveil ne va pas être sévère, encore plus sévère ?

ALAIN GRISET
Les dispositifs d'accompagnement ont été puissants, c'est d'ailleurs pour ça qu'on constate aujourd'hui que ces entreprises se sont maintenues, ça ne peut pas durer à vie, c'est pour ça aussi qu'il y a cette volonté de faire reprendre l'économie. On essaie d'avoir des dispositifs en particulier pour éviter ce que moi j'ai appelé "le mur de la dette", c'est-à-dire des reports de cotisations, un PGE qu'il faudrait rembourser, ce qui poserait beaucoup de problèmes, donc Bruno LE MAIRE a annoncé que sur les cotisations reportées ce sera sur 36 mois…

CARINE BECARD
Complètement.

ALAIN GRISET
Ce qui permet quand même de lisser ces cotisations, et sur le PGE, rappeler qu'il y a un rebondissement possible au bout d'1 an, mais qu'on peut aller au-delà, jusqu'à 5 ans, et nous allons regarder avec les banques de voir de quelle manière on peut, en gros, rassurer l'ensemble de ces entrepreneurs en termes de taux, pour pas qu'il y ait la crainte de dire "oui, mais au bout d'1 an je vais avoir un taux trop élevé", et donc le fait d'avoir un PGE qui soit remboursé sur une durée plus longue, et le report des cotisations sur 36 mois, devrait, en tout cas dans un premier temps, éviter qu'il y ait ces difficultés trop proches.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 août 2020