Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, à France Inter le 23 septembre 2020, sur le droit d'asile au sein de l'Union européenne, la menace terroriste, le séparatisme et la question de l'insécurité.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Avec Léa SALAME, nous recevons ce matin le ministre de l'Intérieur dans le Grand Entretien du 7/9. Questions et réactions, elles seront nombreuses j'imagine, au 01 45 24 7000, sur les réseaux sociaux et l'application mobile France Inter. Gérald DARMANIN, bonjour.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

NICOLAS DEMORAND
Et merci d'être à notre micro ce matin. Deux semaines après l'incendie du camp de Mória à Lesbos, la Commission européenne doit présenter un pacte pour la migration et l'asile cet après-midi. A l'origine, la Commission voulait rendre obligatoire la solidarité de tous les pays de l'UE envers les migrants. Finalement cette solidarité sera plutôt à la carte et pourra prendre la forme d'aide financière au retour pour les personnes n'ayant pas droit à l'asile. Alors question générale pour commencer, est-ce que l'idée de ce plan vous semble aller dans le bon sens ? Est-ce que ce plan va clarifier les procédures et surtout éviter qu'une crise migratoire redevienne une crise européenne ?

GERALD DARMANIN
C'est évidemment une question tout à fait essentielle et la question migratoire ne se règle qu'au niveau européen, et nous attendons cet après-midi le texte écrit de la Commission, sa proposition. Il faut que vos auditeurs sachent qu'on va ensuite beaucoup discuter pendant quelques mois pour pouvoir se mettre d'accord, nous l'espérons, sur un texte. En tout cas la France le souhaite. Nous souhaitons toujours une solidarité européenne. Il n'y a pas raison que seule l'Italie, la France et l'Allemagne grosso modo, avec la Grèce, se partagent cette solidarité. Vous avez vu que le président de la République a annoncé l'accueil de 350 mineurs qui venaient notamment de Grèce suite aux diverses difficultés qu'a connues la Méditerranée récemment. La France comme l'Allemagne prennent leur part de solidarité avec la Grèce et avec l'Italie. Ça va être le cas de toute l'Union européenne évidemment.

LEA SALAME
Alors qu'est-ce qui va changer vraiment dans ce texte-là ? Ursula VON DER LEYEN a dit vouloir abolir le règlement de Dublin qui confie la demande d'asile au premier pays de l'Union européenne dans lequel le migrant est arrivé. Pour la Grèce et l'Italie par exemple, c'est intenable. On ne comprend pas bien. C'est vraiment la fin de Dublin ou en fait on va juste réécrire la chose et ça reste là ?

GERALD DARMANIN
En tout cas ce qui est sûr, c'est que Dublin ça ne fonctionne pas bien. 80 000 demandes en 2015 d'asile en France, 135 000 l'année dernière. Et il y a bien une évidence que si on n'a pas une réponse européenne et que chaque pays fait ce qu'il souhaite dans son coin, on a une difficulté de traiter ces demandes d'asile. Dans la rapidité, parce qu'on le doit aux demandeurs d'asile, et dans la reconduite aux frontières pour ceux qui n'ont pas le droit à cette demande d'asile. Et donc nous ce que nous souhaitons, c'est qu'aux frontières de l'Union européenne nous puissions aider des pays comme l'Espagne, comme l'Italie, comme la Grèce, comme Malte, peut-être même comme la France - nous sommes évidemment un pays méditerranéen - à avoir davantage de moyens pour que les demandes se fassent dans ces pays. Qu'on puisse arriver en Espagne, qu'on puisse arriver en Italie, faire une demande pour la France mais rester en Espagne et en Italie dans les centres d'accueil en attendant d'avoir vite son traitement de demande d'asile.

LEA SALAME
Donc finalement rien ne change. Le pays responsable du traitement d'une demande d'asile reste le premier pays où on rentre.

GERALD DARMANIN
Alors ce n'est pas tout à fait le cas aujourd'hui. Aujourd'hui il y a plein de demandeurs d'asile qui arrivent soit par la route des Balkans, soit par la Méditerranée, qui font une demande en Espagne ou en Italie, qui font une deuxième demande en France ou en Allemagne. Et ainsi on se retrouve avec des situations où les demandeurs d'asile, sans doute perdus et c'est bien normal, devant les formalités administratives n'ont pas leurs droits respectés, et parfois on loupe des gens qui devraient être sur le territoire national par protection de l'Union européenne. Et puis par ailleurs, il y a beaucoup de gens qui utilisent de façon malfaisante on va dire, notamment par des passeurs, c'est plusieurs difficultés de demandes d'asile dans plusieurs pays différents et ça, ça explique notamment que la France aujourd'hui connaît une augmentation très forte. Donc on doit arrêter ça, arrêter Dublin comme l'a dit Madame la présidente de la Commission et on attend la proposition désormais de la Commission.

NICOLAS DEMORAND
Le Figaro affirme ce matin que le nombre de mineurs isolés étrangers explose en. France. Est-ce que c'est vrai Gérald DARMANIN ? Avez-vous les chiffres ?

GERALD DARMANIN
Alors il y a un nombre important de mineurs isolés. Par définition, ils sont difficiles à suivre. Aujourd'hui c'est 16 000 et non pas 40 000 comme j'ai pu le lire. 16 000 qui sont inscrits et que suivent notamment les départements. Il y a à Paris, à Bordeaux, enfin dans plusieurs grandes villes de France des mineurs isolés, alors soit qui viennent d'Algérie, soit qui viennent du Maroc. Chacun connaît la difficulté notamment des mineurs isolés marocains à Paris. Le président de la République depuis longtemps s'occupe de ce sujet, notamment dans les relations diplomatiques avec nos amis marocains et nos amis algériens. Je me rendrai au Maroc et en Algérie. J'y travaille beaucoup avec Jean-Yves LE DRIAN. C'est une question à la fois de sécurité, de protection de l'enfance et de diplomatie, et nous devons absolument régler ce problème au niveau européen.

LEA SALAME
Gérald DARMANIN, nous sommes en plein procès historique des attentats de janvier 2015 et on a appris que la DRH de Charlie Hebdo a dû être exfiltrée en raison de menaces très sérieuses, précises et circonstanciées. Quelles sont ces menaces ?

GERALD DARMANIN
Il n'appartient pas au ministre de l'Intérieur de détailler ni les protections ni les menaces. Je pense que chacun le comprend. Mais ce qui est certain, c'est qu'il y a aujourd'hui dans la rédaction de Charlie Hebdo et des gens qui aident cette rédaction de Charlie Hebdo depuis plus de cinq ans désormais, une protection très forte parce que les menaces sont élevées. Et j'ai demandé d'ailleurs, suite aux faits que vous évoquez et qui sont tout à fait scandaleux que quelqu'un ne puisse pas rester chez soi, et attentent évidemment à sa vie personnelle pour pouvoir essayer de se protéger, j'ai demandé qu'on puisse réévaluer les menaces qui pèsent sur les journalistes et sur les collaborateurs de Charlie Hebdo. J'ai d'ailleurs appelé le directeur de la publication pour lui dire. Et la police met des moyens considérables pour protéger le procès et d'ailleurs les magistrats. Ces menaces, elles sont celles du terrorisme islamiste. De gens qui continuent à vouloir tuer l'identité de la France, sa liberté d'expression, sa liberté de caricaturer, sa liberté de choquer. Et je voudrais redire à votre antenne que la bataille contre la bête immonde, elle n'est pas gagnée et que nous devons absolument condamner tous ceux qui utilisent des « mais » dans leurs phrases pour dire : « oui, c'est vrai qu'on peut condamner telle ou telle menace de mort mais… » Non, il n'y a pas de « mais ». Même quand on n'est pas d'accord avec quelqu'un, surtout lorsqu'il s'agit d'un journaliste, quelqu'un qui garde la liberté d'expression en son sein- j'ai lu ce matin la tribune des médias…

NICOLAS DEMORAND
90 médias. Presse écrite, chaînes de télévision, radios.

GERALD DARMANIN
Ils ont raison.

LEA SALAME
Ils disent il y a un vrai recul de la liberté d'expression.

NICOLAS DEMORAND
Une fragilisation.

LEA SALAME
Est-ce que c'est vrai, ça ?

GERALD DARMANIN
Je ne sais pas s'il y a un recul de la liberté d'expression. En tout cas, elle est largement menacée. Et en France, on a le droit d'être choqué par des caricatures de Charlie Hebdo. Moi parfois, j'ai pu être choqué par les caricatures de Charlie Hebdo, mais en France on a le droit de choquer et Charlie Hebdo a le droit de publier ce qu'il souhaite à la Une de son journal comme tous les journaux.

LEA SALAME
Où en est la menace terroriste en France aujourd'hui ? Est-ce qu'elle est en baisse cette menace à cause du Covid ?

GERALD DARMANIN
Ah non, pas à cause du Covid. On a vu d'ailleurs que pendant le Covid, mon prédécesseur Christophe CASTANER a eu à faire face à des attentats sur le sol national. Donc le terrorisme ne s'arrête pas, il n'est pas en confinement le terrorisme. Ce qui est certain, c'est que l'action du président de la République et l'action des alliés qui vont attaquer Daesh, l'Etat islamique, sur les territoires extérieurs limite - ça ne veut pas dire empêche - mais limite les attentats projetés. Ça, c'est effectivement vrai même s'il peut encore y en avoir et le moins possible. Voilà. En revanche, il y a une menace endogène, une menace de l'ennemi de l'intérieur. Et nous avons beaucoup de gens - j'ai dit qu'il y avait 8 500 personnes suivies dans les fichiers du renseignement intérieur - qui potentiellement sont particulièrement dangereux et peuvent commettre des attentats. Donc cette menace, elle est extrêmement forte et elle a un nom : c'est celle de l'islam radical.

NICOLAS DEMORAND
Venons-en à la question du séparatisme. Pour commencer Gérald DARMANIN, à l'heure où l'on parle, est-ce que ce projet de loi est finalisé ? Est-ce qu'il est bouclé ?

GERALD DARMANIN
En effet le président de la République dans les prochains jours l'annoncera.

LEA SALAME
Il est bouclé ?

GERALD DARMANIN
Oui, le président de la République…

LEA SALAME
Il n'y a plus de points en discussion ? Il est écrit ?

GERALD DARMANIN
D'abord c'est un texte qui évidemment sera présenté, comme on l'a déjà plusieurs fois dit, en décembre au conseil des ministres et au début de l'année prochaine au Parlement.

LEA SALAME
Oui, mais ce que doit dire le président de la République ?

GERALD DARMANIN
Par définition, il y a une discussion avec les parlementaires, avec la société civile, et elle sera longue, elle sera importante. Ce que dira le président de la République effectivement, je lui laisse la paternité de ses propos, mais est effectivement basé sur un texte qui est écrit.

LEA SALAME
Le texte est écrit alors pourquoi est-ce qu'il ne le dit pas si j'ose dire ? Il devait le dire à Lunel cette semaine, finalement c'est reporté au 2 octobre. Est-ce que vous confirmez qu'il va le dire le 2 octobre ? Parce qu'on dit qu'il va encore être reporté à plus tard. Est-ce que vous avez l'information sur ça ? D'abord est-ce qu'il va le dire ? Et ensuite, est-ce que ces reports sont le signe d'une gêne intellectuelle, d'une ambigüité profonde du président de la République sur ces questions ?

GERALD DARMANIN
Alors le président de la République, il a tout sauf la main qui tremble. Moi je témoigne, je l'ai fait pendant trois ans quand j'étais ministre des Comptes publics. Mais depuis trois mois que je suis ministre de l'Intérieur, pour lui parler quasiment quotidiennement, pour assister à des réunions sur la sécurité de nos compatriotes, je peux vous assurer qu'il a un déterminisme, pardon une détermination… Pardon ! une détermination à toute épreuve face aux difficultés que connaît notre pays.

LEA SALAME
Il n'a pas la main qui tremble sauf peut-être sur ce sujet ?

GERALD DARMANIN
Non. Il n'a pas la main qui tremble sur ce sujet. Le texte qu'il va présenter est un texte très important. Vous connaissez mes convictions sur ce sujet, je les ai écrites depuis très longtemps. Il est allé au fond des choses parce qu'il s'agit vraiment d'un texte qui va vers la réconciliation nationale et qui protège la France, son identité, ses habitants, la liberté d'association, la liberté de culte et en même temps la sécurité de nos compatriotes. De quoi s'agit-il ? Il s'agit de lutter contre des ennemis pas simplement de la République : des ennemis de la France. Des gens qui veulent se séparer, combattre le modèle républicain et simplement le modèle français de liberté d'expression, notre habitude de vivre, la façon dont on enseigne à nos enfants, la façon dont on éduque…

LEA SALAME
C'est qui les séparatistes ?

GERALD DARMANIN
D'abord, ce sont les terroristes islamistes. Ce sont les islamistes. Ce sont les islamistes radicaux évidemment mais c'est aussi d'autres personnes. Les suprématistes blancs par exemple. Vous savez la Direction générale de la sécurité intérieure, c'est-à-dire la DGSI, elle fait un travail évidemment qu'on ne voit pas toujours. Mais je ne compte pas les moments où on m'a expliqué et où on m'a montré des enquêtes où il y avait par exemple un suprématiste blanc, c'est-à-dire quelqu'un qui pense qu'être blanc c'est être supérieur à toute autre race, avec des armes, qui allait commettre des attentats qu'on a connus en Nouvelle-Zélande.

LEA SALAME
Manuel VALLS dit : ne soyons pas naïfs, le vrai sujet c'est la bataille contre l'islamisme, l'islam politique, les Frères musulmans et les salafistes. Il a raison ?

GERALD DARMANIN
Evidemment qu'il a raison Manuel VALLS. D'abord il a l'expérience d'avoir été au pouvoir et de connaître ses sujets. Il a évidemment raison. Ce ne sont pas les seuls séparatistes mais ce sont les séparatistes principaux qu'il faut combattre et vraiment sans naïveté. Parce que vous avez deux types de séparatismes. Vous avez celui traditionnel qu'on a connu si j'ose dire et que l'on voit, caricatural, qui annonce effectivement qu'il faut mettre les femmes de côté, tuer les mécréants et s'attaquer au modèle de la République. Ceux-là, on les combat et des dispositions notamment prises par le gouvernement précédent aide à les combattre très fortement. Ce qui explique les 32 attentats déjoués et les dénonciations médiatiques que l'on peut voir sur ces attaques contre notre modèle. Et puis il y a deux qui pratiquent la taqiya, c'est-à-dire la dissimulation. Qui par l'islam politique, qui par une sorte d'entrisme qui ne dit pas son nom essaye de changer la vie de nos concitoyens et imposer leurs vues. C'est celui-là qu'il faut combattre.

LEA SALAME
Par exemple ?

GERALD DARMANIN
Il y a des exemples extrêmement précis dans l'éducation, dans la vie associative ou dans la façon de fonctionner de certaines collectivités locales. Lorsque l'on a une association par exemple, et la République n'a pas de moyen de s'y opposer pour l'instant, une association qui touche des subventions publiques et qui impose des prières pendant ses cours de sport, qui demande à ce qu'on prenne sa douche habillé et qui refuse la mixité sexuelle, alors évidemment c'est un acte séparatiste contre les valeurs fondamentales de la République. Je vais prendre l'exemple d'une école à Sevran. Regardez dans quel état la République est quand elle n'a pas ses armes. Il y a une école clandestine, c'est-à-dire totalement non déclarée, avec des enseignants qui ne possèdent aucune qualification. Ce n'est pas une école hors contrat, on dans une école qui autoproclamée. On a pu mettre fin à cette école - je ne rentrerai pas dans les détails parce qu'il y a une enquête aujourd'hui sur ce point, mais fondamentalement qui est contraire aux valeurs de la République – que à cause des règles sanitaires du Covid. Le préfet n'a pu utiliser que l'arme sanitaire pour mettre fin à cette école autoproclamée qui endoctrinait des enfants qui étaient en instruction à domicile. Voilà, demain le projet de loi présenté par le président de la République donnera le type d'arme administrative pour lutter sans naïveté contre les islamistes.

LEA SALAME
Mais je ne comprends pas. Pour reprendre votre exemple, une association sportive qui imposerait les prières ou qui dirait : on prie pendant les moments où on fait du sport, en quoi c'est contraire aux valeurs de la République ?

GERALD DARMANIN
Eh bien, si vous pensez qu'on peut subventionner avec l'argent public des associations sportives dont le but est d'être une association sportive et qui fait faire des prières, qui met de loin les femmes par rapport aux hommes et qui impose à tout le monde de se doucher habillé, alors effectivement on ne vit pas dans la même République.

LEA SALAME
Jean-Luc MELENCHON dit que ce qui est visé, c'est l'islam, ce n'est pas autre chose.

GERALD DARMANIN
Mais Monsieur MELENCHON comme d'habitude a du mal à dire des vérités et surtout à réfléchir en homme politique responsable. Il me semble d'ailleurs quec'était un homme laïc qui venait de la gauche. Vous savez, c'est un grand texte, je vais vous le dire sans provocation, que présentera le président de la République, de gauche. La laïcité, c'est malgré tout une valeur, vous le savez bien, depuis le début de la République qui est une valeur de gauche et qui est une magnifique valeur de la neutralité du service public. Et le président de la République aura l'occasion de détailler des mesures extrêmement fortes qui montreront la non naïveté des pouvoirs publics. Et moi je souhaite qu'il y ait la plus grande unanimité sur ce texte après une longue concertation parce qu'il s'agit de l'identité de notre pays.

NICOLAS DEMORAND
Est-ce que les mères voilées, Gérald DARMANIN, les mamans voilées pourront participer aux sorties scolaires avec leurs enfants ?

GERALD DARMANIN
Moi j'ai toujours pensé que ça n'est pas la dame de 45 ans qui avait un foulard, qui était bénévole à la sortie de l'école qui posait un problème à la République. Donc après, chacun peut avoir son opinion mais j'ai toujours pensé ça. En revanche ce qui pose un problème, c'est effectivement l'entrisme politique de l'islam politique. Alors ça effectivement, il ne faut pas avoir de naïveté envers ceux-là, il faut le combattre. Moi je voulais vous dire, petit-fils de musulmans dans une commune qui connaît les difficultés parfois de l'immigration, des sujets cultuels, de la difficulté sociale, l'islamisme il prospère sur l'absence de République. L'absence d'offre républicaine. L'islamisme il touche en premier les musulmans qui, par millions, vivent leur religion en respectant bien évidemment la République. Ils sont même morts pour la France, on ne le dit pas assez, tout en priant Allah. Il n'y a aucune incompatibilité bien évidemment entre l'islam, entre croire et être citoyen. Simplement ils sont attaqués, les musulmans français, la France est attaquée par un projet politique qui veut renverser la République et il faut que la République se défende.

LEA SALAME
D'accord. On a compris votre position sur donc les mamans voilées. Autre question puisque Jean-Michel BLANQUER la défendait, manifestement ça n'a pas été retenu. Autre question : Jean-Michel BLANQUER dit : il faut une tenue républicaine pour les filles à l'école. Vous êtes d'accord ?

GERALD DARMANIN
Qu'il faille une tenue décente, c'est une évidence, peut-être ce que Jean-Michel BLANQUER appelle la tenue républicaine, et donc effectivement il s'agit d'être à l'école de la République le plus à l'écoute des prescriptions que posent les règlements intérieurs des lycées, des collèges et des écoles élémentaires. Il me semble qu'il y a des règlements intérieurs d'ailleurs.

LEA SALAME
La ministre Elisabeth MORENO dit : « En France, chacun est libre de s'habiller comme il veut ; les femmes ont mis des siècles à pouvoir s'affranchir des codes vestimentaires ; cette liberté conquise de haute lutte n'a pas de prix. » Elle n'est pas d'accord avec Jean-Michel BLANQUER.

GERALD DARMANIN
Non mais je ne vais pas faire de débat entre les ministres. Ce qu'il faut, c'est… Enfin, c'est tout le règlement intérieur. Quand j'étais au lycée, c'est ce qu'on disait : il faut une tenue décente. Alors on peut définir c'est quoi une tenue décente. Je pense que le sujet de la République, ce n'est pas aujourd'hui ça. L'attaque contre la République, ce n'est pas la façon me semble-t-il d'avoir des débats sur ce qu'est une tenue décente ou pas. Je pense que la lutte contre l'islamisme radical me paraît plus essentielle que ça.

NICOLAS DEMORAND
Sur la question de l'insécurité, Gérald DARMANIN, il y a des batailles de chiffres, des batailles de statistiques. De nombreux articles de presse dans le monde, même dans le New-York Times, disent que sur dix, vingt ans l'insécurité n'a pas augmenté en France. A entendre la droite depuis la rentrée, la France aurait vécu un été Orange mécanique, les questions de sécurité seraient le trou noir du quinquennat. Quelle est la vérité, Gérald DARMANIN, sans absolument aucun esprit de polémique ? L'insécurité explose-t-elle ou non en France ? Quels sont vos chiffres et que disent-ils ?

GERALD DARMANIN
Il y a par exemple un refus d'obtempérer toutes les demi-heures en France. Et depuis que je suis ministre, il y a eu quatre policiers et gendarmes qui sont morts. Pas par des attentats terroristes, par des refus d'obtempérer. Parce que quelqu'un ne s'arrête pas lorsqu'une gendarme de 26 ans sur une route du Lot-et-Garonne lui demande de s'arrêter. Parce qu'un policier au Mans à 3 heures et demie du matin meure percuté parce que quelqu'un refuse de s'arrêter. Et quand on a un refus d'obtempérer toutes les demi-heures alors qu'il y a cinq ans c'était toutes les 2 heures, on se dit qu'il y a effectivement une difficulté dans le respect de l'autorité. Ensuite il y a une propagation indéniable du trafic de drogue. Tout le monde sait que la drogue pourrit pas simplement les quartiers difficiles de la République, parce qu'encore faut-il souligner que dans certains beaux quartiers, on consomme de la drogue qui ont fait vivre ce trafic, mais il y a manifestement une économie parallèle - certains disent 200 000 personnes qui vivent de cette économie parallèle - qui pourrit la vie de chacun. Parce que quand vous touchez, quand vous avez une addiction à la drogue et que vous devez prendre 60, 80, 100 euros par jour pour cette addiction évidemment que vous commettez des cambriolages pour payer votre dose, évidemment que vous faites des agressions pour récupérer des portefeuilles.

LEA SALAME
Mais la question de Nicolas, c'est est-ce que l'insécurité explose aujourd'hui en France ?

GERALD DARMANIN
D'abord elle est de moins en moins acceptée. Mais je pense qu'indépendamment des chiffres, c'est d'abord quelque chose d'important. Si je vous parle et refus d'obtempérer, effectivement ils augmentent. Des vols avec violence, ils augmentent en partie. Il y a des homicides qui reprennent en augmentation. Il y a d'autres faits de délinquance qui baissent. Mais ce que je voudrais simplement vous dire encore une fois, c'est que s'il peut y avoir un sentiment d'insécurité - moi je n'aime pas ce mot mais enfin, je sais qu'il est…

LEA SALAME
Oui, on a compris que vous étiez en bisbille avec le ministre de la Justice.

GERALD DARMANIN
Non, non. Ce n'est pas une question de ministre de la Justice et je pense que la vérité, c'est que quand les gens sont en insécurité, quand les gens ont froid, on ne leur dit pas : non, non vous avez chaud. Mais ça, je pense qu'il faut rassurer, remettre plus de policiers dans la rue et faire plus de prévention et attaquer davantage ce sentiment comme on le qualifie, qui pour moi est un sentiment de réalité. Mais c'est un sujet à part. Si je vous donne des chiffres, Monsieur DEMORAND, vous allez me dire : d'abord vous faites la politique du chiffre, ce qui n'est pas mon cas, je donnerai la politique des résultats, on en parlera. Et surtout il y a plein de gens qui vous diront : mais moi, je ne porte même plus plainte, monsieur, parce que ça fait la septième fois que je me fais emmerder dans le métro, je ne vais pas porter plainte à chaque fois ; parce que c'est la troisième fois qu'on me vole ma voiture ou on me cambriole et je ne porte pas plainte à chaque fois.

LEA SALAME
Pardon mais la politique des résultats, ce que la droite vous reproche Gérald DARMANIN, c'est depuis que vous êtes ministre de l'Intérieur de multiplier les déclarations fortes, les tweets martiaux. Je crois que vous avez tweeté 300 fois, plus de 300 fois depuis que vous êtes arrivé et que les faits ne suivent pas. Exemple le 23 août dernier avec les violences qui ont suivi la finale de la Coupe d'Europe de la Ligue des champions entre le PSG et le Bayern, vous aviez annoncé des renforts de police. Vous aviez dit : je vais mettre plus de policiers, vous aviez fait des tweets martiaux pour avertir les gens en disant : attention ! tolérance 0 sur l'insécurité ! Et pourtant il y a eu des violences, il y a eu des débordements ce soir-là. Donc au fond, est-ce que vous êtes tout simplement impuissant, quoi ?

GERALD DARMANIN
Non, mais je pense qu'il ne faut pas mettre en avant ceux qui chérissent les causes qu'ils ont créées eux-mêmes. Moi je suis fier d'appartenir à un gouvernement qui créé 10 000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires. Et si on avait plus de policiers et de gendarmes supplémentaires, peut-être qu'on aurait un peu plus de sécurité. Sur les questions des manifestations, il y a eu 150 interpellations ce soir-là. Il n'y en a jamais eu autant dans une manifestation spontanée. La police, elle n'a pas tremblé.

LEA SALAME
Oui, mais il y a eu des violences.

GERALD DARMANIN
Bien sûr qu'il y a eu des violences mais si les choses étaient simples, vous ne m'inv… invet.. inviteriez pas ce matin – pardon, je suis un petit peu fatigué - et en me soulignant ainsi les difficultés que nous connaissons. Regardez les manifestations de Gilets jaunes. Tout le monde prévoyait un samedi noir, le retour des Gilets jaunes. Regardez comment les choses se sont passées. Il y a eu plus de 300 interpellations et hormis deux véhicules brûlés – ce qui est déjà trop - et trois à quatre feux de poubelles, tout le monde a constaté que ça s'est bien passé. Alors c'est sûr que les moyens mis en place par le président de la République, les textes de loi - on aura bientôt la proposition de loi de Madame THOUROT et de Monsieur FAUVERGUE - qui vont arriver et qui vont renforcer les polices municipales, la confiance donnée dans les forces de sécurité, le bon travail avec le garde des Sceaux permettront d'améliorer la sécurité dans notre pays.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2020