Texte intégral
Q - Croyez-vous un accord possible avant la fin du mois de novembre ?
R - Nous pensons qu'un accord est encore à la fois souhaitable et possible. Michel Barnier a même évoqué la fin octobre, qui serait la date limite pour ensuite avoir un temps raisonnable de ratification en respectant les procédures nationales et européennes. Mais évidemment, le blocage britannique sur beaucoup de points de la négociation et puis les difficultés supplémentaires liées à la remise en cause de l'accord de retrait, qui avait déjà été finalisé et ratifié, ralentissent les choses et rendent la négociation plus difficile. Nous restons dans la négociation. Mais nous l'avons toujours dit, le cadre des discussions est celui du mandat de Michel Barnier, celui de la déclaration politique signée entre le Royaume-Uni et l'Union européenne il y a un an. Nous ne voulons pas d'un accord à tout prix.
Q - Quels sont les leviers de l'UE pour surmonter les blocages ? Suspendre les négociations commerciales, ne serait-ce pas, finalement, faire le jeu de Londres ?
R - Non, c'est une mauvaise habitude européenne de toujours sous-estimer ses forces et de se voir comme le demandeur. Evidemment, nous préférons avoir un accord, commercial notamment, mais aussi politique et stratégique. C'est notre intérêt. En revanche, il n'est pas question de remettre en cause les grands principes de notre marché et le respect de nos règles sanitaires, environnementales ou élémentaires de concurrence. Le fait est que le Royaume-Uni a plus besoin d'un accord, même commercial, que nous. Un "no deal" serait une mauvaise nouvelle pour tout le monde. Mais ce serait un problème beaucoup plus grand pour le Royaume-Uni que pour l'Union européenne.
Q - La loi britannique sur le marché intérieur, qui annule en partie l'accord de retrait, est-elle un coup de bluff de Boris Johnson pour obtenir des conditions plus favorables ou prépare-t-il une sortie sans accord ?
R - Ce n'est pas à nous de chercher à décrypter les raisons pour lesquelles les Britanniques ont cherché à créer une perturbation malvenue dans cette négociation. Quand ils ont attaqué l'accord de retrait nous avons été très clairs et très fermes. Nous avons déjà défini un cadre pour l'accès au marché, conditionné au respect d'un certain nombre de règles de concurrence équitable, notamment dans le domaine sanitaire ou climatique. Il est inconcevable de revenir sur ces principes. Si Londres persistait dans cette voie, nous avons à la fois des recours juridiques possibles, mais aussi évidemment le levier de l'accord final. Le Parlement européen l'a dit : il ne votera pas l'accord final si le chapitre de l'accord de retrait, déjà clos, était rouvert. Nous ne sommes ni faibles, ni intimidables. Notre attitude ne change pas en fonction des provocations ou des jeux tactiques s'ils existent, pour des raisons de politique intérieure. En même temps, nous avons continué la négociation, sans naïveté, pour ne pas tomber dans ce jeu de provocations. Ce n'est pas notre méthode.
Q - Le président Macron peut-il jouer un rôle d'intermédiaire pour aboutir à un compromis, notamment avec l'Irlande du Nord ? Certains Britanniques semblent le souhaiter...
R - C'est parfois une demande des Britanniques... L'Irlande du Nord a évidemment une dimension européenne, mais aussi bilatérale par nature. Nous n'avons jamais cédé à cette mauvaise tentation, qui serait de reprendre selon une autre méthode notre négociation. Nous avons besoin d'unité européenne, et la France y est particulièrement attachée. Nous avons un négociateur, Michel Barnier, qui régulièrement rencontre les chefs d'Etat et de gouvernement, dont le président de la République, pour un mandat à Vingt-Sept. C'est la force de cette négociation. La France est attachée à l'unité européenne et son rôle est de faire en sorte que cette unité tienne.
Q - Quelles seraient les conséquences d'un "no deal" ?
R - Evidemment, nous nous préparons aussi à un "no deal" et nous allons renforcer les préparatifs en ce sens dans les prochaines semaines, notamment pour faire face aux conséquences qu'un tel scénario aurait pour la pêche. L'absence d'accord priverait les pêcheurs français d'accès aux eaux britanniques. Mais il priverait aussi les Britanniques d'accès à nos eaux et à notre marché. Nous nous préparons, comme pour tous les secteurs, car nous devons anticiper toutes les éventualités. Mais une chose est claire, une sortie sans accord serait plus périlleuse pour le Royaume-Uni que pour l'Union européenne.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 octobre 2020