Texte intégral
Q - Une question sur l'importance des crédits européens, que vous avez soulignés, autour de quarante milliards d'euros. Comment ce plan a-t-il été accueilli par la Commission et par les partenaires européens qui doivent encore le valider à la majorité qualifiée ? Et, pour poursuivre cette question, savez-vous quand les premières tranches de subventions doivent arriver et quels en seraient les montants ?
R - Merci, Monsieur le Premier Ministre, et merci pour cette question qui me permet d'un mot, de souligner la dimension européenne massive de ce Plan d'investissement et de ce Plan de relance. Ce sont des grands chiffres : 750 milliards d'euros au total au niveau européen. 40 milliards d'euros qui seront, au moins, versés pour financer le Plan de relance français. C'est absolument inédit et je crois qu'il faut le souligner. Le plus important, ce ne sont pas tellement d'ailleurs ces grands chiffres qui peuvent paraître importants mais un peu déconnectés ou abstraits, c'est que, concrètement, 40% de chaque projet du Plan de relance français sera financé par l'Union européenne. Et si vous me permettez, je crois que le plus important est là. C'est le drapeau européen qui sera sur chaque projet du Plan de relance. France-relance, c'est aussi l'Europe-relance, et je remercie le Premier ministre d'avoir bien voulu souligner cette dimension européenne absolument indispensable. Il ne faut pas avoir l'Europe honteuse, il ne faut pas avoir l'Europe invisible comme on le fait parfois. Nous signalerons, et je crois que les régions et les collectivités territoriales auront à coeur de le faire aussi, que l'Europe sera présente dans chacun des aspects et chacun des projets de ce Plan de relance.
Vous l'avez dit, il reste un certain nombre d'étapes, et c'est très important, à franchir. Le Plan de relance français n'est pas déconnecté du Plan de relance européen, c'est la même chose, nous avons un seul Plan de relance et nous le présenterons, sous l'autorité du Premier ministre, à nos partenaires européens dans les prochaines semaines, sans doute dans le courant du mois d'octobre, et vous l'avez souligné aussi, il y aura une discussion collective européenne.
Ce n'est pas l'instituteur qui distribue des bons ou des mauvais points. Chaque pays construit son Plan de relance, on n'en discute pour coordonner nos priorités. Je signale à cet égard que la France a obtenu, car nous l'avons porté au niveau européen, que, non seulement 30% de notre plan soient consacrés aux dépenses de transition écologique, mais 30% de toutes les dépenses, de tous les plans de relance européens, seront aussi en ligne avec cet objectif.
Et donc il y aura cette discussion et cette coordination, aucun pays n'a un droit de veto, je le rappelle, donc il n'y aura pas de prise d'otage d'un Plan de relance par un autre pays, mais une discussion collective à l'automne sur laquelle je suis confiant et optimiste, parce qu'elle sera accompagnée de la présentation de nos réformes économiques et de nos priorités d'investissement.
Un dernier point, vous l'avez dit, le Premier ministre et le ministre de la relance l'ont souligné, il faut aller vite, c'est vrai pour le Plan de relance français, et comme c'est la même chose, c'est vrai pour les crédits européens.
Nous aurons donc à coeur, ce sera notamment mon combat, que les crédits européens ne s'enlisent pas dans des procédures bureaucratiques très longues. Il y aura le premier versement dès le début de l'année 2021, nous nous battons pour cela, et je précise aussi, un point qui paraît précis ou technique mais qui est essentiel, c'est que nous avons aussi obtenu que dans les crédits européens, nous puissions financer les dépenses qui sont d'ores et déjà engagées, dès maintenant ; même celles qui ont été engagées au titre de l'urgence depuis le mois de mars seront éligibles au financement européen, même si les crédits arrivent un peu plus tard.
Si on met tout cela bout à bout, nous avons un plan totalement cohérent, avec les exigences européennes, nous avons porté cette coordination européenne. Ce sera extrêmement concret et je crois que nous devons souligner, je ne me lasserai pas de le redire, que l'Europe sera au coeur de chacun des projets de ce Plan de relance, et nous irons vite aussi au niveau européen.
Q - Sur ces quarante milliards d'euros qui vont venir de l'Union européenne, est-ce que l'on peut juste remettre en perspective avec ce que la France va contribuer dans ce plan de 750 milliards d'euros ?
R - Je vous remercie de cette question qui permet de revenir sur un certain nombre de fake news, si vous me permettez l'expression, pour le dire plus clairement, de mensonges, qui sont parfois répandus, pas par vous, mais par certains responsables politiques, sur ce plan de relance et sa dimension européenne.
Il n'y a pas de facture cachée, il n'y a pas d'impôt européen ou français au titre de la relance. Au contraire, le ministre de l'économie l'a rappelé, nous baissons les impôts. Et donc, il n'y a pas, ni pour les citoyens français, ni pour les entreprises françaises, un remboursement en impôt à payer immédiatement pour ce plan de relance. Et d'ailleurs, pas d'impôt, ni aujourd'hui, ni demain.
Je veux dire deux choses, là-dessus, pour être très clair : d'abord, le remboursement de cette dette commune européenne, qui est sans précédent, nous permet d'investir aujourd'hui, au moment où nous sommes encore dans les effets de la crise, et de rembourser ensemble, au niveau européen, demain. Et demain, ce n'est pas tout de suite, c'est après 2027. Donc, cela laisse le temps de redémarrer nos économies, de recréer de la croissance et de retrouver, aussi, des ressources européennes et françaises plus importantes.
Et puis, surtout, nous avons engagés un travail, je dirais, un combat européen, que nous menons depuis quelques mois, qui s'est accéléré dans l'accord que nous avons trouvé, cet été, sur le plan de relance pour créer ce que l'on appelle des nouvelles ressources. Ces nouvelles ressources, elles doivent peser, elles pèseront sur des gens qui aujourd'hui bénéficient de l'Europe et de notre marché européen, et ne paient pas, ou ne paient que très peu d'impôts. Ce sont, évidemment, les grandes entreprises du numérique, qui paient trois fois moins d'impôts en moyenne qu'une PME française. Ce sont, aussi, ceux qui exportent vers l'Europe, sans respecter nos exigences environnementales ou climatiques, avec, ce que l'on appelle parfois, un mécanisme carbone, donc un prix du carbone, aux frontières, c'est-à-dire pas pour les Européens, mais pour ceux qui de l'extérieur de l'Europe exportent vers l'Europe.
Donc, je veux vraiment insister là-dessus. Ces quarante milliards, c'est du vrai argent, qui vient vite, qui n'a pas de coût caché et que nous rembourserons, certes, ensemble, dans longtemps, et avec ces nouvelles ressources européennes que nous nous battons pour mettre en place le plus rapidement possible, avec Bruno Le Maire.
Q - J'aimerais entendre à nouveau M. Beaune sur la question des fonds européens. Pour être plus précis, la France insoumise affirme que la France contribuera en réalité à hauteur de 66 milliards sur ce plan et que la France n'en récupère donc que 40. Est-ce que vous pourriez être plus précis sur les chiffres s'il vous plaît ?
R - Comme l'a dit Bruno Le Maire sur ceux qui savent prévoir les taux d'intérêts, peut-être le résultat du tiercé, pour les cinq ou dix prochaines années, je suis admiratif de ceux qui donnent, parfois à la huitième décimale près, le chiffre que chacun contribuera pour les trente prochaines années. Parce que non seulement, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous rembourserons collectivement, au niveau européen, l'emprunt inédit que l'on a évoqué, à partir de 2027 au plus tôt, jusqu'à 2058 au moins.
Et, donc, il y aura évidemment un budget européen qu'il faudra faire à ce moment-là, sur ces trois ou quatre décennies, et personne n'en connaît exactement les paramètres.
Donc, moi, je suis précis, je vous dis que nous n'avons pas du tout acté le système de financement pour l'après, et nous allons créer des ressources nouvelles qui vont permettre d'éviter qu'on augmente les contributions nationales, et, qu'en tout état de cause, l'engagement que l'on prend, c'est qu'il n'y a pas un impôt, aujourd'hui ou demain, qui vient financer cette dette européenne.
Il y a des contributions au budget européen, et nous remettrons à plat le système de financement complet après 2027. Plusieurs paramètres, sans être trop technique : il y a eu des discussions compliquées au sommet européen du mois de juillet sur les fameux rabais ; beaucoup de pays européens, quelques pays européens pour être plus précis, bénéficient de réductions sur leur contribution. Tout cela, nous allons le rediscuter aussi, c'est déjà prévu, après 2027.
Donc, ce ne sera pas les mêmes paramètres. Ceux qui calculent se fondent sur du sable. Ce que nous disons concrètement, nous, c'est que nous avons acté, - parce que cela, vous pouvez le vérifier, c'est écrit dans les conclusions de l'accord du 21 juillet -, que nous engageons dès la fin de l'année, dès le début de 2021, un débat précis sur une liste de ressources nouvelles pour le budget européen : la taxation du numérique, la taxation carbone aux frontières. Est-ce que c'est définitivement précisé, acté ? Pas encore, parce que nous devons mener ce combat.
Mais, pour la première fois, les vingt-sept pays à l'unanimité, y compris ceux qui ont eu des réticences dans le passé, ont dit : nous allons travailler là-dessus, la Commission européenne fera une proposition et, donc, nous aurons un système de financement entièrement nouveau.
Voilà. Je pense qu'il faut être sur des faits, ces 66 milliards ne correspondent à rien. Soyons précis. Et nous parlons toujours, je tiens à le dire, parce que, comme l'a rappelé Bruno Le Maire, il n'y a pas de finances publiques magiques, ni au niveau français, ni au niveau européen. Mais il y a un débat et une remise à plat du système de financement européen qui va s'engager et qui est prévu pour l'après 2027 sur les trente prochaines années.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 2020