Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de l'industrie, à LCI le 7 octobre 2020, sur la politique industrielle.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'être sur le plateau de LCI ce matin, vous êtes ministre déléguée en charge de l'Industrie. Vous jouez souvent les pompiers de service auprès d'entreprises industriel qui vont mal, d'ailleurs il y a des secteurs qui recrutent, on se dira tout à l'heure. Mais d'abord vous savez combien d'entreprises précisément petites, moyennes, grandes sont au bord du gouffre ou en souffrance extrême là, au moment où on se parle début octobre ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Au moment où on se parle, il faut avoir en tête qu'on a diminué de 42% du mois de mars au mois de septembre le nombre de défaillances, donc on va avoir un effet rattrapage puisque l'année dernière il y a eu une peu près 50 000 défaillance, il serait surprenant qu'on ait moins de défaillance en 2020 qu'en 2019, ça c'est le premier élément. Ensuite on ne voit pas encore l'aiguille s'affoler sur le nombre de défaillances, on voit le nombre de dossiers montés au niveau des tribunaux de commerce, plutôt de petites entreprises, les TPE, les PME, ce qui est nouveau parce que dans la crise de 2008, on touchait beaucoup des entreprises qui étaient plus structurées, mais le cafetier du coin n'avait pas de raison d'être tellement concerné par la crise financière des subprimes. Là c'est nouveau avec cette crise qui touche particulièrement les métiers de la convivialité et donc ce qu'on voit arriver c'est les dossiers avec un risque, c'est que pour une TPE on va beaucoup plus vite à la liquidation judiciaire parce qu'on ne prend pas le temps de faire les étapes intermédiaires qui permettent de sauver l'entreprise. C'est pour ça qu'avec Eric DUPOND-MORETTI et Alain GRISET, on a lancé une mission flash pour justement permettre aux entreprises, à ces petites entreprises et je leur fais solennellement un appel avant d'aller déposer le bilan, il y a des étapes intermédiaires, on peut bloquer les créanciers, on peut discuter, on peut apporter des financements. On a débloqué 1,5 milliard de financement pour permettre à ces petites entreprises de rebondir, il faut utiliser ces dispositifs qui sont beaucoup plus communément utilisés d'habitude pour des entreprises de taille plus importantes.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et puis tous ces petits entrepreneurs, ils ont intérêt à le savoir pour pouvoir effectivement tenter d'éviter la catastrophe.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Le tribunal de commerce, c'est un atout, c'est une aide, c'est un accompagnant.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors les dossiers, un cas pratique, Agnès PANNIER-RUNACHER, 1600 salariés d'Hambach en Moselle attendent de savoir s'ils vont être sur le carreau ou pas, ce sont ceux de l'usine Smart à Smartville comme on disait. Ils ont été assommés par l'annonce de la fermeture de leur usine début juillet. Est-ce qu'ils vont être sauvés, Agnès PANNIER-RUNACHER ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Écoute je pense que ça prend une bonne tournure mais on va aller jusqu'au bout de la négociation. Aujourd'hui on a d'abord un repreneur qui s'appelle INEOS, ce repreneur est sérieux, c'est un grand groupe britannique qui a toujours réussi ses projets entrepreneuriaux et qui a investi plus d'un milliard d'euros dans un projet de nouveau véhicule.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est le seul repreneur ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est le repreneur qui aujourd'hui est le plus avancé dans les négociations et nous avons fait un tour de potentiel autres repreneurs qui n'ont pas marqué un intérêt plus important que ça.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord donc vous nous dites ce matin, vous êtes favorable à ce dossier de reprise.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous dis ce matin qu'INEOS nous paraît être un dossier que nous soutiendrons s'il va à son terme, nous le soutiendrons avec des conditions. Ces conditions elles ne concernent pas INEOS, elles concernent DAIMLER. Nous voulons que DAIMLER prolonge la production de la Smart.

ELIZABETH MARTICHOUX
Jusqu'à quand ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
2024, aujourd'hui ces 2022 ils nous ont dit qu'ils étaient prêts à le faire, il faut que soit concrétisé dans les négociations.

ELIZABETH MARTICHOUX
On peut leur faire confiance. Vous leur faites confiance quand ils disent quand d ils disent on va continuer de produire la petite Smart jusqu'en 2024.

AGNES PANNIER-RUNACHER
On peut leur faire confiance si on a des contreparties, c'est comme toujours c'est une négociation. S'ils mettent de l'argent sur la table au cas où ils ne prolongent pas la Smart jusqu'en 2024, parce qu'il y aura moins … mettant moins de charges dans l'usine, ils devront faire un plan social et que ce plan social est d'ores et déjà préparé et qu'il est de grande qualité, il y aura une incitation à poursuivre la production de la Smart. Il faut être très….

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous demandez un chèque de combien ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
aujourd'hui ils mettent un chèque de 90 millions d'euros sur la table, nous pensons et INEOS est prêt à faire la même chose s'il y a un risque sur ses propres productions, nous pensons que nous pouvons encore aller plus loin, pas tellement sur le niveau du chèque, mais sur la nature des packages individuels, des personnes qui sont dans l'usine, nous avons, j'ai réuni hier les organisations syndicales, les élus locaux, on a passé en revue les différentes mesures que met sur la table DAIMLER, on est sur le bon chemin, on soutiendra le plan, mais il y a encore des détails qui n'en sont pas à régler pour chacun des salariés, pour qu'ils embarquent dans ce projet. Et donc on sauve…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors d'abord la petite marge jusqu'en 2024, 1300 emplois jusqu'en 2024 seront sauvés, donc 300...

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non pas 300 sur le carreau parce qu'on peut aller chercher les 300 supplémentaires avec des contrats de sous-traitance puisque je rappelle le dossier, c'est un tout petit peu, vous avez 900 salariés de DAIMLER. Vous en avez à peu près 400 qui vont rejoindre DAIMLER parce qu'ils ont fait un contrat de mobilité, donc ils vont devenir salariés de DAIMLER, ils vont respecter ce contrat. Et vous en avez donc 1300 qui dépendent de DAIMLER et 300 qui dépendent d'autres entreprises, mais ces entreprises elles sont dépendantes de l'activité, donc elles vont pouvoir aussi trouver du travail et c'est ça que nous sommes en train de régler.

ELIZABETH MARTICHOUX
Dites-moi INEOS, c'est un groupe britannique entrepreneurial, c'est pour construire, il va se lancer dans l'automobile, je crois qu'il est dans la pétrochimie pour l'instant, il se lance dans…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ils sont ans la chimie, ils font du gel hydro alcoolique par exemple.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et alors ils vont se lancer dans la construction d'un 4X4, pardon un 4X4 qui ressemble à un Land Rover, c'est un peu, j'allais dire, contre-intuitif, c'est surtout un contre-modèle automobile, j'entendais encore l'association WWF demandera ce qu'on limite la construction des voitures polluantes et à faire en sorte que le bonus-malus tiennent compte du poids. Vous êtes sûr qu'après 2024, ce type de véhicule passera la rampe, si je puis dire.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors oui parce que d'abord Elizabeth MARTICHOUX, plus de 90% des véhicules qui sortent des lignes aujourd'hui sont des véhicules thermiques, donc il ne faut pas s'imaginer que du jour au lendemain, on a transformé toute notre production de véhicules, de véhicules électriques ou en véhicule hybride rechargeable ou en véhicule à hydrogène. Deuxièmement c'est pas n'importe quel 4X4, c'est pas le SUV de confort qui franchit de temps en temps un trottoir de 20 centimètres, c'est un 4X4 de franchissement qui est essentiellement prévu pour des marchés au grand international et qui circulent dans des conditions particulières, la montagne, pas sur route mais sur piste ou sur terrain meuble,donc c'est destiné à une clientèle particulière. 60 000 véhicules, c'est rien du tout par rapport aux productions de grands véhicules classiques type Clio etc. Et ça correspond à une clientèle très spécifique et c'est pour ça que nous sommes derrière. Mais vous avez raison de dire ça ne peut pas être une finalité et nous nous travaillons avec INEOS pour qu'il commence à penser à une motorisation à hydrogène. Pourquoi l'hydrogène, parce que vous ne pouvez pas faire ce type de 4X4 avec des batteries électriques, le poids des batteries électriques fait que le 4X4 ne franchira pas la montagne.

ELIZABETH MARTICHOUX
L'hydrogène ce n'est pas encore complètement au point non plus.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui mais c'est la transition, c'est-à-dire qu'il faut prendre ces défis en main et il faut être capable de même qu'on le fait pour les dameuses, de même qu'on le fait pas les engins de construction de mettre des moteurs qui soient adaptés à ces engins qui ne soient pas polluants.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et cette fabrication donc pour finir prendrait le relais en 2024 de la fabrication de la Smart, ça se ferait avec …

AGNES PANNIER-RUNACHER
Le premier véhicule sort des chaînes début 2022.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le premier véhicule INEOS et donc progressivement…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Sort des chaines et ensuite la montée en cadence se substitue à la Smart.

ELIZABETH MARTICHOUX
En tout cas vous leur faites confiance à ce stade ? Vous n'avez pas le choix, c'est le seul repreneur qui assure une reprise.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non seulement je leur fais confiance mais je remarque une chose c'est que dans tous leurs sites en France, ça se passe très bien et ça je pense que c'est la meilleure preuve de leur capacité à prendre ce dossier.

ELIZABETH MARTICHOUX
On verra c'est noté en tout cas on suivra ce dossier. Et à propos de voitures BRIDGESTONE, qu'est-ce que vous dites ce matin aux 869 salariés de BRIDGESTONE à Béthune ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors qu'est-ce que je leur dis, je leur dis d'abord, ils le savent, nous avons mandaté un cabinet conseil qui est aujourd'hui dans l'usine en ce moment.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour la contre-expertise.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour la contre-expertise, ça c'est le premier point. La deuxième chose c'est qu'Elisabeth BORNE est en train de travailler à faire le point sur toutes les compétences qu'il y a dans l'usine pour regarder où elles se situent, qu'est-ce qu'on peut faire en termes de formation et d'accompagnement et prendre la mesure des savoir-faire de l'usine, parce que ça va nous aider à construire une solution. La troisième chose, c'est que je réunirai le 19 octobre prochain les élus et les organisations syndicales pour faire le point sur ce dossier BRIDGESTONE et avoir les première conclusions d'ACCENTURE qui va contre instruire…

ELIZABETH MARTICHOUX
ACCENTURE, comme si on savait, ACCENTURE c'est le cabinet d'expertise…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pardon, vous avez raison.

ELIZABETH MARTICHOUX
Qui fait la contre-expertise. Donc, vous nous dites ce matin, 19 octobre rendez-vous avec les élus…

AGNES PANNIER-RUNACHER
19 octobre, tout à fait.

ELIZABETH MARTICHOUX
Xavier BERTRAND…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Xavier BERTRAND, les élus locaux qui sont complètement impliqués, les représentants du personnel, parce que ce que nous voulons regarder c'est quels sont les scénarios sur la table et contre-instruire les scénarios qui ont été ouverts et tout de suite refermés, de BRIDGESTONE. Vous savez que BRIDGESTONE a dit "j'ai regardé des scénarios, mais vraiment, le seul qui marche pour moi, c'est la fermeture", c'est ce point que nous voulons regarder, et notamment regarder le fameux projet italien qui a permis de sauver…

ELIZABETH MARTICHOUX
Bari.

AGNES PANNIER-RUNACHER
L'usine de Bari, pour voir si les conditions de ce projet font sens pour les représentants du personnel en France, parce que je rappelle que, oui il y a eu un sauvetage, il y a eu des investissements de la part de l'Etat et de la part de l'entreprise, mais il y a eu aussi un effort considérable fait par les salariés, une perte de salaire de 30%, et je ne suis pas sûre que ce soit forcément l'objet le plus désirable pour le collectif. Donc, nous, notre souci c'est de sauver chaque emploi et c'est de maintenir une activité industrielle sur ce site, nous y travaillons, et nous avons d'autres options, puisqu'il y a des usines qui ouvrent à proximité, quand même, un point important à avoir en tête, l'usine de batteries électriques pour laquelle Bruno LE MAIRE s'est battu, vous savez l'Airbus la batterie avec l'Allemagne et l'Europe, cette usine elle ouvre à 20 minutes de BRIDGESTONE, elle aura 2400 salariés en cible, elle va permettre de reconvertir 1200 salariés de PSA, mais on devra recruter 1200 salariés. Donc vous voyez, l'industrie ça évolue, vous avez des restructurations d'un côté, mais vous avez aussi des usines qui ouvrent.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un mot. Ce projet n'est pas fragilisé par la Covid, le projet de batteries européennes ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, pas du tout, l'usine de prototypes ouvre l'année prochaine, ce projet il est plus que jamais soutenu par la Covid, parce que vous avez vu que la transition vers les voitures électriques elle est en train de s'accélérer, non seulement en France, mais également en Allemagne, parce que c'est un support du plan de relance.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous disiez, je dois monter les dossiers, quand même, des dossiers type BRIDGESTONE vous en avez vus arriver d'autres ces derniers jours ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Des dossiers type BRIDGESTONE non, pas tant que ça, parce que ce que je vois plutôt monter c'est des dossiers de restructuration, c'est-à-dire des entreprises qui font face à une baisse massive de leurs carnets de commandes, notamment dans l'aéronautique, et qui vont regarder comment passer le cap, mais qui ne sont pas en situation de dépôt de bilan, je n'en n'ai pas autant qu'on s'imagine par rapport à la situation. Alors, il ne faut pas être naïf, on suit les choses de très près. L'autre élément intéressant c'est qu'on a beaucoup de reprises, on a parlé de CAMAIEU par exemple, on a une reprise ? On a parlé de COURTEPAILLE, on a un repreneur, donc, un dossier qui arrive au redressement judiciaire n'est pas nécessairement un dossier perdu. Je vous donne une statistique de l'année dernière, on verra si on a la même statistique cette année, mais l'année dernière, sur 9 dossiers sur 10 que nous avons pris en charge dans les entreprises en difficulté, ont trouvé une solution et un repreneur.

ELIZABETH MARTICHOUX
Rien à voir entre l'année dernière et aujourd'hui, la situation économique.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pas nécessairement, parce que, quand vous avez un dossier qui arrive au tribunal de commerce, qui est en redressement judiciaire, ça peut être aussi une opportunité pour un repreneur, donc vous suscitez l'intérêt.

ELIZABETH MARTICHOUX
En tout cas les derniers chiffres de l'INSEE sont moyens pour l'économie, les prévisions de croissance sur les trois derniers mois de l'année ce serait du surplace, et la consommation des Français est morose. Il y a encore des économistes qui plaident, Agnès PANNIER-RUNACHER, pour une baisse de la TVA, est-ce que le gouvernement y est toujours hostile ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, nous y sommes hostiles parce que le système de TVA en France n'est pas celui auquel on le compare souvent, qui est le système allemand, c'est-à-dire que nous, nous avons beaucoup de biens de première nécessité qui sont au taux à 5.5, du coup on n'a pas énormément de marge de manoeuvre, parce que, les personnes vulnérables, elles sont déjà, sur beaucoup de leur consommation, à 5.5, et le reste, on l'a vu dans des baisses de TVA qu'on a pu faire à certains moments, en fait ne produisent pas, c'est-à-dire on n'a pas l'effet de rebond de consommation espéré. Et puis la deuxième chose, et on le sait tous, c'est qu'il y a beaucoup d'épargne de précaution aujourd'hui. La question est moins, est-ce que j'ai de l'argent disponible pour consommer, chez beaucoup de Français la question est est-ce que je suis confiant et je vais consommer, et c'est cette confiance que nous devons adresser…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est le problème de la confiance.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et c'est pour ça que ce plan de relance est si important.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et en tout cas vous n'utiliserez pas le levier de la TVA. Rien à voir, deux questions Agnès PANNIER-RUNACHER. Est-ce que vous êtes favorable à l'allongement de deux semaines du délai légal de l'IVG en France ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors je suis, par nature, favorable à toute mesure qui permette aux femmes de gérer leur corps et de prendre des décisions en conscience. Après, sur ce type de sujet, pour avoir travaillé dans l'hôpital public il y a une quinzaine d'années, je sais qu'il y a des considérations éthiques qui sont plus subtiles, des pressions qu'on peut faire sur la jeune femme, ce genre de situations, et je préfère m'assurer, pour être honnête, que les jeunes femmes aient accès à l'IVG, dans les meilleures conditions possibles, dans les 10 premières semaines, que de dire je résous le sujet parce que j'ai rajouté deux semaines, ce n'est pas si simple la prise en charge de l'IVG.

ELIZABETH MARTICHOUX
La proposition arrive demain à l'Assemblée, c'est une députée ex-En Marche, d'ailleurs, qui le propose…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Qui la porte, tout à fait.

ELIZABETH MARTICHOUX
La majorité y est favorable. Vous, vous avez dit vos réserves, le gouvernement va se prononcer contre ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que le gouvernement est dans une optique de co-construction, c'est-à-dire de regarder de manière ouverte le sujet, mais ce que nous voulons c'est qu'il y ait une concertation entre l'adoption à l'Assemblée nationale, ce sera peut-être un avis de sagesse, ce n'est pas moi qui gère ce dossier, ce sera peut-être un avis de sagesse, mais pour ensuite dire, entre le moment où on fait cette lecture à l'Assemblée nationale et le moment où on en arrive au Sénat, il faut quand même travailler pour être sûr qu'on répond à la question qui est posée. La question qui est posée c'est l'accès à l'IVG.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une façon de dire que le gouvernement, demain, par la voix peut-être, sans doute du ministre de la Santé, dira qu'il est contre, pour être claire ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous dis, un avis de sagesse ce n'est pas un avis contre.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un avis de sagesse, c'est en tout cas un avis qui diffère la décision…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, elle ne diffère pas, elle laisse prospérer le projet de loi, mais elle ne valide pas de manière ouverte ce projet de loi, et je laisserai Olivier VERAN conclure, parce que, encore une fois, c'est très loin de mon portefeuille…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais c'était important d'avoir votre avis.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous donne mon avis ici.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et d'ailleurs, qu'est-ce que vous pensez, pour finir, de ce féminisme radical qui passe par le rejet, c'est vrai qu'il y a un débat au sein des féministes, c'est incarné par Alice COFFIN qui exprime son rejet à l'égard des oeuvres, quelles qu'elles soient, musicales, littéraires, écrites par des hommes, elle dit « je ne veux plus lire Shakespeare, je ne veux plus écouter Jean-Sébastien Bach, abat la culture masculine », pour l'instant, ce n'est peut-être pas définitif, qu'est-ce que vous en pensez ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi j'en pense… d'abord je pense qu'il n'y a aucun doute sur mon propre féminisme, et je suis d'autant plus, si vous voulez remontée, que, en ce moment avec la crise, la cause des femmes est en train de reculer, ce sont elles qui sont les premières abonnées au chômage partiel, aux plans de restructuration, mais cette démarche qui consiste à opposer une population contre une autre, c'est la même chose qu'Eric ZEMMOUR, je veux dire, Alice COFFIN, Eric ZEMMOUR, même combat, on hystérise le débat, on le radicalise, et en fait on n'adresse pas les sujets centraux. Moi ce qui m'intéresse aujourd'hui, dans le combat des femmes, c'est comment on assure la parité économique entre les hommes et les femmes, quelles sont les propositions qu'on peut construire, comment on soutient…

ELIZABETH MARTICHOUX
Attendez, c'est une forme de racisme, c'est un racisme aussi contestable, et même qu'on peut… parce que le racisme c'est un délit qui est poursuivi en justice.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Exclure un genre de la population… toute forme de haine, toute forme de manifestation de rejet d'un groupe de population au nom de ce qu'il est, pas de ce qu'il parle, pas de ce qu'il dit, pas de ses opinions, mais au nom de son essence, c'est-à-dire « je suis un homme et donc je vais vous rejeter », n'est pas acceptable en République, c'est la même chose que pour toutes autres formes de rejet, je suis désolée, et, par ailleurs, moi je continuerai à écouter Jean-Sébastien Bach et William Shakespeare, ce qui m'intéresse c'est qu'on valorise aussi des écrivains féminines, des musiciennes féminines, parce que c'est ça le vrai combat.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alice COFFIN/ ZEMMOUR, même combat dites-vous. Juste, en une seconde parce qu'on est en retard, c'est quoi votre coq bleu, en une seconde ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors ça c'est la French Fab, c'est la fierté de l'industrie française, et on est un certain nombre aujourd'hui à dire que l'industrie est aussi en train de recruter, elle est aussi en train de chercher à se développer, et son premier problème ça reste de recruter les compétences, ce qui est totalement paradoxal dans un moment de crise où on dit justement que le chômage augmente, donc l'industrie c'est une voie d'avenir.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER d'avoir été ce matin sur le plateau de LCI, je vous souhaite une bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 octobre 2020