Texte intégral
BERNARD POIRETTE
C'est l'heure de notre invitée politique et cette invitée, c'est Marlène SCHIAPPA qui est la ministre déléguée en charge de la Citoyenneté elle est avec nous en studio. Madame SCHIAPPA, bonjour.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
BERNARD POIRETTE
Merci d'être avec nous.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
BERNARD POIRETTE
Le prétexte de votre invitation en fait, c'est que vous avez sorti un livre chez Grasset qui s'appelle « Entre toutes les femmes ».
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
BERNARD POIRETTE
Je le montre à la caméra puisque nous sommes filmés. En fait c'est le récit de onze rencontres que vous qualifiez d'exceptionnelles, que vous avez faites avec des femmes. Alors ce livre, je l'ai parcouru. C'est très bien parce que c'est vrai que ce sont des femmes exceptionnelles. Elles ont un parcours tout à fait exceptionnel. Je laisse aux auditeurs le soin de découvrir ce livre s'ils le souhaitent en tout cas. Mais justement dans l'actualité, il y a plein de femmes. Vous avez beaucoup d'actualité, il se trouve. Par exemple, moi je note que dans l'actualité il y a trois femmes qui sont en première ligne. Il y aura une femme présidente de l'Organisation mondiale du commerce par exemple. Ce sera soit une Sud-coréenne, soit une Nigériane. Il y aura bientôt une femme présidente de la BERD, la Banque européenne de reconstruction et de développement, ce sera une Française. Ça doit vous ravir, non, j'imagine ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce que j'observe, c'est qu'il y a effectivement davantage de femmes qui prennent des responsabilités mais je trouve que c'est la moindre des choses qu'elles ne soient plus… L'idée, ce n'est pas de nommer des femmes parce qu'elles sont des femmes mais l'idée c'est que très longtemps…
BERNARD POIRETTE
Pas de discrimination positive ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, mais pas de discrimination tout court non plus. Donc l'idée c'est que pendant très longtemps, les femmes n'ont pas été nommées parce qu'elles sont des femmes ; maintenant, c'est bien qu'on nomme les personnes pour leurs compétences et qu'on découvre aussi parfois que des femmes peuvent avoir des talents, y compris dans des secteurs financiers ou des secteurs réputés plus masculins.
BERNARD POIRETTE
Marlène SCHIAPPA, ça tombe bien que vous soyez là parce que dans l'actualité aussi, il y a des personnages tout à fait étonnants dans le monde féminin. Par exemple il y a une certaine Alice COFFIN…
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
BERNARD POIRETTE
Qui est élue écologiste à la mairie de Paris qui vient d'écrire un livre qui s'appelle "Le génie lesbien" et qui vient d'être virée hier de la Catho où elle enseignait. Vous la connaissez cette jeune femme ? Et si vous l'aviez en face de vous, vous lui diriez quoi par rapport à son combat politique j'entends ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je connais Alice COFFIN puisqu'elle a des responsabilités dans des organisations de défense des femmes lesbiennes, donc je l'ai déjà rencontrée. J'ai déjà participé à des réunions avec elle.
BERNARD POIRETTE
Pour le travail.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Moi d'abord, je voudrais commencer par dire que je cautionne pas le harcèlement dont elle est victime sur les réseaux sociaux, parce que je crois qu'on peut être en désaccord avec des gens et néanmoins parler calmement. C'est ce qu'on fait dans L'Express cette semaine avec Rokhaya DIALLO. On est d'accord sur assez peu de choses finalement mais on a décidé d'en débattre sans s'insulter et dans le plus grand des calmes. Mais en ce qui concerne Alice COFFIN, moi j'ai une divergence sur la solution à apporter aux inégalités entre les femmes et les hommes. Alice COFFIN quand elle dit que la solution c'est éliminer les hommes du paysage etc.
BERNARD POIRETTE
C'est la guerre.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, mais c'est une forme d'apartheid si vous voulez ce qu'elle réclame.
BERNARD POIRETTE
Oui.
MARLENE SCHIAPPA
Moi je suis évidemment opposée à ça. Le féminisme pour moi, c'est demander que les femmes ne soient pas assignées à leur genre. Ce n'est pas assigner les hommes à leur genre et dire : parce que vous êtes en face de moi, vous êtes un homme, tout ce que vous allez dire est forcément mauvais, doit forcément être invalidé et je ne veux pas parler avec vous parce que vous êtes un homme. C'est exactement ce qu'on reproche aux hommes d'avoir fait - à certains hommes - d'avoir fait pendant très longtemps et c'est une forme d'apartheid. Le projet de la République c'est plutôt l'inverse, c'est-à-dire de partager femmes et hommes indifféremment, un même espace de travail, de discussions, de débats, de vie, de transport, de loisirs.
BERNARD POIRETTE
Marlène SCHIAPPA, l'Assemblée nationale a rallongé de deux semaines le délai maximum d'intervention d'IVG. Est-ce que vous vous en félicitez ? Alors il y a une vraie question de société et d'humanité derrière ça.
MARLENE SCHIAPPA
Deux choses. D'abord je comprends vraiment le débat qui est posé et je comprends que beaucoup de femmes nous disent qu'elles sont dans une grande détresse parce qu'elles sont obligées d'aller à l'étranger pour avorter. Maintenant pourquoi les femmes doivent attendre jusqu'à quatorze semaines ? Pourquoi certaines se retrouvent dans cette situation ? C'est parce qu'il y a un défaut de maillage territorial pour avoir un bon accès à l'IVG. Donc à mon sens, au-delà d'allonger ou pas allonger les deux semaines - maintenant ça a été voté - à mon sens l'enjeu, c'est vraiment…
BERNARD POIRETTE
C'est l'accès géographique.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement. Et comment dès les premières semaines, le plus tôt possible, une femme peut avoir rapidement un rendez-vous sans être repoussée. Mais je voudrais quand même dire quelque chose. Hier, quel que soit l'avis qu'on a sur l'allongement de l'IVG ou pas, hier dans l'hémicycle on a entendu quand même des femmes députées courageuses parler de l'expérience qu'elles avaient elles-mêmes vécue en ayant accès à l'avortement. Et ça, je crois que c'est aussi apporté par la féminisation de l'Assemblée et c'est à saluer.
BERNARD POIRETTE
Et les médecins qui disent : moi il n'est pas question que je pratique une IVG à quatorze semaines, l'embryon est trop formé etc, ils ont le droit.
MARLENE SCHIAPPA
Ils en ont le droit. Il y a une clause de conscience comme pour tout acte médical.
BERNARD POIRETTE
Il faut leur reconnaître cette clause. Certains voudraient la faire sauter.
MARLENE SCHIAPPA
Non, l'enjeu c'est la double clause de conscience. En fait pour tout acte médical, il y a une clause de conscience. Pour l'IVG, il y avait une double clause de conscience. Une clause de conscience simple suffit, mais vous avez raison de pointer le doigt sur ce sujet, parce que c'est ça l'enjeu. C'est comment on donne envie à des gens de devenir gynécologue et comment on fait en sorte, pour le bien de tous, que l'IVG on puisse y avoir accès dès le début de la grossesse, le plus tôt possible.
BERNARD POIRETTE
Madame SCHIAPPA, Gérald DARMANIN dans Le Figaro ce matin dit : il faut absolument rendre obligatoire la prise d'empreintes - empreinte donc de doigts - pour faciliter l'identification de ceux qu'il appelle les vrais mineurs. On l'a vu dans l'attaque au hachoir de la rue Nicolas Appert il y a quelques jours.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
BERNARD POIRETTE
On a pensé qu'il était mineur, le gars en fait avait vingt-cinq ans etc.
MARLENE SCHIAPPA
C'est ça.
BERNARD POIRETTE
Il faut faire absolument ? Pour tous ces mineurs-là, qui traînent dans les rues, isolés ?
MARLENE SCHIAPPA
En fait, c'est un sujet très délicat parce que ce qui se passe, c'est qu'à l'heure actuelle vous avez du déclaratif. Et donc on peut une des réponses qui est proposée, c'est le test osseux. Le test osseux, il fonctionne pour savoir est-ce que le jeune a quatorze ans ou trente-quatre ans ? Là vous faites un test osseux, vous avez une fourchette. Mais pour savoir si le jeune a dix-sept ans ou vingt-et-un ans, le test osseux il fonctionne assez rarement en réalité. Il peut être contesté et le doute profite à la personne qui va contester, donc il n'est pas extraordinairement fiable. Donc effectivement la prise d'empreintes, elle permet quoi ? Elle permet d'avoir un partage avec l'ensemble des autres pays et d'avoir accès à une identité pour savoir…
BERNARD POIRETTE
Une connexion de fichiers.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement. C'est ce qu'on fait d'ailleurs pour les personnes qui sont des demandeurs d'asile, pour voir s'ils ont déjà déposé des dossiers ailleurs dans d'autres pays, et connecter les fichiers entre eux. Donc oui, c'est une solution qui me semble respectueuse et qui permettra de faire respecter le droit. Pourquoi ? Pas parce qu'on ne veut pas accueillir les mineurs. Au contraire, parce qu'on veut faire la distinction entre eux.
BERNARD POIRETTE
Vous voulez accueillir les vrais mineurs.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement. Entre les faux mineurs qui prennent, entre guillemets, la place, avec beaucoup de guillemets, de vrais mineurs qu'on devrait pouvoir protéger et qu'on ne peut parfois pas parce que d'autres qui sont plus âgés ont pris ces places-là.
BERNARD POIRETTE
Et à ce micro hier matin, Valérie PECRESSE disait : écoutez, il faut absolument que sur les pass Navigo désormais, il y ait des vraies photos d'identité, pas des photos avec un voile, un béret, une casquette, je ne sais pas quoi ; parce que sinon, on ne peut pas lutter contre la fraude. Exact ?
MARLENE SCHIAPPA
Ça, c'est déjà la règle.
BERNARD POIRETTE
Elle dit : il faut que Monsieur DARMANIN prenne un décret.
MARLENE SCHIAPPA
Oui. Alors après, chacun a les compétences qu'il a. La présidente de la région, je comprends qu'elle fasse aussi de la politique. Mais la présidente de la région, la responsabilité des transports dans la région Ile-de-France lui incombe et donc il y a déjà un règlement qui prévoit déjà qu'on doive avoir la tête nue sur les photos. Donc il faut que Madame PECRESSE réussisse à se faire respecter et à faire respecter ces décisions. Ce n'est pas à Gérald DARMANIN de se substituer à la présidence de la région sur ce sujet. Après on verra si c'est un sujet national qui émerge et si l'ensemble des présidents de région prennent la même position. Mais moi je demande que chacun prenne ses compétences et toutes ses compétences.
BERNARD POIRETTE
Ecoutez, je pense qu'elle vous écoute peut-être et qu'elle a bien entendu. Il y a encore une grande question qui se pose actuellement et qui fait terriblement débat dans l'Hexagone, c'est l'affaire de l'école. L'école obligatoire désormais à trois ans. On ne pourra plus garder un môme à la maison au-delà de trois ans, il faudra qu'il aille à l'école. Il y a des tas de gens qui disent : mais enfin, mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? On peut très bien garder un enfant jusqu'à quatre, cinq ans et lui faire l'école nous-mêmes. Pourquoi vous tenez absolument à ce qu'ils aillent à l'école à trois ans ?
MARLENE SCHIAPPA
Vous savez, le président de la République Emmanuel MACRON, tout l'enjeu et d'ailleurs ce sur quoi il a été élu, ce qu'il a expliqué, c'est la lutte contre les assignations à résidence et contre les inégalités de destin.
BERNARD POIRETTE
Oui.
MARLENE SCHIAPPA
Et c'est une inégalité de destin terrible selon que vous ayez la chance d'aller à l'école ou pas. Quand vous allez à l'école, vous apprenez des choses. Vous êtes confronté à l'autre, à l'altérité. Vous apprenez justement que filles et garçons, on se mélange pour faire la discussion qu'on avait précédemment.
BERNARD POIRETTE
Oui.
MARLENE SCHIAPPA
Qu'on rencontre des gens qui n'ont pas la même famille, pas les mêmes habitudes que nous. On vous forge votre conscience de futurs citoyens. Et l'école, la philosophe Catherine KINTZLER dit que c'est un espace de respiration républicaine, parce que justement vous n'êtes plus assigné à identité, à résidence, avec votre famille. C'est ça qu'apporte l'école et c'est donc pour protéger les enfants et leur permettre d'avoir cette chance qu'on veut les envoyer à l'école.
BERNARD POIRETTE
Eh bien dites donc, là sur ce point, je vous garantis qu'il y a débat, mais en tout cas vous avez été assez convaincante.
MARLENE SCHIAPPA
Bon !
BERNARD POIRETTE
Marlène SCHIAPPA qui publie chez Grasset " Entre toutes les femmes, onze rencontres exceptionnelles" On n'a pas parlé beaucoup du livre…
MARLENE SCHIAPPA
Il faudra donc le commander en librairie ce week-end.
BERNARD POIRETTE
Mais en tout cas on peut le lire avec intérêt parce que ce sont des femmes tout à fait remarquables.
MARLENE SCHIAPPA
Merci pour elles.
BERNARD POIRETTE
Marlène SCHIAPPA, Ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, merci à vous d'être venue en studio ce matin sur Radio Classique.
MARLENE SCHIAPPA
Avec plaisir.
BERNARD POIRETTE
Je vous souhaite un très bon week-end.
MARLENE SCHIAPPA
A vous aussi.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 octobre 2020