Texte intégral
YVES CALVI
Jean CASTEX, bonjour.
JEAN CASTEX
Bonjour.
YVES CALVI
Monsieur le Premier ministre, soyez le bienvenu sur RTL. Vous venez présenter le plan de relance du gouvernement et surtout le commenter, et vous répondez aux questions de François LENGLET et d'Alba VENTURA Alba ?
ALBA VENTURA
Bonjour Monsieur le Premier ministre.
JEAN CASTEX
Bonjour Madame VENTURA.
ALBA VENTURA
Et merci d'avoir accepté notre invitation. Vous venez présenter, Yves vient de le dire, ce plan de relance, un plan à 100 milliards d'euros dont on dit, Jean CASTEX, que c'est un plan qui fait une large place aux entreprises. Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent : "c'est encore un cadeau aux entreprises" ?
JEAN CASTEX
Je leur réponds que c'est un cadeau. À la France pour relancer l'économie et lutter contre le chômage. C'est l'objectif prioritaire de ce plan. Avec la crise, juste un chiffre, grosso modo on va perdre 100 milliards justement de richesse nationale. 100 milliards de richesse nationale. Il s'agit tout simplement de la reconstituer. 100 milliards de richesse nationale perdue, c'est un taux de chômage qui explose. Le chômage, bien sûr, il est dans les entreprises mais ça concerne les Français et les Françaises. Donc ce que nous voulons faire, c'est réinjecter massivement de l'argent dans l'économie pour que l'économie et les entreprises, bien sûr, repartent. Si les entreprises repartent, il y a moins de chômage, il y a plus d'emplois. C'est aussi simple que cela.
ALBA VENTURA
Est-ce que ce dispositif n'avantage pas plus les grandes filières, les grandes entreprises plutôt que les PME et les TPE ? Quand il y a une grande entreprise, il y a il y a des satellites autour. Ce sont tous ces sous-traitants. 9 entreprises sur 10 sont des PME.
JEAN CASTEX
Il y a un volet PME et TPE dans le plan de relance extrêmement important, et si vous voulez que nous entrions dans le détail, je vous montrerai que ce plan est complet et vise à sauvegarder notre économie dans son ensemble. En fait, je dirais pour bien expliquer les choses à vos auditrices à vos auditeurs, qu'est-ce qu'on veut faire ? D'abord soyons concrets ; soyons concrets. On veut d'abord éviter au maximum les licenciements. On a une crise sanitaire – tout par de là, rappelons-le – qui a des impacts économiques et sociaux. On l'a déjà vu dans beaucoup d'endroits : l'aéronautique, l'automobile. Le gouvernement d'Edouard PHILIPPE a pris des mesures extrêmement ambitieuses et courageuses pour limiter la casse, pour sauvegarder. Pari gagné. Maintenant il faut repartir de l'avant, donc d'abord il faut éviter qu'il y ait des licenciements supplémentaires. Et là qu'est-ce qu'on va faire ? Eh bien on va essayer de remplir les bons de commande des entreprises, de leur donner de l'activité. Qu'elles soient grandes ou petites, Madame VENTURA. Permettez-moi de dire, par exemple on va vous donner de l'argent pour rénover votre bâti, votre habitat dans le sens de l'écologie.
ALBA VENTURA
On va y venir, Monsieur le Premier ministre. J'ai juste une question : vous leur demandez des contreparties à ces entreprises ?
JEAN CASTEX
Mais elles auront… Prenez l'exemple que je viens de vous donner. On va donner de l'argent aux citoyens pour faire de l'isolation thermique. Cet argent ils vont l'utiliser en faisant appel à une entreprise dont la contrepartie ce sera la prestation. On va investir massivement, 6 milliards, dans la santé pour rénover les hôpitaux. Ça va faire travailler les entreprises du BTP, les grandes comme leurs sous-traitants. La contrepartie de l'argent, c'est les travaux et donc l'emploi que ces travaux vont générer.
ALBA VENTURA
C'est l'emploi, la contrepartie.
JEAN CASTEX
Absolument.
ALBA VENTURA
C'est le dialogue social, la contrepartie.
JEAN CASTEX
Tout à fait. Excusez-moi, je termine. L'objectif, c'est de donner du travail et du boulot aux entreprises donc aux Françaises et aux Français quels qu'ils soient. Mais on sait que ça ne suffira, Madame VENTURA, Monsieur LENGLET. On sait qu'il y a des entreprises, compte tenu de l'ampleur de la crise - on le voit déjà - qui pourraient être conduites à licencier. Alors on va leur dire à celles-là : "Formez plutôt que licencier ; gardez vos salariés." Et mettez-les dans un dispositif qui n'est pas nouveau mais dont on va massifier l'ampleur et le recours après le dialogue social en entreprise – vous avez raison de le dire : il faut du dialogue social en entreprises - ça s'appelle l'activité partielle de longue durée et, très concrètement, ça veut dire : une entreprise n'a pas un carnet de commandes suffisant, son activité chute, c'est ça la crise, eh bien elle va signer cet accord. Elle va signer cet accord. Et ça veut dire que grâce à cet accord, 84% du salaire net des salariés concernés sera pris en charge par le plan de relance. On évite les licenciements. Le deuxième objectif - le deuxième objectif, pardonnez-moi – il y a ceux qui ne sont pas des salariés ou qui ne sont pas dans l'entreprise, qui sont en dehors. Et là on voit bien que la crise, l'aggravation de la crise pourrait les empêcher de trouver un emploi. Je pense en particulier aux jeunes.
ALBA VENTURA
On va y revenir, Monsieur le Premier ministre. François LENGLET a une question à vous poser.
FRANÇOIS LENGLET
Oui. La crise sanitaire a révélé notre dépendance vis-à-vis de l'étranger - vous évoquiez la santé - en matière de produits industriels comme les médicaments qui ne sont plus fabriqués en France. Alors votre plan va-t-il nous permettre de retrouver une certaine souveraineté industrielle en France ? Vous allez investir dans onze secteurs d'avenir. Comment allez-vous le faire et, au fond, est-ce que c'est à l'État de définir les secteurs d'avenir pour la croissance française ?
JEAN CASTEX
Vous touchez, Monsieur LENGLET, un point essentiel. C'est-à-dire que d'abord, j'y insiste auprès de vous toutes et de vous tous, ce plan de relance vise à faire en sorte que notre économie ne s'effondre pas, que le chômage n'explose pas et on va y arriver tous ensemble. Mais vous avez raison de dire quel est notre objectif. La crise - la crise - elle a mis en lumière quelque chose que peut-être nous savions déjà finalement mais qui devient insupportable : c'est la dépendance de l'économie française dans certains secteurs qui sont vitaux pour le pays. Vous en avez cité un certain nombre.
ALBA VENTURA
La santé notamment.
JEAN CASTEX
La santé notamment. Ce n'est pas le seul : le numérique, l'électronique etc. Donc oui, nous avons sélectionné un certain nombre de secteurs où nous allons, par le plan de relance, investir massivement pour faire en sorte que soit à nous relocalisions mais on va dire surtout pour que nous localisions, pour que nous gardions…
FRANÇOIS LENGLET
Les activités du futur.
JEAN CASTEX
Exactement. Des activités, pardon, ou actuelles ou futures. Pardonnez-moi, fabriquer des vaccins…
FRANÇOIS LENGLET
C'est à l'État de faire ça ? De définir…
JEAN CASTEX
Fabriquer des masques, c'est déjà un besoin ancien.
FRANÇOIS LENGLET
Est-ce que c'est à l'État de définir justement les secteurs dans lesquels la croissance s'opèrera dans les années qui viennent ?
JEAN CASTEX
Alors première observation qui vaut pour l'ensemble du plan de relance dont nous parlons ce matin, nous avons concerté. Nous n'avons pas fait, et j'y ai veillé tout particulièrement Monsieur LENGLET, ce plan de relance en bocal. Nous avons concerté les partenaires sociaux, nous avons concerté des spécialistes, nous avons concerté les groupes parlementaires, nous avons concerté le plus largement possible. Et l'identification des secteurs résulte à la fois de ces concertations et, permettez-moi de vous le dire, aussi de travaux d'instances spécialisées qui depuis longtemps observent notre économie et ses faiblesses que vous êtes bien placé pour connaître, Monsieur LENGLET. On a aussi, et je pense que tout se tient, décidé de créer ou de recréer un commissariat au Plan, précisément parce que, et ce n'est pas l'État seul qui le fera, mais nous avons besoin d'une réflexion stratégique. La crise…
ALBA VENTURA
Monsieur le Premier ministre…
JEAN CASTEX
La crise, Madame VENTURA, elle a aussi mis en évidence notre faiblesse ou notre dépendance à une vision de court terme de l'économie. Pas que française mais ici nous sommes en France.
ALBA VENTURA
Monsieur le Premier ministre, dans votre plan de relance il y a un sujet : le ferroviaire et notamment le fret, le transport de marchandises qui a son importance. Alors pardon, mais c'est un sujet qui revient depuis des décennies. C'est un sujet qui demande beaucoup d'investissements, vous venez déjà d'éponger 25 milliards de la dette de la SNCF. Pourquoi ne pas mettre l'argent dans les trains du quotidien, dans la rénovation du réseau plutôt que dans le fret ?
JEAN CASTEX
Mais Madame, les deux. Nous allons faire les deux.
ALBA VENTURA
Avec quel argent ?
JEAN CASTEX
Avec l'argent du plan de relance, Madame, avec l'argent du plan de relance. On est un peu à la fois dans un moment de tournant et de continuité. Je commence, si vous le voulez bien, par la continuité. Le gouvernement de la République dans le cadre de ce quinquennat a misé sur le ferroviaire. Il a fait une réforme de la SNCF courageuse, attendue depuis des années, nécessaire et que nous mènerons à son terme. Pourquoi ? Parce que nous sommes – on n'a pas encore employé le terme mais c'est dommage - dans une période de transition écologique. C'est une nécessité indispensable. Donc renouer avec le ferroviaire mais avec une entreprise mieux gérée, une entreprise plus performante, c'est indispensable. Et le fret…
FRANÇOIS LENGLET
Alors justement…
JEAN CASTEX
Et le fret, pardonnez-moi, pour lequel depuis des années nous perdons des parts de marché par rapport à la route, oui, il a besoin d'être aidé et soutenu et nous allons le faire massivement. Mais ça concerne aussi le transport ferroviaire au quotidien, avec les régions.
FRANÇOIS LENGLET
Est-ce que c'est bien raisonnable, Monsieur le Premier ministre, de donner des milliards à une entreprise qui multiplie les grèves, la dernière a coûté 600 millions d'euros, celle d'avant, juste l'année précédente, 800 millions d'euros, et la prochaine est dans 15 jours ?
JEAN CASTEX
C'est la raison pour laquelle nous transformons cette entreprise, nous la rénovons. Effectivement, c'est une entreprise marquée, comme on dit, par une conflictualité forte, il faut absolument investir dans le ferroviaire, il faut faire progresser le dialogue social, les cheminots sont les premiers concernés, j'en appelle au sens de responsabilité de chacune et de chacun. Il est indispensable, dans le cadre de la transition écologique, que les mobilités, les mobilités, des Françaises et des Français, comme des marchandises, c'est la question du fret, puissent être le moins carbonées possibles et le plus respectueuses de l'environnement.
ALBA VENTURA
Alors justement, puis vous parlez d'écologie, de mobilité, il y a une industrie dans laquelle vous comptez investir, c'est l'hydrogène. Vous ne faites pas un peu rêver les Français là, c'est pour quand le train, le bateau, le poids-lourd à hydrogène, décarboné ?
JEAN CASTEX
Oui, bien sûr, décarboné.
ALBA VENTURA
Qui ne soit pas issu du pétrole.
JEAN CASTEX
Je ne suis pas certain que tout le monde soit un spécialiste de l'hydrogène, Alba VENTURA.
ALBA VENTURA
Non, mais on a envie de rouler propre, voler propre, naviguer propre.
JEAN CASTEX
Bien sûr, c'est l'enjeu. On a déjà de l'hydrogène, aujourd'hui c'est une source d'énergie qui sert plutôt à l'industrie, à l'industrie chimique. Je le dis au passage quand même ! Aujourd'hui l'hydrogène n'est pas complètement propre, donc l'idée c'est de faire de l'hydrogène décarboné servant d'abord pour l'industrie. Vous avez raison de parler des transports, c'est notre cible, mais dans le plan de relance on a un volet industriel. Donc, on va massivement investir dans l'hydrogène, là aussi en lien avec les régions, je tiens à le souligner, on va investir dans l'hydrogène, pourquoi ? Pour avoir une énergie, dans les transports, plus propre. Mais, vous avez raison, Madame VENTURA, les résultats ne seront pas pour tout de suite. L'occasion de vous dire que ce plan, et de répéter, il a une visée immédiate, mais il a une visée structurelle et de long terme, on s'inscrit dans la logique de réformes et de transformation du quinquennat.
FRANÇOIS LENGLET
Vous évoquiez à l'instant une aide pour les particuliers qui figure dans le plan de relance, justement pour la transition écologique, est-ce que vous pouvez nous dire concrètement qui va en profiter, et puis à quel montant d'aide il aura le droit et à partir de quand ?
JEAN CASTEX
Vous parlez du secteur de la rénovation énergétique des bâtiments.
FRANÇOIS LENGLET
Oui, de la rénovation énergétique.
JEAN CASTEX
Alors, d'abord, ce sont des dispositifs qui existent, pour certains déjà, et dont nous allons amplifier considérablement…
FRANÇOIS LENGLET
Qui ça va concerner ?
JEAN CASTEX
Eh bien ça va maintenant concerner tout le monde…
FRANÇOIS LENGLET
Indépendamment du revenu ?
JEAN CASTEX
Ça va concerner tout le monde, indépendamment du revenu, il faut mettre le paquet, il faut mettre un terme, le plus vite possible, ça prendra du temps, à ce qu'on appelle les passoires thermiques, que chacun doit changer ses fenêtres, refaire l'isolation, soit de ses combles, soit de l'ensemble de bâtiment. Les bâtiments publics vont commencer à donner l'exemple. Et… tout se boucle, l'argent qu'on va mettre là, plusieurs milliards, c'est inédit, c'est inédit, va profiter à qui ? Va profiter à des entreprises, va profiter à des emplois qui sont derrière. Donc, on va cocher deux cases, si vous permettez cette expression familière, la transition écologique, parce qu'on sait très bien que l'absence d'isolation des logements coûte très cher, de ce point de vue-là, et le travail, l'emploi, la relance.
ALBA VENTURA
Justement, ce plan de relance, vous le disiez, ne pourra pas éviter les faillites, les plans sociaux. On entend des rumeurs de PSE, de plans de sauvegarde de l'emploi, combien, vous pouvez nous le dire, combien de plans de sauvegarde de l'emploi ?
JEAN CASTEX
D'abord, Alba VENTURA, c'est une passion, pour moi, je vous le dis, quotidienne, c'est-à-dire que je dispose de tableaux de bord, pardon, pour suivre la situation de telle ou telle entreprise. Il y a, sachez-le, un service spécialisé qui s'occupe non seulement de les suivre, mais surtout d'agir, de mobiliser les outils, les leviers, les crédits, pour y faire face. Il y a déjà eu, notamment dans la sous-traitance de l'aéronautique, de l'industrie automobile, ce n'est pas qu'au futur, malheureusement, qu'il faut parler de plans sociaux, il y en a déjà, on sait qu'il y en aura d'autres, je ne suis pas ici pour raconter des histoires aux Français, et c'est précisément parce qu'on sait qu'il y en aura, qu'on fait ce plan de relance pour en atténuer non seulement peut-être le nombre, Madame VENTURA, mais surtout l'intensité et l'impact, l'impact pour chaque salarié. Il faut éviter… il y aura derrière des situations humaines très difficiles, et pardonnez-moi de le dire aussi, des territoires qui seront plus ou moins impactés par ce phénomène, et donc nous allons, aussi, c'est la raison pour laquelle nous allons territorialiser, pardon de ce mot, le plan de relance, j'y tiens beaucoup.
FRANÇOIS LENGLET
L'un des moyens d'atténuer justement les effets dévastateurs de ces plans, c'est la reconversion des salariés, qui sont dans des secteurs exposés, vers des secteurs en croissance, comment est-ce que vous allez convaincre un salarié de l'aéronautique d'aller travailler dans l'agroalimentaire, probablement assez loin, là où les salaires et les conditions de travail ne seront pas du tout les mêmes ?
JEAN CASTEX
Tout simplement, Monsieur LENGLET, en déployant des formations, rémunérées, on en a prévues plus de 200 000, là aussi – vous êtes un spécialiste – c'est inédit, des formations spécifiquement dédiées à ce que nous appelons ces métiers d'avenir, vous en citiez un certain nombre. Donc, les organismes, les autorités, sur le terrain, en charge des formations, vont proposer, nous allons proposer, aux salariés concernés, nous allons… les convaincre qu'effectivement ils sont - mais ça c'est la vie économique, Monsieur LENGLET, elle va se trouver accélérée effectivement par la crise – mais, ils sont sur des segments d'activité, comme on dit, dont l'avenir est hypothéqué par la situation économique. Notre objectif c'est de bien repérer - vous m'avez posé la question - les secteurs d'avenir, est-ce qu'on a fait le bon choix, et mettre le paquet tant pour aider les entreprises – question de Madame VENTURA - concernées à se développer, mais aussi les salariés à se former pour pouvoir travailler dans les secteurs concernés.
ALBA VENTURA
Vous tablez sur une croissance de combien l'année prochaine ?
JEAN CASTEX
Alors, moi je réponds toujours à cette question. On n'a pas encore arrêté le chiffre de la croissance pour 2021, il nous faut encore des éléments techniques, je dirais que ce sera fait, Madame VENTURA, et vous le saurez bien entendu, d'ici 15 jours, 3 semaines. Moi je vais vous donner un autre chiffre, parce que le chiffre de la croissance il est important économiquement, moi j'espère que le plan de relance, en 2021, l'année prochaine, créera 160 000 emplois, c'est notre objectif, voilà, on va le vérifier. On a des chiffres qui disent plus, bon, il faut toujours, là aussi, ce n'est pas le genre de la maison, faire des rodomontades et dire on va inverser des courbes, on va, etc., non. On a des choses très concrètes, très précises, on va se donner des outils de suivi transparents, auxquels auront accès la représentation nationale, les partenaires sociaux, le dialogue social est fondamental dans cette période, et nous allons essayer de gagner cette partie, on va la gagner.
FRANÇOIS LENGLET
Une question sur la réforme des retraites, et plus précisément sur l'allongement de la durée de la carrière, qui avait été décidé par votre prédécesseur il y a quelques mois. On a bien compris que rien n'est tranché, qu'il y aurait une concertation l'année prochaine avec les syndicats, mais je voudrais connaître votre avis à vous. Faut-il, selon vous, augmentez la durée de la carrière des Français, soit avec un âge pivot, comme ça avait été envisagé, soit avec l'augmentation de la durée de la cotisation ?
JEAN CASTEX
Nous n'avons pas, Monsieur LENGLET, le gouvernement que je dirige, n'a pas l'intention de ne pas traiter le sujet des retraites, qui est un sujet réel.
FRANÇOIS LENGLET
Ma question portait vraiment sur l'allongement de la durée de la carrière, pas sur l'autre partie de la réforme.
JEAN CASTEX
Attendez… oui, mais ma réponse est la suivante, si vous permettez. Moi je suis ici pour arrêter des priorités de l'action gouvernementale en fonction de la conjoncture. La priorité de l'action gouvernementale c'est l'emploi, c'est l'emploi. Il n'a quand même échappé à personne, et surtout pas à vous Monsieur LENGLET, que si nous prenons des mesures d'âge, ou d'allongement des durées de cotisation, dans le contexte actuel, et je ne vous dis absolument pas qu'elles ne sont pas nécessaires dans leur principe, mais si on les prend dans le contexte actuel, il y a quand même un consensus, même les représentants des employeurs le disent, pour dire que ça aura des conséquences négatives à court terme sur l'emploi, donc il faut quand même qu'on soit des gens raisonnables.
FRANÇOIS LENGLET
Ça veut dire qu'on ne les prendra pas, on ne prendra pas ces mesures.
JEAN CASTEX
Alors, nous allons voir… Monsieur, vous savez, il faut toujours tenir le même discours à tout le monde. J'ai tenu, dès mon arrivée, une conférence sur le dialogue social, avec tous vous les représentants syndicaux représentatifs et tous les représentants des employeurs, nous avons évoqué ce sujet, et je leur ai dit d'abord on distingue la réforme dite systémique, c'est-à-dire celle sur le régime universel, celle sur laquelle s'est engagé le président de la République pour mettre un terme aux régimes spéciaux, cette réforme, je leur ai dit, nous la conduirons. Nous allons rouvrir des concertations, mais nous la conduirons. Et puis il y a l'impact, sur ce régime de retraite qui est déjà en difficulté, de la crise sanitaire, qui va dégrader les comptes, là à court terme, ce n'est pas une réforme de structure, qu'est-ce qu'on fait ? On s'est accordé pour saisir le COR pour nous faire un diagnostic, au vu duquel nous devrons prendre nos responsabilités. Il faut des choses simples, vous savez, claires, de bon sens. La priorité, aujourd'hui, c'est l'emploi, mais il n'est pas question de mettre la poussière sous le tapis pour le sujet des retraites, simplement il faut des choses que les Françaises et Français comprennent.
ALBA VENTURA
Monsieur le Premier ministre, j'ai une question sur l'état de notre société, l'insécurité. Vous avez refusé de trancher le débat sur le mot « ensauvagement », mot exprimé par votre ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN, réfuté par votre ministre de la Justice Eric DUPOND-MORETTI qui estime que ce mot entretient le sentiment d'insécurité. En juillet le président parlait "d'incivilités", pardon, mais "d'incivilités" à "ensauvagement" c'est le grand écart, est-ce qu'il ne faut pas, est-ce qu'il n'est pas important de bien nommer les choses ?
JEAN CASTEX
Vous savez, franchement je ne suis pas ici, dans les fonctions qui sont les miennes, pour trancher des débats sémantiques dont je ne suis pas absolument certain qu'ils passionnent nos concitoyens en général, et les habitants de Prades en particulier, je suis ici pour agir contre l'insécurité.
ALBA VENTURA
Alors, agir, et vous dites que vous êtes maire de Prades. Que va-t-il se passer pour l'agresseur du maire de Chalifert en Seine-et-Marne qui a été roué de coups pour une place de parking, quelle sanction Monsieur le Premier ministre ?
JEAN CASTEX
Alors, j'ai reçu les associations d'élus hier pour ce sujet extrêmement grave. Nous nous sommes accordés, sur toute une série d'actions, dont une qui va donner lieu à une circulaire adressée dès demain par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, au procureur de la République, pour faire en sorte que ces agressions, inadmissibles, permettez-moi de vous le dire, inadmissibles, comme toute agression, peut être encore plus parce qu'il s'agit de dépositaire de l'autorité publique, mais inadmissibles partout, pour que la réponse de la justice soit plus rapide dans tous les faits divers – pardon, parce que nous sommes un sujet extrêmement important - qui ont marqué cet été - dans tous les faits divers - et qui sont absolument scandaleux, je tiens à vous dire, j'ai demandé « produisez-moi, fait par fait, les suites qui ont été réservées. » Il résulte de cette analyse, que vous pouvez d'ailleurs vous-même faire dans le cadre de vos pouvoirs d'investigation, que très peu de faits ont été laissés sans suite, la police ou la gendarmerie est intervenue, l'autorité judiciaire a sanctionné, ou va le faire. On peut dire que ces sanctions sont insuffisantes, dans ce cas-là il faut faire appel, ce n'est pas le gouvernement, ne racontons pas d'histoires aux gens, qui prononce les sanctions. Par contre, que traduisent tous ces faits, depuis des années ? Ne nous trompons pas de diagnostic, c'est ce que je ne cesse de répéter depuis ma prise de fonction, ils traduisent le fait que le service public de la justice, dans ce pays, depuis 40 ans, est insuffisamment doté de moyens.
ALBA VENTURA
Alors combien d'argent vous allez mettre sur la table pour… ?
JEAN CASTEX
Alors je vous signale, chère Madame, dès que j'ai pris mes fonctions – dès que j'ai pris mes fonctions - dans le cadre du budget 2020, j'ai demandé la création de postes de greffiers et de magistrats supplémentaires. Il a fallu faire des choix, supprimer ailleurs.
ALBA VENTURA
Mais ça arrive quand ?
JEAN CASTEX
Alors justement, j'ai également demandé… On a également renforcé les moyens pour le budget 2021 qui sera soumis au Parlement cet automne et j'ai demandé au Garde des Sceaux à ce qu'il puisse y avoir des recrutements exceptionnels pour que ces recrutements arrivent. Nous ne pouvons pas accepter les situations d'impunité, mais ce n'est pas en tapant sur telle autorité - la justice, la police, la politique - qu'on résoudra le problème. Il faut agir. Nous allons faire la tournée des métropoles pour faire des plans de sécurité intégrée : police nationale, gendarmerie, police municipale, la prévention, j'y insiste. Tout ça ne se résoudra pas par le tout répressif, je le dis et je l'assume. Nous allons le dans toutes les grandes métropoles avec le ministre de l'Intérieur et le Garde des Sceaux qui, sous mon autorité, travaillent la main dans la main. Moins de paroles, ça nous évitera de nous disputer sur des sujets inutiles, plus d'actions.
ALBA VENTURA
Et plus de résultats. Merci beaucoup, Monsieur le Premier ministre.
JEAN CASTEX
Vous ne me ferez pas détourner de cette voie.
ALBA VENTURA
Merci Monsieur le Premier ministre. Je vous laisse entre les mains d'Yves CALVI et des auditeurs dans un instant.
YVES CALVI
Un plan pour relancer l'économie et combattre le chômage, c'est ce que vous venez d'annoncer en particulier. J'espère que le plan de relance créera 100 000 emplois en 2021 nous avez-vous dit, Monsieur le Premier ministre. Alors vous êtes chef de gouvernement, vous avez eu le bon goût dans la presse récemment d'expliquer que vous étiez un fan des Grosses Têtes, donc j'ai fait venir ici ce matin le chef des Grosses Têtes. Voilà, vous ne l'avez pas vu dans son entrée dans le studio ; je vous laisse réagir.
LAURENT RUQUIER
Monsieur le Premier ministre, bonjour.
JEAN CASTEX
Bonjour.
LAURENT RUQUIER
Vous venez quand vous voulez aux Grosses Têtes et surtout, puisque vous m'avez pris Roselyne BACHELOT, est-ce qu'en cas de remaniement il y a quelqu'un de très drôle dans le gouvernement que je pourrais récupérer, moi ?
JEAN CASTEX
Oh là ! Je vais vous répondre. François LENGLET m'a dit : "est-ce que l'État est le mieux placé pour distinguer les secteurs qu'il faut aider dans l'économie ?" Je pense que oui. Par contre pour la question que vous posez là, c'est vous et vous tout seul qui allez faire ce choix. En tout cas Roselyne, convenez-en, est pour moi, pour nous, pour le président de la République une excellente recrue.
LAURENT RUQUIER
Je suis d'accord. Mais je peux fournir d'autres personnes si vous voulez, j'ai une liste.
JEAN CASTEX
Tout se regarde.
YVES CALVI
Je ne sais pas si vous avez le temps d'écouter les Grosses Têtes en ce moment parce qu'on vous imagine occupé, mais en tout cas c'était notre plaisir de créer cette rencontre impromptue.
JEAN CASTEX
Et je précise à Laurent que je suis un ancien… Permettez un petit coup de chapeau à Philippe BOUVARD.
LAURENT RUQUIER
Bien sûr.
JEAN CASTEX
Dont il est héritier parce qu'alors Olivier de KERSAUSON, Jean YANNE etc, j'ai connu aussi.
YVES CALVI
Vous êtes un fidèle de RTL.
JEAN CASTEX
C'est pour les plus anciens mais c'est pour montrer ma fidélité. Vous savez la fidélité, Monsieur CALVI, la fidélité à ses convictions, à ses amis, à des principes est la première des vertus.
YVES CALVI
Un dernier mot, Laurent, non ?
LAURENT RUQUIER
Madame BACHELOT pourra revenir en cas de remaniement et, en tout cas, j'attends la liste des autres ministres éventuels. Si monsieur DUPOND-MORETTI veut venir, il n'y a pas de problème.
YVES CALVI
C'est un spécialiste des bons mots.
JEAN CASTEX
Et je regrette quand même que vous n'ayez pas dit qu'une fois que j'aurai accompli ma lourde mission, je pourrais moi-même espérer postuler.
LAURENT RUQUIER
Bien sûr. Et j'appellerai l'émission les Casse-Têtes au lieu des Grosses Têtes.
YVES CALVI
Rendez-vous à 15 heures 30 pour les Grosses têtes et rendez-vous d'ici une dizaine de minutes avec les auditeurs de RTL puisque vous restez avec nous, Monsieur le Premier ministre, et qu'ils vont pouvoir vous interroger très clairement au 32 10. Merci infiniment, on se retrouve dans un instant après le journal.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 septembre 2020