Texte intégral
PATRICK ROGER
Bonjour Sophie CLUZEL.
SOPHIE CLUZEL
Bonjour.
PATRICK ROGER
On va parler dans un instant des plus discriminés de notre société, sans doute, les handicapés, comme le dit le Défenseur des droits, questions avant cela sur l'actualité. En ce 18 juin, 80e anniversaire de l'Appel du Général DE GAULLE, ne trouvez-vous pas indécent une forme de compétition pour revendiquer l'image du Général, de Marine LE PEN, Jean-Luc MELENCHON, en passant par Emmanuel MACRON ?
SOPHIE CLUZEL
Je pense que le président a vraiment raison de valoriser cet Appel du 18 juin parce qu'on a vraiment besoin, aujourd'hui, d'avoir ce rassemblement, je pense que c'est important, notre pays en a besoin. On a vécu une grande crise, on est obligé vraiment de se rassembler, et surtout en sortie de crise, donc, au contraire, il faut vraiment valoriser cet Appel du 18 juin, qui est justement un non-renoncement, un rebond possible, c'est comme ça que je l'interprète et je pense que c'est très important de le valoriser, et parole au président avant tout.
PATRICK ROGER
Au président. Et Marine LE PEN sifflée par certains habitants hier à l'île de Sein, sa voiture attaquée à Dijon, elle dénonce les « antifas », vous condamnez ces actes ou alors est-ce qu'elle « récolte ce qu'elle provoque » ?
SOPHIE CLUZEL
Je pense qu'aujourd'hui il faut arrêter, il faut apaiser, c'est vraiment le maître-mot, tout le monde est en train de se victimiser, d'autres s'hystérisent, je pense qu'il faut vraiment arriver aujourd'hui à faire stopper cette espèce de course à l'échalote pour exister, tous les moyens d'expression ne sont pas bons pour exister aujourd'hui. Franchement, on a besoin de sortir de cette hargne, de cette difficulté permanente. Je pense que les Français nous ont montré…
PATRICK ROGER
Oui, mais c'est Emmanuel MACRON qui avait parlé de « la lèpre populiste » dans un premier temps aussi, qui a essayé de mettre deux camps, finalement, face à face, le camp du bien, le camp du mal avec Marine LE PEN de l'autre côté.
SOPHIE CLUZEL
Oui, mais là je pense que, vraiment, le moment est au rassemblement, c'est très important. On voit bien que les Français ont vécu quelque chose d'extrêmement difficile, et ce n'est pas ce qu'ils attendent aujourd'hui, sincèrement ce n'est pas ce qu'ils attendent, donc je pense que sincèrement tous les moyens d'expression aujourd'hui ne sont pas bons pour exister, je le redis…
PATRICK ROGER
Oui. Alors, Manuel VALLS, par exemple, qui fait parler de lui, on pose la question ce matin, est-ce qu'il fait une erreur ou pas en parlant de « guerre entre races », comment vous avez pris sa déclaration justement ?
SOPHIE CLUZEL
Je pense qu'il fait une erreur, la même que tout le monde, c'est-à-dire qu'il pense aussi que s'exprimer ainsi, pour exister, est important, non. Je le redis, arrêtons d'hystériser vraiment les choses. Moi c'est l'exact inverse pour lequel je me suis engagée, d'abord en associatif pendant 20 ans, et puis après dans le gouvernement depuis 3 ans, c'est tout simplement pour défendre le droit des personnes, c'est-à-dire vivre ensemble quelles que soient les différences, et je pense que c'est là-dessus qu'il faut qu'on aille aujourd'hui, vivre ensemble quelles que soient nos différences, et c'est bien pour ça que, tout simplement, défendre les droits, vous avez parlé tout à l'heure de discrimination, aujourd'hui les Français attendent vraiment qu'on apaise les choses et que, surtout, surtout, on prenne en compte toutes leurs différences, quelles qu'elles soient. Donc rassemblons, apaisons, et arrêtons de vouloir exister à tout prix en lançant comme ça des anathèmes et en lançant des phrases qui ne feront que de diviser les Français.
PATRICK ROGER
Alors venons-en maintenant aussi à l'assouplissement des règles sanitaires. L'école « obligatoire » à partir de la semaine prochaine, le 22 juin, visiblement dans les établissements on a reçu les protocoles hier soir, c'est extrêmement compliqué… non, ce n'est pas compliqué ?
SOPHIE CLUZEL
Au contraire, on simplifie les choses, on simplifie les choses.
PATRICK ROGER
Eh bien non, c'est toujours le décret précédent qui fonctionne !
SOPHIE CLUZEL
Non, un protocole va s'appliquer, on diminue justement les problèmes de distanciation physique, on essaie de simplifier les choses…
PATRICK ROGER
Oui, mais il y a toujours 1 mètre de distance dans les classes…
SOPHIE CLUZEL
Un mètre pour les collèges qui le peuvent, le ministre de l'Education nationale l'a bien dit, quand ce n'est pas possible, la distanciation, on porte les masques, on essaye de réagir. On a toujours été comme ça, depuis le début de la crise, à chaque fois on réagit pour assouplir, tout en disant, encore une fois, respectons les protocoles sanitaires, de gestes barrières, ça c'est très important, parce que le virus est toujours là, mais pour autant les familles nous demandaient de pouvoir retourner à l'école de façon plus présentiel, de façon plus systématique, donc voilà, nous avons…
PATRICK ROGER
Donc vous conseillez à toutes les familles d'envoyer leurs enfants quoi !
SOPHIE CLUZEL
Mais bien sûr, en toute confiance, en toute confiance.
PATRICK ROGER
Oui, mais si dans les établissements on ne peut pas les accueillir parce qu'on dit dans cette classe on ne va accueillir que 15 élèves et pas 30 ?
SOPHIE CLUZEL
Mais maintenant on va pouvoir en accueillir beaucoup plus puisqu'au lieu de 4 mètres carrés on n'a qu'1 mètre, donc, de toute façon, en maternelle et en élémentaire la distanciation physique n'est pas souhaitée et n'est pas recommandée aussi surtout en maternelle, puisque de toute façon c'est impossible à réaliser, et puis non, il faut y aller massivement, il faut redonner confiance aux Français en disant « nous sommes là à vos côtés pour respecter les règles », pour autant il faut que le pays reparte, et pour qu'il reparte il faut que les enfants aillent à l'école, pour que les parents puissent retourner au travail, et voilà, qu'on puisse relancer cette machine.
PATRICK ROGER
Alors, sur le handicap, Sophie CLUZEL aussi, la crise a compliqué quand même un peu les choses pour les familles, les aidants, les personnes concernées évidemment, à quoi va servir aujourd'hui le numéro national que vous allez lancer, je le dis au passage c'est le 0 800 360 360, qui sera gratuit, on leur remettra après, à quoi il va servir ?
SOPHIE CLUZEL
Eh bien, pendant cette crise, vous l'avez dit, les personnes handicapées ont été vraiment… d'abord elles ont tenu bon, mais là, les familles, les aidants, sont épuisés. Pourquoi ? Parce que 60.000 enfants sont revenus à la maison, 35.000 adultes sont revenus à la maison depuis 2,5 mois. Certes, si le public est prioritaire pour reprendre l'école, c'est encore compliqué, et puis certains parents ont encore un peu peur, donc ils préfèrent parfois les garder à la maison, pour autant ils nous disent « nous sommes fatigués, nous avons besoin de répit. » Eh bien c'est pour ces appelants justement qu'on met ce numéro national, 0 800 360 630. Pourquoi ? Pour leur trouver des solutions de répit, quand à côté de chez eux il n'y en a pas, parce qu'ils ne sont pas encore suivis par un établissement, par exemple, les aidants sont épuisés, c'est ce qu'ils nous disent. Et puis aussi pour leur permettre de reprendre les soins, parce que pendant 2,5 mois il y a eu un arrêt des soins, avec des pertes d'acquis importants, et il est vraiment capital que ces soins reprennent. Parfois c'est compliqué encore de retourner à l'hôpital, donc nous voulons les mettre en contact justement avec des réseaux locaux, des médecins, des accompagnants, pour pouvoir les aider.
PATRICK ROGER
Et à ce numéro il y aura vraiment quelqu'un qui répondra, on ne va pas être… ?
SOPHIE CLUZEL
Alors, c'est un numéro national, justement d'écoutants, pour arrêter, en fait, qu'ils aillent de porte en porte…
PATRICK ROGER
C'est ça, c'est ce que disent beaucoup de familles, on frappe, etc., à beaucoup de portes, et puis on n'a pas de réponse.
SOPHIE CLUZEL
Exactement, donc là porte d'entrée unique pour tous ceux qui sont isolés, sans solution, ceux qui sont bien accompagnés, on ne va pas s'en occuper, mais c'est pour tous ceux qui nous disent « je ne sais plus comment faire. Par exemple, moi-même, je suis fatigué, malade, qui est-ce qui va s'occuper de mon adulte ou de mon enfant en situation de handicap si moi-même je suis obligé d'aller me reposer ? » Eh bien voilà, c'est pour ces gens-là, très isolés, très fatigués, un numéro national, un écoutant, et puis après on les bascule, mais c'est invisible pour eux. Parce que c'est ce qu'ils nous disent, « aujourd'hui on pousse des portes à longueur de temps, on n'a pas de réponse », eh bien, numéro national unique, et on se met à leurs côtés, et on les accompagne jusqu'à ce qu'ils aient trouvé la solution.
PATRICK ROGER
Est-ce qu'il y aura du recrutement de personnel et des primes également pour les aidants ?
SOPHIE CLUZEL
Alors, les primes sont pour les professionnels du médicosocial, hospitaliers et médico-social, ceux qui ont tenu bon pendant la crise justement, et qui se sont extrêmement bien occupés des personnes en situation de handicap dans les établissements médico-sociaux, parce que les internats ont continué à être là, ils s'en sont extrêmement bien occupés, les aidants n'ont pas un statut professionnel. En revanche, nous mettons en place, comme il avait été promis dans la stratégie aidants, le congé professionnel rémunéré à partir du 1er octobre, c'était une promesse, nous la tenons, et nous la mettons en place. C'est-à-dire que, pendant 3 mois, vous avez droit à 3 mois, si vous voulez, de congé rémunéré, rémunéré, alors qu'avant il existait mais il n'était pas rémunéré, pour justement organiser - en tant qu'aidant, je travaille, mais j'ai besoin aussi d'avoir du temps pour m'occuper pour mettre en place le service à domicile, pour m'occuper, soit d'une personne âgée, soit d'une personne handicapée.
PATRICK ROGER
Il faudra bien justifier, évidemment, de…
SOPHIE CLUZEL
Oui, mais ça tout est prévu, qu'ils ne se fassent pas de souci, ça sera transparent pour eux, mais cette promesse est tenue et elle sera à partir du 1er octobre.
PATRICK ROGER
Ça c'est particulièrement important et très attendu. Que se passe-t-il aussi dans les maisons départementales des personnes handicapées ? Selon une enquête il faut plus de 4 mois pour obtenir des réponses aux demandes.
SOPHIE CLUZEL
Oui, alors ça c'est très variable, parce que dans certains départements c'est 2 mois, puis dans d'autres c'est 10 mois, et moi ce que je veux, parce que je suis ministre des personnes handicapées, c'est une équité territoriale, la même réponse partout. Donc, nous nous sommes engagés, lors du 11 février dernier, lors de la Conférence nationale du handicap, et j'étais venue sur vos ondes pour en faire justement état, eh bien nous nous sommes engagés à améliorer cette réponse de façon équitable sur l'ensemble des territoires. Les départements partagent avec moi cette responsabilité, ils sont en charge de la politique du handicap dans les territoires, au plus près des besoins, et on veut justement que tout le monde ait, par exemple, son allocation adulte handicapé dans les 3 mois, dans l'année qui vient, et nous allons travailler ensemble, nous l'avons déjà fait avec les départements, et nous allons publier ensemble les résultats, avec un baromètre, parce qu'on ne progresse que sur ce qui se mesure, et moi je veux pouvoir mesurer justement l'action auprès des Français, cette accélération des délais et des réponses.
PATRICK ROGER
Sophie CLUZEL, parmi les inquiétudes il y a ses parents aussi qui disent ne pas avoir de réponse sur les prises en charge d'enfants qui souffrent de troubles du comportement, attention, hyperactivité, etc., ça représenterait plusieurs dizaines de milliers d'enfants, est-ce qu'il pourrait y avoir une reconnaissance de ces troubles, qui sont assez invalidants selon les familles ?
SOPHIE CLUZEL
Alors, il y a une reconnaissance de ces troubles, je veux dire, on est vraiment à côté des familles, s'il y a de l'hyperactivité, il y a une reconnaissance. Moi, ce qui m'importe c'est d'avoir des réponses, donc….
PATRICK ROGER
Visiblement elles n'en n'ont pas, elles ont lancé une pétition en ligne ces derniers jours.
SOPHIE CLUZEL
Alors, en fait, ce qu'il faut, d'abord c'est ce que je fais avec le ministre de l'Education nationale, c'est qu'on travaille toujours à cette école inclusive, nous allons réunir le grand comité de pilotage de l'école inclusive avant la fin de l'année, là, pour préparer la rentrée scolaire, et on garde le même cap, c'est-à-dire qu'on accélère justement la coopération, avec les rééducateurs, les psychomotriciens, les orthophonistes, dans l'école, pour amener des réponses aux parents et aux familles. Et puis on travaille aussi avec la Maison du handicap, pour accélérer les réponses, sur ces troubles très particuliers, qui ont besoin d'être accompagnés, il nous faut des adaptations pédagogiques, c'est tout ce travail, même si le confinement a eu lieu, que l'on maintient comme cap avec l'ensemble du gouvernement.
PATRICK ROGER
Question avec Cécile de MENIBUS.
CECILE DE MENIBUS
Est-ce que, en cas de remaniement, vous pourriez changer de statut et devenir, par exemple, porte-parole parole du gouvernement ?
SOPHIE CLUZEL
Tiens, porte-parole du gouvernement ! Moi je suis à ma tâche, vous l'avez vu, on a engagé énormément de choses, je ne travaille pas sur mes ambitions, ce qui m'a fait rentrer au gouvernement c'est une conviction…
PATRICK ROGER
Oui, mais ce n'est pas antinomique, vous pouvez continuer à être porte-parole, là, tout à l'heure vous aviez des paroles, justement vous vouliez que ce soit apaisant, etc., on sentait une porte-parole en puissance, non ?
SOPHIE CLUZEL
Ah mais moi, de toute façon, porter l'action du gouvernement c'est très important, et je ne travaille qu'en interministériel, donc c'est exactement mon ADN de pouvoir parler de l'ensemble de ce que font mes collègues, parce que de toute façon le handicap c'est l'affaire de tous, donc….
CECILE DE MENIBUS
Et qu'est-ce que vous avez envie de dire en matière de discrimination justement, que ce soit pour la lutte contre le racisme, l'homophobie, le sexisme ? on voit fleurir partout des responsables politiques, de droite, de gauche, dans la rue, on voit des artistes faire aujourd'hui des tribunes. 10 millions de handicapés, 80 % se déclarent insultés, moqués régulièrement, et on ne voit jamais personne dans la rue, jamais de tribune, jamais rien, ça ne vous met pas en colère Sophie CLUZEL ?
SOPHIE CLUZEL
Alors en fait c'est la première cause de discrimination le handicap, Jacques TOUBON, le Défenseur des droits, qui a fait son rapport récemment, l'a re-pointé encore une fois, c'est la première cause de discrimination, dans tout, dans l'accès à l'emploi, dans…
CECILE DE MENIBUS
Mais pourquoi personne ne vous soutient…
SOPHIE CLUZEL
Dans l'accès à l'école.
CECILE DE MENIBUS
Pourquoi on ne voit pas les… de droite et de gauche, les gens dans la rue, pourquoi les gens ne manifestent pas ?
SOPHIE CLUZEL
Il y a des pétitions, il y a des artistes qui s'engagent pour le handicap…
CECILE DE MENIBUS
Ah bon ?
SOPHIE CLUZEL
Oui, il y a une tribune qui a été signée par beaucoup d'artistes, là, très récemment, pour justement améliorer le regard que l'on porte sur les personnes handicapées et arrêter de les discriminer, donc, au contraire, et je pense que…
PATRICK ROGER
Samuel LE BIHAN par exemple.
SOPHIE CLUZEL
Exactement…
CECILE DE MENIBUS
Samuel LE BIHAN… il n'y en n'a pas beaucoup.
SOPHIE CLUZEL
Eh bien faisons un appel en effet à ces artistes pour s'engager.
PATRICK ROGER
Eh bien voilà, l'appel est lancé. Sophie CLUZEL, secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées était l'invitée ce matin de Sud Radio.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 juin 2020