Interview de M. Alain Griset, ministre chargé des petites et moyennes entreprises, à CNews le 14 août 2020, sur la politique du gouvernement en faveur des entreprises confrontées à l'épidémie de Covid-19.

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Intervenant(s) : 
  • Alain Griset - Ministre chargé des petites et moyennes entreprises

Média : CNews

Texte intégral

ANTHONY FAVALLI
Tout de suite l'invité politique de Julien PASQUET, il s'agit d'Alain GRISET, le ministre délégué en charge des PME.

JULIEN PASQUET
Bonjour Alain GRISET, merci d'être l'invité de CNews ce matin, je rappelle que vous êtes donc ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé des Petites et Moyennes Entreprises. Alain GRISET, le Gouvernement est-il de nouveau dépassé par la situation sanitaire ?

ALAIN GRISET
Non, je ne crois pas, le Premier ministre, le ministre de la Santé travaillent tous les jours pour regarder la façon dont le virus évolue en proposant des solutions et naturellement nous nous adaptons à la situation.

JULIEN PASQUET
Mais les annonces, Monsieur le Ministre, de mesures sanitaires se suivent et ne se ressemblent pas toujours, depuis le début de la crise le Gouvernement tâtonne, peine à mettre en place la bonne stratégie. Actuellement c'est le masque qui semble être le meilleur moyen pour se prémunir, le Gouvernement n'en finit plus de nous rappeler son importance. Pourtant les contaminations, on le voit chaque jour, sont en forte hausse, pourquoi les directives du Gouvernement sont-elles inefficaces ?

ALAIN GRISET
Je pense qu'il y a un certain nombre de personnes qui n'ont pas encore pris la mesure du virus en particulier les plus jeunes, on voit bien ces fêtes qui ont été organisées totalement illégales. Il faut qu'il y ait une conscience individuelle, chaque Français a un rôle à jouer là-dedans. Aujourd'hui, c'est vrai, le masque est l'élément avec la distanciation qui apparaît le plus efficace mais les évolutions des différentes dispositions sont dues aussi à la connaissance ou pas que nous avons du virus qui est quand même quelque chose qui a beaucoup évolué.

JULIEN PASQUET
Appeler à la responsabilité ne fait pas forcément ses preuves, on le voit et vous venez de le rappeler, Monsieur le Ministre !

ALAIN GRISET
Oui, c'est vrai, c'est pour ça d'ailleurs qu'on a permis aux préfets et aux maires de prendre les dispositions nécessaires quand ils le souhaitaient de façon à ce que quand ce n'était pas le cas ce port du masque soit vraiment respecté par l'ensemble des Français.

JULIEN PASQUET
Justement, l'obligation du port du masque se généralise à l'extérieur mais on constate aujourd'hui que c'est le monde de l'entreprise, les lieux clos, qui sont les véritables lieux de contamination principaux, est-ce qu'il faut prendre des mesures d'urgence pour généraliser le port du masque en entreprise ?

ALAIN GRISET
Je ne crois pas que ce soit le lieu principal puisqu'aujourd'hui on évalue ça à à peu près 20%, ça veut dire que 80% surtout sont des clusters familiaux, ce sont des rencontres ou des fêtes. Mais néanmoins à partir du moment où il y a un risque dans l'entreprise il faut le regarder, je rappelle qu'il y a des guides de bonnes pratiques qui ont été mis en place avec les organisations syndicales et professionnelles. Ces guides doivent peut-être évoluer, il y a des rencontres qui vont se passer dès aujourd'hui avec les partenaires sociaux pour voir de quelle manière il faut dans telle ou telle situation obliger les salariés, les entrepreneurs et les clients à porter le masque puisque globalement il faut que chacun soit concerné.

JULIEN PASQUET
C'est vrai que certains secteurs comme la restauration, les transports, le commerce, j'en passe, imposent le port du masque mais les entreprises françaises qui n'obligent pas les salariés à porter le masque sont aujourd'hui largement majoritaires. Est-ce qu'on a le temps franchement de faire du cas par cas, il y a un rebond de l'épidémie, il faut le contrôler de toute urgence, pourquoi ne pas l'imposer très vite ce masque en entreprise ?

ALAIN GRISET
D'une façon globale en entreprise le masque est souvent porté, on voit bien qu'il y a des situations extrêmement différentes, quand vous avez dans le bâtiment par exemple un salarié qui travaille à l'étage, un autre au rez-de-chaussée il n'est pas du tout nécessaire de porter le masque à partir du moment où il n'y a personne autour ! Donc je pense que dans les entreprises les choses se font au fur et à mesure en fonction des situations, encore une fois il y a des protocoles qui ont été faits qui prévoient bien la garantie sanitaire des salariés et des clients. Ces protocoles vont sûrement être revus, négociés et puis nous verrons ce que les partenaires sociaux proposent de façon au bout du compte à avoir cette sécurité sanitaire. La position du Gouvernement a toujours été la même, il faut à la fois la garantie sanitaire et à la fois la possibilité d'avoir une économie qui reprenne pour permettre au pays de s'en sortir.

JULIEN PASQUET
Justement, le confinement il y a quelques mois maintenant a placé la santé des Français avant la santé économique du pays, est-ce que l'inverse est vrai aujourd'hui ?

ALAIN GRISET
Non, ce n'est pas l'inverse, les deux priorités sont absolues, sont nécessaires, c'est l'objectif du Gouvernement, à la fois la santé des Français et à la fois une économie qui reprenne pour permettre au pays de pouvoir au bout du compte s'en sortir. La France est un des pays qui a le plus protégé les Français eux-mêmes, les entreprises, les entrepreneurs, c'était indispensable, c'est un choix politique majeur mais il faut qu'au bout du compte nous puissions maintenant avoir une économie qui reprenne totalement. On a eu une reprise qui dans certains secteurs était bonne mais on est encore loin d'une reprise, nous prévoyons une activité à peu près équivalente avant le virus vers 2022, donc il y a encore beaucoup d'efforts à faire.

JULIEN PASQUET
Mais quand on sait qu'il n'est pas question, une seule seconde, de reconfiner de manière générale le pays, on peut se dire que l'économie prime sur la santé aujourd'hui

ALAIN GRISET
Non, non, je ne dis pas ça du tout. On dit qu'il ne faut pas reconfiner parce que, je veux dire, pour chacun d'entre nous le confinement a été une épreuve très difficile, et puis pour l'économie du pays ça serait mettre le pays à genoux, mais naturellement la priorité reste la santé, et ce qu'il faut qu'on soit capable, ensemble, c'est de jumeler ces deux priorités, la santé et l'économie, et je crois que ce n'est pas du tout incompatible.

JULIEN PASQUET
L'économie, parlons-en Monsieur le ministre également. Avec la crise, une entreprise sur deux aujourd'hui vit des aides de l'Etat, beaucoup de secteurs restent en grande difficulté, est-ce qu'on va longtemps pouvoir éviter les faillites en nombre, comment rassurer les patrons d'entreprise qui nous regardent ?

ALAIN GRISET
Tout d'abord, confirmation, et tout le monde aujourd'hui le reconnaît, depuis le mois de mars l'Etat a mis en place des dispositifs qui étaient adaptés, globalement, aux besoins des entreprises, alors, certes, elles continuent à être en situation difficile, mais l'économie a tenu, les entreprises ont tenu globalement. On n'a pas encore pour l'instant, et j'espère que ça ne sera pas le cas, un nombre de faillites qui s'est multiplié. Et donc, l'objectif est bien d'accompagner les secteurs les plus en difficulté, et puis à la fin du mois d'août il y aura ce plan de relance, qui doit donner le coup de booster, d'abord pour accompagner les secteurs le plus en difficulté, puis aussi pour accompagner la transformation de l'économie pour qu'elle soit plus décarbonée, plus verte, et qu'au bout du compte on sorte de cette période très difficile en termes sanitaire, encore plus fort, avec une économie qui ensuite sera prospère.

JULIEN PASQUET
Avant de parler justement de cette relance et de ce plan qui sera annoncé par votre ministre de tutelle le 25 août, un mot juste des entreprises de nuit, parce qu'on a l'impression que ce sont les grandes oubliées de cette crise sanitaire. Les patrons de boîte de nuit, par exemple, ne comprennent pas comment certains restaurants peuvent mettre de la musique après les dîners, avec des gens qui dansent autour des tables, quand eux doivent rester fermés. Ces patrons, ils sont à l'agonie Monsieur le ministre, là encore, qu'est-ce qu'on peut leur répondre ?

ALAIN GRISET
En tout cas, en ce qui me concerne, ils n'étaient pas oubliés, puisque dès ma nomination, quelques jours après, j'ai reçu leurs représentants, nous avons travaillé ensemble, et une semaine après cette première rencontre je les ai de nouveau rencontrés et nous avons fait des propositions très concrètes, avec naturellement l'accès, pour eux, au fonds de solidarité, qui était essentiel, parce que certains risquaient, à partir du 15 septembre, d'être totalement expropriés, et ensuite un fonds de solidarité, ce qu'on appelle niveau 2, à hauteur de 45.000 euros, qui est quand même le fonds de solidarité le plus important. Je suis bien conscient que tout ça ne va pas résoudre toutes les difficultés, nous avons convenu de nous revoir à la fin du mois d'août, et nous regarderons, à ce moment-là, quelle est la situation en fonction de ce que dira le Conseil de défense, s'il y a une possibilité d'ouverture et quand, et sinon, avec le Premier ministre, avec Bruno LE MAIRE, nous regarderons comment on peut accompagner ces secteurs, dont, c'est vrai, la situation est très difficile.

JULIEN PASQUET
Jusqu'à quand les Français seront-ils accompagnés par le chômage partiel ?

ALAIN GRISET
Ecoutez, pour l'instant il y a un dispositif, d'ailleurs nouveau, qui a été mis en place, ça s'appelle l'APLD, l'activité partielle de longue durée, qui demande des accords d'entreprise, des accords de branche, et qui envisage la possibilité, avec le maintien de l'emploi, d'un accompagnement de l'Etat pendant 2 ans. C'est un dispositif extrêmement intéressant, l'objectif du gouvernement est vraiment très clair, éviter le plus possible des fermetures d'entreprises et éviter un chômage massif, et donc nous allons travailler, s'adapter au fur et à mesure des circonstances, pour atteindre ces deux objectifs.

JULIEN PASQUET
Le plan de relance, il sera donc présenté le 25 août prochain, on parle de 3 milliards d'euros pour les PME, ça paraît peu sur les 100 milliards promis, les PME, en France, c'est 6,3 millions de salariés, 43 % de la valeur ajoutée. Sur ces 100 milliards, pourquoi seulement 3 sur les entreprises, qui constituent la majorité du tissu économique du pays, ça veut dire que le plus important c'est de sauver les très grosses entreprises ?

ALAIN GRISET
Non, non, pas du tout, et ce n'est sûrement pas que 3. Bruno LE MAIRE a indiqué 3 milliards spécifiques pour accompagner les PME qui voudraient investir, puisqu'aujourd'hui on voit bien que les PME, les petites entreprises, elles ont surtout emprunté pour dire de garder une trésorerie, en avoir suffisamment, mais naturellement un investissement n'est pas d'actualité, et donc l'objectif c'est de mettre 3 milliards pour celles qui pourraient investir, pour les accompagner, sans mettre en danger leur situation, mais naturellement il y aura beaucoup plus que 3 milliards pour les TPE-PME, qui représentent 95% de l'économie française.

JULIEN PASQUET
Combien, vous avez une idée ?

ALAIN GRISET
On ne peut pas totalement chiffre parce que, par exemple, sur la rénovation énergétique, où il y aura 30 milliards, ça dépendra de la façon dont les entreprises vont se mobiliser dans ce domaine-là, donc si les plus petites entreprises et les PME s'investissent beaucoup dans la rénovation énergétique, il y aura beaucoup de milliards qui iront dans ces entreprises. Donc, voilà, il y aura des possibilités, il faut que chacun se mobilise, et naturellement, dans la fonction qui est la mienne, à côté de Bruno LE MAIRE, nous allons tout faire pour que chaque entreprise puisse bénéficier de ces outils.

JULIEN PASQUET
Vous évoquez ces 30 milliards annoncés par le Premier ministre pour la transition écologique, mais, franchement, est-ce que c'est cela qu'attendent les Français en priorité ?

ALAIN GRISET
Ce que les Français attendent, je pense, c'est de pouvoir avoir du travail, que l'économie reprenne, mais aussi que nous ayons un pays qui ait une économie qui se transforme, qui soit plus verte, qui soit plus agréable à vivre, et donc la rénovation des logements fait partie des éléments, mais, naturellement, ce n'est sûrement pas le seul, mais fait partie des éléments du bien-être de chacun des Français.

JULIEN PASQUET
Six cent jours pour redresser la barre, franchement, c'est possible ?

ALAIN GRISET
Ce qui est possible c'est de travailler au quotidien pour apporter des solutions, c'est mon objectif, c'est de regarder, d'écouter, de proposer, ce que les entreprises attendent pour pouvoir elles-mêmes continuer à exercer leur métier, et donc naturellement qu'on peut faire des choses tous les jours. Il ne s'agit pas de prendre des grandes mesures, des grandes lois, il faut être pragmatique, réaliste, et répondre à l'attente de chacun, c'est ce que nous allons essayer de faire avec Bruno LE MAIRE, avec le Premier ministre, avec le gouvernement.

JULIEN PASQUET
Un dernier mot, Monsieur le ministre, sur le portefeuille des Français, qui nous intéresse tous évidemment. Nous serons à 120% de dette publique d'ici 2020, cette dette sera remboursée par la croissance et par la bonne tenue des finances publiques, mais surtout pas par une augmentation des impôts a réaffirmé également Bruno LE MAIRE. Franchement, c'est vraiment possible ?

ALAIN GRISET
Naturellement que c'est possible. Nous avons pour objectif de dire aux Français ayez confiance, il n'y aura pas d'augmentation des impôts, puisqu'il y a même, dans le plan de relance, la baisse des impôts de production, il y a la continuation de la baisse de la taxe d'habitation, et derrière il faut une économie qui soit prospère, et c'est la prospérité de l'économie française qui permettra de rembourser cette dette sur le long terme. C'est un objectif que nous poursuivons, c'est un message, c'est un message de confiance dans l'avenir, et chaque Français naturellement, je crois, est sensible au fait qu'on puisse avoir une perspective comme celle-là.

JULIEN PASQUET
Merci beaucoup Alain GRISET d'avoir répondu aux questions de CNews ce matin, ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé des Petites et Moyennes Entreprises.

ALAIN GRISET
Merci à vous, bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 août 2020