Interview de Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, à France Info le 19 octobre 2020, sur l'assassinat de Samuel Paty, le projet de loi contre les séparatismes et l'atteinte à la laïcité dans les écoles.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Sarah El Haïry - Secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement

Média : France Info

Texte intégral

LORRAIN SENECHAL
Bonjour Sarah EL HAÏRY.

SARAH EL HAÏRY
Bonjour.

LORRAIN SENECHAL
Un professeur assassiné après un cours sur la liberté d'expression, « la peur doit changer de camp », dit maintenant l'Elysée après un Conseil de défense hier, et ce matin on apprend, à l'instant, qu'une cinquantaine d'associations seront contrôlées par l'Etat, c'est ce que dit votre collègue de l'intérieur, Gérald DARMANIN, il veut la dissolution du Collectif contre l'islamophobie en France, et il annonce des opérations de police qui ont lieu ce matin. C'est ça l'action concrète du gouvernement ?

SARAH EL HAÏRY
L'action concrète, elle doit être forte, rapide et ferme. Et ça veut dire quoi, concrètement ? Quand le président de la République dit « la peur doit changer de camp », oui, il a raison. Il n'y a aucune justification, aucune explication, ils ne doivent avoir aucun répit. Ce sont des ennemis de la République, ce sont des ennemis de la Nation, et je parle évidemment des terroristes islamistes.

NEÏLA LATROUS
Mais pour vous, ces associations qui sont ce matin perquisitionnées, ou en tout cas des enquêtes sont lancées les concernant, c'est les commanditaires de l'assassinat de ce professeur Samuel PATY ?

SARAH EL HAÏRY
Vous savez, il y a une instruction en cours, je ne pourrai pas m'exprimer sur cet élément-là, précis, mais au-delà…

NEÏLA LATROUS
Mais elles ont une responsabilité, le discours de haine qui est propagé est responsable de ce qui s'est passé vendredi ?

SARAH EL HAÏRY
Je crois qu'il y a collectivement la responsabilité de défendre les valeurs de la République, donc tous ceux qui mettront un coup de canif dans nos valeurs, alors ils ont une part de responsabilité, parce qu'ils mènent au séparatisme, parce qu'ils mènent à la violence. Sur le cas très précis de l'acte terroriste, de l'acte ignoble à Conflans-Sainte-Honorine, la chaîne de responsabilités va être mise en lumière par l'instruction en cours.

LORRAIN SENECHAL
Gérald DARMANIN parle de fatwa à l'encontre du professeur assassiné. C'est un mot qui n'est pas trop fort.

SARAH EL HAÏRY
Non, ce n'est pas un mot trop fort, c'est un mot qui qualifie les choses. Moi je pense qu'il faut dire les choses, il faut les nommer, parce que c'est CAMU qui disait : « Mal nommer les choses, c'était augmenter le malheur du monde », eh bien quand c'est dans une volonté d'islam politique de tuer un enseignant, parce qu'il enseigne la liberté d'expression, parce qu'il défend les valeurs de la République, parce que dans son cours il crée le débat autour de caricatures, alors le mot utilisé par le ministre de l'Intérieur « fatwa », est juste.

NEÏLA LATROUS
L'Elysée évoquait hier, les associations qui propagent des appels à la haine avec donc des structures proches des milieux radicalisés, concrètement que faut-il faire ? Les dissoudre, geler leurs comptes ? Au-delà des perquisitions et des enquêtes, c'est quoi l'action derrière ?

SARAH EL HAÏRY
L'action derrière, elle doit être de plusieurs formes…

NEÏLA LATROUS
Les traduire en justice systématiquement ?

SARAH EL HAÏRY
Moi, j'ai envie de vous dire oui. Tout ce qui permettra de les épuiser, de les fatiguer, de les harceler, sera bon. Il faut geler les avoirs, il faut dissoudre, il faut aller loin, et pour ça nous avons évidemment tout l'arsenal, et j'utilise ce mot volontairement, juridique actuel, mais il sera renforcé par la loi de lutte contre les séparatismes, avec un travail que moi je suis en train de mener, en particulier avec des parlementaires, avec le Conseil des sages pour la laïcité, sur la charte, une sorte de contrat d'engagement qui nous donnera encore plus de moyens.

LORRAIN SENECHAL
Alors justement à votre niveau, secrétaire d'Etat à la Jeunesse, Sarah EL HAÏRY, qu'est-ce que vous pouvez faire ? Quelles sont les mesures que vous allez porter dans le cadre de ce projet de loi contre ce qu'on a appelé les séparatismes ?

SARAH EL HAÏRY
Plusieurs éléments, le texte n'est toujours pas présenté devant le Conseil des ministres, et il serait bien imprudent d'en donner toutes les mesures…

LORRAIN SENECHAL
Ça sera le 9 décembre devant le conseil des ministres, mais il doit être présenté d'abord devant le Conseil d'Etat.

SARAH EL HAÏRY
Tout à fait, pour en donner l'esprit. Tout ce qui protégera nos enfants, tout ce qui permettra une défense de la République, tout ce qui permettra de contrôler et de vérifier que les valeurs de la République sont présentes, c'est le quotidien des associations, sera soutenu. On se dotera de moyens supplémentaires pour dissoudre, pour peut-être requalifier, pour permettre plus de contrôles en profondeur, des projets pédagogiques, on ira également sur …

NEÏLA LATROUS
Les associations, je le rappelle, c'est une partie de votre portefeuille ministériel.

SARAH EL HAÏRY
Tout à fait. Tout à fait, les associations, parce qu'aujourd'hui moi je suis en charge de la jeunesse et de l'engagement, et l'engagement c'est en fait ça prend corps dans les associations, pas que, mais ça prend pleinement…

LORRAIN SENECHAL
Donc, on a beaucoup entendu parler Emmanuel MACRON dans son discours il y a 2 semaines sur les séparatismes, en quelque sorte d'un tournant de rigueur envers des associations qui propageraient des discours de haine, vous nous dites aussi que vous allez aider les associations qui au contraire propageraient en quelque sorte la bonne parole.

SARAH EL HAÏRY
Mais exactement, parce que c'est… Quand je dis « c'est un combat collectif », c'est un combat d'une Nation. Aujourd'hui, quand la République est attaquée, c'est la Nation collectivement qui doit se lever et se… été j'ai envie de dire, s'unir, mais plus que jamais. C'est les parents, c'est évidemment les enseignants, mais c'est aussi tous les militants associatifs, et ça veut dire quoi concrètement quand on dit « la peur doit changer de camp », je vais vous donner un exemple très concret. Quand il y a un ver dans une pomme, il faut évacuer le ver, mais collectivement, et ça c'est la force du collectif, alors plus aucun espace de compromission, plus aucun espace.

NEÏLA LATROUS
On en a trop laissé pendant 5 ans, depuis Charlie Hebdo ?

SARAH EL HAÏRY
Il y a de la poussière sur le tapis, il y en a. S'il n'y en avait pas, on n'en serait certainement pas là. Par contre, la responsabilité elle est, je veux dire, elle est individuelle et collective. On ne peut plus accepter ces discours-là, mais que ce soit au travail, à l'école, dans une association ou même dans simplement un club. Les valeurs de la République doivent être défendues partout et en tout lieu.

NEÏLA LATROUS
Et renforcer la sécurité auprès des établissements scolaires, est-ce que ça veut dire forcément déployer des policiers et des gendarmes aux abords des écoles ?

SARAH EL HAÏRY
Aujourd'hui, il y a déjà des enseignants qui sont protégés individuellement, ponctuellement ou de manière plus longue, ça veut dire évidemment plus de renseignements…

NEÏLA LATROUS
Beaucoup ? Beaucoup d'enseignants protégés aujourd'hui ?

SARAH EL HAÏRY
Vous savez, ce chiffre a vocation à rester pour le moment, enfin, non communiqué, mais il y en a un certain nombre, mais comme des universitaires, comme des journalistes. La République protège ceux qui la défendent.

NEÏLA LATROUS
Donc il faut des policiers et des gendarmes aux abords des écoles.

SARAH EL HAÏRY
Il faut un maximum d'informations, des policiers, des gendarmes, mais également du renseignement et l'alerte des parents…

LORRAIN SENECHAL
Y compris…

SARAH EL HAÏRY
… l'alerte de toutes les personnes qui vivent autour de l'école. C'est là où je vous dis c'est un combat d'une… c'est le combat d'un pays, c'est le combat d'une société.

LORRAIN SENECHAL
Mais des policiers, des gendarmes aux abords des écoles, dans les écoles peut-être aussi, c'est ce que réclamait Christophe CASTANER il y a 2 ans maintenant quand il était ministre de l'Intérieur, on se souvient, c'était après ce fait divers, cette enseignante qui avait été menacée avec un pistolet factice par un de ses élèves.

SARAH EL HAÏRY
Je m'en souviens très très bien, ce n'est absolument pas la même situation. En réalité, le cas dont vous parlez, c'était de la violence à l'intérieur de l'école, et aujourd'hui des gendarmes ou des policiers rentrent pour faire de la prévention, pour expliquer dans l'école. Il n'y a pas de lieu particulier. Ce qui nous intéresse aujourd'hui concrètement, c'est comment on protège le contexte, comment on a plus de renseignements, comment les parents d'élèves prennent leur part, comment notre société dit : plus jamais, en fait, et pour dire plus jamais il faut faire bloc et c'est ce que disait le président de la République et c'est ce que nous faisons avec le ministre de l'Education nationale, pour que ce soit la ligne et en finir avec tous les sujets, pas de vagues et compagnie.

NEÏLA LATROUS
Sarah EL HAÏRY, brièvement, est-ce que vous souhaitez que ce collège du Bois d'Aulne, soit rebaptisé du nom de Samuel PATY, le collège Samuel PATY, est-ce qu'il faut des mesures symboliques de ce type-là ?

SARAH EL HAÏRY
Il faut des mesures symboliques, moi je crois dans le symbole, je crois en sa force, je crois en sa pérennité dans le temps, et ça je crois qu'il faut apporter ça. Sauf qu'à l'heure actuelle on est encore au temps de l'hommage et de l'émotion, arrivera je crois les propositions.

LORRAIN SENECHAL
Mais justement, ça serait un bel hommage.

SARAH EL HAÏRY
C'est une discussion à avoir avec les familles. Vous savez, ce professeur il a des collègues, il a une famille, il y a je pense le temps vraiment des quelques jours qui arriveront, mais c'est comme tous les sujets sur quel, est-ce qu'on donne son nom, est-ce que il va au Panthéon, est-ce que on donne son nom à un espace, à une rue, quel hommage ? Tout ça je pense sera levé dans les jours qui arrivent.

LORRAIN SENECHAL
Hommage national d'ailleurs après-demain, est-ce qu'on sait où il va avoir lieu cet hommage national ?

SARAH EL HAÏRY
Non, je n'ai toujours pas cette information, par contre ce que je retiens c'est que c'est un enseignant, c'est l'école, alors il y a un hommage national, parce qu'encore une fois c'est la Nation qui doit faire bloc.

LORRAIN SENECHAL
Sarah EL HAÏRY, vous restez avec nous, secrétaire d'Etat à la Jeunesse et à l'Engagement, on jette juste un coup d'oeil sur le « Fil info » à 08h40, avec Diane FERCHIT.

-Fil info-

LORRAIN SENECHAL
Sarah EL HAÏRY, secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse et de l'Engagement, invitée ce matin du 8.30 France Info. L'assassin qui a tué ce professeur, Samuel PATY, il n'était pas fiché S, il n'était pas connu des services de renseignements pour radicalisation. Laurent NUNEZ, qui était à votre place hier, appelle ça « la menace insidieuse ». Ecoutez le coordinateur national du renseignement.

LAURENT NUNEZ, COORDINATEUR NATIONAL DU RENSEIGNEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
Il y a des situations plus insidieuses, et qui sont celles, et qui sont celles que manient l'islam politique et le séparatisme, qui sont des menaces qui ne sont jamais directes, ce sont toujours des menaces indirectes, insidieuses, on va dénoncer des propos qui sont tenus contre le prophète, on les met sur les réseaux sociaux, et on donne, on désigne l'auteur de ce qui serait à l'origine de cette polémique. Et je crois qu'il nous faut maintenant travailler à la façon de mieux appréhender, de mieux cerner ces menaces indirectes.

LORRAIN SENECHAL
Sarah EL HAÏRY, est-ce qu'on est dépassé face à cette menace insidieuse, donc ?

SARAH EL HAÏRY
Non. Non, on n'est pas dépassé parce que vous savez, aujourd'hui nos forces de l'ordre, nos forces de renseignements, déjouent un attentat par mois. Parce que hier il y avait, hier et avant-hier il y avait de l'unité dans notre pays, il y a une sorte de volonté de faire front, devant l'effroi il y avait de l'unité, et de l'unité républicaine. Donc non nous on est le pays des Lumières, on est le pays…

NEÏLA LATROUS
Vous dites vous-même « on a mis la poussière sous le tapis ».

SARAH EL HAÏRY
Oui, bien sûr, la poussière a été mise sur, sous le tapis pendant un certain temps, mais ça ne veut pas dire aujourd'hui le tapis n'est pas soulevé, le président de la République l'a réitéré avec fermeté, la réponse elle est partout.

NEÏLA LATROUS
Que dites-vous aux Français qui disent : ce discours on l'entend depuis 5 ans, et il ne se traduit pas forcément en actes, on a toujours des drames ?

SARAH EL HAÏRY
Aujourd'hui, le terrorisme est un fléau mondial, on le voit, sauf que dites-moi, rappelez-moi dans les 20 dernières années à quel moment on a aussi bien nommé les choses ? A quel moment on s'est attaqué aux racines du mal ? Où on repart éveillé…

LORRAIN SENECHAL
Vous parlez du mouvement de sursaut, hier on avait l'impression de revoir les images de janvier 2015, ça veut dire qu'en 5 ans rien n'a changé, on est à nouveau peut être debout face au terrorisme…

SARAH EL HAÏRY
On ne peut pas dire ça.

LORRAIN SENECHAL
… peut-être qu'on le nomme, mais est-ce que les choses ont changé ?

SARAH EL HAÏRY
Il y a beaucoup de choses qui ont été faites, et moi je vais vous parler de, juste de ce qui a été fait depuis 3 ans. Un Conseil des Sages, pour l'école en particulier, un Conseil des Sages de la laïcité, qui a été créé par Jean-Michel BLANQUER, une loi qui durcit à l'Assemblée nationale, avec, à l'époque c'était Gérard COLLOMB qui était ministre de l'Intérieur. On a depuis également des référents laïcité dans les rectorats, on a plus que jamais aujourd'hui, plus d'outils, en tout cas plus que jamais d'outils pour lutter contre, mais la vraie réponse, et je veux dire, je suis désolée, et en même temps c'est ma responsabilité de le répéter, la seule réponse face à ce fléau c'est aujourd'hui l'unité de notre Nation, dans la lutte, dans l'action, dans la capacité à dénoncer et à ne pas accepter.

LORRAIN SENECHAL
Alors, vous parlez des atteintes à la laïcité, et des remontées qui sont désormais faites, mais le bilan c'est un millier, même pas, d'atteintes à la laïcité qui ont été repérées dans les classes de France. Je rappelle qu'il y a 12 millions d'élèves, un million d'enseignants, est-ce que ce n'est pas un petit peu dérisoire ?

SARAH EL HAÏRY
Non, ce n'est pas dérisoire parce qu'aujourd'hui c'est accompagné. C'est 953 exactement, atteintes à la laïcité, elles ont été caractérisées, suivies, accompagnées, c'est tout l'environnement autour de ces atteintes qui a été, comment dire, qui a été expertisé, et surtout corrigé, parce que voir une atteinte et je veux dire la rentrée, qu'elle intègre un chiffre, c'est une chose, lutter contre les conséquences qu'ils l'ont amenée, c'est la priorité.

LORRAIN SENECHAL
Mais alors, qu'est ce qui se passe une fois qu'une atteinte à la laïcité a été repérée dans une classe, remontée dans les services du ministère ? Quelle réponse est donnée par…

SARAH EL HAÏRY
Il y a l'accompagnement de cette construction de ce citoyen de demain, ce citoyen éclairé, c'est-à-dire qu'il y a des échanges avec les parents, des échanges avec le corps enseignant, avec l'élève lui-même, le cadre dans la classe qui a vécu ou qui a subi cette atteinte à la laïcité, c'est toute la famille aujourd'hui de l'Education nationale qui s'unit pour répondre à toutes ces atteintes, et surtout ne pas laisser…

LORRAIN SENECHAL
Donc on convoque tout le monde, les parents, les enfants…

SARAH EL HAÏRY
Bien sûr.

LORRAIN SENECHAL
… les enseignants, la Direction.

SARAH EL HAÏRY
Il y a des débats qui sont rouverts à l'intérieur des classes. Pourquoi ? Parce qu'il faut donner les moyens à nos enfants d'identifier quand il y a une atteinte, de mieux comprendre, de vivre ce débat, c'est pour ça que montrer ces caricatures, en débattre et parler de la liberté d'expression, c'est essentiel dans le pays où nous vivons, et c'est notre héritage qui est à défendre.

NEÏLA LATROUS
Il y a quelques instants, vous évoquiez l'ancien ministre de l'Intérieur, Gérard COLLOMB, qui hier craignait que les minutes de silence ne soient pas respectées à la rentrée, est-ce que vous le craignez aussi et est-ce que chaque minute non respectée ou en tout cas chaque contestation, doit faire l'objet d'un signalement ?

SARAH EL HAÏRY
Les conséquences d'une minute non respectée et de ce que ça générera, évidemment devra être accompagné par les référents laïcité, parce qu'il faudra comprendre…

NEÏLA LATROUS
C'est-à-dire, vous dites aux professeurs, aux enseignants, aux surveillants : ça doit être signalé systématiquement ?

SARAH EL HAÏRY
On a dit évidemment, qu'il faut oui, oui, oui toujours alerter. Ne pas respecter un symbole, ne pas respecter notre drapeau, ne pas respecter une minute de silence, pour la mort d'un martyr de la République, pour un hussard de la République, eh bien oui ça doit être signalé, parce que c'est ce qui permettra au corps enseignant de comprendre qu'est-ce qui se passe derrière. Vous savez, un jeune, un enfant, qui ne respecte pas cette minute, ça veut dire qu'il se passe quelque chose, qu'il se passe quelque chose ou dans sa maison ou qu'il y a quelque chose à comprendre, à débattre, à dépasser. Il ne faut pas accepter aucun, à aucun moment de passer ça sous silence. C'est ça la réalité. Arrêter de passer ça sous silence.

LORRAIN SENECHAL
Ça veut dire qu'il faut montrer les caricatures de Charlie Hebdo ? Vous appelez les professeurs à les montrer, à en discuter en classe ?

SARAH EL HAÏRY
Oui, et de les montrer, d'en débattre, de ne pas avoir peur, de continuer à enseigner à la française, c'est notre histoire, c'est notre responsabilité, et si on venait à ne plus le faire, ça veut dire que les ennemis de la République, ces terroristes islamistes auront gagné, et il en est hors de question.

NEÏLA LATROUS
Proposition de Jean-Luc MELENCHON hier sur LCI. Ecoutez.

JEAN-LUC MELENCHON
Moi je pense qu'il y a un problème avec la communauté tchétchène en France, donc je pense qu'il faut reprendre un par un tous les dossiers des Tchétchènes présents en France, et que tous ceux qui ont une activité sur les réseaux sociaux, comme c'était le cas de l'assassin, ou d'autres, qui sont des activités de l'islamisme politique, je dis bien l'islamisme politique, pas l'islamisme religieux, la prière et le reste, doivent être capturés et expulsés.

NEÏLA LATROUS
Sarah EL HAÏRY, secrétaire d'Etat à la Jeunesse et à l'Engagement, est-ce qu'il faut accroître la surveillance de certaines communautés, comme semble le dire Jean-Luc MELENCHON ?

SARAH EL HAÏRY
Je vois bien que monsieur MELENCHON, d'un coup parle de la communauté tchétchène en particulier, vous savez moi je n'ai pas l'expertise pour dire telle communauté ou telle communauté, ce que je sais c'est que la réponse elle sera d'abord un accompagnement plus fort des renseignements aujourd'hui dans notre pays, c'est des budgets qui ont été augmentés depuis 3 ans et qui sont accompagnés par le ministre de l'Intérieur. Par contre il dit, il soulève un point important : la question des réseaux sociaux. Oui il y a un vrai débat, et un vrai sujet aujourd'hui autour des réseaux sociaux, c'est quand même fou qu'une telle violence peut comme ça se déverser sans qu'il se passe des fois rien, et c'est ça qui inacceptable, les réseaux sociaux on peut en faire le meilleur comme on peut en faire le pire. Le pire nous l'avons vécu, nous continuons à le vivre et il faudra aussi lutter sur les réseaux sociaux, sur la question de l'anonymat, mais également sur le signalement, avec les plateformes. Je crois que c'est un terrain évidemment, qu'il faut se réapproprier et il ne faut pas accepter le consensus ou…

LORRAIN SENECHAL
On va continuer de parler de la lutte contre la haine en ligne dans un instant, avec vous Sarah EL HAÏRY. Je précise quand même que ce matin, encore une fois, le ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN, qui parle de fatwa en parlant de ces vidéos qui ont été mises en ligne par des parents d'élèves, des prédicateurs, et qui visaient justement ce professeur d'histoire-géo. On va juste jeter un coup d'oeil sur le Fil info à 08h40, Diane FERCHIT

-Fil info-

LORRAIN SENECHAL
Sarah EL HAÏRY, secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse et de l'Engagement, invitée ce matin du 8 :30, France Info, une question de Neïla LATROUS.

NEÏLA LATROUS
Il y a quelques mois, le Conseil constitutionnel censurait la loi Avia, qui proposait de lutter contre la haine en ligne, on a appris ce matin que certaines dispositions seront réactivées, ce qui avait particulièrement ému les sages à l'été, c'est la mise à l'écart du juge dans la définition de ce qu'est ou non un contenu illicite. A ce sujet, Laetitia AVIA, ce matin, sur France Info.

LAETITIA AVIA, DEPUTEE LREM DE PARIS
On parle de millions de contenus, et on pourrait multiplier le budget de la Justice par 100, par 1.000, on n'arriverait pas à atteindre cet objectif, en revanche, on peut faire opposer d'autres types d'exigences sur les plateformes, notamment dans le traitement des signalements, il faut mettre en oeuvre un cadre qui permette une vraie modération de qualité avec les outils nécessaires, et de l'investissement de la part des plateformes, elles doivent investir davantage à la modération, et ensuite, il faut que les pouvoirs publics puissent prendre le relais.

NEÏLA LATROUS
Les responsables France de ces plateformes, de ces réseaux sociaux sont convoqués demain au ministère de l'Intérieur, jouent-ils suffisamment leur rôle aujourd'hui dans la lutte contre le discours haineux, Sarah EL HAÏRY ?

SARAH EL HAÏRY
Ce qui est certain, c'est qu'ils ont un rôle plus important à jouer, et ça, c'est une certitude.

NEÏLA LATROUS
Ils n'en font pas assez aujourd'hui ? Ils peuvent faire mieux ?

SARAH EL HAÏRY
Mais écoutez, non, ils peuvent faire beaucoup mieux, et ils peuvent faire beaucoup plus, vous savez, la loi Laetitia AVIA, celle que nous avons votée, moi, je l'ai votée, j'étais à l'époque à l'Assemblée nationale, et je l'ai votée très facilement et avec le sentiment d'un outil dont nous avons besoin, aujourd'hui, sur ces réseaux sociaux, quand je dis : on peut avoir le meilleur, vous montriez pendant le fil info que des jeunes se sont engagés sur The Event, ils ont, par leur action, levé 5,7 millions d'euros à Amnesty International, typiquement, la lutte pour les Droits de L'Homme, ça, c'est le meilleur, mais on a vu le pire, et on l'a vécu ce week-end, c'est pour ça que les plateformes aujourd'hui, leur rôle, leur responsabilité dans notre société est plus grand encore qu'un simple outil qui permet de se mettre en connexion…

LORRAIN SENECHAL
Oui, mais comment on les contraint, concrètement, à faire plus comme vous dites, Laetitia AVIA parle de renforcer la modération, comment est-ce qu'on les pousse à investir dans la modération ?

SARAH EL HAÏRY
Plusieurs pistes existent aujourd'hui, évidemment, il y a la piste pécuniaire qui existe et qui peut sévir, il y a la question aujourd'hui de quelle place…

LORRAIN SENECHAL
Qu'est-ce que ça veut dire, des amendes si elles ne modèrent pas assez leurs contenus ?

SARAH EL HAÏRY
Ça a été le débat, bien sûr, ça a été le débat qui a existé, ça a été également la restriction, aujourd'hui, quelles sont les règles applicables au nombre de modérations, je vais donner un exemple concret, parce que je crois que dans le propos général, c'est moins lisible, il faut un certain nombre de clics et de signalants pour qu'un propos soit supprimé, aujourd'hui, ce sont des algorithmes et des robots qui disent : est-ce que c'est raciste, haineux, homophobe, antisémite ou est-ce que c'est un appel à la haine…

NEÏLA LATROUS
Il faut que ce soit des humains ?

SARAH EL HAÏRY
Il faut une part peut être d'humanité supplémentaire…

NEÏLA LATROUS
Il faut abaisser le seuil…

SARAH EL HAÏRY
Et il faut abaisser le seuil, il faut absolument abaisser le seuil, il faut que ces signalements déclenchent plus vite des suppressions, des retraits, voire des alertes plus importantes quand une personne, un profil a été signalé plusieurs fois…

NEÏLA LATROUS
C'est une des pistes qui est envisagée dans les dispositifs juridiques d'abaisser le seuil, mettre plus d'humain… ?

SARAH EL HAÏRY
Les travaux sont en cours entre la ministre en charge de la Citoyenneté et les plateformes, et évidemment, on arrivera à des conclusions et à des propositions très concrètes, parce que ces plateformes, ça peut être la réponse et ça peut être aussi une des variantes de la propagation du discours de haine qui mène aussi au séparatisme et à la radicalisation…

LORRAIN SENECHAL
Il n'est plus question aujourd'hui de forcer les opérateurs, Facebook, Twitter, etc, à retirer des propos considérés comme haineux, ou en tout cas…

SARAH EL HAÏRY
Aujourd'hui, c'est le cas, nous, on peut le faire avec des décisions de justice, la seule la seule contrainte…

LORRAIN SENECHAL
Avec des décisions de justice ?

SARAH EL HAÏRY
Bien sûr…

LORRAIN SENECHAL
Mais ça prend du temps…

SARAH EL HAÏRY
Ça prend du temps. Aujourd'hui, c'est le temps, c'est également l'anonymat et les outils nécessaires pour lever ou trouver l'identité des personnes qui publient, vous savez, je vais donner un seul exemple, dans un journal, quand quelqu'un écrit quelque chose, même sous pseudo, il y a la responsabilité qui peut être engagée du responsable de la rédaction et de la publication, sur une plateforme, sans parler de responsabilité de la plateforme, il y a quand même la responsabilité de qu'est-ce qui a été mis en oeuvre pour qu'un discours haineux ne soit pas diffusé.

LORRAIN SENECHAL
Ça veut dire que le directeur de Facebook France aurait la responsabilité de ce que les utilisateurs français de Facebook mettent sur leurs pages.

SARAH EL HAÏRY
Ce n'est pas exactement mes propos, moi, ce que je dis, c'est, aujourd'hui, le directeur, les directeurs de toutes les plateformes aujourd'hui ont la responsabilité de quelles équipes ils mettent pour modérer ce qui se passe sur leur plateforme, quels sont les outils…

LORRAIN SENECHAL
Il faudra qu'il montre qu'il a tout mis en oeuvre pour éviter la propagation de…

SARAH EL HAÏRY
Aujourd'hui, les débats et les échanges sont en cours, mais oui, il faut se saisir plus de modération, plus d'outils pour arrêter cette diffusion de ces discours qui gangrènent aujourd'hui notre société.

NEÏLA LATROUS
Sarah EL HAÏRY, dans votre portefeuille aussi la gestion du service national universel, qui prévoit des ateliers sur l'égalité femmes-hommes ou sur la prévention de la radicalisation, est-ce qu'il sera toujours obligatoire, on a l'impression qu'il pâtit de la crise sanitaire, et est-ce que ces stages ont vocation à être renforcés ?

SARAH EL HAÏRY
Ces stages ont vocation à être renforcés, je suis en train de travailler dessus, il a été réaménagé dans la situation…

NEÏLA LATROUS
C'est un outil ?

SARAH EL HAÏRY
C'est une réponse même, j'ai envie de vous dire, c'est une réponse parce que c'est une colonne vertébrale qui permettra à toute une jeunesse, à toute une classe d'âge de 800.000 jeunes, d'un coup, d'avoir ce sentiment d'appartenance à la nation, ce creuset républicain, et à l'intérieur de ce service national universel souhaité par le président de la République, porté par le gouvernement, mais mis en oeuvre par mon ministère, ça sera une réponse, une vraie politique jeunesse plus forte encore, parce que ça créera des citoyens, ça leur permettra d'avoir des cartes en main et d'être mieux dotés face aux dangers et aux enjeux de notre société.

LORRAIN SENECHAL
Donc le SNU sera toujours obligatoire, c'est bien l'objectif, 800.000 personnes qui seront concernées à partir de quand, est-ce qu'on a déjà une idée, ou est-ce que le coronavirus perturbe tout ?

SARAH EL HAÏRY
Aujourd'hui, le coronavirus bouscule la montée en puissance, en charge, mais juste pour votre information, actuellement, il y a un SNU en Nouvelle-Calédonie qui est en cours, et il y a des jeunes qui sont en SNU partout sur notre territoire dans des missions d'intérêt général.

LORRAIN SENECHAL
Neïla LATROUS dernière question, très rapidement.

NEÏLA LATROUS
Peut-être un mot de la crise sanitaire, puisqu'on l'évoque, le couvre-feu frappe de plein fouet la jeunesse dans les grandes métropoles, en cette période de vacances, elle espérait un peu peut-être relâcher prise, est-ce que vous comprenez ceux qui disent : on va faire la fête toute la nuit, ou est-ce que vous relancez un appel à vigilance ?

SARAH EL HAÏRY
Evidemment, je rappelle à un appel à la vigilance, je dis à toute cette jeunesse de France : vous êtes la solution, nous avons besoin de vous pour sortir de cette crise…

NEÏLA LATROUS
Pas de fête à la Toussaint ?

SARAH EL HAÏRY
Eviter les fêtes à la Toussaint, évitez les fêtes à la Toussaint…

LORRAIN SENECHAL
Mais comme Emmanuel MACRON, vous ne voulez pas stigmatiser les jeunes…

SARAH EL HAÏRY
Mais bien sûr que non…

LORRAIN SENECHAL
C'est dur d'avoir 20 ans aujourd'hui…

SARAH EL HAÏRY
Je suis la ministre de la Jeunesse, moi, je crois que la jeunesse, elle a en elle cet ADN pour permettre de transformer le monde ; ils bousculent notre quotidien, ils passent leur temps à réinventer la manière dont on mange, dont on communique, dont on utilise les outils informatiques, et je sais que, en eux, ils ont l'énergie pour passer cette étape, inventons, réinventons la manière peut-être de passer cette étape difficile, oui, elle est difficile, mais eux ont la chance et la possibilité de faire que nous sortions de cette période de crise, alors nous avons confiance en vous, gardez ces gestes barrières, soyez-en même les ambassades, et c'est comme ça qu'on sortira de cette période de crise collectivement.

LORRAIN SENECHAL
Message positif donc pour clore cette interview. Merci beaucoup Sarah EL HAÏRY, secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse et de l'engagement.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 octobre 2020