Texte intégral
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Bonjour Roselyne BACHELOT.
ROSELYNE BACHELOT
Bonjour Jean-Baptiste URBAIN.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Ministre de Culture depuis presque deux mois, ministre des artistes et territoires, c'était vos mots lors de votre passation de pouvoir. Vous avez en effet été pendant 4 ans à ce micro, où vous avez transmis votre amour, votre passion, pour l'art lyrique, c'est France Musique que vous avez choisie en cette rentrée pour détailler, entre autres, les solutions, les pistes, face au cataclysme que traverse le monde de la culture. Alors…puisque nous avons été collègues, Madame la ministre, c'est sans complaisance, ni agressivité, qui ne sont pas dans la culture de cette chaîne, qu'on va vous interroger, mais d'abord ce matin, on pourra le voir sur la vidéo de cet entretien, vous ne portez pas de masque, moi non plus, vous êtes la ministre de la Culture et de l'Audiovisuel, cette exception va-t-elle être maintenue dans les studios de radio et de télévision ?
ROSELYNE BACHELOT
J'ai posé mon masque, je veux avoir un petit peu d'eau, merci.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
On va vous apporter un petit peu d'eau. A force de parler masqué, on n'a plus l'habitude.
ROSELYNE BACHELOT
J'ai posé mon masque, qui est pourtant un masque qui est fait par un artiste, Bernard FRIZE…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Qui est très beau.
ROSELYNE BACHELOT
Je l'ai posé, parce que dans un studio, quand on respecte la distance, qui est la nôtre, et quand on désinfecte les surfaces, on peut poser son masque, mais autrement je porte mon masque tout le temps. Alors, la question se pose effectivement, est-ce qu'on va devoir, sur les plateaux de télévision, et sur les plateaux de radio, porter un masque, la vidéo conseil de Santé Publique devra être confirmée par le conseil de Défense, bien entendu. Ça poserait beaucoup de problèmes, beaucoup de problèmes, si on devait porter un masque sur les plateaux, d'abord parce que vous connaissez ma militance pour les personnes handicapées, ça empêcherait les sourds et malentendants de lire sur les lèvres, ce qui serait un objet de discrimination, un facteur de discrimination, absolument intolérable. Je sais qu'il y a des masques inclusifs, avec une visière transparente, je l'ai moi-même testé, ce n'est pas quand même très très pratique et la vision est quand même fortement endommagée. En tout cas, à condition de respecter des normes sanitaires très précises, justement sur cette désinfection, sur des cloisons en plexiglas et la désinfection régulière, je pense qu'on devrait, j'espère qu'on pourra s'abstenir de porter des masques.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Donc la dérogation ne sera pas annoncée, comme croit le savoir Le Figaro ce matin, aujourd'hui ?
ROSELYNE BACHELOT
Il faut un conseil de Défense.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Un masque, vous en avez porté un tout l'été pour aller à la rencontre des acteurs du monde culturel, des artistes, des directions de festivals, vous étiez encore ce week-end à Angoulême, au Festival du film francophone, vous avez échangé avec les professionnels du cinéma. Jeudi, Roselyne BACHELOT, avec le Premier ministre Jean CASTEX, vous avez aussi tenu une réunion avec les représentants du spectacle vivant. D'abord, après ces deux mois d'échanges, comment vous entamez cette rentrée, optimiste, effrayée par l'ampleur de la tâche, après tous ces échanges de deux mois ?
ROSELYNE BACHELOT
Ni optimiste, ni effrayée, décidée et combative. Le monde du spectacle, le monde de la culture, pas seulement le monde du spectacle vivant, traverse un véritable désastre, c'est un secteur sinistré, alors que c'est un secteur absolument indispensable à l'identité culturelle du pays, à l'identité globale du pays, c'est un secteur économique qui représente sept fois l'industrie automobile, on ne l'on l'imagine pas, et je suis aussi très sensible à ce désespoir qui est porté par des artistes qui ne peuvent pas jouer, en dehors des difficultés financières qu'ils rencontrent, ils ne peuvent pas jouer, ils ne peuvent pas s'exprimer face à un public, et c'est une souffrance intolérable. Donc moi ce que je veux, dans ce combat que je mène, c'est d'abord permettre à des pans entiers de la culture de survivre, parce que, on peut reprendre d'une fabrication, je dirais simplement matérielle, mais quand une troupe de théâtre disparaît, quand un concert, un groupe de concert disparaît, il ne se reconstitue pas, c'est une perte irréparable. Donc, il lui faut permettre d'abord de survivre, c'est le sens des mesures que nous avons annoncées, pour le spectacle vivant…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Deux milliards d'euros.
ROSELYNE BACHELOT
Alors, 2 milliards d'euros pour la culture et pour le spectacle vivant, 220 milliards pour le spectacle privé….
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Deux cent vingt millions.
ROSELYNE BACHELOT
Deux cent vingt… merci Jean-Baptiste URBAIN, 220 milliards ce serait quand même un peu beaucoup, 220 millions pour… il est tôt…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Pour le privé.
ROSELYNE BACHELOT
Pour le privé, 200 milliards pour…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Toujours millions.
ROSELYNE BACHELOT
Toujours, 200 millions pour le public, et puis un certain nombre de mesures, auxquelles je tiens, 12 millions d'euros pour les artistes auteurs, ça c'est très important, parce qu'ils souffrent beaucoup, 30 millions d'euros de commandes publiques, qui va aussi irriguer les artistes auteurs, et pendant ce temps, effectivement, toutes sortes de mesures transversales qui continuent, je pense par exemple le milliard – alors du coup, c'est bien 1 milliard - sur les intermittents du spectacle…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Avec l'année blanche.
ROSELYNE BACHELOT
Voilà, avec l'année blanche, et puis le fait qu'on va assouplir un certain nombre de règles pour acquérir – les concernés me comprendront – les 507 heures, on ira les rechercher au-delà de l'année qui précède la fin du dernier contrat de travail, on va les rechercher beaucoup plus loin, on va permettre aussi que les… on ne limitera pas à 70 heures les heures d'enseignement qui vous permettent de rentrer dans les 507 heures, on va les pousser à 140 heures, on va aussi avoir des mesures d'assouplissement pour les techniciens, les artistes de plus de plus de 50 ans, voilà. On a des mesures globales, bien sur le chômage partiel, et tout ça est évidemment tout à fait important. Et puis surtout, deuxième chose, il faut recréer la confiance chez les spectateurs, parce qu'à quoi sert de donner de l'argent si les gens ne vont plus dans les salles de spectacle, de concert ?
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Mais alors comment recréer la confiance, Roselyne BACHELOT, quand on apprend, ça a été le cas la semaine dernière, que la jauge resterait réduite dans les zones où le virus est actif, ce qu'on appelle les zones rouges, alors qu'il n'y a plus qu'une place sur deux dans les métros, dans les RER, dans les trains, dans les avions ?
ROSELYNE BACHELOT
Mais, Jean-Baptiste URBAIN, c'est justement ça qui crée de la confiance, c'est de se dire qu'il y a des mesures sanitaires, qui doivent être respectées, qui permettent d'aller dans les salles, c'est par exemple le port du masque obligatoire dans les salles, c'est le fait que, dans les zones vertes, la jauge est à 100 %, ça c'est très important, dans les zones où le virus ne circule pas on peut, à condition de porter son masque, être à 100 % de jauge, par contre dans les secteurs dits zones rouges, où le virus circule de façon active, la jauge est à… ça correspond, avec la distanciation physique, ça correspond à peu près à une jauge à 70 %.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Mais, j'ai une salle de spectacle, je suis en zone verte, je vends des billets pour des concerts dans un mois, et ma ville passe en zone rouge, comment, dans ces conditions, on peut donner un spectacle, quels vont être les critères, on va tirer au sort les spectateurs qui pourront venir ?
ROSELYNE BACHELOT
De toute façon la question est toujours posée, quand vous avez une salle, vous avez une jauge, si vous avez une jauge à 100 % et que 150 % de gens veulent venir, vous limitez la jauge, à un moment vous dites « il n'y a plus de place », bon, très bien ! Et vous avez un système de remboursement des billets qui peut se faire, ou de report des billets sur un autre spectacle, ça se fait de façon extrêmement courante. Mais, en plus, il y a un autre système que nous avons mis en place, avec un fonds de 100 millions, 100 millions, d'euros, qui permettra, si les salles n'obtiennent pas le seuil de rentabilité attendu, de faire appel à ce fonds pour arriver au seuil de rentabilité.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Une compensation, c'est ce qu'on appelle le point d'équilibre…
ROSELYNE BACHELOT
Voilà.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Alors, c'est un peu technique mais, en gros, comment on peut le calculer, puisqu'il ne s'agit pas non plus que les salles de spectacle touchent plus d'argent que si elles n'avaient rempli que 70 ou 80 % d'une salle par exemple ?
ROSELYNE BACHELOT
Evidemment, vous avez raison, il faut éviter l'effet d'aubaine, mais c'est facile à calculer, les salles de spectacles, qui bénéficient par ailleurs d'un certain nombre de mesures d'aides classiques, envoient régulièrement leur jauge, leur fréquentation, à l'Administration, donc on peut suivre si vraiment il y a eu une chute dans cette fréquentation des salles, non, c'est assez facile, on en a discuté avec les professionnels, ils connaissent ça très très bien.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Roselyne BACHELOT, on parlait tout à l'heure des festivals de l'été, certains se sont maintenus, La Roque-d'Anthéron, Biarritz Piano festival, où vous vous êtes rendue. Lors de votre déplacement à Avignon vous avez annoncé la tenue d'états généraux des festivals à la rentrée, ça va avoir lieu quand et quel est l'objectif de ces états généraux ?
ROSELYNE BACHELOT
Alors, effectivement, à Avignon, haut lieu des festivals si l'on peut dire, va se tenir dans la première semaine d'octobre des états généraux des festivals, à la fois dans le Palais des Papes et dans un lieu qui s'appelle « La Fabrik' », où tous les aspects des festivals, soutenus par la puissance publique, ou associatifs, ou privés, vont pouvoir échanger sur la question écologique, sanitaire, les modes économiques, la question des intermittents, des bénévoles, de l'irrigation territoriale, tout ça va être abordé. Je souhaite aussi que cette réflexion elle ait lieu pas seulement à Avignon, parce que toutes sortes de personnes ne pourront pas s'y rendre, et j'ai demandé que dans chaque Direction des affaires régionales des affaires culturelles, les professionnels, les élus locaux, qui sont tellement importants dans ce domaine, puissent venir échanger, et toute cette substance va venir irriguer une réflexion qui permettra de nourrir, peut-être un autre mode de festivals, un mode à la fois plus irrigant pour les territoires et plus viable sur le plan économique.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
On aurait pu maintenir plus de festivals cet été, est-ce qu'on a été trop prudent, au sens large, les organisateurs, les pouvoirs publics ?
ROSELYNE BACHELOT
C'est-à-dire, ce n'est pas qu'on a été trop prudent, c'est qu'au moment du confinement, c'est là que se préparaient les festivals, qu'on répétait les concerts, les pièces de théâtre, qu'on imaginait un certain nombre de choses. Donc, à partir du moment où - les festivals ça se déroule en juin, juillet, un petit peu août - à partir du moment où la France était confinée jusqu'à la mi-mai, même en ré-ouvrant c'était extrêmement difficile.
(…) Musique
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Nous sommes jusqu'à 9h00 avec la ministre de la Culture, Roselyne BACHELOT. Ces musiciens qu'on vient d'entendre ils ont mis, je le disais, en place un festival, c'était au dernier moment, à Versailles, au Potager du roi, avec une collectivité locale, là c'était la région Ile-de-France, c'est l'une des clés pour ces prochaines semaines, prochains mois, pour les artistes, les collectivités, les institutions, de se réinventer, de s'adapter ? A votre place il y a une semaine Laurent BAYLE, le patron de la Philharmonie de Paris, nous disait que pour chaque événement il imagine deux, trois, quatre scénarios différents.
ROSELYNE BACHELOT
Effectivement, il faut de la créativité. Il est certain que pour un groupe musical restreint, on comprend qu'on puisse faire des choses un peu à l'arrache, tout d'un coup on regarde, et puis… il y a des gens qui l'ont fait dans des spectacles de rue, qui sont allés dans des endroits improbables, on l'a vu avec ce que nous avons fait dans l'Eté culturel, où des artistes sont allés jouer dans des endroits absolument incroyables, enfin incroyables, qui n'ont pas l'habitude de voir des spectacles, on pense à des EHPAD, à des pieds d'immeubles, à des centres d'hébergement. Je crois que, effectivement, on peut se réinventer. Evidemment, c'est beaucoup plus difficile si on décide de monter « Les Damnés » dans la cour du Palais des Papes, on le comprend aisément.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Vous évoquiez cet Eté culturel, Eté apprenant et culturel annoncé par Emmanuel MACRON, c'était lors de cette visioconférence avec des artistes en mai. On peut déjà tirer un bilan de cet Eté culturel et apprenant, est-ce que… on a eu un reportage sur France Musique la semaine dernière, avec des gens qui disaient « on peut mieux faire », mais c'était à nouveau pour reprendre votre expression, « à l'arrache. »
ROSELYNE BACHELOT
Il y a 1 million de personnes qui ont participé à cet Eté culturel, il y a 10.000 spectacles qui ont eu lieu, 8000 artistes qui y ont participé, je vous dis, dans tous ces lieux qui n'avaient pas l'habitude de voir des artistes. Je suis allée à Bobigny voir des femmes faire un atelier de lecture sous la houlette de Lucie VEROT, c'était absolument formidable. Ces femmes apprenaient la magie d'écrire une histoire qu'elles avaient composée, qui venait du plus profond de leurs tripes, et qui ensuite le lisaient, lisaient leur oeuvre avec un talent formidable, je vous assure que les larmes me sont montées aux yeux en voyant cette puissance de créativité de ces femmes, qui n'avaient jamais eu l'idée qu'elles pourraient écrire, et cet atelier de lecture, à la bibliothèque de Bobigny, c'est un de mes très beau moments de vacances.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
C'était en Ile-de-France, mais évidemment les situations varient selon les territoires, selon les collectivités locales. L'Etat aide pour de nombreuses institutions, orchestres, ensembles, opéras en région, qui dépendent économiquement des collectivités locales, si ces collectivités décident que l'effort financier que vous avez consenti sera moindre pour ces structures culturelles, elles peuvent être rapidement mises en péril, est-ce que vous allez faire pression sur elles, est-ce que vous pouvez le faire ?
ROSELYNE BACHELOT
Je ne vais pas faire pression sur elles…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
C'est ce que craignent beaucoup d'institutions culturelles.
ROSELYNE BACHELOT
Oui, je comprends qu'elles le craignent, mais je vois plutôt des institutions qui sont décidées, au contraire, à jouer la carte de la culture. J'ai profité de mon passage à Angoulême pour le Festival du film francophone pour avoir un entretien approfondi avec Alain ROUSSET, le président de la région Nouvelle Aquitaine, ce n'est pas quelqu'un qui a décidé de baisser les bras sur la culture. C'est un homme de culture, il a ses priorités, nous avons les nôtres, mais elles se rejoignent très vite, par exemple sur une priorité qu'il a établie sur la lecture, sur les bibliothèques, sur l'accession des plus jeunes ou des plus éloignés aux livres et à la lecture. Nous allons, ensemble, et on verra si on l'inscrit dans le futur contrat de plan, mais parler du Musée de la caricature et du dessin humoristique en hommage, alors que le procès de Charlie Hebdo est en train de se dérouler, en hommage à WOLINSKI, c'était quelque chose auquel il tenait beaucoup et qu'on va probablement installer à Saint-Just-le-Martel, peut-être, mais c'est un projet que porte la région Nouvelle Aquitaine. Donc là, véritablement, non… moi je sens plutôt une collaboration.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Y compris pour des opéras, en région, dans des villes qui ont changé de couleur politique ?
ROSELYNE BACHELOT
Oui, je comprends ce à quoi vous faites allusion, c'est-à-dire qu'il y a eu des propos au moment des élections municipales où certains élus, où certains nouveaux élus, ont stigmatisé l'opéra comme un acte élitiste, comme un acte culturel élitiste, moi je mets tout ça sur, comment dirais-je, sur des déclarations de campagne électorale, et puis ensuite, les acteurs se rencontre, les élus, les responsables de l'opéra, et je crois qu'on peut se comprendre. On peut expliquer aussi que, bien sûr, il y a un vaisseau amiral qui est l'Opéra de Paris, mais que tout ça diffuse et qu'il faut aussi, dans la culture, un vaisseau amiral qui entraîne le reste du mouvement.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Roselyne BACHELOT, je vous ai demandé de choisir quelques musiques, vous avez choisi RAMEAU « les Indes galantes », on part pour l'Opéra de Paris, à Bastille, formidable succès public pour cette production de Clément COGITORE, c'était il y a 1 an, c'était il y a un siècle.
(…) Musique.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Des applaudissements qui n'ont pas retenti du depuis mars à l'Opéra de Paris « Forêts paisibles », « Les Indes galantes », ça donne le frisson, Roselyne BACHELOT !
ROSELYNE BACHELOT
Merci à Stéphane LISSNER d'avoir permis cette expérience extraordinaire de revisiter la musique baroque, on entend Sabine DEVIEILHE et Florian SEMPEY, mes petits chéris, chanter…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Et Leonardo GARCIA ALARCON dans la fosse.
ROSELYNE BACHELOT
Voilà, exactement, et puis avec la chorégraphie de Bintou DEMBELE, c'est du Krump, c'est quelque chose, un mode de danse qui vient des Etats-Unis…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Spectacle à revoir d'ailleurs sur ARTE.TV, je le signale.
ROSELYNE BACHELOT
Voilà, il ne faut surtout pas le manquer, parce que ce qui était extraordinaire c'est que dans la salle de Bastille il y avait des gens qui visiblement n'étaient jamais venus à l'Opéra, des jeunes, c'était une acclamation après les ballets, et je me suis dit voilà, on a même un nouveau public à l'opéra, et sur une oeuvre, « Les Indes galantes » de RAMEAU, a priori on n'aurait peut-être pas choisi cela pour amener un nouveau public à l'opéra, et ça marche, et ça a marché, vivement que ça recommence.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Roselyne BACHELOT, vous saluez Stéphane LISSNER, mais vous avez proposé à Emmanuel MACRON d'anticiper la fin de ses fonctions, demain Alexander NEEF va prendre la tête effective de cet Opéra de Paris, plus tôt que prévu, pourquoi ?
ROSELYNE BACHELOT
On se trouvait devant une difficulté, c'est-à-dire que Stéphane LISSNER partait le 31 décembre 2020, et Alexander NEEF n'arrivait que le 31 août 2021, c'est-à-dire que l'Opéra de Paris, je parlais de vaisseau amiral de la culture française, se trouvait sans patron, alors qu'il traverse une menace absolument incroyable….
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Il traverse la plus grave crise de son histoire.
ROSELYNE BACHELOT
Une tempête extraordinaire, avec une série… bon, les manifestations sociales dites des Gilets Jaunes qui ont interrompu, empêché un certain nombre de représentations, les grèves liées à la réforme des retraites, et ensuite le confinement, c'est-à-dire que depuis novembre l'Opéra de Paris est à l'arrêt, avec les conséquences économiques, et je dirais que psychologiques que ça emporte. C'était impossible d'être dans cette situation. Tout le monde l'a bien compris, un, Stéphane LISSNER a accepté…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Il était d'accord ?
ROSELYNE BACHELOT
Il était d'accord, bien sûr, ça a été en tout accord avec Stéphane LISSNER, que je remercie, et puis j'ai négocié avec la compagnie canadienne de Toronto, parce qu'il fallait lâcher Alexander NEEF…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Où Alexander NEEF est toujours directeur.
ROSELYNE BACHELOT
Avec Jonathan MORGAN on a discuté longuement par visioconférence et j'ai obtenu qu'il lâche, si je puis dire, ou qu'il relâche Alexander NEEF.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Donc vous vous impliquez directement dans ce dossier ?
ROSELYNE BACHELOT
Oui, je suis à la manoeuvre, c'est mon rôle de ministre de la Culture que de surmonter un certain nombre de difficultés comme celle-là.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Tous les milieux de la culture n'ont pas pris le cas de l'Opéra de Paris de façon aussi directe.
ROSELYNE BACHELOT
Quand on voit une structure comme l'Opéra de Paris se noyer, risquer de sombrer, on ne va pas rester…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
…un risque ?
ROSELYNE BACHELOT
Ah c'est un vrai risque, bien sûr…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Quand on voit 40 à 50 millions d'euros de pertes dans la presse, vous confirmez les chiffres ?
ROSELYNE BACHELOT
De pertes, et puis l'image que ça emporte, auprès des spectateurs français, auprès des spectateurs internationaux qui viennent pour l'Opéra de Paris, enfin c'est un élément qu'on ne peut pas mettre loin en disant « vous allez vous débrouiller les amis », non, ça ce n'est pas possible.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Alors, comment le redresser, comment réformer l'Opéra de Paris ?
ROSELYNE BACHELOT
Nous allons demain, je vais faire un certain nombre d'annonces demain sur…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Vous pouvez les faire dès ce matin sur France Musique.
ROSELYNE BACHELOT
Oui, vous me permettrez de les annoncer d'abord aux participants eux-mêmes, aux responsables eux-mêmes, de le réserver d'abord à Alexander NEEF et aux personnes de l'Opéra de Paris, mais en tout cas, bien entendu, Alexander NEEF sera le directeur général de plein exercice, ce n'est pas moi qui vais commander sa maison à sa place, mais je serai à ses côtés, évidemment, pour l'aider.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Roselyne BACHELOT, le chef de l'Etat n'a pas expressément annoncé la suppression de cette réforme des régimes spéciaux, où en est-on, est-ce que la grève pourrait reprendre ?
ROSELYNE BACHELOT
Permettez-moi de dire que je n'en sais rien, pas plus que d'autres, à ce moment du débat.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Malgré tout vous êtes une fidèle de l'Opéra de Paris, c'est la scène la plus subventionnée par l'Etat, par le ministère de la Culture, 95 millions d'euros sur un budget de 230, est-ce que l'Opéra de Paris aujourd'hui, en 2020, coûte trop cher ?
ROSELYNE BACHELOT
Quand on regarde avec d'autres maisons d'opéra, l'Opéra de Paris remplit son rôle, pour son budget….
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Oui, mais d'autres grandes maisons d'opéra sont financées par le privé essentiellement, comme à new York, le Metropolitan Opera.
ROSELYNE BACHELOT
Non, mais nous avons un modèle particulier de théâtre subventionné en France, et je crois qu'il faut garder ce modèle, j'en serais la gardienne, je ne vais pas être la ministre de la marchandisation de la culture et des grands vaisseaux culturels qui structurent notre pays, ça certainement pas, ce n'est pas la mission que m'a confiée le président de la République et ce n'est pas la mission, si on me l'avait demandé, que j'aurais acceptée.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Mais vous vous dites ministre des territoires, certains opéras de province touchent très peu d'argent par rapport à ces 95 millions d'euros, est-ce qu'un rééquilibrage n'est pas nécessaire aujourd'hui ?
ROSELYNE BACHELOT
Oui. Dans le plan de relance que je vais mettre en oeuvre, les 2 milliards, ce n'est pas des millions, là c'est bien des milliards, les 2 milliards d'euros que je vais mettre en oeuvre, il y a, en particulier sur les questions de patrimoine, qui sont souvent… beaucoup d'acteurs de terrain se plaignent de ce déséquilibre entre Paris et les régions, il y aura un rééquilibrage, c'est évident.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
On parlait de la grève à l'Opéra de Paris, Roselyne BACHELOT, une autre grande grève a touché une autre grande institution culturelle, c'est ici, à Radio France, grève contre le plan d'économies, 20 millions d'euros par an sur 3 ans, soit 60 millions, la suppression de 299 postes. Radio France a joué, nous semble-t-il, me semble-t-il, plus que jamais son rôle de service public pendant le confinement, ici et ailleurs, ces musiciens, dont nous parlions, sont venus jouer tout l'été ici sur France Musique, rémunérés, nos formations musicales ont joué en juin, juillet. Ce plan d'économies est-il maintenu ou pas, vous qui êtes la ministre de la Culture et de l'Audiovisuel ?
ROSELYNE BACHELOT
Il y a une trajectoire d'économies qui devra être bien entendu observée, mais nous aiderons, nous aiderons l'audiovisuel public dans ce domaine, et nous sommes en train d'y travailler avec les responsables de cet audiovisuel public. Mais il y a d'autres enjeux dans l'audiovisuel public, dans l'audiovisuel, et en tout cas je vais me mobiliser, dans les prochaines semaines, sur la transposition des directives, c'est très important, il va y avoir débat à l'Assemblée nationale sur la transposition…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
C'est-à-dire, je ne suis pas sûr que tout le monde… ?
ROSELYNE BACHELOT
Des trois directives européennes sur les services, à la fois sur le câble et le satellite, la directive droit d'auteur et droit voisin, c'est quelque chose de très important sur le partage des valeurs entre ce qui nous menace dans l'audiovisuel public, c'est-à-dire les plateformes, les plateformes numériques qui ne participent pas de façon… c'est injuste, ce partage des valeurs ne se fait pas entre l'audiovisuel public, entre le cinéma, et ces plateformes, et donc la transposition de ces directives est extrêmement importante pour que la justice soit faite entre les différents médias.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Vous parliez des chaînes du câble et du satellite, la chaîne France Ô vient de disparaître, France 4 a obtenu un sursis d'un an, est-ce qu'elle disparaîtra à son tour dans un an, est-ce que la question est tranchée ?
ROSELYNE BACHELOT
Alors, il y a deux choses différentes. Sur France Ô, nous nous sommes rendus compte que, effectivement, ce qui était important c'est de donner de la visibilité à l'Outre-mer, et cette visibilité n'était pas obtenue, les audiences étaient microscopiques, et finalement France Ô n'avait trouvé son public, ni chez les ultramarins, dans les territoires d'Outre-mer, ni chez les ultramarins en métropole, ni, plus globalement, dans le public, donc, France Ô a disparu le 24 août, mais ce qui est important c'est de rendre visible l'Outre-mer sur l'ensemble de l'audiovisuel public. Une charte a été signée, en 25 points, et on s'aperçoit que la montée en charge de l'Outre-mer, de la visibilité de l'Outre-mer sur l'ensemble des médias de l'audiovisuel public, est un fait qu'on peut constater. Moi je suis tout à fait d'accord pour même renforcer cette charte qui a été signée, avec mon collègue chargé de l'Outre-mer, Sébastien LECORNU, on est très attentif à cela, ce qu'il faut c'est rendre visible l'Outre-mer sur l'ensemble de l'audiovisuel public. Pour ce qui concerne en France 4 la question est posée, comment est-ce qu'on crée à l'intérieur de l'audiovisuel public un vrai média éducatif ?
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Qui a joué son rôle pendant le confinement.
ROSELYNE BACHELOT
Alors, justement, qui a joué son rôle, mais le but n'est pas seulement d'avoir, je dirais le France 4 d'avant le confinement, ni le France 4 du confinement, ce n'est pas ça le but, parce qu'on va rentrer dans une période où ce ne sera plus le confinement. Merci à France 4 d'avoir tenu toute façon, je dirais presque comme ça, spontanée, ce rôle, mais il s'agit de créer les moyens bien d'un audiovisuel au service de l'éducation, c'est-à-dire de faire vivre la plateforme Okoo, de faire vivre Lumni, avec des contenus tout à fait intéressants, qui durent dans le temps, d'ouvrir aussi certains espaces, d'autres médias linéaires, on pense à France 5, mais à d'autres, à cette mission d'éducation. Parce que, il ne faut pas se faire d'illusion, nos enfants ils ne regardent pas la télévision, ou ils n'écoutent pas la radio comme nous l'avons fait, il faut aussi s'adapter à tout cela, donc cette réflexion, ce délai qui a été donné à France 4, c'est un moyen de réflexion, pour l'ensemble du secteur, pour donner une véritable offre éducative durable.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Les enfants, en voici.
(…) Musique
JEAN-BAPTISTE URBAIN
« La garde montante », Carmen…
ROSELYNE BACHELOT
A l'acte 1 de Carmen…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Ici on était à Bordeaux, avec l'Orchestre national de Bordeaux Aquitaine il y a quelques années, dirigé par Alain LOMBARD, et le choeur du conservatoire de Bordeaux. Les conservatoires, Roselyne BACHELOT, ils rouvrent au public, à leur public et à leurs élèves cette semaine, alors financièrement ils dépendent beaucoup des collectivités locales, mais leur tutelle c'est vous. On l'a évoqué ici sur France Musique la semaine dernière, il n'y a toujours pas de protocole sanitaire, quelles sont les directives ?
ROSELYNE BACHELOT
On est en train de les mettre en place, bien sûr en dialogue, en concertation avec ces structures, dont vous avez rappelé très justement qu'elles sont souvent de responsabilité communale, intercommunale, ou associative parfois d'ailleurs, tout ça va sortir dans les prochains jours. Je reviens d'ailleurs, à propos de ces conservatoires, sur une possibilité aussi qui a été offerte dans un certain nombre d'activités culturelles, où la distanciation physique était obligatoire, ce qui rendait impossible le chant, la danse, etc.… un certain nombre d'activités instrumentales, et cette distanciation…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Les instruments à vent.
ROSELYNE BACHELOT
Exactement, moi je ne sais pas comment on fait « Le lac des cygnes » en distanciation physique, il y a peut-être une idée, mais je la cherche toujours, en tout cas cette question de distanciation physique a été supprimée lors du dernier conseil de Défense, ça j'y tenais absolument, c'est quelque chose que j'ai obtenu, à condition de respecter évidemment les normes sanitaires, avec des tests bien entendu, le respect de la désinfection des lieux, etc. Mais c'est la même chose dans ces activités de conservatoire, dans les prochains jours, dans les tout prochains jours, les protocoles vont être mis en oeuvre, et ça va permettre la réouverture des conservatoires.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Roselyne BACHELOT, dernière question, vous avez dit vouloir mettre la culture au coeur du plan de reconstruction de notre pays, alors pour l'instant les arbitrages vous sont globalement favorables…
ROSELYNE BACHELOT
Très favorable.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Notamment ces 2 milliards d'euros, même si il semble que sur cette question de jauges réduites vous n'avez pas été entendue comme vous l'auriez souhaité.
ROSELYNE BACHELOT
Alors, la question des jaunes est évidemment extrêmement importante, je tiens compte aussi de l'état sanitaire du pays, la flambée des cas de Covid est évidente, je ne suis quand même pas complètement bloquée sur mes positions. Alors, qu'en est-il des jauges ? Les jauge, ce que j'ai obtenu c'est que dans les zones vertes, dans les zones où le virus…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
On en a parlé tout à l'heure.
ROSELYNE BACHELOT
Mais je le répète, le virus ne circule pas… parce qu'il y a encore des personnes qui pensent, par exemple, que les théâtres sont fermés, qu'on a fermé les théâtres et les salles de concert, non, bon, très bien - cette jauge peut être une jauge à 100 % avec le masque obligatoire, bien sûr, et dans les zones dites rouges, où le virus circule activement, cette jauge fait que, il faut une distanciation physique latérale d'1 mètre entre les personnes ou les groupes de personnes à condition qu'ils soient…
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Qui n'existe pas dans les RER bondés.
ROSELYNE BACHELOT
Qu'ils soient inférieurs à 10.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Ce qui n'existe pas dans les transports, certains musiciens s'insurgent.
ROSELYNE BACHELOT
Voilà, ce qui fait une jauge à 70 %, il y a beaucoup de spectacles qui n'atteignent pas, en période normale, cette jauge de 70 %... oui, mais ce qu'il faut c'est avoir… c'est donner envie aux gens de retourner dans les salles de spectacle, donc il faut aussi assurer la notion de la sécurité, j'y tiens absolument, mais je peux vous dire que dès qu'on retourne en zone verte, où le virus ne circule plus, on est à 100 %, en espérant d'ailleurs que justement les spectateurs reviennent. Ce n'est pas seulement une question de jauge, ce n'est pas seulement une question d'arrêté ministériel, de décision politique, c'est une question de confiance.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
Roselyne BACHELOT, merci d'être venue sur ce matin sur France Musique.
ROSELYNE BACHELOT
Merci Jean-Baptiste URBAIN.
JEAN-BAPTISTE URBAIN
On suivra tout cela de près et donc notamment, dès demain, cette passation de pouvoir inédite rue de Valois entre Stéphane LISSNER et Alexander NEEF.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 septembre 2020