Interview de M. Alain Griset, ministre des petites et moyennes entreprises, à BFM Business le 22 octobre 2020, sur les aides aux entreprises confrontées à l'épidémie de Covid-19.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM Business

Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alain GRISET, le Ministre des PME, est avec nous. Il a plein de choses à nous dire, on en a parlé un peu pendant la pub. On va redire tout ça parce que c'est passionnant. D'abord, évidemment tout à l'heure sans doute, le Premier ministre va annoncer de nouvelles mesures de restriction, notamment des nouvelles zones qui vont être placées en couvre-feu. Pas seulement des agglomérations, peut-être des zones moins peuplées. Du coup, il y a des restaurants notamment, je pense à eux, qui vont devoir fermer leur rideau à 21 heures. Alain GRISET, est-ce que vous allez étendre à toutes ces zones les mesures exceptionnelles qui avaient été annoncées il y a dix jours ?

ALAIN GRISET
Bonjour. Oui, naturellement. Nous avons la semaine dernière élargi le fonds de solidarité pour les entreprises fermées ou celles qui font moins de 50% de chiffre d'affaires.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Jusqu'à dix mille euros par mois.

ALAIN GRISET
Jusqu'à dix mille euros par mois. C'est sans précédent. Et puis naturellement, exonération de cotisations sociales…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Patronales et puis compensation.

ALAIN GRISET
20% pour les salariales et puis surtout activité partielle à 100%. Bruno LE MAIRE l'a dit, sur le couvre-feu tel qu'il existe aujourd'hui c'est un milliard par mois.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Un milliard par mois !

ALAIN GRISET
Par mois.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, parce qu'on a dit un milliard mais c'est par mois.

ALAIN GRISET
C'est par mois.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc là, ça va être un peu plus.

ALAIN GRISET
Ça va être encore plus.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça va être combien ? On passe à combien ? Un milliard et demi, deux milliards ?

ALAIN GRISET
Oui mais…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Quoi qu'il en coûte.

ALAIN GRISET
C'est ça aujourd'hui. Comme le président l'a dit, notre objectif c'est d'accompagner l'économie. Pour quelles raisons ? Parce qu'un jour ou un autre – j'espère le plus rapidement possible – le virus, on s'habitue à vivre avec et puis ça va diminuer, mais il faut surtout que les entreprises soient toujours là. Et donc notre objectif, c'est de soutenir les entreprises et de maintenir l'économie.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Votre stratégie, Alain GRISET, c'est de faire tout pour qu'il n'y ait pas de confinement. En revanche, c'est d'accepter de, entre guillemets, sacrifier certaines entreprises, de compenser leurs pertes, pour que le reste de l'économie continue à tourner.

ALAIN GRISET
On ne sacrifie pas quand on compense les pertes. On accompagne. Je sais que c'est difficile…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est tragique quand même.

ALAIN GRISET
Oui, naturellement. Parce que les entrepreneurs ce qu'ils veulent, c'est travailler et c'est bien. C'est normal. C'est leur bébé, c'est leur entreprise mais ce qu'on essaye de faire c'est compenser au maximum les pertes de façon à ce qu'au bout du compte, dès que ça va mieux sur le plan sanitaire, l'activité reprenne.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On ne reconfinera pas, Alain GRISET ?

ALAIN GRISET
En tout cas, j'espère vraiment, sincèrement que non et le gouvernement fait tout pour ça. Pourquoi ? Parce que d'abord pour l'économie, vous imaginez le choc en plus. Et puis je pense que pour les Français, pour les entrepreneurs, le confinement c'est très compliqué intellectuellement parlant…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et psychologiquement.

ALAIN GRISET
Voilà, psychologiquement naturellement. Et le virus il est là, on fait ce qu'on peut pour trouver les mesures, les protocoles sanitaires pour garantir la sécurité sanitaire, et donc le Premier ministre l'a dit : il faut vivre avec le virus. Et vivre avec le virus, c'est aussi une économie qui fonctionne.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors il y a plein de mesures supplémentaires qui ont été annoncées pour les entreprises, notamment les PME. On va parler de deux sujets, un qui fâche : les prêts garantis par l'Etat. Bruno LE MAIRE a dit on va les proroger d'un an, le début du remboursement. Moi les banquiers – je recevrai demain le président de la FBF - les banquiers nous disent : attendez, ce n'est pas complètement négocié, ce n'est pas bouclé, ç'a quand même un coût de faire un nouveau moratoire d'un an. Alors on en est où ? Un an ou pas un an ?

ALAIN GRISET
Première chose, les PGE c'est un formidable succès. Six cent mille entreprises, cent vingt milliards. Il y avait trois cents milliards de prévus, la fin c'était le 31 décembre, on a prolongé jusqu'au 30 juin.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
De six mois pour les demandes.

ALAIN GRISET
Voilà, pour pouvoir accéder au PGE pour ceux qui en ont besoin.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais le remboursement, quand on a souscrit un PGE en avril ou mai, est-ce qu'on va devoir commencer à le rembourser en avril ou mai 2021 ou 2022 ?

ALAIN GRISET
Il y a deux choses différentes. D'abord, un, nous avons depuis déjà plusieurs semaines, négocié avec les banques le fait qu'avant la fin de la première année - je le précise pour tous les entrepreneurs - l'entrepreneur doit choisir : ou il rembourse son prêt tout de suite ou il prolonge jusqu'à cinq ans en plus. Un plus cinq. Et là le taux, c'est entre 20% et 2,5. Ensuite il y a une autre demande, et nous avons travaillé avec les banques et les banques ont donné un accord en disant : ce n'est pas automatique, ce sera au cas par cas. Donc la possibilité qu'il puisse y avoir une deuxième année…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Blanche.

ALAIN GRISET
Blanche, qui fasse que ce soit 2 + 4. On est toujours à six mais 2 + 4. Donc c'est possible.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Une année pendant laquelle on ne rembourse rien.

ALAIN GRISET
On ne rembourse rien et on commence le remboursement au bout de la deuxième année.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors c'est possible mais pas automatique. Quels vont être les critères ?

ALAIN GRISET
Les critères, c'est en fonction de l'étude que la banque fera du dossier. C'est là où il n'y a pas d'automaticité alors que c'était le cas pour la première année. Et donc les banquiers nous ont dit : OK, on le fera au cas par cas, on regardera la situation.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et ça, ça vous vas le cas par cas ? Ou vous auriez préféré qu'il y ait un accord de place où on se dit : si l'entreprise le demande, c'est quelle en a besoin et on fait un moratoire ?

ALAIN GRISET
A titre personnel, spontanément, je vous dirai comme tous les entrepreneurs : ils auraient préféré que ce soit deux ans automatique. Mais je pense que déjà les banques font beaucoup d'efforts, et le fait d'avoir quand même six cent mille entreprises qui ont ce PGE, c'est un élément très positif. On rajoute à ça ce que j'ai annoncé il y a quelques jours : depuis le 14 octobre, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, l'Etat fait des prêts participatifs.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors j'allais y venir parce que c'est important. C'est un mot qui revient dans le vocabulaire, on en avait entendu parler en 2008 : des prêts participatifs, qu'est-ce que c'est ? Est-ce que vous pouvez nous dire, Alain GRISET, qu'est-ce qui différencie un prêt participatif d'un prêt ordinaire ?

ALAIN GRISET
D'abord dans ce cas de figure-là, pour les moins de cinquante, c'est l'Etat qui prête directement sans passer par la Banque. Deuxième chose, c'est un prêt qui ne rentre pas comme une dette dans le bilan de l'entreprise, de façon à ce qu'on puisse le jour où on présente un bilan ne pas avoir une dette trop lourde qui après condamne l'entreprise pour…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est des quasi fonds propres parce qu'en cas de défaillance, c'est les derniers prêts qui seraient remboursés en fait.

ALAIN GRISET
Voilà. Et il n'y a pas de prise de participation de l'Etat dans l'entreprise mais n'empêche que c'est l'Etat qui prête.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors ce qui est intéressant, c'est que ces prêts pour les moins de cinquante salariés, pour les TPE c'est tout de suite, alors que les autres c'est l'an prochain. Là votre enveloppe à vous, elle est déjà utilisée.

ALAIN GRISET
Elle est disponible depuis le 14 octobre. C'est simple, c'est dématérialisé, ça passe par les CODEFI dans les départements avec les préfets, les directions des services publics et ce n'est pas automatique. C'est une étude du dossier.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est quoi les critères ? Je suis chef d'entreprise, j'ai vingt salariés, je veux avoir un prêt participatif de l'Etat donc je m'adresse au CODEFI. Qu'est-ce qu'on va regarder ?

ALAIN GRISET
On va d'abord regarder le fait que si l'entreprise ou pas, entre guillemets, est viable. Parce qu'on on a une enveloppe qui est limitée, on n'est plus sur cent vingt milliards. Là ce prêt participatif pour les moins de cinquante, c'est cent millions. Bon, d'abord quel est l'état de l'entreprise ; est-ce qu'elle a eu ou pas un PGE ? Donc ce sont ces éléments-là qui sont à étudier.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Si on a un PGE, on a plus ou moins de chance d'avoir un prêt participatif ?

ALAIN GRISET
Dans un premier temps, tout dépend aussi de la hauteur du PGE. Tout le monde n'a pas pris les 25 %. Donc c'est vraiment une étude au cas par cas, et la réponse au maximum dans les quinze jours, les fonds sont débloqués. C'est assez exceptionnel quand même : l'Etat qui prête directement pour ses entreprises, ce n'est jamais arrivé non plus.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors grosse inquiétude aussi dont on va parler, c'est l'explosion des délais de paiement notamment pour les PME. Ça s'était amélioré à la rentrée, on suit semaine après semaine sur ce plateau l'évolution. Là, ça flambe de nouveau et on nous dit qu'il y a dix-neuf milliards d'euros d'impayés - en tout cas en suspens - notamment dans les grandes entreprises en défaveur de leurs sous-traitants ou de leurs fournisseurs.

ALAIN GRISET
Oui, et c'est un sujet qui est préoccupant parce que les entreprises ont besoin de cette trésorerie.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais il ne faut pas du poing sur la table à un moment donné ?

ALAIN GRISET
Déjà on a alerté en disant : halte-là. J'ai dit clairement que nous regardons, si jamais il n'y a pas une rectification des comportements, pour voir de quelle manière on pourrait aller plus loin.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors comment ?

ALAIN GRISET
On voit bien qu'il y a des pays quand même, l'Allemagne les Pays-Bas, il y a quatre jours, sept jours. Nous, on était en moyenne à onze jours et demi ; là on arrive quelquefois à dix-huit, dix-neuf jours. J'ai indiqué que mon objectif, c'est qu'en 2021 on soit à dix jours. On ne va pas gagner une demi-journée, il faut vraiment qu'on…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut sanctionner ? Il faut nommer ?

ALAIN GRISET
Je pense qu'à un moment donné, Bruno LE MAIRE a dit qu'il était favorable à ce qu'on puisse avoir des éléments, à être beaucoup plus visible des mauvais payeurs, qu'il puisse y avoir une notation par exemple, qu'il puisse y avoir une information publique de ceux qui sont vraiment des mauvais payeurs. De façon à ce que l'entreprise qui travaille avec ce mauvais payeur le sache d'avance. Donc je pense qu'à un moment donné, on ne pourra pas s'en tenir à constater les choses mais effectivement il faut passer un cap, parce qu'on met en danger ces petites entreprises.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc vous menacez de citer, de nommer les entreprises qui ne jouent pas le jeu ?

ALAIN GRISET
Je dis très clairement que les entreprises dans lesquelles il y a une volonté quasi délibérée de mettre en danger les plus petites entreprises, il faudra que tout le monde le sache.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Encore une question. On en est où sur l'assurance pandémie que le gouvernement avait promis de mettre en place ? Et ça concerne évidemment beaucoup d'entrepreneurs là encore.

ALAIN GRISET
Nous y travaillons et j'espère que dans les prochaines semaines, dans les prochains mois il y aura un dispositif qui soit…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais les prochains mois, ce n'est pas trop tard ?

ALAIN GRISET
C'est une discussion qui n'est pas simple. Créer un nouveau risque, sûrement ou en tout cas en discuter avec les organisations patronales obligatoires ou pas pour les entreprises, c'est la question. Vous savez que nous avons décidé de ne pas augmenter les impôts donc on regarde quand on dit qu'il a éventuellement une nouvelle prime à payer. Et ensuite, nous voulons absolument que s'il y a une nouvelle prime à payer, il n'y ait absolument aucun doute sur le fait que si la pandémie arrive il y ait vraiment un paiement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
En cas de pandémie, le risque sera activé.

ALAIN GRISET
Voilà. Donc ça demande une négociation, le fait d'écrire les choses.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est long la négociation.

ALAIN GRISET
Ce n'est pas si long que ça. On souhaite accélérer et l'objectif, c'est que dès le début de l'année prochaine, nous ayons un outil qui soit disponible.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça y est, j'ai une date, début de l'année prochaine. On vous réinvitera pour vérifier. Merci Alain GRISET.

ALAIN GRISET
Merci à vous.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ministre des PME, Ministre délégué des PME, d'avoir été là. Vous avez annoncé donc que l'Etat allait évidemment étendre aux nouvelles zones de couvre-feu tout le dispositif d'aide pour les entreprises et les PME.

ALAIN GRISET
Tout à fait.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc le milliard par mois de Bruno LE MAIRE - vous me faites le signe - est déjà dépassé. Merci Alain GRISET.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 octobre 2020